ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES

Copyright © Patrick Émile Carraud, 2013 

OVIDE — Publius Ovidius Naso


BIOGRAPHIE :

(–43 - 17 ou 18)
Né à Sulmona en 43 avant n.è. Mort à Tomes en 17 ou 18 de n.è.
Chevalier romain. Magistrat. Poète.

« […] Quand, à l'exemple du prince (et le monde entier s'y conformait), notre Ovide eut quitté sa première épouse, il en prit une seconde, un peu mieux née, un peu plus belle, assez jolie, assez volage, et telle enfin qu'on en voit un grand nombre en ce fameux treizième arrondissement où le mariage libre a creusé ses alcôves et caché ses berceaux ; […].

« En un mot, cette autre épouse appartenait à la race habile et complaisante des femmes faciles, que l'on dirait nées exprès pour le divorce. Il y en a beaucoup chez tous les peuples civilisés, de ces harpies au beau plumage, faites pour le piège et pour la proie. Elles s'avancent d'un pas libre, aisé, facile, aux sons lascifs des flûtes provocantes; elles se disent, au départ, que les honteuses seules perdent au jeu de la vie, et elles s'arrangent de façon à ne rien perdre. Elles étaient nées pour le vice et pour le commandement, pour plaire et pour régner, et elles obéissent à la loi de leur être. Esclaves, elles passaient de leur esclavage à l'affranchissement ; affranchies, elles jouaient le jeu des grandes coquettes : Ninon de Lenclos, la comtesse d'Olonne, Sélimène, ou madame de Pompadour.

« La liberté qu'on leur donnait était un raffinement de tous les vices dont elles étaient le centre et l'écho ; leur liberté était une licence, et vraiment il faut qu'elles aient été bien belles, pour que leur nom pardonné remplisse encore aujourd'hui les histoires, les contes, les comédies et tous les poëmes de l'amour ! De ces ambitieuses qui barbottent au pied des trônes, Rome, sous le règne d'Auguste, en était remplie, et Rome adoptait l'une et l'autre, allant, contente, au gré du prince, au gré des poètes, de Lesbie à Glycère, de Cynthie à Néobule, de Néère à Lalagé, de Lydie à Cynare ! Les moins avancées, les moins ambitieuses, les moins belles, parmi ces torches et ces cribles, quand elles n'épousaient pas le consul, se contentaient d'un chevalier romain. Ainsi les deux premières femmes d'Ovide appartenaient à cette espèce de nation libre ; il les avait prises à l'essai, et il n'a pas même songé à nous raconter leur conduite et le nom qu'elles portaient… […]

« Sa troisième épouse elle-même (il s'est marié trois fois), sans doute par habitude, il ne l'a pas nommée ; on sait cependant que ce dernier mariage était un mariage honnête et sérieux. La dame était une descendante de ce Fabius, surnommé Cunctandor, qui avait sauvé, par sa prudence et ses habiles lenteurs, la république à demi vaincue : Cunctando restituit rem. Elle touchait aux vraies Romaines, aux Camille, aux Pauline, aux grands noms des grandes familles et des belles tragédies : Emilie, Pauline, Cornélie, Pulchérie, et vous aussi, Junie en simple appareil. Ces matrones romaines, ces femmes de bonne maison, gardaient encore, au temps d'Auguste, le souvenir et le respect des vertus anciennes.

« On en vit, plus tard, sous les Tibère et les Néron, quelques-unes des mieux inspirées et des plus vaillantes, qui se plongeaient le poignard dans le cœur, et qui, le tirant, tiède encore, de leur poitrine ouverte : — « Allons, disaient-elles à l'époux tremblant, frappez-vous, ça tue, et ça ne fait pas de mal. » D'autres, errantes dans les bois, fugitives dans les exils, cachées dans les cavernes, défiant la tyrannie, emportaient leur époux et leurs enfants, prêtes à affronter même le sable et les lions de la Libye. Ovide eut donc enfin une femme illustre, et faite sur ces grands modèles. Qu'il l'ait aimée, honnêtement, fidèlement, comme un galant homme aime une honnête épouse, on ne saurait le dire; mais qu'il l'ait entourée, à chaque instant, de ses hommages et de ses respects, la chose est sûre, et ne peut se nier. « Ma femme était originaire du riche pays des Falisques… » C'est ainsi qu'il commence une admirable description des fêtes de Junon, où « les chastes prêtresses célébraient la déesse par des jeux solennels. » L'exil vint plus tard, qui, par l'admirable entraînement et l'obstination vertueuse que le malheur seul donne aux âmes bien trempées, serra les liens de la femme et du mari, et, les ayant noués par le respect, les fît enfin éternels. Celle-là aussi, la femme d'Ovide, elle tenait à la race hardie et généreuse de ces femmes illustres que l'exil ne saurait atteindre, et qui ne courbera pas la tête dans l'exil.

