COLLECTION « LILIUM GALLIAE »

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Sauf mentions contraires (copyright – ©) la substance du corps des textes de cette collection
relève du « domaine public », mais n'en relèvent pas nécessairement les éditions que nous en proposons, non plus que certains des textes annexes les commentant, certaines préfaces ou postfaces, par exemple
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ESSAIS HISTORIQUES…


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  • LISTE DES AUTEURS DES TEXTES DE LA COLLECTION (LILIUM GALLIAE)


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  • LISTE DES TITRES DES TEXTES DE LA COLLECTION (LILIUM GALLIAE)


    Une appréciation, toute subjective, concernant l'attrait de chacun des textes proposés figure dans les rubriques ci-dessous. Plus notre jugement (noté par une ou plusieurs croix) est favorable, plus le nombre de croix est important.

    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (+++++) —


    Extrait d'un article de Patrick Boucheron (parution en 2008) :

    « […]

    « Car si cette œuvre est un monde, elle est tout entière dédiée à la grande nation qui, Michelet en était persuadé, avait reçu pour mission de l'éclairer. Dans sa célèbre préface de 1869, où l'historien fait retour sur une œuvre qui se confondait avec sa vie même, Michelet héroïse sa posture d'inventeur : c'est « l'éclair de juillet » (la révolution de 1830) qui d'un coup, lui révéla son destin : « Dans ces jours mémorables, une grande lumière se fit, et j'aperçus la France. Elle avait des annales, et non point une histoire. » Il écrira son histoire car, poursuit Michelet, « le premier, je la vis comme une âme et une personne ». Ce double mouvement d'idéalisation et de personnification, qui fait d'une nation le personnage principal d'une épopée, hisse Michelet au rang de prophète. Il invente la France en même temps que l'histoire.

    « Lorsque Jules Michelet publie les deux premiers tomes de son histoire de France, en 1833, il n'est encore pourtant qu'un jeune historien prometteur, proche de la famille royale et enseignant à l'École normale. La véritable rupture survient avec la parution du troisième tome, en 1837, consacré au XIVe siècle. Michelet a déjà trouvé sa manière : dramatiser l'histoire dans la brusquerie d'un grand affrontement, en rassemblant l'énergie du siècle dans le récit d'un emballement du temps. C'est alors la « grande querelle » entre Philippe le  Bel et le pape Boniface  VIII, ce sera plus tard l'héroïsme de Jeanne d'Arc, la guerre sans merci que livra le rusé Louis  XI au flamboyant Charles le  Téméraire, et encore « cette grande conjuration qui minait l'Europe », où Michelet plongeait pêle-mêle les Jésuites et les ligueurs.

    « Mais il ne s'agit pas que d'une habile mise en scène du drame national. Car Michelet s'enorgueillit désormais de puiser directement la matière de son ouvrage dans les sources manuscrites qu'il brasse fiévreusement depuis que Guizot lui a confié en 1831 la responsabilité de la section historique des Archives nationales. Tel est peut-être le principal malentendu de la postérité micheletienne dans la seconde moitié du XXe siècle : à force de louer en lui la puissance romanesque de son écriture, on a fini par oublier qu'il fut d'abord un infatigable travailleur des archives, un forçat hugolien du document, qui cherchait à arracher à l'oubli l'écho des voix disparues. Cette proximité nouvelle avec l'archive, indissociablement poétique et érudite, est peut-être ce qui saisit le plus aujourd'hui à la lecture de l'Histoire de France.

    « […]

    « L'Histoire de France de Jules Michelet est la première du genre. N'est-ce pas aussi, d'une certaine manière, la dernière ? Après elle viendra le temps des doutes et du désenchantement, vis-à-vis de l'histoire comme de la politique. Relire Michelet aujourd'hui, c'est se donner les moyens et le plaisir de saisir la puissance émotive de l'histoire nationale et, par conséquent, de mieux comprendre pourquoi il est si difficile aujourd'hui de s'en défaire. […]. »

    In : BOUCHERON, Patrick. Michelet, quand même ! L'Histoire, 2008, n°336, p. 38, 39.

    N. B. : l'article de Patrick Boucheron (Michelet, quand même ! L'Histoire, 2008, n°336, p.  38, 39) fut rédigé à l'occasion d'une nouvelle publication des 17 volumes de l'Histoire de France de Jules Michelet par les Éditions des Équateurs ; lors de la rédaction de l'article, 12 volumes seulement étaient parus ; le dernier volume étant alors prévu paraître en janvier 2009. Le même éditeur entreprit également la publication (de 2008 à 2011) d'une nouvelle édition d'une autre grande œuvre historique : celle qui fut réalisée sous la direction d'Ernest Lavisse (1842-1922) et publiée originellement de 1903 à 1922.


    Extraits de l'« Histoire de France » de Jules Michelet :

    Extrait n°1 ; « Préface de 1869 » (rédigée par Jules Michelet lui-même), p.  I-V :

    « Cette œuvre laborieuse d'environ quarante ans fut conçue d'un moment, de l'éclair de Juillet. Dans ces jours mémorables, une grande lumière se fit, et j'aperçus la France.

    « Elle avait des annales, et non point une histoire. Des hommes éminents l'avaient étudiée surtout au point de vue politique. Nul n'avait pénétré dans l'infini détail des développements divers de son activité (religieuse, économique, artistique, etc.). Nul ne l'avait encore embrassée du regard dans l'unité vivante des éléments naturels et géographiques qui l'ont constituée. Le premier je la vis comme une âme et une personne.

    « L'illustre Sismondi, ce persévérant travailleur, honnête et judicieux, dans ses annales politiques, s'élève rarement aux vues d'ensemble. Et, d'autre part, il n'entre guère dans les recherches érudites. Lui-même avoue loyalement qu'écrivant à Genève il n'avait sous la main ni les actes ni les manuscrits.

    « Au reste, jusqu'en 1830 (même jusqu'en 1836), aucun des historiens remarquables de cette époque n'avait senti encore le besoin de chercher les faits hors des livres imprimés, aux sources primitives, la plupart inédites alors, aux manuscrits de nos bibliothèques, aux documents de nos archives.

    « Cette noble pléïade historique qui, de 1820 à 1830, jette un si grand éclat, MM. De Barante, Guizot, Mignet, Thiers, Augustin Thierry, envisagea l'histoire par des points de vue spéciaux et divers. Tel fut préoccupé de l'élément de race, tel des institutions, etc., sans voir peut-être assez combien ces choses s'isolent difficilement, combien chacune d'elles réagit sur les autres. La race, par exemple, reste-t-elle identique sans subir l'influence des mœurs changeantes ? Les institutions peuvent-elles s'étudier suffisamment sans tenir compte de l'histoire des idées, de mille circonstances sociales dont elles surgissent ? Ces spécialités ont toujours quelque chose d'un peu artificiel, qui prétend éclaircir, et pourtant peut donner de faux profils, nous tromper sur l'ensemble, en dérober l'harmonie supérieure.

    « La vie a une condition souveraine et bien exigeante. Elle n'est véritablement la vie qu'autant qu'elle est complète. Ses organes sont tous solidaires et ils n'agissent que d'ensemble. Nos fonctions se lient, se supposent l'une l'autre. Qu'une seule manque, et rien ne vit plus. On croyait autrefois pouvoir par le scalpel isoler, suivre à part chacun de nos systèmes ; cela ne se peut pas, car tout influe sur tout.

    « Ainsi, ou tout, ou rien. Pour retrouver la vie historique, il faudrait patiemment la suivre en toutes ses voies, toutes ses formes, tous ses éléments. Mais il faudrait aussi, d'une passion plus grande encore, refaire et rétablir le jeu de tout cela, l'action réciproque de ces forces diverses dans un puissant mouvement qui redeviendrait la vie même.

    « […].

    « Plus compliqué encore, plus effrayant était mon problème historique posé comme résurrection de la vie intégrale, non pas dans ses surfaces, mais dans ses organismes intérieurs et profonds. Nul homme sage n'y eût songé. Par bonheur, je ne l'étais pas. Dans le brillant matin de Juillet, sa vaste espérance, sa puissante électricité, cette entreprise surhumaine n'effraya pas un jeune coeur. Nul obstacle à certaines heures. Tout se simplifie par la flamme. Mille choses embrouillées s'y résolvent, y retrouvent leurs vrais rapports, et (s'harmonisant) s'illuminent. Bien des ressorts, inertes et lourds s'ils gisent à part, roulent d'eux-mêmes, s'ils sont replacés dans l'ensemble.

    « Telle fut ma foi du moins, et cet acte de foi, quelle que fût ma faiblesse, agit. Ce mouvement immense s'ébranla sous mes yeux. Ces forces variées, et de nature et d'art, se cherchèrent, s'arrangèrent, malaisément d'abord. Les membres du grand corps, peuples, races, contrées, s'agencèrent de la mer au Rhin, au Rhône, aux Alpes, et les siècles marchèrent de la Gaule à la France.

    « Tous, amis, ennemis, dirent « que c'était vivant ». Mais quels sont les vrais signes bien certains de la vie ? Par certaine dextérité, on obtient de l'animation, une sorte de chaleur. Parfois le galvanisme semble dépasser la vie même par ses bonds, ses efforts, des contrastes heurtés, des surprises, de petits miracles. La vraie vie a un signe tout différent, sa continuité. Née d'un jet, elle dure, et croît placidement, lentement, uno tenore. Son unité n'est pas celle d'une petite pièce en cinq actes, mais (dans un développement souvent immense) l'harmonique identité d'âme.

    « La plus sévère critique, si elle juge l'ensemble de mon livre, n'y méconnaîtra pas ces hautes conditions de la vie. Il n'a été nullement précipité, brusqué ; il a eu, tout au moins, le mérite de la lenteur. Du premier au dernier volume, la méthode est la même ; telle elle est en un mot dans ma Géographie, telle en mon Louis XV, et telle en ma Révolution. Ce qui n'est pas moins rare dans un travail de tant d'années, c'est que la forme et la couleur s'y soutiennent. Mêmes qualités, mêmes défauts. Si ceux-ci avaient disparu, l'œuvre serait hétérogène, discolore, elle aurait perdu sa personnalité. Telle quelle, il vaut mieux qu'elle reste harmonique et un tout vivant. »

    Extrait n°2 ; « Préface de 1869 », p.  XLIV :

    « Eh bien ! Ma grande France, s'il a fallu pour retrouver ta vie, qu'un homme se donnât, passât et repassât tant de fois le fleuve des morts, il s'en console, te remercie encore. Et son plus grand chagrin, c'est qu'il faut te quitter ici. »


     

    Gravure de Vierge, extraite de l'ouvrage de Jules Michelet intitulé : Histoire de France (tome I).

    « Cependant l'Ostrasien Childéric eut à peine respiré l'air de la Neustrie, qu'il devint, lui aussi, ennemi des grands. Dans un accès de fureur, il fit battre de verges un d'entre eux, nommé Bodilo. Ce châtiment servile les irrita tous. Childéric II fut assassiné dans la forêt de Chelles ; les assassins n'épargnèrent pas même sa femme enceinte et son fils enfant. »

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    MICHELET, Jules.
    Histoire de France (tome I).
    La gravure, de Vierge, représente
    l'assassinat de Childéric II, de son épouse et de son fils
    (planche hors texte entre les p. 282 et 283 de l'ouvrage ;
    le texte utilisé en guise de légende
    se trouve quant à lui à la p. 283).

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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (+++++) —

    En guise de présentation de l'ouvrage de J. Michelet consacré à Jeanne d'Arc (ouvrage tiré de l'Histoire de France) nous citons ici un passage d'une « Introduction à l'Histoire de France (livres X-XVII) » régigée par Paul Viallanex à l'occasion d'une publication par les éditions Flammarion des Œuvres complètes de Michelet.

    Extrait — « Introduction à l'Histoire de France (livres X-XVII) », par Paul Viallaneix, p.  9-11 :

    « Dans le cours semestriel qu'il professe au Collège de France du 15 avril au 8 juillet 1839, Michelet ordonne le vaste tableau du XVe siècle qu'il compte détailler dans l'Histoire de France : d'une part, le temps de Charles  VII et de Philippe le Bon, marqué par le sursaut de Jeanne d'Arc et la révolte des villes flamandes ; de l'autre, celui de Louis  XI et de Charles le  Téméraire, qui voit la libération définitive de la France, le renforcement de la monarchie centralisatrice et le déclin de la maison de Bourgogne. C'est pourquoi, l'année suivante, il ne s'accorde aucune pause après la publication du tome  IV (février 1840) , qui s'achève sur le récit de la mort de Charles  VI.
    « La « légende » de la Pucelle, qui doit figurer au début du tome  V, l'a toujours fasciné. Il l'évoque dans le premier de ses cours de l'École Normale (1828- 1829). L'interprétation qu'il en propose est déjà personnelle. Elle « désymbolise » la sainteté de l'héroïne. Mais elle ne la réduit pas à une attitude banale.

    « Elle y décèle, au contraire, le miracle d'une conscience totalement révoltée. Il ressort de la vingt et unième leçon (avril 1829 ) que Jeanne fut moins sanctifiée par ses visions, expériences communes chez des âmes très pures, que le désintéressement exalte et qui sont « portées à attribuer leurs sentiments personnels à des révélations célestes », que par la « réforme morale » qu'elle prêcha par l'exemple et sans concession. Michelet s'en tient momentanément à cet hommage.

