ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES

Copyright © Patrick Émile Carraud, 2003 

SŒMUND (ou SÆMUND) SIGFUSON, LE SAGE (ou LE SAVANT)

SNORRI (ou SNORRE, ou SNORRO) STURLUSON (ou STURLESON, ou Fils de STURLA)


BIOGRAPHIES :

Sœmund Sigfuson le Sage — fin du XIe siècle, commencement du XIIe ; il meurt en 1133.
Compilateur, poète, prêtre.

Snorri Sturluson est né en 1178 (ou en 1179) en Islande. Il est mort en 1241.
Historien, annaliste, grammairien, poète, homme de loi.

Un siècle environ après la conversion contrainte des Islandais au christianisme, Sœmund (ou Sæmund) Sigfuson, le Sage, prêtre et poète issu d'une importante famille islandaise comptant parmi ses aïeux un roi de Norvège, rédigea un recueil de poèmes, l'Edda (Edda en vers, ou Edda poétique, ou encore Edda rythmique), un recueil de chants mythologiques, héroïques, historiques et didactiques remontant jusqu'au VIe siècle (dont certains matériaux constitutifs remontent plus loin aussi), et conservés encore par la tradition, mais commençant à se perdre.

Un siècle après Sœmund Sigfuson le Sage, soit deux siècles environ après la conversion forcée mentionné ci-dessus, Snorri Sturluson, au commencement du XIIIe siècle, s'employa à la rédaction d'une œuvre en certains points similaire à l'Edda de Sœmund, et que l'on nomme l'Edda en prose, où il s'efforce de rendre, face au progrès de la christianisation, plus aisément compréhensible à ses contemporains l'héritage culturel national islandais, en en développant les restes en un vaste et consciencieux commentaire, où sont explicités les dogmes anciens, racontés les faits historiques originels, éclaircies les allégories ; l'Edda en prose se compose d'un ensemble de textes historiques, de préceptes de poésie, de règles de grammaire et de rhétorique plus particulèrement destinés aux scaldes.

L'Edda en prose comprend quelques éléments inconnus de l'Edda poétique, comme par exemple l'Incantation de Heimdall et deux autres poèmes (un sur les Vanes et un sur le dieu Loki). Mais l'Edda en prose ignore de nombreux éléments composant la matière de l'Edda poétique. À tout cela rien de très étonnant, car Snorri Sturluson n'a pu connaître l'Edda poétique telle qu'elle nous est parvenue. Comme nous ne pouvons connaître sûrement quels sont les éléments de l'Edda en prose que Snorri Sturluson a composés lui-même. Les Eddas, en effet, la chose est avérée ont subi au cours des âges certaines modifications, certains ajouts.

Notons-le, Snorri Sturluson n'emploie pas le nom d'Edda, qu'il ignore en ce sens, pour titrer aucun de ses écrits.


Snorri Sturluson est le plus important littérateur de l'Islande ancienne.

Il est né à Hvammr (Islande occidentale). Il était le troisième fils, le benjamin, de Hvamm-Sturla Thordarson. La famille de Sturla, les frères de Snorri, comme lui-même, mais pour d'autres raisons, marquèrent leur temps.

Le jeune Snorri Sturluson fut placé par son père, en gage de réconciliation après un long différent, auprès de Ion Loptson, petit-fils du prêtre Sœmund le Savant (ou le Sage), à Oddi, qui se chargea de son éducation. Ion Loptsson appartenait à une grande famille, tout comme Sturla Thordarson, à une famille plus noble même, puisqu'il descendait d'anciens rois de Norvège. À Oddi résidaient des personnages fort cultivés, passionnés par les lois, l'histoire et la généalogie. En toutes ces matières, et en plus encore, à l'école des gens d'Oddi Snorri Sturluson reçut un enseignement des plus sérieux et des plus poussé que l'on pût espérer en ces parages et en cette époque.

Snorri Sturluson est ambitieux. Il fait un excellent mariage avec Herdis Bersadottir, fille d'une riche et noble famille. Il s'installe alors à Borg, où la famille de son épouse est établie, dès 1202. Vers 1206 il s'établit à Reykholt (alors Reykjaholt) où il fait bâtir une sompteuse et confortable demeure (des ruines en subsistent). Vers 1218 il se rend une première fois en Norvège. Il y rencontre le roi Hakon, et d'importants personnages. Il reçoit du roi un titre de noblesse. Il semble qu'il débute sa carrière littéraire vers 1220. Il rédige à parir de ce moment d'abord, la Saga d'Egill Skallagrimson, l'Edda en prose, la Saga de Saint Olaf, la Heimskingla.

Des Problèmes d'héritage, relatifs à la possesion des domaines des Sturlungar (famille des descendants de Strurla), va par la suite accaparer Snorri Sturluson, et l'éloigner de la littérature. Procédurier, et âpre au gain, Snorri s'empétrera avec une certaine délectation dans ces querelles patrimoniales.

