ÉMILE RAUDRAC DU BRAY


HAITHABU
 
Extrait de : « Des Enfers au goût de miel »

— Copyright © Patrick Émile Carraud, 2000 —


Debout sur le rivage fangeux,
Parmi les restes arasés d’une cité jadis prospère,
Les pieds s’enfonçant dans la boue,
Le regard porté au loin sur les eaux,
Nous songions aux Anciens, à ceux-ci qui l’avaient bâtie
Et s’y étaient enrichis par leur négoce et leurs féroces rapines,
Nous songions à leurs expéditions lointaines,
À leurs longs et souples vaisseaux.
Et abaissant les yeux vers les pauvres pieux noirs et gris
Émergeant à peine d’un sol humide,
Et formant de sombres et secrets vestiges,
Nous considérions les modestes ruines,
Nous interrogeant quant aux endroits
Où, autrefois, au temps de leur glorieuse richesse,
En ces lieux ils entassaient leurs biens les plus précieux.
Et élevant les yeux vers les cieux,
Nous interrogions l’air brumeux et ses embruns,
Nous efforçant d’imaginer à quelles hauteurs,
Dans leur superbe, ils avaient osé dresser
Les plus arrogants pinacles de leurs demeures,
Avant que, bien tôt, tous leurs trésors accumulés,
Leur grandeur, à laquelle si rapidement ils s’étaient élevés,
Leur insolente morgue, leurs outrageuses hardiesses,
Leur voracité insatiable, leurs forfaits innombrables,
Suscitant de nombreux envieux,
Suscitant tant de convoitises et tant de haine,
Inspirant tant d’hostiles rancœurs,
Inspirant d'irascibles ennemis, d’intraitables adversaires,
Plus terribles que jamais eux-mêmes ne le furent,
Et les animant à leur encontre d’un courroux furieux,
Les incitant à tant œuvrer à leur perte,
Les excitèrent, ces ennemis implacables, ces adversaires inexorables,
À leur apporter par le glaive la mort,
À porter en leur belle cité toute de bois bâtie,
Les dévastateurs s’en souvinrent et le rapportèrent
Toute de bois joliment sculpté, bellement bariolé,
Le feu ardent et dévorant de la guerre.*

*   Haithabu (Hedeby) fut au Moyen Âge une place commerciale florissante du Nord. Elle fut possession danoise, disputée aux Danois par les Suédois, les Norvégiens ; et détruite au XIe siècle. « Ce siècle devait en voir la fin, définitive, brutale et dramatique. Une armée du roi de Norvège Harald le Sévère attaqua la place commerçante sur les rives de la Schlei et la réduisit en cendres. Un scalde Norvégien inconnu qui assista à cet incendie le décrivit en termes émus : D'un bout à l'autre / A brûlé Hed'by. Terrible / Fureur du combat. Imposant / Paraît l'exploit, je pense que / Sven l'irascible doit s'irriter. / Avant le crépuscule déjà, / J'ai mis le pied dans la place : / De hautes flammes jaillissaient des toits. » ; in PÖRTNER, Rudolph. La Saga des Vikings. Traduit de l'allemand par Denise Meunier. Paris : Fayard, 1974. 420 p. P. 319.


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