    « Il ne dispose pas de l'information qui lui permettrait de l'argumenter. De plus, il se sent attiré vers un autre réformateur, le plus fameux de la lignée, dont il s'emploie à reconstituer les Mémoires. Cependant, à partir de 1831, le cours de ses travaux, voués à l'histoire du peuple dont l' « éclair de juillet » vient d'illuminer la destinée, ne tarde pas à le ramener vers la vierge guerrière. Il la retrouve en rédigeant le Précis de l'histoire de France et il la salue. Mais c'est dans l'Histoire de France elle-même qu'il se promet de lui accorder tout son dû en l'installant au premier rang des fondateurs de la nation. Le Tableau de la France glorifie la jeune prophétesse : « Une fille des frontières de Lorraine et de Champagne, une pauvre paysanne, Jeanne d'Arc, releva la moralité nationale ; en elle apparut, pour la première fois, la grande image du peuple, sous une forme virginale et pure. » L'admirable chapitre du livre  III : « La Passion, comme principe d'art au Moyen Âge », qu'il faut lire dans la version originale de 1833, inscrit dans une perspective proprement religieuse la mission de la bonne lorraine :

    « Le peuple, tout en obéissant au prêtre, distingue fort bien du prêtre le saint, le Christ de Dieu. Il cultive d'âge en âge, il élève, il épure cet idéal dans la réalité historique. Ce Christ de douceur et de patience, il apparaît dans Louis le Débonnaire, conspué par les évêques ; dans le bon roi Robert, excommunié par le pape ; dans Godefroi de Bouillon, homme de guerre et gibelin, mais qui meurt vierge à Jérusalem, simple baron du Saint-Sépulcre. L'idéal grandit encore dans saint Thomas de Canterbury, délaissé de l'Église et mourant pour elle. Il atteint un nouveau degré de pureté en Saint Louis, roi prêtre et roi homme. Tout à l'heure l'idéal généralisé va s'étendre dans le peuple ; il va se réaliser au XVe siècle, non seulement dans l'homme du peuple, mais dans la femme, dans la femme pure, dans la Vierge ; appelons-la du nom populaire, la Pucelle. Celle-ci, en qui le peuple meurt pour le peuple, sera la dernière figure du Christ au Moyen Âge.

    « Ainsi se précise le double sens que la « légende » de la Pucelle revêtira dans l'Histoire de France. Elle conclura l'aventure spirituelle du Moyen Âge, vécue selon le modèle de l'imitatio Christi. Elle inaugurera aussi, par un sacrifice, l'ère de l'Église moderne, qui se nomme nation. En attendant de l'inclure dans son œuvre historique, Michelet continue de l'étudier dans son enseignement. Il lui consacre une leçon, la quatorzième, dans le cours qu'il inaugure à la Sorbonne, le 9 janvier 1834, comme suppléant de Guizot. Puis une autre, la quinzième, dans le cours d'histoire du Moyen Âge qu'il assure à l'École Normale pendant l'année 1834-1835. Il utilise cette fois une documentation considérable, puisée, sinon dans les actes des deux procès de Rouen, du moins dans les extraits qu'en ont fait ses prédécesseurs : L'Averdy, Lebrun de Charmettes, Berriat-Saint-Prix et Buchon. Qu'il s'agisse de la psychologie de Jeanne, de la distinction des moments successifs de sa carrière, de la présentation de ses hauts faits, de l'exégèse de ses réponses aux questions des juges de Rouen, de l'examen des effets de sa mort volontaire, du tableau de la France humiliée par l'envahisseur ou de l'éclaircissement du rôle dévolu aux femmes dans l'histoire nationale, le cours de 1834-1835 marque une étape décisive. Mais Michelet ne s'arrête pas en si bon chemin. Une nouvelle leçon, la vingt-quatrième du cours de l'année suivante, donnée devant les normaliens le 19 avril 1836, enrichit la geste de quelques développements majeurs. Michelet met en évidence la « tendresse » que Jeanne manifesta au plus fort des combats et le « sentiment de la nationalité » qu'elle sut éveiller dans les cœurs. Il élargit encore la portée du procès en rapprochant l'accusée de « tous les grands novateurs » qui, comme Socrate ou Jésus, opposèrent à la « loi écrite » le droit supérieur de l'« inspiration ». »

    In : MICHELET, Jules. Œuvres complètes (tome  VI) ; éditées par Paul Viallaneix. Histoire de France (livres  X-XVII). Paris : Flammarion, 1978. 904  p.


    Il nous semble judicieux d'aborder le thème de la vie et des exploits de Jeanne d'Arc en évoquant certaines des différentes théories s'efforçant d'éclairer, d'expliquer le cas si particulier de ce personnage historique si célèbre, non seulement auprès du public français, mais également à travers le monde auprès de toutes les personnes un tant soit peu cultivées. Nous voulons ici parler des théories « survivistes » et « batardisantes ».

    Nous mentionnons donc deux ouvrages dont les auteurs n'ont pu se satisfaire du simple examen des procès, manipulés tous deux, de condamnation et de réhabilitation de l'héroïne, n'ont pu se satisfaire de la lecture de quelques rares textes anciens et de leurs commentaires souvent tendancieux et conventionnels, pour se forger une opinion à son propos.

    Le premier ouvrage (du XIXe siècle) est celui de Pierre Caze intitulé La Vérité sur Jeanne d'Arc ou Éclaircissements sur son origine ; le second (du XXIe siècle) celui de Roger Senzig et Marcel Gay intitulé L'Affaire Jeanne d'Arc.


    Extraits de :
    CAZE, Pierre. La Vérité sur Jeanne d'Arc ou Éclaircissements sur son origine. Paris : Migneret, 1819. 2 tomes (tome 1 : 350 p. ; tome 2 : 252 p. et 80 p.) :

    Extrait n°1, p. 6-7, tome 1 :

    « On commence à reconnaître que la folie et le ridicule ne sauraient appartenir aux êtres privilégiés qui, comme Jeanne d'Arc, se précipitent au-devant du danger pour sauver leur pays, mais qu'ils sont bien exclusivement le partage de ceux qui, dépravés au point de ne pouvoir comprendre ces grands caractères, s'appliquent à les vouer au mépris, comme s'ils craignaient d'en propager la race par l'expression des hommages qu'a mérités leur mémoire.

    « Et ce mépris que Voltaire s'est si odieusement complu à verser sur la Pucelle d'Orléans, est d'autant plus étrange, qu'il affectait davantage de signaler son Admiration vaniteuse pour le vainqueur de Denain. Elle n'était pas vraie cette admiration ; elle n'était pas fondée sur le sentiment profond de ce qu'il y a de beau dans la conduite d'un citoyen qui préservé son pays du joug de l'étranger, puisqu'il n'a pas rendu la même justice à l'héroïne française ; puisque, dans un poème qui a occupé une partie considérable de sa longue carrière, il a pris à tâche d'avilir ses hauts faits, de les représenter comme absurdes et extravagans ; d'associer enfin son nom, pour le salir, à l'impur cynisme de son imagination si susceptible de devenir ordurière.

    « Jeanne d'Arc faisant lever le siège d'Orléans ; dernier boulevard de la monarchie, entraînant les Français à la victoire de Patay, et a tant d'autres exploits, imprimant à la nation abattue toute l'énergie de son caractère, toute l'ardeur dont elle était animée, et conduisant son prince a Rheims, à travers ses ennemis, pour l'y faire sacrer, est-elle donc moins admirable que Villars triomphant du prince Eugène ? »

    Extrait n°2, p. 233-235, tome 2 :

    « Mais, chrétiennement et raisonnablement parlant, l'action directe et miraculeuse de la divinité dans l'histoire profane, et sur-tout dans l'histoire moderne, n'est plus admissible. Quel que facilité d'ailleurs qu'une semblable route paraisse promettre, quiconque s'y engage se voit obligé d'aller si loin, que bientôt ses forces l'abandonnent. II veut alors se jeter dans un autre chemin détourné, mais tous ceux qu'il rencontre ne sont que des routes fausses qui le ramènent malgré lui dans la première. Son erreur, son impuissance et sa témérité lui deviennent ainsi d'autant plus manifestes, que les particularités les plus graves , les plus importantes et les moins éclaircies, sont précisément celles qui demeurent inaccessibles à toute investigation de sa part.

    « Tous ces inconvéniens, dont il n'est pas possible de se garantir en attribuant à une influence miraculeuse et divine ce qu''il y eut de réellement mystérieux- et d'extraordinaire dans la personne de Jeanne d'Arc, firent probablement penser aux écrivains dont Hume s'est rendu le rapporteur, qu'il fallait avoir recours à une interprétation mieux appropriée à la nature de la chose ; et plus probablement encore, la lumière de quelque tradition moins fautive éclaira-t-elle leurs regards. […]

    « À toutes les qualités physiques et morales dont Jeanne d'Arc fut extraordinairement pourvue par la nature, ajoutons donc une, origine mystérieuse et royale, une situation primitive, c'est-à-dire plus extraordinaire encore ; mettons auprès d'elle des surveillans et des protecteurs secrets, doués par eux-mêmes ou par d'autres, d'une habileté capable de tirer parti de toutes ces données, en faveur des circonstances étonnantes et critiques où se trouvait la monarchie, et nous aurons dans un pareil concours de choses un ensemble de merveilleux, tellement hors de proportion avec tout ce qui arrive communément parmi les hommes, qu'il deviendra facile de comprendre, d'une part, que ce fut en effet une politique ingénieuse, hardie, et proportionné aux difficultés qu'elle eut à vaincre, qui projeta d'un aussi étrange enchaîne ment de circonstances pour préparer la Pucelle au rôle que ces circonstances semblaient l'appeler à remplir, et que, d'une autre part, l'esprit de l'héroïne, accablé sous le poids de tant de choses extraordinaires, se persuada qu'elles, renfermaient réellement quelque chose de miraculeux, et que, dès-lors tous les moyens qui furent pris, conformément à cette persuasion, pour la convaincre davantage que sa mission était surnaturelle et divine, opérèrent sur elle un effet aussi complet que durable. […] »


    Extraits de :
    SENZIG, Roger. GAY, Marcel. L'Affaire Jeanne d'Arc. Paris : Éditions Florent Massot, 2007. 280 p. et XXV p. :

    Extrait n°1 ; texte de la quatrième de couverture :

    « Était-ce œuvre divine ou humaine ? Il me serait difficile de l'affirmer. Quelques-uns pensent que les Anglais prospéraient, les grands de France étant divisés entre eux, sans vouloir accepter la conduite de l'un des leurs ; peut-être que l'un d'eux plus sage et mieux éclairé aura imaginé cet artifice, de produire une vierge divinement envoyée, et à ce titre réclamant la conduite des affaires. Il n 'est pas un homme qui puisse refuser d'avoir Dieu pour chef ; c 'est ainsi que la direction de la guerre et le commandement militaire ont été remis à la Pucelle.

    « Sa Sainteté le pape Pie II (1458-1464)

    « Jeanne a-telle vraiment entendu des voix ? A-t-elle était mandatée par Dieu pour sauver le royaume de France ? Que sait-on finalement du destin hors du commun de cette petite bergère de Domrémy qui a donné son nom à un nombre incalculable de rues, inspiré plusieurs milliers de livres, une demi-douzaine d'opéras et une quarantaine de films ?

    « À quoi ressemblait-elle ? Quelle langue parlait-elle ? Comment a-t-elle appris à chevaucher de fougueux destriers, à manier l'épée, à faire la guerre ?

    « L'histoire officielle n'apporte pas de réponse à ces questions pourtant légitimes.

    « Parce que l'histoire a été sciemment falsifiée. Le dossier a été truqué. Voici pourquoi. Voici comment.

    « Grand reporter à l'Est Républicain, Marcel Gay est plus particulièrement chargé de suivre les affaires judiciaires. Il dissèque ici les pièces du dossier Jeanne d'Arc. Roger Senzig est un ancien membre des services secrets de la France libre pendant la dernière guerre mondiale. Spécialiste de Jeanne d'Arc, latiniste et paléographe, il a minutieusement suivi le parcours de la Pucelle. »

    Extrait n°2, p. 279-280 :

    « Notre enquête est sur le point de s'achever et ses conclusions réservent bien des surprises aux fondamentalistes de l'histoire officielle.

    « D'indice en indice, nous avons acquis la conviction que si Jeanne d'Arc n'est pas morte brûlée vive à Rouen, elle n'est pas née non plus d'une famille de bergers dans un Bethléem lorrain répondant au joli nom de Dom Rémy.

    « Que l'on soit rêveur, poète, romantique, croyant ou incroyant, on aurait tort de s'insurger contre cet éclairage de l'Histoire. Il met en lumière les ressources de l'intelligence et du courage humain à une époque où Merlin enchantait l'âpreté du monde de ses sortilèges et de ses philtres, où la peur du démon et de ses ailes noir peste aliénait les volontés, où les femmes semblaient cantonnées à un rôle d'éternelle Pénélope. Mais de Jeanne d'Arc à proprement parler, cette femme extraordinaire au charisme si puissant qu'il ébranlait des armées, on ne sait et on ne saura pas grand-chose.

    « Entre le sublime et austère visage de Falconetti et la blondeur charnelle de Milla Jovovich, il y a un monde, un siècle, une vision, mais il existe le même désir d'incarner la beauté et la vie.

    « Dans le château de Jaulny, face au merveilleux profil de Jeanne des Armoises, je m'étais promis d'instruire son histoire, le plus honnêtement possible, en me rapprochant de la femme qui vivait, souffrait et aimait sous l'armure qu'on avait fabriquée à ses mesures.

    « J'espère que ce livre a concouru à lui rendre hommage. »


    Après avoir sélectionné les extraits des textes cités ci-dessus, en faisant une recherche complémentaire dans notre petite bibliothèque nous retrouvâmes un ouvrage que nous lûmes voilà environ quarante années (MAURRAS, Charles. Œuvres capitales. Essais politiques. Paris : Flammarion, 1973 [impression ; copyright © 1954]). Nous vous en citons ci-dessous un extrait dont la teneur permet d'aborder la cas de Jeanne d'Arc d'une façon autre encore :

    Extraits de :
    MAURRAS, Charles. Œuvres capitales. Essais politiques. IV. L'Histoire. Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon. Paris : Flammarion, 1973 (impression ; copyright © 1954). (Coll. Textes politiques). 535 p. P. 299. [N. B. : Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon est paru chez Ernest Flammarion, Paris, 1937].

    « Cette héroïne de la Nation n'est pas l'héroïne de la Démocratie. Tout nous autorise à dégager fortement cette différence, hors de laquelle il n'y a que déviation complaisante, ou déduction d'erreurs de fait.