Sans doute est-ce par attrait pour la richesse de celle-ci, qu'il épouse, en seconde noce, Hallveig Ormsdottir. Il devient par ce mariage l'homme le plus riche d'Islande. Il s'efforcera aussi de marier ses filles à de puissants personnages.

En 1237 il retourne en Norvège, à la cour du roi Hakon. En 1238 il revient en Islande, alors que le roi Hakon le lui interdit ! Il paraît logique de supputer que le roi nourrissait quelque projet, vis à vis d'une Islande peuplée de colons d'origine norvégienne mais assez farouchement indépendante, où un Snorri Sturluson, à lui tout à fait inféodé, aurait eu quelque rôle à jouer. Il est problable que Snorri, dont l'ambition avait sûrement motivé ses voyages en Norvège auprès du roi, avait tout à coup pris la mesure de la position inconfortable où il s'était mis et où il avait peut-être mis sa chère nation. Le roi Hakon fut suffisemment contrarié de la défection de Snorri pour le faire assassiner. Snorri Sturluson meurt, à Reykjaholt, tué à coups de hache, en 1241.


À propos de la conversion contrainte ou forcée au christianisme, évoquée plus haut, de la Norvège et de l'Islande,
nous citons un extrait de l'ouvrage de Rudolf Pörtner intitulé
« La Saga des Vikings »
(traduction depuis l'allemand de Denise Meunier, Fayard, 1974) :


« […]

« Le roi Hakon le Bon tenta bien, dès le milieu du IXe siècle, de convertir son pays avec l'aide de prêtres anglo-saxons ; mais les paysans indociles chassèrent moines et prédicateurs étrangers, sur quoi Hakon eut assez de bon sens pour laisser l'entreprise à ses successeurs. Ce furent Olav Tryggvasson et Olav le Saint qui, cinquante ans plus tard, apportèrent la dose nécessaire « de fanatisme, de violence et de cruauté » pour contraindre leurs sujets rétifs à se faire baptiser. En Islande aussi, il y eut d'abord des difficultés. De nombreux missionnaires — le Saxon Fredic en 981, l'Allemand Tankbrand en 998 — furent victimes de l'hostilité des païens et durent quitter l'île. Mais, dès l'an 1000, peu après le baptême d'Olav Tryggvasson, le porte-parole du Thing, Torgeir, faisait savoir, probablement d'accord avec les godhar, qu'il était désormais ordonné « que tous fussent chrétiens ».

« […]

« […] il permettait à ses compatriotes « d'offrir des sacrifices en secret ». Mais s'ils se laissaient surprendre et si des témoins venaient affirmer sous la foi du serment qu'ils les avaient vus, ils étaient passibles de trois ans de bannissement.

« […] »


NOTA BENE :

Précisons, pour éclairer le lecteur quant à certains aspects de la dose nécessaire de fanatisme, de violence et de cruauté mentionnée plus haut, que l'élément déterminant ayant incité les Islandais à se convertir au christianisme fut la menace, proférée par le roi de Norvège, de faire exécuter, à défaut de conversion, toute la parentèle (demeurant encore en Norvège) des colons islandais.


Nous vous proposons ci-dessous un extrait de l'ouvrage de F. G. Eichhoff intitulé
« Tableau de la Littérature du Nord au Moyen Âge
en Allemagne et en Angleterre, en Scandinavie et en Slavonie
 »
(Didier, libraire-éditeur ; Paris ; 1853) :


« […]

« Ce fut vers l'an 1100 que Sœmund Sigfuson, surnommé le Sage, issu de sang scandinave comme tous les colons de l'Islande, doué d'une mémoire prodigieuse et d'une vive inspiration poétique, pénétré de l'antique souvenir dont l'écho retentissait autour de lui, et s'indignant dans son patriotisme de les voir prêts à disparaître, consacra son zèle et sa science à les sauver d'un injurieux oubli. Sous le nom d'Edda, aïeule ou loi sacrée, il publia le recueil de tous les chants mythologiques, didactiques, héroïques, conservés par la tradition orale depuis le huitième et même le sixième siècle. Il respecta leur vieux langage, leur rythme poétique, leur teinte originale, et eut assez de tact pour n'y rien altérer ; de sorte que l'étude de ce recueil précieux reporte les lecteurs jusqu'aux siècles antiques où remonte son inspiration. Le sujet dominant est la louange des Ases : Odin, Thor, Balder, Freyr ; et le récit de leurs luttes, soit heureuses soit funestes, contre les Iotes ou Thurses leurs perpétuels ennemis. Les exploits des héros de l'ancienne Germanie, leurs amours et leurs rivalités y sont également célébrés. Le style de tous ces chants est conci et austère ; les vers brefs, de huit à dix syllabes, sont nuancés par l'alitération qui détache les mots principaux. La puissance des runes y est sans cesse vantée, sans qu'on ait cru pouvoir en faire usage ; car dans les deux manuscrits de l'Edda, déposés à Copenhague et à Upsal, c'est l'alphabet romain germanisé, introduit par les missionnaires et généralement utilisé dès cette époque, qui a dû servir à tracer cette dernière protestation du pagamisme.

