ÉMILE RAUDRAC DU BRAY


AU BEAU SOLEIL
 
Extrait de : « Des Enfers au goût de miel »

— Copyright © Patrick Émile Carraud, 2000 —


Ô mon disciple, ô mon sang, vois sur la plaine
Sableuse écrasée de soleil, ces ossements
De géants, blanchis par les vents du temps.
 
Mon disciple, mon sang, vois sur cette plaine
De la désolation ces guerriers impavides,
Dressés sur leurs montures immobiles.
 
Mon disciple, mon sang, la sens-tu l’odeur,
L’odeur de ces débris immondes que déjà
Les hampes de bois gris ne soutiennent plus ?
 
Mon disciple, mon sang, vois-tu ces sombres nuages
Qui s’amoncellent au-dessus des collines lointaines ?
Mon disciple, mon sang, vois-tu ces tourbillons de poussière
Naissant des montagnes couleur de fer
Et qui déjà descendent vers la plaine ?
 
Mon disciple, mon sang, le perçois-tu
Dans ta poitrine, dans tes entrailles,
Et alors que se brisent tes dents,
Sur ta langue, le goût du fer ?
 
Ô mon disciple, ô mon sang, or tu le sais
Comme au sein de ces lourdes matrices de fer,
Naissent là-bas et la douleur et le trépas.
 
Ô mon disciple, ô mon sang, vois ces chevaux de guerre
Attachés aux flancs des mausolées.
Mon disciple, mon sang, vois les faisceaux d’armes
Appuyés contre ces blancs tombeaux.
 
Ô mon disciple, ô mon sang, vois ces guerriers songeurs,
S’assurant d’un pouce distrait du tranchant de leurs scramasaxes,
Ou soupesant nonchalamment leurs longues et épaisses framées.
 
Mon disciple, mon sang, entends-tu les pleurs de ces femmes devant les cénotaphes ?
Mon disciple, mon sang, vois à la lisière du Nemeton,
Frissonnant d’un respect sacré dans l’ombre dense aux roches moussues,
Ces timides orants se recueillant humblement ?
 
Mon disciple, mon sang, devant la grande pierre sacrée,
Fichée profond dans la terre, mère des vivants et des morts,
Se dressant haut vers les cieux, vers la lumière,
Vois, se tenant par la main, ce garçon, cette fille,
Qui ne sont plus des enfants déjà, se souriant doucement.
Mon disciple, mon sang, entends-tu la course, dans les ruines d’une forteresse,
Sombre Antonia aux dédales baignés par le jour, de ces enfants jouant et riant ?
 
Ô mon disciple, ô mon sang, vois sous le pommier,
Dans l’ombre douce et lumineuse,
Ce vieil homme, ce vénérable sage blanchi par l’âge,
Et, qui l’entourent, ces enfants attentifs.
 
Et, spectacle édifiant, ô mon disciple, ô mon sang,
Vois, debout sur la plaine, dressés l’un contre l’autre,
Ces éphèbes blêmes mesurant leurs forces,
Sur une aire de sable, au beau soleil !


— Copyright © Patrick Émile Carraud, 2000 —


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