    « Cette belle enfant de la France fut-elle seulement une fille du peuple dans le sens d'ignorance, d'inculture, d'inéducation que recouvre cette épithète ? La vérité de l'histoire n'est guère favorable à l'intérêt de classe et de faction qui ne peut qu'affadir la personne de Jeanne d'Arc. Sa vraie figure serait plutôt celle d'une petite bourgeoise française, de cette bourgeoisie rurale qui composait et qui forme encore le plus touffu, le plus vivace élément du pays ; classe moyenne très étendue, tellement étendue qu'il n'y eut jamais beaucoup de « peuple » en France : classe surtout conservatrice, car rien n'a duré sans elle ; classe révolutionnaire, car rien ne s'est fait d'un peu neuf, ni un peu vivement, sans qu'elle y ait mis du sien. »


    Nous laissant aller à quelques autres songeries relativement à l'ouvrage de Jules Michelet évoquant Charles VII et Jeanne d'Arc, songeant à l'énigmatique personnalité, à l'extraordinaire destinée problématique de celle-ci, nous nous remémorâmes en cette occurrence avoir lu, voici une douzaine d'années, le poème patriotique de Robert Blondel, rédigé en 1420, et intitulé Desolatio regni Francie.

    De ce texte nous citons ci-après deux extraits, le début du poème, une traduction en français et la version latine (nous ne donnons pas à cette occasion ni les notes de bas de pages ni les appels de notes) relevé in :

    PONS, Nicole. GOULLET, Monique. Robert Blondel, Desolatio regni Francie — Un Poème politique de soutien au futur Charles VII en 1420. Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge. Tome 68. Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 2001. P. 297-374 (texte latin [pages paires] du poème et traduction [pages impaires] de la p. 316 à la p. 373).

    Extrait n°1, p. 317, 319 (traduction française) :

    « LA DÉSOLATION DU ROYAUME DE FRANCE

    « Voyant l'état français à ce point déchiré.
    Saisie d'une douleur extrême, notre muse fut forcée de crier :
    Français, que faites-vous ? Votre bien périt, et vous périssez.
    Foin de rêveries ! L'ennemi veille : veillez donc vous aussi !
    Chez lui point de lenteur, point de repos, ni de jour ni de nuit.
    Si vous êtes enfants, par l'ennemi vous pouvez être instruits.
    Qui vous pousse à la guerre et vous refuse le sommeil.
    Honteuse la ruine qu ' engendre une inertie funeste !
    Dormir cause la perte de quantité de biens.
    Vous, sentinelles de la patrie, courez sus à l'ennemi.
    Contre les paysans simples et bons ne portez pas vos coups
    — Je parle ici à l'adversaire qui contre vous guerroie —
    Car il leur faudra délaisser leur bœuf et frapper l'agresseur.
    Défendre sa patrie, c'est l'office du soldat, prendre des châteaux.
    Se détourner des jeux, de la paresse, frapper les ennemis,
    Dans une guerre féroce mourir sans peur pour son pays.
    Ne pas déserter le combat, pour garder son honneur,
    Brandir la lance, accomplir des prouesses.
    Être partout premier par ses illustres exploits.
    De l'Église et du clergé défendre autant qu'on peut les droits,
    Se venger des pillards et des brigands dévastateurs.
    Ne tardez plus : repoussez l'agression du léopard.
    Français, vos lenteurs, c'est certain, apporteront des maux plus graves
    Pour vous. Croyez-moi : on pâtit de traîner quand on est déjà prêt.
    Lilicoles, montrez-vous prêts à sauvegarder vos fleurs.
    Ayez, je vous en prie, mémoire de la lignée dont vous sortez.
    Sachez quelle fut la gloire du nom de vos aïeux.
    Combien de dures batailles ils ont jadis gagnées.
    Point ne leur a suffi de défendre le sol où ils sont nés :
    Forts, audacieux, pleins de fougue et sans rapacité,
    Sachant manier les armes, ayant belle instruction,
    Dotés de bonnes mœurs, respectant justice et vérité.
    Vos pères ont vaincu des peuples innombrables.
    De la foi véritable et de la loi ils furent les garants.
    On vit alors la France prévaloir à la guerre, fleurir de son art,
    De sa fleur de chevalerie, et s'épanouir avec une subtile grâce.
    France, ta fleur de chevalerie, la science dont tu es source et origine
    T'ont décorée, elles t'ont décerné de grands noms.
    Mais toutes deux, presque en même temps, t'ont désertée.
    Hélas ! Toutes choses sont aujourd'hui contraires, tout s'est inversé.
    Ha ! prouesse, dis-nous où tu te caches, dis-nous dans quel séjour
    Tu habites à présent. Pourquoi fuis-tu le sol français ?
    Hélas ! limpide au profond de ses eaux argentées.
    En une douceur merveilleuse coulant à pleins canaux.
    Ta source répandit avec beauté son large flux.
    Louange, honneur, pouvoir, nom et vertu s'en sont allés ;
    Déshonneur, opprobre, vice et crimes sont arrivés.
    Accablée sous l'oppression, tu es esclave et enchaînée, ô terre de France ;
    Par les blessures de la guerre tu es déshonorée et ravagée.
    Ton nom à présent n'est plus « France » mais « patrie en servage ».
    Pourquoi t'a-t-on spoliée d'un nom aussi magique ?
    Dis, France, où s'enfuient ta gloire et le nom
    Des tiens ? Il n' y a plus que viles insultes à leur égard.
    La loi est démolie, la lumière abolie, le droit anéanti.
    Le peuple souffre. Mais qu'en résulte-t-il ? Le règne du démon.
    […]. »

    Extrait n°2, p. 316, 318 (texte en latin) :

    « DESOLATIO REGNI FRANCIE

    « Gallum Musa statum tam nostra videns laceratum
    Est nimio tacta clamare dolore coacta :
    Galli ! quid facitis ? Proprium perit atque peritis.
    Somnia vitetis ; hostis vigilat, vigiletis !
    Hic non lentescit, nec nocte dieque quiescit.
    Si sitis pueri, fas constat ab hoste doceri
    Qui vos hortatur belle ; somnusque negatur.
    Turpis jactura fit segnicies nocitura
    Quam dat ! Dormire fecit bona multa perdre.
    Vos, patrie postes, gressus vertatis in hostes.
    Simplicibusque bonis non prelia danda colonis
    Sunt — danti dico pugnam vobis inimico —
    Namque relinquendus bos est, hostis feriendus.
    Militis est patriam deffendere, castra subire,
    Linquere desidiam, ludos, hostemque ferire,
    Nonque timere mori patria bello truciori.
    Non desertorem pugne, si servet honorem,
    Hastam torquere, claros actusque tenere,
    Quemque suis gestis precellere semper honestis
    Ecclesie, cleri jus juxta posse tueri,
    Plectere predones, populatoresque latrones.
    Non sitis tardi plus : pellite vimleopardi.
    Galli, forte mora prebebit deteriora
    Vobis. Credatis : nocuit mora sepe paratis.
    Lilicole, flores sitis servando parati.
    Este, precor, memores qua sitis stirpe creati.
    Quantum vestrorum fuit ingens nomen avorum,
    Discite quam plura superarunt prelia dura.
    Non natale solum fuit hiis deffendere solum :
    Fortes, audaces, animosi, nonque rapaces,
    Armis experti, disciplineque diserti.
    Moribus imbuti, justum verumque sequti,
    Innumeras gentes vestri vicere parentes.
    Auctores vere fidei legisque fuere.
    Prevaluit marte tune Francia, floruit arte,
    Milicie flore, viguitque sagace lepore.
    Francia, milicie flos, fons et origo sophie
    Te decoravere, tibi nomina magna dedere.
    Sed simul ambo fere solam te deseruere.
    Proth dolor ! adversa sunt omnia nunc vice versa.
    Ha probitas ! die quo latitas, vel qua stacione
    Nunc habitas. Quare fugitas franca regione ?
    Proth dolor ! illimis et aquis argenteus imis
    Manans ex venis mira duieedine plenis
    Fons sinit irriguum fluxum dare more decenti.
    Laus, honor, imperium, nomen, virtus abiere.
    Dedecus, opprobrium, vieium, facinus subiere.
    Pressa gravaris, serva ligaris, Francia terra ;
    Dedecoraris, depopularis saucia guerra.
    Non bene Francia, sed modo patria serva voceris.
    Quare carmine tanto nomine tu spolieris ?
    Die, quo gloria fugit, Gallia ? Quove tuorum
    Nomen ? Vilia sunt convieia quelibet horum.
    Destruitur lex, lux moritur, jus adnichilatur,
    Plebs patitur. Sed qui sequitur ? Demon dominatur.
    […]. »


     

    Illustration d'après un projet de vitrail de M. Lechevallier-Chevignard et destiné à la cathédrale d'Orléans.

    « Jehanne entre dans Orléans le XXIXème jour d'avril — MCCCCXXVIIII »
    « ENTRÉE DE JEANNE D'ARC À ORLÉANS
    « Après avoir franchi les lignes anglaises, Jeanne, montée sur un cheval blanc et précédée de sa bannière entre à Orléans. Le peuple se presse autour d'elle, voulant la toucher ou au moins toucher son cheval. « Messire (Dieu), dit-elle, m'a envoyée pour secourir la bonne ville d'Orléans. » — Projet de vitrail de M. Lechevallier-Chevignard, à Paris, communiqué par M. Ch. des Granges, à Clermont-Ferrand, et destiné à la cathédrale d'Orléans. »

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    WALLON, H. Jeanne d'Arc.
    Édition illustrée d'après les monuments de l'art
    depuis le quinzième siècle jusqu'à nos jours.
    Paris : Firmin-Didot et Cie, 1876.
    (détail d'une planche hors texte entre les p. 70 et 71 de l'ouvrage ;
    la légende se trouve au bas de la gravure elle-même et au-dessous).

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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (+++++) —

    L'ouvrage de Michelet, La Sorcière se compose de deux livres.

    Dans le Livre premier, sous une forme relativement synthétique, peut-on l'estimer, Jules Michelet se livre à une considération de ce que put être la condition féminine au cours du long Moyen-Âge chrétien, à une étude de la sorcellerie durant cette obscure période d'éclipse intellectuelle. Il y analyse le déclin du paganisme, la naissance de Satan, les Sabbats, la Messe noire, etc.

    Dans le Livre deuxième, outre certaines autres considérations relatives à la sorcellerie ou à ce qui s'y rattache, Michelet nous conte et commente certains des procès en sorcellerie parmi les plus tardifs (Gauffridi [1610], Les possésées de Loudun – Urbain Grandier [1632-1634], les possédées de Louviers [1633-1647], la Cadière [1730-1731]…

    Un court Épilogue, des Notes, et la mention des Sources principales de ce travail terminent l'ouvrage.


    Extraits de « La Sorcière » de Jules Michelet.

    Extrait n°1 ; p.  1-2, « Avis de la seconde édition » (rédigé par J. Michelet lui-même) :

    « Des livres que j'ai publiés, celui-ci me paraît le plus inattaquable. Il ne doit rien à la chronique légère ou passionnée. Il est sorti généralement des actes judiciaires.

    « Je dis ceci non-seulement pour nos grands procès (de Gauffridi, de la Cadière, etc.), mais pour une foule de faits que nos savants prédécesseurs ont pris dans les archives allemandes, anglaises, etc., et que nous avons reproduits.

    « Les manuels d'inquisiteurs ont aussi contribué. Il faut bien les croire dans tant de choses où ils s'accusent eux-mêmes.

    « Quant aux commencements, aux temps qu'on peut appeler l'âge légendaire de la sorcellerie, les textes innombrables qu'ont réunis Grimm, Soldan, Wright, Maury, etc., m'ont fourni une base excellente.

    « Pour ce qui suit, de 1400 à 1600 et au delà, mon livre a ses assises bien plus solides encore dans les nombreux procès jugés et publiés. »

    Extrait n°2 ; p.  3-6 de l'« Introduction » (rédigée par J. Michelet lui-même) :

    « Sprenger dit (avant 1500) : « Il faut dire l'hérésie des sorcières, et non des sorciers ; ceux-ci sont peu de chose. » — Et un autre sous Louis XIII : « Pour un sorcier, dix mille sorcières. »

    « « Nature les fait sorcières. » — C'est le génie propre à la Femme et son tempérament. Elle naît Fée. Par le retour régulier de l'exaltation, elle est Sibylle. Par l'amour, elle est Magicienne. Par sa finesse, sa malice (souvent fantasque et bienfaisante), elle est Sorcière et fait le sort, du moins endort, trompe les maux.

    « Tout peuple primitif a même début ; nous le voyons par les Voyages. L'homme chasse et combat. La femme s'ingénie, imagine ; elle enfante des songes et des dieux. Elle est voyante à certain jour ; elle a l'aile infinie du désir et du rêve. Pour mieux compter les temps, elle observe le ciel. Mais la terre n'a pas moins son cœur. Les yeux baissés sur les fleurs amoureuses, jeune et fleur elle-même, elle fait avec elles connaissance personnelle. Femme, elle leur demande de guérir ceux qu'elle aime.

    « Simple et touchant commencement des religions et des sciences ! Plus tard, tout se divisera ; on verra commencer l'homme spécial, jongleur, astrologue ou prophète, nécromancien, prêtre, médecin. Mais, au début, la Femme est tout.

    « Une religion forte et vivace, comme fut le paganisme grec, commence par la sibylle, finit par la sorcière. La première, belle vierge, en pleine lumière, le berça, lui donna le charme et l'auréole. Plus tard, déchu, malade, aux ténèbres du moyen âge, aux landes et aux forêts, il fut caché par la sorcière ; sa pitié intrépide le nourrit, le fit vivre encore. Ainsi, pour les religions, la Femme est mère, tendre gardienne et nourrice fidèle. Les dieux sont comme les hommes ; ils naissent et meurent sur son sein. »

    « Que sa fidélité lui coûte !… Reines mages de la Perse, ravissante Circé ! sublime Sibylle, hélas ! Qu'êtes-vous devenues ? et quelle barbare transformation !… Celle qui, du trône d'Orient, enseigna les vertus des plantes et le voyage des étoiles, celle qui, au trépied de Delphes, rayonnante du dieu de lumière, donnait ses oracles au monde à genoux, — c'est elle, mille ans après, qu'on chasse comme une bêle sauvage, qu'on poursuit aux carrefours, honnie, tiraillée, lapidée, assise sur les charbons ardents !…

    « Le clergé n'a pas assez de bûchers, le peuple assez d'injures, l'enfant assez de pierres, contre l'infortuuée. Le poëte (aussi enfant) lui lance une autre pierre, plus cruelle pour une femme. Il suppose, gratuitement, qu'elle était toujours laide et vieille. Au mot Sorcière, on voit les affreuses vieilles de Macbeth. Mais leurs cruels procès apprennent le contraire. Beaucoup périrent précisément parce qu'elles étaient jeunes et belles.