« Cent ans plus tard, au commencement du treizième siècle, un autre patriote islandais, l'historien Snorro Sturleson, voulant compléter l'Edda poétique et la rendre accessible à tous, composa une Edda en prose, vaste et consciencieux commentaire, où sont développés les dogmes, racontés les faits historisques, expliquées les allégories, avec cette érudition patiente mais confuse qui caractérise le Moyen âge. À cette œuvre estimable se rattachent les Sagas ou biographies des guerriers célèbres, composées à différentes époques et remplies de curieux détails que les aventures merveilleuses et les luttes formidables de ces hardis pirates, dont l'audace fort souvent s'élève à l'héroïsme.

[…] »


Nous vous proposons ci-dessous un extrait de l'ouvrage de Mlle R. du Puget intitulé
« Les Eddas, traduites de l'ancien Idiome scandinave »
(Librairie de l'association pour la propagation et la publication des bons livres ; Paris ; sans date) :


« Tous les peuples ont eu recours aux dogmes religieux pour se rendre compte de l'origine de l'univers et de sa conservation, de la mission de l'homme durant sa vie, et de son état après sa mort. Les Eddas sont le résumé de la croyance des Scandinaves païens sur ces divers sujets.

« Il y a deux Eddas : la plus ancienne est celle de Sæmund-le-Sage, l'Edda poétique ou rythmique, contient un assez grand nombre de poèmes, composés à différentes époques par les skaldes ou poètes, sur des sujets mythologiques et historiques. L'un de ces poèmes, la Prédiction de Wola offre les traces inconstestables d'une origine païenne extrêmement reculée.

«  L'Edda en prose est d'une date plus récente. On l'attribue à Snorre Sturleson, célèbre annaliste norwégien ; mais il est évident que plusieurs écrivains ont participé à sa composition. Suivant toutes les probabilités, le travail de Snorre Sturleson s'est borné à une esquisse du voyage de Gylfe ; la mort ne lui a point permis d'y mettre la dernière main. Ce manuscrit, resté dans la famille de Sturleson, y a pris peu à peu des accroissements ; divers auteurs se sont plu à l'augmenter, sans qu'il soit possible de déterminer avec certitude la limite où chacun s'est arrêté.

[…]

« Les poëmes réumis par les soins de Sæmund furent désignés sous le nom d'Edda, c'est à dire aïeule maternelle, parce qu'ils sont considérés comme la souche des traditions et des souvenirs mythologiques de la Scandinavie. Quelques antiquaires parlent, il est vrai, d'une collection plus ancienne, dont celle de Sæmund ne serait qu'un faible reste ; ils appuient cette opinion sur les poëmes fréquemment cités dans les Sagas et même dans les Eddas, et dont nous ne possédons rien. Il est probable aussi que la collection de Sæmund n'est point parvenue complète jusqu'à nous.

[…] »


Nous vous proposons ci-dessous un extrait de l'ouvrage de Frédéric Guillaume Bergmann intitulé
« La Fascination de Gulfi (Gylfa Ginning) ;
Traité de Mythologie scandinave composé par Snorri Fils de Sturla ;
Traduit du texte norrain en français et expliqué dans une introduction
et un commentaire critique perpétuel
 »
(Treuttel et Würtz, Strasbourg & Paris ; Cherbuliez, Paris & Genève ; 1861) :


« […]

« Comment les matériaux recueillis par Snorri pour son ouvrage, furent-ils conçus par cet auteur, et quel fut en Mythologie, le point de vue, où il dut se placer d'après la science historico-mythologique, telle qu'elle lui avait été transmise par ses prédécesseurs, ou telle qu'il se l'était acquise par ses propres études et réflexions ? Snorri n'avait pas une science supérieure à celle soit de ses prédécesseurs, soit des érudits de son époque. Imbu de l'evhémérisme comme tous les autres savants, il considéra la Mythologie norraine comme l'histoire des Ases, et rattacha cette histoire à celle des Suèdes et des Normands. Voici les éléments qui lui ont été fournis, soit par la Mythologie, soit par les traditions nationales, et qu'il a combinés, d'une manière plus ou moins ingénieuse ou arbitraire, pour en former son système mythico-historique.

[…] »


BIBLIOGRAPHIE :

Quelques titres :

Sœmund Sigfuson : Edda poétique (vers 1100)…

Snorri Sturluson : Edda en prose (vers 1220, 1230)…



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