« Le dévouement et l'honnête amour appartiennent aux races vaillantes. La courtisane amoureuse est une fiction d'un temps de décadence.

« Au contraire, c'est le caractère des femmes de fortune et de joie : elles s'en vont, quand s'en va la fortune, oublieuses et négligentes de tout le reste. En vain elles juraient à leur amant, à leur poëte, un amour qui ne finira pas ; le même instant qui perdait cet homme adoré dispersait cette foule ingrate, et pas une n'est restée fidèle au malheur, parmi ces Glycère, ces Chloë, ces Tyndaris. Lydé s'est enfuie à la première disgrâce, et Phyllis s'est voilé la face ! Ne comptez pas sur Astérie et sur Corinne, pauvre amoureux que l'exil entraîne, et ne comptez pas sur les volages amours. […]

« Ils parlaient, autrement, de la matrone romaine, Ovide aussi bien qu'Horace; ils savaient comme il en faut parler, avec quelle déférence et quel profond respect !

« L'épouse ! Il n'y a pas une force égale à cette force ; une consolation comparable à cette consolation. Oublions cependant ces mariages, sitôt conclus, sitôt brisés: ce ne sont pas des mariages, ce sont des rencontres. La vraie et sincère épouse est celle-là qui comprend le poète, et qui l'honore. Elle l'adopte ; elle le protège; elle le défend; elle est fidèle et dévouée aux temps heureux ; elle est constante et courageuse aux temps difficiles. Et pendant que la courtisane oublie, et passe à d'autres amours, l'épouse attend ; l'épouse espère ; elle est la voix qui console ; elle est le compagnon ; elle est le rempart ; elle est surtout le courage et l'inspiration, l'indulgence et le pardon même.

« Ovide eut donc ce grand honneur de rencontrer, après son deuxième divorce, une honnête et glorieuse épouse, indulgente et dévouée. Il était riche, et la mort de son frère avait doublé sa fortune. 0 mon frère :

« Il emporte, en mourant, la moitié de mon âme !

« Et comme il ne pouvait pas, honnêtement, rester un oisif, un rêveur, un Athénien, un lecteur d'Homère et d'Anacréon, il accepta les magistratures qui lui furent offertes, disons mieux, imposées.

« Ces pouvoirs despotiques, s'ils sont intelligents, lorsqu'ils remplacent habilement l'exercice assidu des plus complètes libertés, ont grand soin de ne pas abolir les anciennes magistratures, les anciens emplois, les charges même les plus contraires, en apparence, au jeu silencieux des nouveaux pouvoirs. Ils font plus; non seulement ils maintiennent ces magistratures et ces emplois secondaires, mais ils les favorisent; et s'ils les diminuent du côté de l'autorité, ils les augmentent dans tout ce qui tient au salaire, aux privilèges honorifiques, à l'apparence extérieure. Lui-même, l'empereur Auguste, habile, impérieux, calme, attentif aux moindres détails de sa toute-puissance, attaché pendant près d'un demi-siècle à son œuvre, et cherchant la popularité, même dans les ruines du passé, il y avait des jours où il semblait briguer certaines charges populaires, qu'il avait abandonnées à l'élection, et quand , par bonheur, il était choisi, il s'en montrait glorieux et même étonné. Le lendemain de ce triomphe inespéré, les sacrifices les plus somptueux étaient offerts, au nom du nouvel élu, sur les autels de Jupiter.

« Donc, pour obéir au prince, autant que pour être un homme occupé, Ovide accepta plusieurs de ces petites magistratures, dont le titre et la formule avaient survécu au complet anéantissement de la république. Il fut d"abord triumvir, jusqu'au moment où l'empereur Auguste éprouva la légitime ambition d'être à son tour… tribun du peuple ! Élu d'une voix unanime, Auguste retint, pour lui-même, cette magistrature élective, et, jusqu'à la fin de sa vie, il voulut ajouter à son titre d'empereur ce titre absolu, formidable, et fécond en révolutions, en tumulte, en libertés de toute espèce. En remontant la liste éloquente de ces tribuns du peuple, on rencontrait le terrible et superbe Caïus Gracchus… Et plus loin, on voyait apparaître le vengeur Virginius.