    « La Sibylle prédisait le sort. Et la Sorcière le fait. C'est la grande, la vraie différence. Elle évoque, elle conjure, opère la destinée. Ce n'est pas la Cassandre antique qui voyait si bien l'avenir, le déplorait, l'attendait. Celle-ci crée cet avenir. Plus que Circé, plus que Médée, elle a en main la baguette du miracle naturel, et pour aide et sœur la Nature. Elle a déjà des traits du Prométhée moderne. En elle commence l'industrie, surtout l'industrie souveraine qui guérit, refait l'homme. Au rebours de la Sibylle, qui semblait regarder l'aurore, elle regarde le couchant ; mais justement ce couchant sombre donne, longtemps avant l'aurore (comme il arrive aux pics des Alpes), une aube anticipée du jour.

    « Le prêtre entrevoit bien que le péril, l'ennemie, la rivalité redoutable, est dans celle qu'il fait semblant de mépriser, la prêtresse de la Nature. Des dieux anciens, elle a conçu des dieux. Auprès du Satan du passé, on voit en elle poindre un Satan de l'avenir. »

    Extrait n°3 ; p.  7-12 de l'« Introduction » :

    « […]. Où aurait-elle vécu, sinon aux landes sauvages, l'infortunée qu'on poursuivit tellement, la maudite, la proscrite, l'empoisonneuse qui guérissait, sauvait ? la fiancée du Diable et du Mal incarné, qui a fait tant de bien, au dire du grand médecin de la Renaissance. Quand Paracelse, à Bâle, en 1527, brûla toute la médecine, il déclara ne savoir rien que ce qu'il apprit des sorcières. »

    « Cela valait une récompense. Elles l'eurent. On les paya en tortures, en bûchers. On trouva des supplices exprès ; on leur inventa des douleurs. On les jugeait en masse, on les condamnait sur un mot. Il n'y eut jamais une telle prodigalité de vies humaines. Sans parler de l'Espagne, terre classique des bûchers, où le Maure et le Juif ne vont jamais sans la sorcière, on en brûle sept mille à Trêves, et je ne sais combien à Toulouse, à Genève cinq cents en trois mois (1513), huit cents à Wurtzbourg, presque d'une fournée, mille cinq cents à Bamberg (deux tout petits évêchés !). Ferdinand II lui-même, le bigot, le cruel empereur de la guerre de Trente ans, fut obligé de surveiller ces bons évêques ; ils eussent brûlé tous leurs sujets. Je trouve, dans la liste de Wurtzbourg, un sorcier de onze ans, qui était à l'école, une sorcière de quinze, à Bayonne deux de dix-sept, damnablement jolies.

    « Notez qu'à certaines époques, par ce seul mot Sorcière, la haine tue qui elle veut. Les jalousies de femmes, les cupidités d'hommes, s'emparent d'une arme si commode. Telle est riche ?… Sorcière. — Telle est jolie ?… Sorcière. On verra la Murgui, une petite mendiante, qui, de cette pierre terrible, marque au front pour la mort, la grande dame, trop belle, la châtelaine de Lancinena.

    « Les accusées, si elles peuvent, préviennent la torture et se tuent. Remy, l'excellent juge de Lorraine, qui en brûla huit cents, triomphe de cette Terreur. « Ma justice est si bonne, dit-il, que seize, qui furent arrêtées l'autre jour, n'attendirent pas, s'étranglèrent tout d'abord. »  »

    Extrait n°4 ; p.  12-13 de l'« Introduction » :

    « […] lisez les registres exécrables qui nous restent de l'Inquisition, non pas dans les extraits de Llorente, de Lamothe-Langon, etc., mais dans ce qu'on a des registres originaux de Toulouse. Lisez-les dans leur platitude, leur morne sécheresse, si effroyablement sauvage. Au bout de quelques pages, on se sent morfondu. Un froid cruel vous prend. La mort, la mort, la mort, c'est ce qu'on sent dans chaque ligne. Vous êtes déjà dans la bière, ou dans une petite loge de pierre aux murs moisis. Les plus heureux sont ceux qu'on tue. L'horreur, c'est l'in pace. C'est ce mot qui revient sans cesse, comme une cloche d'abomination qu'on sonne et qu'on resonne, mot toujours le même : Emmurés.

    « Épouvantable mécanique d'écrasement, d'aplatissement, cruel pressoir à briser l'âme. De tour de vis en tour de vis, ne respirant plus et craquant, elle jailht de la machine, et tomba au monde inconnu.

    « À son apparition, la Sorcière n'a ni père, ni mère, ni fils, ni époux, ni famille. C'est un monstre, un aérolithe, venu on ne sait d'où. Qui oserait, grand Dieu ! en approcher ? Où est-elle ? Aux lieux impossibles, dans la forêt des ronces, sur la lande, où l'épine, le chardon emmêlés, ne permettent pas le passage. La nuit, sous quelque vieux dolmen. Si on l'y trouve, elle est isolée par l'horreur commune ; elle a autour comme un cercle de feu.

    « Qui le croira pourtant ? C'est une femme encore. Même cette vie terrible presse et tend son ressort de femme, l'électricité féminine. La voilà douée de deux dons :

    « L'illuminisme de la folie lucide, qui, selon ses degrés, est poésie, seconde vue, pénétration perçante, la parole naïve et rusée, la faculté surtout de se croire en tous ses mensonges. Don ignoré du sorcier mâle. Avec lui, rien n'eût commencé.

    « De ce don un autre dérive, la sublime puissance de la conception solitaire, la parthénogenèse que nos physiologistes reconnaissent maintenant dans les femelles de nombreuses espèces pour la fécondité du corps, et qui n'est pas moins sûre pour les conceptions de l'esprit. »

    Extrait n°5 ; p.  14-16 de l'« Introduction » :

    « Ce qui étonne, c'est que du premier coup la Sorcière vraiment fit un être. Il a tous les semblants de la réalité. On l'a vu, entendu. Chacun peut le décrire.

    « Les saints, ces bien-aimés, les fils de la maison se remuent peu, contemplent, rêvent ; ils attendent en attendant, sûrs qu'ils auront leur part d'Élus. Le peu qu'ils ont d'actif se concentre dans le cercle resserré de l'Imitation (ce mot est tout le moyen âge). — Lui, le bâtard maudit, dont la part n'est rien que le fouet, il n'a garde d'attendre. Il va cherchant et jamais ne repose. Il s'agite, de la terre au ciel. Il est fort curieux, fouille, entre, sonde, et met le nez partout. Du Consummatum est il se rit, il se moque. Il dit toujours : « Plus loin ! » — et « En avant ! » Du reste, il n'est pas difficile. Il prend tous les rebuts ; ce que le ciel jette, il ramasse. Par exemple, l'Église a jeté la Nature, comme impure et suspecte. Satan s'en saisit, s'en décore. Bien plus, il l'exploite et s'en sert, en fait jaillir des arts, acceptant le grand nom dont on veut le flétrir, celui de Prince du monde.

    « On avait dit imprudemment : « Malheur à ceux qui rient ! » C'était donner d'avance à Satan une trop belle part, le monopole du rire et le proclamer amusant. Disons plus : nécessaire. Car le rire est une fonction essentielle de notre nature. Comment porter la vie, si nous ne pouvons rire, tout au moins parmi nos douleurs ? L'Église, qui ne voit dans la vie qu'une épreuve, se garde de la prolonger. Sa médecine est la résignation, l'attente et l'espoir de la mort. — Vaste champ pour Satan. Le voilà médecin, guérisseur des vivants. — Bien plus, consolateur : il a la complaisance de nous montrer nos morts, d'évoquer les ombres aimées.

    « Autre petite chose rejetée de l'Église, la Logique, la libre Raison. C'est là la grande friandise dont l'autre avidement se saisit.

    « L'Église avait bâti à chaux et à ciment un petit in pace, étroit, à voûte basse, éclairé d'un jour borgne, d'une certaine fente. Cela s'appelait l'école. On y lâchait quelques tondus, et on leur disait : « Soyez libres. » Tous y devenaient culs-de-jatte. Trois cents, quatre cents ans confirment la paralysie. Et le point d'Abailard est justement celui d'Occam !

    « Il est plaisant qu'on aille chercher là l'origine de la Renaissance. Elle eut lieu, mais comment ? par la satanique entreprise des gens qui ont percé la voûte, par l'effort de damnés qui voulaient voir le ciel. Et elle eut lieu bien plus encore, loin de l'École et des lettrés, dans l'École buissonnière, où Satan fit la classe à la sorcière et au berger. »

    Extrait n°6 ; p.  17-19 de l'« Introduction » (fin de l'introduction) :

    « Avec de telles victoires, Satan était bien sûr de vivre. Jamais l'Église seule n'aurait pu le détruire.

    Les bûchers n'y firent rien, mais bien certaine politique.

    « On divisa habilement le royaume de Satan. Contre sa fille, son épouse, la Sorcière, on arma son fils, le Médecin.

    « L'Église, qui, profondément, de tout son cœur, haïssait celui-ci, ne lui fonda pas moins son monopole, pour l'extinction de la Sorcière. Elle déclare, au quatorzième siècle, que si la femme ose guérir sans avoir étudié, elle est sorcière et meurt.

    « Mais comment étudierait-elle publiquement ? Imaginez la scène risible, horrible, qui eût eu lieu, si la pauvre sauvage eût risqué d'entrer aux Écoles ! Quelle fête et quelle gaieté ! Aux feux de la Saint- Jean, on brûlait des chats enchaînés. Mais la sorcière liée à cet enfer miaulant, la sorcière hurlante et rôtie, quelle joie pour l'aimable jeunesse des moinillons et des cappets ! On verra tout au long la décadence de Satan.

    « Lamentable récit. On le verra pacifié, devenu un bon vieux. On le vole, on le pille, au point que des deux masques qu'il avait au Sabbat, le plus sale est pris par Tartuffe.

    « Son esprit est partout. Mais lui-même, de sa personne, en perdant la Sorcière, il perdait tout. — Les sorciers furent des ennuyeux.

    « Maintenant qu'on l'a précipité tellement vers son déclin, sait-on bien ce qu'on a fait là ! — N'était-il pas un acteur nécessaire, une pièce indispensable de, la grande machine religieuse, un peu détraquée aujourd'hui ? — Tout organisme qui fonctionne bien est double, a deux côtés. La vie ne va guère autrement. C'est un certain balancement de deux forces, opposées, symétriques, mais inégales ; l'inférieure fait contre-poids, répond à l'autre. La supérieure s'impatiente, et veut la supprimer. — À tort.

    « Lorsque Colbert (1672) destitua Satan avec peu de façon en défendant aux juges de recevoir les procès de sorcellerie, le tenace Parlement normand, dans sa bonne logique normande, montra la portée dangereuse d'une telle décision. Le diable n'est pas moins qu'un dogme, qui tient à tous les autres. Toucher à l'éternel vaincu, n'est-ce pas toucher au vainqueur ? Douter des actes du premier, cela mène à douter des actes du second, des miracles qu'il fit précisément pour combattre le Diable. Les colonnes du ciel ont leur pied dans l'abîme. L'étourdi qui remue cette base infernale, peut lézarder le paradis.

    « Colbert n'écouta pas. Il avait tant d'autres affaires. — Mais le diable peut-être entendit. Et cela le console fort. Dans les petits métiers où il gagne sa vie (spiritisme ou tables tournantes), il se résigne, et croit que du moins il ne meurt pas seul. »

    Extrait n°7 ; p.  21-22 (livre Premier – Partie I, « La Mort des dieux ») :

    « Certains auteurs nous assurent que, peu de temps avant la victoire du christianisme, une voix mystérieuse courait sur les rives de la mer Égée, disant : « Le grand Pan est mort. »

    « L'antique dieu universel de la Nature était fini. Grande joie. On se figurait que, la Nature étant morte, morte était la tentation. Troublée si longtemps de l'orage, l'âme humaine va donc reposer.

    « S'agissait-il simplement de la fin de l'ancien culte, de sa défaite, de l'éclipse des vieilles formes religieuses ? Point du tout. En consultant les premiers monuments chrétiens, on trouve à chaque ligne l'espoir que la Nature va disparaître, la vie s'éteindre, qu'enfin on touche à la fin du monde. C'en est fait des (Houx de la vie, qui en ont si longtemps prolonge l'illusion. Tout tombe, s'écroule, s'abîme. Le Tout devient le Néant : « Le grand Pan est mort ! »

    « Ce n'était pas une nouvelle que les dieux dussent mourir. Nombre de cultes anciens sont fondés précisément sur l'idée de la mort des dieux. Osiris meurt, Adonis meurt, il est vrai, pour ressusciter. Eschyle, sur le théâtre même, dans ces drames qu'on ne jouait que pour les fêtes des dieux, leur dénonce expressément, par la voix de Prométhée, qu'un jour ils doivent mourir. Mais comment ? Vaincus, et soumis aux Titans, aux puissances antiques de la Nature.

    « Ici, c'est bien autre chose. Les premiers chrétiens, dans l'ensemble et dans le détail, dans le passé, dans l'avenir, maudissent la Nature elle-même. Ils la condamnent tout entière, jusqu'à voir le mal incarné, le démon dans une fleur. Viennent donc, plus tôt que plus tard, les anges qui jadis abîmèrent les villes de la mer Morte. Qu'ils emportent, plient comme un voile la vaine figure du monde, qu'ils délivrent enfin les saints de cette longue tentation. »


    « Le grand Pan est mort. » : à propos de la fêlure, de cette faille paraissant irrémédiable entre les religions monothéistes et la nature (la Nature), l'historien des religions Mircea Eliade s'exprime ainsi dans une note de bas de page de l'un de ses ouvrages :

    « Il y aurait surtout des rectifications urgentes à apporter aux nombreux clichés qui encombrent encore la culture contemporaine comme, par exemple, la célèbre interprétation de la religion en tant qu'aliénation de Feuerbach et de Marx. On le sait Feuerbach et Marx proclament que la religion éloignait l'homme de la terre, l'empêchait de devenir complétement humain etc. Toutefois, même si elle était correcte, une telle critique de la religion ne pourrait s'appliquer qu'aux formes tardives de religiosité, comme celle de l'Inde post-védique ou du judéo-christianisme, c'est à dire à des religions où l'élément « autre monde » joue un rôle important. L'aliénation, l'éloignement de l'homme de la terre sont inconnus — et d'abord inconcevables — dans toutes les religions de type cosmique, tant « primitives » qu'orientales, car, dans ces dernières (c'est à dire dans l'écrasante majorité des religions connues par l'histoire), la vie religieuse consiste précisément à exalter la solidarité de l'homme avec la vie et la nature. »

    In : ELIADE, Mircea. La Nostalgie des origines. Paris : Gallimard, 1978. 310  p. (Folio). Note n°1, p.  112 — chapitre  IV, « Crise de renouveau de l'histoire des religions », sous-chapitre « Histoire des religions et renouveau culturel ».


    « Les manuels d'inquisiteurs » : destiné plus spécialement aux lecteurs qui n'auraient jamais eu encore l'opportunité de lire, de parcourir seulement, l'un de ces textes, nous proposons ci-dessous un extrait du plus célèbre d'entre ces manuels, celui que rédigèrent au XVe siècle deux inquisiteurs, Henry Institoris et Jacques Sprenger…

    Extrait du Malleus Maleficarum :

    « Une fois la décision prise, que les bourreaux se préparent tout de suite à questionner ; et pendant qu'ils se préparent, l'évêque et le juge par l'intermédiaire des gens honnêtes, zélés pour la foi, invitent celui qui va être torturé à avouer librement, lui promettant même si c'est nécessaire d'épargner sa vie. Si on ne peut ainsi ni lui faire peur ni le conduire à dire la vérité, on pourra fixer un deuxième ou un troisième jour pour continuer et non renouveler la torture. On ne doit en effet renouveler la torture, que s'il survient de nouveaux indices contre le prévenu ; par contre il n'est pas interdit de la continuer. Pour cela on dit ceci : Nous, N…, évêque et juge N… susdits, nous t'assignons toi N… tel jour pour la continuation de la question, afin de faire sortir la vérité de ta propre bouche. Tout est écrit dans le procès et, dans le délai fixé, par lui-même ou par des hommes honnêtes, l'évêque (ou juge) invite à dire la vérité. Si cette fois encore il y a refus de dire la vérité, un autre jour fixé on pourra continuer la question, soit avec les mêmes tortures, soit avec de plus fortes, soit avec de moins fortes selon la gravité des fautes. Les juges pourront prendre diverses précautions permises, en paroles ou en gestes, pour avoir la vérité ; toutes choses que l'expérience, l'usage et la diversité des affaires apprennent davantage qu'une technique quelconque ou une théorie. Là où on aura « décemment » questionné et exposé à la torture, si l'accusée n'a pas voulu révéler la vérité, on ne la torturera pas davantage mais on la laissera partir librement. Si elle maintient son aveu et livre la vérité, reconnaissant sa faute et implorant le pardon de l'Église, alors, selon le Droit, comme quelqu'un pris en délit d'hérésie de par son propre aveu mais pénitent, qu'elle fasse une abjuration et qu'on la condamne d'une sentence définitive comme surprise publiquement (en hérésie), de la manière dont sont condamnés ceux qui sont surpris en hérésie de par leur propre confession, comme on le verra dans la huitième forme de sentence.

    « Quand elle aura livré la vérité, sans se repentir et en persistant obstinément dans l'hérésie, mais sans être relapse, alors on la condamnera selon le Droit ; et après une attente décente et une information suffisante, on la livrera au bras séculier pour le dernier supplice, comme on le dira au dixième mode. Si elle était relapse, on la condamnerait selon la forme prévue dans la dixième manière de mettre fin à un procès. »

    In : INSTITORIS, Henry. SPRENGER, Jacques. Le Marteau des sorcières – Malleus Maleficarum – 1486. Texte traduit du latin et présenté par Amand Danet. Grenoble : Éditions Jérôme Millon, 1997. 603 p. (Atopia). P. 519-520.

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    N. B. : numérisation : Numelyo - Bibliothèque numérique de Lyon ; livre issu des collections de : Bibliothèque de la ville de Lyon ; téléchargé depuis : numelyo.bm-lyon.fr.

    HISTOIRE - TRADUCTION — (+++++) —


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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (++) —

    J.-G. Contensou, décédé en 1909, prêtre catholique, fut curé de Notre-Dame d'Ardus (diocèse de Montauban). Il acheva la rédaction de son ouvrage, « Le Berceau de la France chrétienne », très probablement en 1904.


    Extrait de l'ouvrage :

    « Les vieux annalistes racontent que Clovis reçut, peu après son baptême, par l'entremise de sainte Clotilde, une communication et un message du ciel.

    « Cet événement, petit en lui-même, aurait peut-être passé inaperçu et ne serait pas arrivé jusqu'à l'Histoire, c'est à dire jusqu'à nous, s'il n'avait pas eu lieu en un temps où la grande hérésie arienne régnait et ravageait les âmes dans presque toutes les provinces des Gaules ; et si encore il n'avait point provoqué le changement immédiat des armoiries de la France par ordre de Clovis.

    « En voici le récit dans la charmante naïveté du langage de l'époque, et tel qu'il nous a été transmis par le pieux Ribadéneyra, reproduit et confirmé par les Bollandistes, dont on connaît la valeur historique :

    « « Il arriva une chose fort mémorable à saincte Clotilde […]. Elle avait coutume de fréquenter un lieu de dévotion, un bois près d'une fontaine […] où estait un sainct hermite, serviteur de Dieu, vivant en grande pénitence  ; lequel estant en oraison aperçut qu'un Ange descendit du ciel et porta un écusson, en champ d'azur, avec trois fleurs de lis d'or, disant que Dieu envoyait à saincte Clotilde pour être offert à son mary, et à tous les roys de France ses successeurs. » »

    In : CONTENSOU, J.-G. Le Berceau de la France chrétienne et l'action de l'Église dans les Gaules aux Vme et VIme siècles. Montauban : A. Contensou ; Imprimerie catholique Jules Prunet ; 1910. 285 p. P. 107, 108.


     

    Reproduction d'une gravure (p. 163) de l'ouvrage

    « Sa belle âme quitta son enveloppe mortelle pour s'en aller à Dieu. ».
    (Il s'agit ici d'une illustration évoquant la mort de sainte Geneviève).

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    CONTENSOU, J.-G. Le Berceau de la France chrétienne.
    Montauban : A. Contensou, Imprimerie catholique Jules Prunet ; 1910. 285 p.
    La gravure, et sa légende, se trouvent à la p. 163, et illustre
    la mort de sainte Geneviève le 3 janvier 512 (texte p. 159).


    « […] le récit […] tel qu'il nous a été transmis par le pieux Ribadéneyra, reproduit et confirmé par les Bollandistes, dont on connaît la valeur historique […] » !

    De visions anciennes, de visions différentes de celles que peut adopter actuellement tel ou tel, de visions particulières des événements, de l'Histoire, convient-il sûrement de ne point trop se gausser.

    La vision, les visions des événements passés, comme celles d'événements présents (nous parlons de présent en ce qui concerne des événements plus ou moins récents tant le présent sombre très rapidement dans le passé) résultent de nombreux a priori de l'historien, des historiens, des analystes considérés. Des historiens sont, furent catholiques, et monarchistes le cas échéant, d'autres républicains, et anticléricaux, et nationalistes, d'autres marxistes, ou marxisants, etc., chacun interprétant plus ou moins les faits au travers du prisme de l'idéologie à laquelle il adhère, en fonction de la façon dont il l'a assimilée, dont il l'intégre, la comprend…

    Ainsi est-il, fut-il maintes manières de lire les faits, de lire l'histoire.

    « Nominor quia Leo »1.

    Les lectures conventionnelles des faits, des textes, en tel ou tel lieu, à telle ou telle époque, hic et nunc, en ce temps et en ces lieux où l'histoire se voit décrétée par quelques élus, se révèlent déjà provoquer ici de sévères haussements de sourcils, et en provoquent et en provoqueront sûrement bien plus encore illuc et alias.

    Sur ce thème, lisez ci-dessous un article (cité partiellement) rédigé par Bernard Plouvier, l'un de ces hausseurs de sourcils que nous évoquions ci-dessus :

    « Un brillant médiéviste, Jacques Heers, a soutenu, sans encourir de poursuite judiciaire, que l’ensemble de l’historiographie du Moyen Âge n’était qu’imposture. Un universitaire d’Italie, mort en 1996, Renzo de Felice, a très justement écrit : « Par nature, le travail de l’historien est révisionniste, dans la mesure où son travail s'appuie sur ce qui a été mis à jour par ses prédécesseurs et cherche à corriger, approfondir et clarifier sa reconstitution des faits », du moins lorsque l'écrivain d’histoire fait œuvre innovante au lieu de se contenter de copier ses camarades ou de répercuter la propagande du clan des maîtres du Pouvoir ou des gagnants d’une guerre.

    « […]

    « Il est piquant de constater que c'est à un membre du Parti Communiste que l'on a soufflé l'idée de cette loi qui ramène la France aux bons temps de l'Inquisition et apparente la Ve République à l'URSS du bon Joseph Dougashvili, dit « Staline ». La Loi Gayssot ose, en effet, imposer une « vérité historique » estampillée d'État, ce qui est le propre du totalitarisme, qu'il soit d'origine religieux ou politique. On aurait pu penser que cette législation d'exception, authentique honte d'un État dit démocratique, disparaîtrait vite, par l'effet d'un refus indigné des magistrats d'en user. Que nenni ! Elle fut largement appliquée par des juges aux connaissances historiques parfois hésitantes, mais au carriérisme impeccable. Bien plus, elle fut imitée presque partout dans l'Union Européenne, tant il est vrai que la France demeure la « terre des lois », si elle n'est plus – et depuis longtemps – celle des arts ni des armes.

    « En Allemagne, fédérale puis réunifiée, la modification de l'article 130 du Code pénal, en date du 1er décembre 1994 (et son renforcement, en matière de puissance répressive, le 11 mars 2005), a réalisé une authentique codification de l'écriture historique pour les années 1933-1945. Rien que pour la période 1994-2003, l'on a instruit en RFA, puis en République Allemande, 90 395 procès pour « délit de propagande sur fond d'extrémisme de droite ». De tels chiffres évoquent les grandes heures de la RDA communiste.

    « Il existe une législation « antirévisionniste », au titre de « l'antiracisme » (comme si les deux phénomènes, le révisionnisme historique et le racisme, étaient indissociables), en Autriche depuis 1992, en Suisse depuis 1994, en Belgique depuis 1995, en Espagne depuis 1996, etc. Et la censure s'est, bien sûr, étendue (avec un succès mitigé pour des raisons techniques évidentes) au Net. Bienheureux sont les libres citoyens des USA, protégés par le 1er Amendement de leur Constitution, voté par les Congressmen en 1791 : « Le Congrès ne fera aucune loi… qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse ».

    « Voltaire était-il trop optimiste lorsqu'il écrivait: « Un temps viendra où les haines seront éteintes, alors la vérité restera seule » ? Plus probablement, en ces temps futurs, et peut-être mythiques, où l'objectivité serait enfin vénérée, les narrateurs pourraient écrire, en toute liberté, ce qui se rapproche le plus de l'insaisissable vérité historique… du moins, peut-on l'espérer. »2.

    Au cours d'un commentaire de cet article Michel Lhomme apporte diverses précisions et appréciations :

    « À noter que Vincent Reynouard vient de porter un coup que certains considèrent comme pouvant être fatal à la loi Gayssot en déposant une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation sur l'introduction par cette loi d'une inégalité de traitement entre les victimes de crimes contre l'humanité. L'argument paraît fondé mais nous doutons que le Conseil Constitutionnel s'y arrête. Pour nos lecteurs et surtout, nos jeunes lecteurs - et nous en avons beaucoup ! - une précision élémentaire s'impose sur le procès de Nuremberg sur lequel s'appuie toute la loi Gayssot. Ce procès a  constitué « une continuation de l'effort de guerre des Nations Unies » ( selon les propres termes du procureur américain Jackson, son organisateur). Ce procès n'a, en effet, pas été un procès mais un acte de guerre d'une durée de dix mois dans les années 1945-1946. Sur ce procès, la loi Gayssot interdit de contester seulement ce qui, dans ce jugement, porte sur les « crimes contre l'humanité », c'est-à-dire environ 2 % des 187 pages de la version française. À Nuremberg, aucun jugement en appel n'a été autorisé et fait unique dans l'histoire judiciaire, on s'est passé ouvertement des « règles techniques relatives à l'administration des preuves ». Je cite : « Le Tribunal n'exigera pas que soit rapportée la preuve de faits de notoriété publique mais les tiendra pour acquis ». Ainsi, on donna automatiquement valeur de preuves authentiques à tous les documents et rapports officiels des Gouvernements des Nations Unies, y compris ceux dressés par les Commissions établies dans divers pays alliés pour les enquêtes sur les crimes de guerre commis par les vaincus. Parmi ces crimes figuraient celui de Katyn allègrement attribué aux Allemands et les chambres à gaz homicides. ML. »2.

    Bernard Plouvier écrit lui-même également un commentaire à son propre article, il y dit notamment :

    « La Cour de cassation peut difficilement se prononcer sur une loi votée il y a 15 ans.