« Quand il eut passé par le triumvirat, Ovide accepta l'emploi de centumvir, c'est-à-dire qu'il devint un des trois juges nommés par chaque tribu, une espèce de cour souveraine dont la décision était sans appel. C'était encore, en ce temps-là, une justice formidable; elle avait perdu les faisceaux consulaires, elle avait gardé la hache, emblème d'une justice expéditive…

« Eh ! vraiment, disait plus tard Ovide en se rappelant son ancienne dignité, il me semble que ceux qui comparaissaient au tribunal des centumvirs, ne se sont jamais plaints de la justice et de l'équité de leur juge. » Il y a pourtant ceci d'étrange : une hache aux pieds d'Ovide ! Il est vrai qu'à Londres même (et quoi de plus semblable au patriciat romain, que le patriciat anglais?), le charmant et débauché Fielding était un des juges de paix de la ville de Londres, et qu'il a laissé dans cette justice urbaine un très-honorable et très-cher souvenir. […]. » (In : Ovide (Publius Ovidius Naso). Les Amours d'Ovide. L'Art d'aimer. Les Cosmétiques. Traduction de MM. J. Mangeard et Héguin de Guerle. Suivis d'Imitations d'Ovide par Régnier et précédés d'une étude sur Ovide et la Poésie amoureuse par Jules Janin. Paris : Garnier Frères, libraires-éditeurs, 1894. CXV p. et 366 p. P. XXII-XXVII — extraits de : Ovide et la Poésie amoureuse par Jules Janin).

Ovide naquit dans une famille aisée (il appartenait à l'ordre équestre), à Sulmona (dans les Abruzzes ; au nord de Naples, à l'est de Rome) en l'an 43 avant notre ère, et mourut, en exil, à Tomes (Tomis, au nord de Constantza, sur le littoral occidental de la mer Noire [l'ancien Pont-Euxin] ; probablement dans une île dont il aurait été propriétaire : l'Insula Ovidiu, de nos jours dans une lagune isolée de la mer Noire par un cordon littoral ; à proximité de Constantza donc, à moins d'une centaine de kilomètres au sud des bouches du Danube, en actuelle Roumanie, pays anciennement peuplé par les Gètes — aussi nommés Goths), en l'an 17 (ou en l'an 18) de notre ère.

La mesure d'exil, de relégation sans privation de ses biens, prise par l'empereur Octave Auguste à son encontre (par édit), en l'an 8 (de notre ère), serait due, selon une hypothèse généralement émise, à l'immoralité, toute relative, de son ouvrage « L'Art d'aimer ».

« L'Art d'aimer » ne fut pas le seul ouvrage que nous a laissé Ovide. Il en écrivit de nombreux autres dont certains ne nous sont parvenus que fragmentairement, et d'autres qui furent perdus. Son œuvre la plus remarquable semble bien être « Les Métamorphoses », poème épique, illustrant des thèmes mythologiques ; un texte se distingue tout particulièrement parmi ses autres ouvrages « Les Fastes », texte issu de recherches sur le calendrier romain, et relatives aux fêtes religieuses.

 

BIBLIOGRAPHIE :

Quelques titres : Les Amours (élégies amoureuses ; 3 livres) ; L'Art d'aimer (conseils aux amoureux, conseils érotiques, en vue de rapports harmonieux entre les sexes, en vue d'une plus grande volupté) ; Le Remède d'Amour (Ou : Les Remèdes d'Amour, ou encore : Le Remède de l'Amour ; 1 livre) ; Les Cosmétiques (ou : Les Fards) ; Les Héroïdes (missives imaginaires de différentes héroïnes de l'Antiquité ; 2 livres) ; Médée (tragédie — perdue) ; Les Métamorphoses (poèmes — récits mythologiques ; 15 livres) ; Les Fastes (vers 15 de n.è. ; 12 livres — les 6 derniers en sont perdus) ; Les Tristes (poèmes rédigés en exil ; 3 livres) ; Les Pontiques (poèmes rédigés en exil ; 2 livres)…



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