    « Reynouard et les membres de la secte négationniste ne peuvent qu'espérer la généralisation de l'arrêt du 28 février 2012 de la Cour (in JO du 3 mars) écartant « toute portée normative » de la loi pénalisant la négation de tous les génocides, votée le 23 janvier, et considérée par les membres de la Cour comme « une atteinte anticonstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication ». 

    « […]

    « L'affaire de Katyn a été retirée des attendus du jugement du TMI de Nuremberg et aucune condamnation n'a été rendue en 1946 de ce fait.

    « Enfin, un arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme, rendu le 17 décembre 2013, a mentionné cette profonde vérité : « La recherche historique est par définition controversée et discutable, et ne se prête guère à des conclusions définitives ou à l'affirmation de vérités objectives et absolues ».

    « On ne saurait mieux dire.

    « On peut espérer que la fin du stupide négationnisme du génocide juif permettra de faire abroger la Loi Gayssot, honte absolue de la France. Toutefois, négationnisme et subventions diverses pour la propagation de la mémoire de la Shoah s'alimentent respectivement, en un jeu pervers qui gêne profondément ceux qui s'intéressent honnêtement à la difficile écriture historique des années 1914-1945. »2.

    D'autres que les auteurs mentionnés et cités ci-dessus se sont émus de la prétention des législateurs à dire l'histoire. Mentionnons, parmi ces autres, Robert Badinter, mais pareillement ces dix-neuf historiens, et non des moindres, qui signèrent une déclaration commune rendue publique le 12 décembre 2005 demandant la « Liberté pour l'histoire ! » : Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet, Michel Winock.

    Interviewé par Nickolas Poincarré (France Info, 14 octobre 2010, 13e Rendez-vous de l'histoire) Robert Badinter juge inconstitutionnelles les lois mémorielles, « compassionnelles » :

    « N. Poincaré :

    « Juste un mot sur une question qui m'intéresse moi, et dont vous ne parlerez peut-être pas dimanche à Blois mais qui m'intéresse beaucoup, c'est lorsque la loi essaye de faire l'histoire je pense aux lois mémorielles ou à la loi Gayssot qui punit le révisionnisme ?

    « R. Badinter :

    « C'est un aspect très intéressant de l'époque récente. Ma position est très claire, très claire ; le Parlement n'a pas à dire l'histoire. Le parlement fait l'histoire, il n'a pas à la dire, ni à la fixer. Les lois mémorielles, que j'appelle des lois compassionnelles, qui sont faites pour panser des blessures, apaiser des douleurs — et je comprends ça parfaitement — mais elles n'ont pas leur place dans l'arsenal législatif. La loi est une norme. La loi a pour fonction de réglementer une société de prévoir son avenir. Elle n'a pas à prendre parti dans une querelle historique ou tout simplement à affirmer un fait historique même indiscutable. J'ajoute, il faut bien le prendre en compte : la Constitution ne le permet pas. Je le dis clairement, elle ne le permet pas.

    « La loi en France n'est pas comme en Angleterre, le Parlement ne peut pas tout dire. Le Parlement a une compétence d'attribution, et rien ne permet au regard de la constitution au législateur de s'ériger en tribunal de l'histoire. Rien.

    « Par conséquent je comprends très bien les passions et le désir des élus de panser les blessures et de faire des lois compassionnelles : ça n'est pas la finalité du Parlement et constitutionnellement c'est hors de la compétence du Parlement. »3.

    « Émus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l'appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs », dans leur plaidoyer en faveur de la « Liberté pour l'histoire ! », Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock écrivent notamment :

    « […] l'histoire n'est pas une religion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique. L'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui ».

    Il disent aussi :

    « L'histoire n'est pas la mémoire. L'historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L'histoire tient compte de la mémoire, elle ne s'y réduit pas. L'histoire n'est pas un objet juridique ».

    Et ils disent encore :

    « […] dans un État libre, il n'appartient ni au Parlement ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l'État, même animée des meilleures intentions, n'est pas la politique de l'histoire ».

    Ils concluent ainsi :

    « C'est en violation de ces principes que des articles de lois successives — notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 — ont restreint la liberté de l'historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu'il doit chercher et ce qu'il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. Nous demandons l'abrogation de ces dispositions législatives indignes d'un régime démocratique. »4.

    En guise de conclusion en ce qui concerne ces quelques considérations sur le thème évoqué dans les paragraphes qui précèdent explorant un tant soit peu la confrontation entre l'histoire et la loi, voici un article de Dominique Vidal reprenant, citant certains des éléments évoqués plus haut…

    « L’histoire, sa négation et la loi
    « par Dominique Vidal

    « L’histoire, sa négation et la loi : si j’ai choisi ce thème, c’est devant le spectacle lamentable donné le 12 octobre 2006 par notre Assemblée nationale lorsque, aux trois quarts vide, elle vota un projet de loi punissant d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende quiconque nierait le génocide arménien. Les instigateurs avaient de toute évidence plus en vue les suffrages des Arméniens de France ou ceux des opposants à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne que la mémoire des martyrs de 1915-1917.

    « Or, sur ce genre d’errance, Pierre Vidal-Naquet nous a légué quelques idées simples et fortes, que je voudrais évoquer ici brièvement.

    « Il me faut d’abord souligner que, dans notre époque de grande confusion intellectuelle – je dirais presque mentale –, s’il est une qualité rare et néanmoins plus nécessaire que jamais, c’est la cohérence. Par là, je n’entends évidemment pas le dogmatisme, grâce auquel certains traversent les décennies sans rien voir de ce qui change, se contentant d’appliquer une grille de lecture obsolète, et qui l’était d’ailleurs souvent dès sa création.

    « Non : je pense, au contraire, à cette capacité de comprendre et, si possible, de transformer la réalité mouvante sans que les préjugés la rendent inintelligible, mais sans non plus perdre de vue quelques points de repères philosophiques, moraux et méthodologiques, sans lesquels elle serait également incompréhensible.

    « Pierre Vidal-Naquet a consacré une partie de sa vie et de son œuvre à combattre pied à pied ceux qu’il appelait les « assassins de la mémoire » – François Gèze y reviendra et je ne voudrais pas lui couper l’herbe sous le pied. Ce combat, faut-il le préciser, il le mena comme historien, comme citoyen et comme Juif, qui plus est fils d’un père et d’une mère disparus dans le camp d’extermination d’Auschwitz. Cela seul suffit d’ailleurs à justifier la place de cette réflexion dans notre séquence.

    « Or voilà que, le 13 juillet 1990, s’ajoute à la loi de 1881 sur la liberté de la presse un article 24 bis, dit loi Gayssot, qui punit « ceux qui auront contesté […] l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité ». La plupart des observateurs y voient alors une victoire du combat contre le négationnisme. Pas Pierre Vidal-Naquet : « J’ai toujours été absolument contre cette loi, avec d’ailleurs la grande majorité des historiens, expliquera-t-il. Elle risque de nous ramener aux vérités d’État et de transformer des zéros intellectuels en martyrs. L’expérience soviétique a montré où menaient les vérités d’État. La loi de 1972 contre le racisme suffit amplement [1]. » Au nom de la liberté de la recherche, la Ligue des droits de l’homme, avec sa présidente Madeleine Rebérioux, va dans le même sens. Une personnalité comme Simone Veil avait d’ailleurs déclaré : « Il n’existe pas de loi pour interdire d’affirmer que Jeanne d’Arc n’a pas existé, ou que Verdun n’a pas eu lieu. Si l’on fait une loi, c’est que le débat est ouvert. Ce n’est pas le cas, même si quelques olibrius prétendent le contraire [2]. »

    « De fait, non seulement la loi Gayssot n’a pas mis fin à la propagande des négateurs du génocide nazi, qui a notamment envahi le cyberespace, mais elle a dissimulé aux défenseurs de la mémoire la nécessité d’une bataille d’idées implacable. Pis : elle a permis aux nostalgiques de l’antisémitisme nazi de se draper dans les plis du drapeau de la liberté – eux qui ne haïssent rien tant que la liberté…

    « Quinze ans plus tard, sa position claire, bien que minoritaire, a permis à Pierre Vidal-Naquet de mieux contribuer à la défaite de la loi du 23 février 2005, qui prétendait imposer aux manuels scolaires la défense des « aspects positifs de la présence française outre-mer et notamment en Afrique du Nord ». Il l’a fait sans s’empêtrer dans les contradictions de ceux qui dénonçaient la loi de 2005 tout en défendant celle de 1990. « Ici se manifeste cette cohérence dont je parlais. Elle a trouvé son expression la plus nette, à mes yeux, dans l’appel « Liberté pour l’histoire », que Pierre Vidal-Naquet signa avec plusieurs de ses confrères. Ce texte mérite d’être relu :

    « « L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.

    « « L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique.

    « « L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui.

    « « L’histoire n’est pas la mémoire. L’historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L’histoire tient compte de la mémoire, elle ne s’y réduit pas.

    « « L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire [3]. »

    « Ainsi Pierre Vidal-Naquet et ses confrères rejetaient-ils, d’un même mouvement, la loi Gayssot sur le négationnisme, la loi reconnaissant le génocide arménien, la loi faisant de la traite et de l’esclavage un crime contre l’humanité et la loi sur le bilan positif de la colonisation qui, concluaient-ils, « ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. Nous demandons l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique ».

    « En menant ce combat, Pierre Vidal-Naquet ne défendait pas que le principe de la liberté de la recherche. Il exprimait aussi et surtout sa confiance dans la capacité des historiens et, plus généralement, des intellectuels, à travailler pour la vérité et, ce faisant, à convaincre leurs contemporains.

    « Permettez-moi de conclure sur un souvenir personnel. Il y a cinq ans, je préparais une synthèse des travaux des jeunes historiens d’outre-Rhin sur le génocide nazi. Pierre accepta d’en relire, crayon en main, le manuscrit. Certains chapitres pouvaient choquer, tant ils contredisaient l’historiographie traditionnelle. « Ne vous censurez pas, me dit-il fermement. L’essentiel, c’est de faire connaître aux lecteurs français l’apport de ces historiens, y compris ce qui, même troublant, permet d’approfondir la compréhension du génocide. Cela seul compte. Et tant pis pour ceux que cela choquera. »

    « Notes :
    « [1] Interview au Monde, 4 mai 1996.
    « [2] L’Express, 25 septembre 1987.
    « [3] Libération, 13 décembre 2005. » 5.

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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (++++) —

    Ci-dessous nous citons l'intégralité de l'Avertissement de l'ouvrage (pages 1 et 2) :

    « Pour raconter les événements du règne de Charles VI, de ce règne d'un caractère tout spécial dans l'histoire et si fécond en calamités de tout genre, j'ai consulté des documents et des textes originaux. Les sources auxquelles ont puisé MM. de Barante, de Sismondi, et tous ceux qui nous ont laissé le récit des événements de cette longue période, sont abondantes et pour la plupart bien connues. Cette époque nous présente en effet des historiens fort remarquables : Jean Froissart, dans lequel le charme et la vérité des détails se trouvent unis à la naïveté du style , Juvénal des Ursins, qui raconte avec autant d'exactitude que de simplicité ; le Religieux de Saint-Denis, écrit en latin, mais aussi attachant et souvent aussi dramatique que Froissart ; Enguerrand de Monstrelet, qui contient un grand nombre de pièces originales ; enfin le Journal d'un Bourgeois de Paris, etc. Quoique ce livre soit particulièrement destiné à la jeunesse, j'ai cru devoir indiquer fidèlement dans le cours de mon récit les sources où j'ai puisé et les autorités que j'ai consultées ; mais je n'ai pas cru nécessaire pour cela de lui présenter une nourriture qui ne pourrait convenir qu'à des hommes faits. J'en ai donc banni les dissertations arides et fatigantes, et pour me mettre à la portée de mes lecteurs, j'ai raconté au lieu de discuter. Afin d'exciter leur attention et de mieux graver les faits dans leur mémoire, j'ai donné tous les développements nécessaires aux passages les plus intéressants. Enfin je me suis efforcé d'animer mon récit en résumant, quelquefois même en citant textuellement les historiens de l'époque, et en prenant pour guide l'excellent travail de M de Barante sur les ducs de Bourgogne. »


    Principaux épisodes de l'histoire passés en revue dans l'ouvrage :

    — Rivalités des Princes du Sang
    — Révolte des Flamands
    — Jeunesse, majorité de Charles VI
    — Ministère des Marmousets
    — Croisades du connétable de Bourbon contre les Sarrasins d'Afrique
    — Assassinat du connétable de Clisson
    — Le roi marche contre le duc de Bretagne
    — Maladie du roi, démence, guérisons et rechutes
    — Richard II épouse Isabelle de France
    — Croisade contre les Turcs, bataille et défaite de Nicopolis
    — Lutte entre les maisons de Bourgogne et d'Orléans
    — Meurtre du duc d'Orléans
    — Les Armagnacs contre les Bourguignons
    — Intervention anglaise
    — Complicité de Jean Sans Peur
    — Les Cabochiens
    — Siège de la Bastille par le peuple
    — Bataille d'Azincourt
    — Massacre des Armagnacs
    — Les Anglais en Normandie
    — Meurtre de Jean Sans Peur…



     

    Gravure de Karl Girardet, extraite de l'ouvrage de M. Todière intitulé : Charles VI - Les Armagnacs et les Bourguignons (édition de 1863).

    « Deux pages marchaient derrière le roi. Celui qui portait la lance royale s'endormit sur son cheval, et la lance, lui échappant des mains, alla frapper le casque de fin acier que portait l'autre page. À ce bruit soudain, à cette lueur, le roi sort de sa rêverie, il se rappelle les paroles du prétendu spectre et se croit trahi. Il devient furieux, ses yeux étincellent, on le voit se lever sur ses étriers, tirer son épée et piquer des deux en s'écriant : « Sus ! sus ! aux traîtres ! Ils veulent me livrer aux ennemis ! » Il se précipite alors sur les gens de sa suite, frappant à droite et à gauche sans reconnaître personne ; il en tue quatre et en blesse plusieurs. L'étonnement et la frayeur s'emparent de tous les esprits. On s'écarte, on fuit devant le roi, personne ne lui résiste, on respecte sa fureur. […] »

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    TODIÈRE, Louis-Phocion.
    Charles VI – Les Armagnacs et les Bourguignons.
    Tours : Ad Mame et Cie, 1863. 428 p.
    La gravure, de Karl Girardet, représente
    Charles VI se précipitant sur les gens de sa suite
    (planche entre les p. 124 et 125 de l'ouvrage ;
    le texte utilisé en guise de légende
    se trouve quant à lui aux p. 127-128).

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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (++++) —

    Ci-dessous nous reproduisons l'essentiel des ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES concernant Charles Buet et figurant au début de l'ouvrage (page 3) :

    « Charles Buet (naissance à Chambéry en 1846 – décès à Paris en 1897) fut journaliste (Courrier des Alpes, Journal de la Savoie, L'Écho de L'Ardèche, L'Univers…), romancier, essayiste, traducteur (il traduisit un essai depuis l'italien), aussi auteur de pièces de théâtre. Il se montra d'un catholicisme militant très marqué, capable de soutenir hardiment diverses polémiques ; en effet Charles Buet publia de nombreux textes destinés à restaurer l'image de l'Église, de la monarchie française, aux yeux de l'opinion publique. Il fréquenta, parmi les intellectuels catholiques les plus célèbres de son époque, Jules Barbey d'Aurevilly, Léon Bloy, Paul Féval, Joris-Karl Huysmans… »


    Extrait de la Conclusion de l'ouvrage (p. 293-295) :

    « La mémoire de Louis XI ne fut pas, comme on le croirait de nos jours, un objet de haine et d'exécration. La nation française, représentée alors par les bonnes villes, les communes et les corporations, déplora la mort de celui qui avait été son premier organisateur. La fin du règne de ce grand roi causa une vive inquiétude. Le régime des lois s'établissait de plus en plus ; on n'entendait plus parler de ces hardies entreprises des grands, dont les populations finissaient toujours par être victimes, ni de bandes armées parcourant et dévastant les campagnes. L'impôt avait été augmenté, mais on vivait tranquille : si beaucoup d'argent avait été dépensé, l'État n'avait point de dettes. Quelquefois des critiques s'étaient élevées contre certaines innovations : le signal en fut donné presque toujours par les classes privilégiées, qui sentaient ce qu'elles perdaient d'influence tous les jours ; mais, en définitive, on commençait à s'apercevoir des bons effets de ce gouvernement, protecteur éclairé du commerce et de toutes les industries. Voilà ce que les sages entrevoyaient. Maintenant, qu'est-ce que tout cela allait devenir ?

    « Peu à peu cependant la réaction féodale, les historiens bourguignons et les chroniqueurs de Bretagne remplacèrent cette opinion juste et fondée par les préjugés les plus odieux.

    « Claude de Seyssel, un des plus emportés contre Louis XI, admet cependant « qu'il étoit moult sage et clairvoyant en ses affaires, et soudain à exécuter ses entreprises. Difficilement il se laissoit tromper, car il avoit un entendement aigu et cauteleux. »

    « Il avoue encore que « si le roi empêchoit l'argent de sortir de France, il n'usoit guère d'habillements riches ni de fourrures précieuses ; que jamais il n'envoya d'armée hors de son royaume, bien qu'il y fût excité par les Italiens ; qu'enfin, par son sens et par sa puissance, il tint son royaume en grande sécurité et réputation, et ses voisins en grande crainte. »

    « Pierre Mathieu, l'historien de Henri IV, quoique diamétralement opposé à la politique de Louis XI, est contraint de se rendre à l'évidence des faits et de faire l'éloge de ce règne. Résumant les avantages obtenus par la guerre avec Maximilien et les négociations qui en furent la conséquence, cet historien s'exprime ainsi : « Le roi de France se saisit des deux Bourgognes et d'une partie de l'Artois, et il eût contraint l'archiduc Maximilien de quitter les Pays-Bas et de mener la princesse sa femme en Allemagne, si la bataille de Guinegate n'eût changé les desseins de la guerre en des résolutions de paix… Louis laissera à son fils, dit-il encore, la couronne plus assurée qu'il ne l'a reçue de son père, l'ayant enrichie de plusieurs beaux fleurons, Anjou, Bar, Provence, Bourgogne, du recouvrement des villes de Picardie et de quelques autres en Artois. La prudence le rendit victorieux de ses ennemis, juge du différend de Castille et de Navarre, protecteur de la liberté des républiques d'Italie, arbitre de la paix entre Rome et Florence, puis entre Rome et Venise. Nous ajouterons qu'il fut le médiateur pacifique et désintéressé des troubles qui s'élevèrent à plusieurs reprises en Savoie. »

    « À ces aveux s'ajoutent les appréciations des historiens français. Commines se prononce hautement en faveur de Louis XI : « À Dieu seul appartient la perfection, dit-il, mais quand en ung prince la vertu et bonnes conditions précèdent les vices, il est digne de grant mémoire et louange… J'ose bien dire de luy à son loz qu'il ne me semble pas que jamais aye cognu nul prince où il y eust moins de vices que en luy, à regarder le tout. »

    « Il est aussi affirmatif quand il ajoute : « La plupart de ses œuvres, Mahomet II les conduisoit de luy et de son sens ; ainsi faisoit notre roy, et aussi le roy de Hongrie, Mathias Corvin, et ils ont été les trois plus grands hommes qui ont régné depuis cent ans. »

    « […]. »

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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (+++++) —

    Émile Keller est né à Belfort le 8 octobre 1828. Il est mort à Paris le 20 février 1909.

    Catholique et bonapartiste il fut un homme politique parvenant à une certaine notoriété, et un essayiste qui rédigea plusieurs ouvrages parmi lesquels : Histoire de France (1859 ; rééditions jusqu'en 1894) ; Vie de Jeanne d'Arc (1894) ; Revanche des Francs-maçons (1901)…


    Extraits de l'ouvrage.

    Texte de la Préface (p. 7) :

    « C'est un devoir de connaître l'histoire de son pays. Il faut rendre ce juste hommage aux aïeux qui l'ont arrosé de leurs sueurs et de leur sang ; il faut prendre possession de leur antique gloire, héritage commun du riche et du pauvre ; il faut enfin s'instruire pour l'avenir, et apprendre par quelles vertus une nation subsiste et grandit. Que l'indifférent foule d'un pied ingrat la tombe d'un grand homme, le seuil d'une cathédrale ou la terre d'un champ de bataille, et qu'il aille sans regrets chercher, loin du pays natal, une vie plus aisée. L'homme de cSur sait qu'autour de lui est le fruit du travail et du courage. Sa vie est laborieuse ; mais plus dure a été la vie de ses ancêtres. Humble ouvrier, il apporte sa pierre à leurs Suvres séculaires, et, dans ses loisirs, c'est aux récits du passé qu'il retrempe sa vertu. La maison de ses pères, son église, son village, la patrie tout entière s'embellit alors pour lui de souvenirs, de nobles pensées, et a comme une âme qui parle à la sienne. »

    Extrait du Livre VI, p. 251-252 :

    « I. Par la soif de l'or et d'une domination universelle, l'Espagne s'était condamnée à la paresse et à la servitude. Impuissantes à conquérir l'Europe, ses armes n'avaient fait que développer la vigueur militaire de la Hollande et de l'Angleterre, comme jadis celles de l'Autriche avaient suscité la Suisse. Non moins despotiques qu'elle sur le terrain de la théologie, les États réformés, après avoir anéanti dans leur fureur iconoclaste les monuments et les écoles de l'art chrétien, tournaient leur jeune activité vers les progrès de l'agriculture, les spéculations du commerce et de l'industrie, le trafic des mers et tout ce que la science peut inventer pour le progrès matériel de l'homme. Amasser et dominer, telle était toujours leur devise, et ceux que ces biens terrestres ne consolaient pas de la perte des richesses spirituelles étaient voués à d'impitoyables persécutions. La France, au contraire, ouvrait à la fois un asile hospitalier aux négociants et aux fabricants du Nord, aux artistes, aux poètes, aux saints du Midi. Le génie des affaires revivait à côté de Henri IV dans son fidèle et laborieux serviteur Sully, ennemi de toute prodigalité, restaurateur des finances, protecteur intelligent du commerce et de la culture ; mais l'esprit large et brillant du roi tempérait l'âpre économie du ministre, et conservait à la France dans sa prospérité quelque chose de plus noble que ses voisins. Par leurs soins, le canal de Briare réunit la Loire à la Seine ; les routes et les ponts furent remis en état ; des pépinières de mûriers blancs peuplèrent le Languedoc et la Provence ; le trésor dota des manufactures de cristal, de drap d'or, de tapisseries ; enfin de hardis colons, portant le drapeau de leur patrie en Amérique, prirent possession de Terre-Neuve, et jetèrent les fondements de Québec au Canada. Les prêts à intérêt, devenus nombreux à la faveur des guerres de religion, furent consolidés pour le passé, interdits pour l'avenir. Ainsi l'industrie dut se développer avec ses propres forces, sans le fiévreux aiguillon du crédit, si dangereux pour le tempérament français. L'agriculture obtint une sage préférence : labourage et pâturage, telles étaient, suivant Sully, les deux mamelles de la patrie. Le sol, les eaux, les forêts furent aménagés avec prudence, beaucoup de terres incultes depuis les troubles rendues à la charrue, et, à la voix de l'éloquent Olivier de Serres, la passion des champs parut un instant gagner jusqu'aux nobles.

    « II. Pendant que, délivrée des bandes anglaises, allemandes ou espagnoles, la nation se livrait à ces paisibles travaux, la cour reprenait ses fêtes, ses élégants plaisirs. En épousant Marié de Médicis (1600), Henri IV renouait avec l'Italie les relations artistiques de François I et de Henri II. Léger et voluptueux comme eux, mais ayant l'expérience de longues calamités, il gardait plus de retenue dans ses scandales, se piquait d'être bon père de famille, et aimait à paraître jouant lui-même avec ses enfants. Bien différente de sa tante Catherine, la nouvelle reine avait respiré avec l'air purifié de sa patrie les principes d'une morale plus douce et moins païenne. Si la vertu reprenait quelque empire jusque dans les régions peu accessibles du pouvoir, ailleurs elle exerçait plus librement ses charmes. L'auteur d'Essais célèbres, Michel Montaigne, venait de mourir, cSur honnête et sincère, n'enfouissant plus, comme Rabelais, la vérité dans la fange, conservant au milieu de grandes faiblesses la dignité de l'homme et l'amour du beau, et, sans beaucoup de théologie, sachant fort bien démasquer chez les huguenots le dessein de pêcher en eau trouble. Dans le sein de l'Église, aux héros et aux martyrs de la Ligue succédaient les apôtres plus doux de la charité. Instruite à son tour par trente années d'épreuves, la France secondait le progrès de nouveaux ordres religieux ou la réforme des anciens. »

    Extrait de la Conclusion, p. 380-381 :

    « VII. En effet, dans l'histoire, chacun est non-seulement spectateur, mais encore ouvrier. Par ses vertus ou par ses vices, il contribue au progrès ou à la décadence de sa patrie. En lui, comme sur le grand théâtre des siècles, se livre le combat du bien et du mal, ennemis irréconciliables, tous deux avides de régner. Dans cette lutte chacun est libre. Toutefois, dans la vie privée ainsi que dans la vie publique, le mot sacré de liberté ne convient ni au libertin de propos délibéré, ni au lâche indécis entre les deux camps. Car quiconque fait mal, fût-il maître du monde, devient esclave de ses passions ; quiconque fait bien s'affranchit et grandit, fût-ce dans l'esclavage. Aussi, quoiqu'on abuse sans cesse de son nom, la liberté de l'homme, c'est-à-dire le développement volontaire de ses forces, de son esprit, de sa dignité, le respect de lui-même et de ses semblables, s'exerce pour le prince et pour le citoyen dans le respect des lois, non dans leur renversement ; pour l'ouvrier et pour le père de famille, dans le travail, dans l'économie, non dans la paresse ni dans l'imprévoyance ; pour la femme, dans le saint joug du mariage, et non dans l'inconstance ; pour l'artiste, dans le champ du beau, et non dans les abîmes du laid ; pour le chrétien, quel qu'il soit, dans la carrière sans limites de la vérité et du dévouement, de la foi et de la charité, et non dans les caprices de l'erreur ou les fantaisies de l'égoïsme. Sans cette obéissance à une loi morale maîtresse et protectrice de tous, il n'y a que servitude pour les petits et domination des plus forts.

    « VIII. Nulle part plus qu'en France cette liberté ne subsiste, malgré les entraves qui l'ont environnée. Que le Russe convoite l'empire du monde ; que l'Anglais absorbe les richesses de l'un et l'autre hémisphère ; que l'Américain entasse son or, son blé, ses esclaves ; que l'Allemand déserte pour un sol plus riche le champ et le toit paternels ; qu'ici des religions nationales travaillent à la puissance exclusive de tel ou tel peuple ; que là protestants ou rationalistes soient tout occupés de leur grandeur personnelle : le Français reste généreux, incapable de calcul ou d'hypocrisie, prodigue de bravoure et de dévouement, exposé à plus d'une folie, à plus d'une inconstance, mais passionné pour tout ce qui est beau, grand, chevaleresque. Entre tous, il a eu cet insigne privilège de ne réussir en aucune entreprise injuste, et de trouver dans un prompt châtiment le remède de chaque faute. Grâce à ces épreuves, il est demeuré fidèle à sa foi comme à sa patrie. En lui se perpétuent la vie et l'instinct catholiques, conduisant de concert tous les hommes et tous les peuples à un développement fraternel ; en lui, comme dans le laboureur qui relève au pied du Vésuve sa chaumière en cendres, vit l'amour du pays natal. Il n'est contrée si fertile, climat si séduisant, auquel il ne préfère cette terre péniblement cultivée, rudement défendue, disputée de père en fils à la paresse, au vice, à la barbarie. En dépit des orages et des calamités, elle est toujours pour lui assez forte, assez belle, assez riche ; car elle est la terre des gens de cœur, des nobles courages, des sacrifices généreux, des grands et impérissables souvenirs. »


     

    Reproduction d'une gravure tirée d'une édition de 1877 (cinquième édition) de l'ouvrage de Émile Keller intitulé Histoire de France. L'illustration est légendée : Eudes, comte de Paris, et l'évêque Gozlin repoussent les assauts des Normands.

    « Eudes, comte de Paris, et l'évêque Gozlin repoussent les assauts des Normands. ».

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    KELLER, Émile. Histoire de France.
    Tours : Alfred Mame & Fils, éditeurs, 1877. 388 p.
    La gravure, et sa légende, se trouvent à la p. 77.

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    ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (+++++) —

    Hermann Pergameni (1844-1913) fut avocat à la Cour d'appel de Bruxelles. Il quitta le barreau en 1880 et fut professeur (histoire de la littérature française, histoire, géographie, littératures). Aussi fut-il doyen de la Faculté de philosophie et lettres de l'Université libre de Bruxelles de 1892 à 1894. Auteur, il composa de nombreuses poésies (1870, 1871), avant de bientôt se consacrer à la rédaction de nouvelles puis de courts romans (de 1871 à 1888) ; mais il rédigea également des essais (à partir de 1875), des études historiques (parmi ces dernières, en 1880, Les Guerres des paysans).


    Table des matières de l'ouvrage de Hermann Pergameni, « Les Guerres des paysans » :

    INTRODUCTION
    I. — Les guerres des paysans sous l'empire romain. Les Bagaudes.
    II. — Les Jacqueries nationales du haut moyen âge. Les Kerels.
       1° État des paysans lors de la formation de la féodalité.
       2° Les premiers Karls.
       3° Les Saxons d'Angleterre.
       4° Les Kerels de Flandre.
       5° Les Irlandais, les Gallois et les Scandinaves.
       6° Les Prussiens et la croisade teutonique.
       7° Résumé de la période.
    III. — La Crise féodale et les Jacqueries du XIVe siècle.
       1° Etat des paysans.
       2° Les Jacqueries françaises.
       3° Les Jacqueries anglaises.
       4° Les Jacqueries bohèmes et la guerre des Hussites.
       5° Les Jacqueries flamandes.
       6° Résumé de la période.
    IV. — La Réforme et les grandes guerres des paysans pendant les temps modernes.
       1° Influence de la Réforme sur l'état des paysans.
       2° La grande guerre des paysans dans l'empire d'Allemagne et les pays germaniques.
       3° Les guerres des paysans en France.
          1. Les révoltes du XVIe siècle et les guerres de religion.
          2. Les révoltes des paysans sous les Bourbons. Les Bonnets bleus et les Camisards.
       4° Les guerres des paysans en Espagne et dans les îles Britanniques.
       5° Les guerres des paysans dans l'Europe orientale.
          1. Etat des paysans russes au XVIe siècle.
          2. Les Touchinistes.
          3. La Jacquerie cosaque.
          4. La révolte de Pougatchef.
       6° Résumé de la période.
    V. — Les guerres des paysans pendant l'époque contemporaine.
       1° Généralités
       2° La Jacquerie française de 1789.
       3° La Vendée et la chouannerie.
       4° La Vendée belge.
       5° La Vendée irlandaise
       6° Les guerres des paysans sous l'empire français.
       7° La Jacquerie de 1846 en Galicie.
       8° Résumé de la période.
    CONCLUSION


    Extrait n°1 ; p. 15-17 :

    « Au moment de la conquête romaine, la Gaule brillait au premier rang des vaincus pour la perfection de son agriculture. Toutefois, la condition des laboureurs ne semble pas avoir dû y être fort heureuse ; à vrai dire, la Gaule était déjà du temps de César un vrai pays féodal, dominé par les grands propriétaires terriens, les nobles, entourés de leurs vassaux et de leurs clients ; quant aux paysans, ils paraissent n'être que des espèces de serfs. « Plebs pene servorum habetur loco, » dit César (1), et il ajoute que les nobles ont vis à vis de la masse populaire, les mêmes droits que les maîtres sur leurs esclaves.

    « Ce servage ne fit que se consolider par la conquête.

    « La terre, rançonnée par le fisc impérial, s'épuisa ; les paysans libres, affamés, se réfugièrent dans le patronat pour avoir au moins du pain, et le colonat les conduisit au servage.

    « Comme le disait Eumène dans son panégyrique de Constantin, « le laboureur se refusait à un travail dont le fisc dévorait tout le fruit ».

    « En vain Salvien et Lactance s'élèvent-ils contre ces abus ; en vain, Constantin et Julien interviennent-ils pour arrêter le développement des latifundia ; les campagnes restent en friche, les paysans disparaissent. Le christianisme ajoute encore à cette effrayante dépopulation, par la formation de communautés monacales réfugiées dans les forêts et dans les déserts, et autour desquelles se groupent tous les déshérités.

    « Enfin, après trois siècles d'oppression, l'épouvantable anarchie des trente tyrans fit éclater la première révolte agraire importante, celle des Bagaudes.

    « C'est de l'île de France que partit le signal, ainsi que cela devait se présenter souvent encore. Une première fois sous le règne d'Aurélien, les Bagaudes (du vieux celtique bagad, rassemblement) se réunissent, marchent sur l'opulente cité éduenne d'Autun, la prennent et la pillent après sept mois de siège. Des flots de sang étouffent cette première révolte. Mais sous Dioclétien, en 285, la Bagauderie reparaît plus générale et plus terrible. […] »

    « Après cette grande défaite, la Bagauderie se dispersa et l'invasion germanique en submergea bientôt les restes.

    « La révolte des Bagaudes est la première grande guerre des paysans, et nous y trouvons déjà les caractères principaux de toutes les guerres postérieures : la brusquerie presque foudroyante de l'explosion, la sauvagerie de la lutte, les instincts socialistes et égalitaires, les chefs enivrés du pouvoir suprême, la facilité et la cruauté de la répression.

    « Quant à la cause première, c'est celle que nous retrouverons au fond de toutes les guerres des paysans : les extorsions sans nombre du fisc, l'excès des impôts, la misère, ainsi que le dit Salvien. »

    Note 1, du bas de la p. 15 :
    «  (1) CÉSAR, De bello gallico, lib. 6, c. 13. »


    N. B. n°1 :

    Relativement à la note 1 du bas de la p. 15 : « Plebs pene servorum habetur loco »… Nous pouvons traduire ce membre de phrase extrait du texte de César (La Guerre des Gaules) par : « le bas peuple est maintenu en état de quasi-esclavage ».

    Voici une traduction plus autorisée que la nôtre, non seulement du membre de phrase considéré (c'est nous qui, ici, le mettons en gras) mais aussi du paragraphe qui le contient :

    « XIII. Dans toute la Gaule, il n'y a que deux classes d'hommes qui soient comptées pour quelque chose et considérées ; car, pour le bas peuple, il n'a guère que le rang d'esclave, n'osant rien par lui-même et n'étant admis à aucun conseil. La plupart accablés de dettes, écrasés d'impôts, ou en butte aux violences des grands, se mettent au service des nobles, qui exercent sur eux les mêmes droits que les maîtres sur leurs esclaves. […] ».

    In : CÉSAR. César – Œuvres complètes — Commentaires sur la guerre des Gaules – Avec les réflexions de Napoléon Ier — Suivis des Commentaires sur la guerre civile et de La Vie de César par Suétone. Traduction d'Artaud. Nouvelle édition très soigneusement revue par M. Félix Lemaistre et précédée d'une étude sur César par M. Charpentier. (Bibliothèque latine-française). Paris : Garnier Frères, libraires-éditeurs ; S. D. 2 tomes. Tome premier : 332 p. Tome second : 350 p. Tome premier, p. 213-214 (livre VI, chap. XIII).

    N. B. n°2 bis :

    «  […] les Bagaudes (du vieux celtique bagad, rassemblement) […] » : on trouvera quelques éclaircissements supplémentaires sur ce sujet aux pages 98 et 99 (article « combattre v. 1 bag-, 2 batt-, 3 catu-, 4 uic- ») de l'ouvrage dont les références suivent :
    SAVIGNAC, Jean-Paul. Dictionnaire français-gaulois. Paris : SNELA La Différence, 2004. 335 p.

    Et, peut-être, obtiendra-t-on des indications complémentaires en lisant, à la page 15, les articles « bast- II » et « battuere » de cet autre ouvrage : GRANDSAIGNES D'HAUTERIVE, Robert. Dictionnaire des racines des langues européennes. Paris : Librairie Larousse, 1994 (1948). 365 p.

    N. B. n°3 :

    Nous avions lu voici une douzaine ou une quinzaine d'années un roman (roman au style, au ton particulier) sur le thème des bagaudes, thème somme toute rarement exploité ; nous nous en sommes souvenu en recopiant les références de l'ouvrage de J. C. Sánchez León, nous l'avons alors cherché et retrouvé dans notre bibliothèque :

    CÓIC, Youenn. Les Ploucs – ou La Révolte des bagaudes. Paris : L'Harmattan, 1979. 178 p.

    Et nous vous en citons un passage (p. 98-101) :

    « Le curé était blême.
    « — Vous ne savez pas ce qui vous attend, misérables, hurla-t-il ! Les légions laveront dans le sang toutes vos profanations. Vous allez tous griller chez le diable !
    « — Le diable, mon cul ! Et les légions, pareil… Z'ont autre chose à faire.
    « — Vous ignorez la toute-puissance de l'Église, malheureux ! Et les épiscopes, et le pape ?
    « — Qui c'est tout ça ? Des cons ! Y sont pas du pays !
    « — Oh, pauvres types ! s'exclama le curé, vous offensez les lois des deux royaumes, celui de César et celui de Dieu ! Mais les deux vous puniront !
    « — Pour commencer, on va te casser la gueule, après on verra !
    « — Non, dit brusquement Erec. Lui casser la gueule, c'est rien.
    « Erec venait de comprendre une chose : c'était que le curé, il n'était rien du tout. Que s'il espionnait, c'était pour le Chou. Que s'il prêchait, c'était pour l'Église, et que s'il leur bourrait le crâne en disant : patience, fera meilleur après la mort, c'était pour que les cons payent leur fermage sans rouspéter, et qu'ils tiennent bien leur rôle dans le grand Empire de Rome. Bosser, payer, crever.
    « Non, le curé, c'était rien. Rien du tout. Qu'un petit bonhomme qui faisait consciencieusement le boulot qu'il était payé. Seulement, fallait commencer par-là. Il se souvint des paroles de Conan en prison : l'Empire Romain peut dormir sur ses deux oreilles ! C'est pas les ploucs qui le foutront par terre ! Et Zégiste : Et les cons, ils travaillent ! L'Empire Romain, fallait en débarrasser l'Armorique.
    « C'était commencé. Fallait aller jusqu'au bout. Une sorte de haine froide l'avait pris. Pourquoi ? Détruire. C'est-à-dire : tuer.
    « — Y a qu'à le tuer, dit-il.
    « Le curé se mit à hurler. L'homme était pitoyable…
    « Maintenant, le Chou était en train de venir. À la tête d'une bande de ploucs.
    « — Qu'est-ce qui se passe, ici ?
    « — Au secours, noble Salluste, s'écria le prêtre. Ils veulent m'assassiner ! Le Chou pâlit, et ouvrit la bouche, puis la ferma.
    « Tant pis pour le curé ! On apportait de la corde d'attelage. On en passa un bout autour du cou du curé, qui défaillait.
    « — Il tourne de l'œil, dit quelqu'un.
    « — Faudrait que ça serve d'exemple, dit Erec. Donnez-moi un bon poinçon…
    « — Un poinçon ! Dit-on à la ronde…
    « On en apporta un.
    « Il y avait de plus en plus de monde sous les arbres… Les ploucs s'étaient dispersés, mais maintenant, y revenaient au galop.
    « — Foutez-le sur le ventre, dit Erec.
    « Ce qu'on fit. Le curé était d'ailleurs évanoui, mou comme chique.
    « Silence. Tout le monde était attentif. On retenait son souffle. « Qui c'est, le gars, là ? » demandait-on, en montrant Erec…
    « — Sais pas, un type de tel village, je sais pas, non. Mais y sait ce qu'y veut.
    « Erec avait pris le poinçon et tâté le fil. Pointu, effilé, tranchant. Très bien.
    « Il déchira sèchement la soutane, et mit à nu l'épaule droite.
    « — Les sensibles qu'ont jamais vu saigner un cochon, fermez les yeux, prévint-il.
    « Il y eut un murmure… Z'étaient pas des faibles, quoi ! Et on redoubla de curiosité.
    « Et on vit Erec plonger le poinçon, faire gicler le sang.
    « Le curé hurla et se tordit.
    « — Tenez-le bien, nom de Dieu…
    « Erec avait posé son genou dans les reins du curé. Et, tranquillement, désormais sans se soucier du sang qui éclaboussait tout, il se mit à graver des lettres sur l'omoplate du pauvre con de curé.
    « Ça dura un bon quart d'heure. Le curé s'évanouit plusieurs fois.
    « Les paysans retenaient leur souffle, étonnés.
    « — C'est fini, dit Erec, en jetant le poinçon.
    « Il se releva et s'essuya les mains.
    « — Qu'est-ce que tu as fait ?
    « — Pendez-le, maintenant, dit Erec.
    « Ils étaient tous comme envoûtés. Ils obéirent. Une minute plus tard, le curé avait roté son dernier soupir, trois pouces au-dessous de la plus basse branche d'un gros châtaignier.
    « Le Chou était livide.
    « — Qu'as-tu fait, bégayait-il, qu'as-tu fait ?
    « — Je l'ai fait pour eux, dit Erec, paisiblement. Sur l'os du curé, j'ai gravé ceci : curé jugé par les ploucs du Cap Caval en bagaude (RVSTICI IN BAGAVDAM)1. Voilà. C'est tout. J'y ai mis le temps, parce que c'est en latin…
    « — Misérable, hurla le Chou, misérable… pourquoi ?
    « — Comme ça, ils sont forcés d'aller jusqu'au bout, répondit Erec. Ils sont responsables, et le cadavre peut bien pourrir, ça se verra encore…
    « — La légion va venir…, balbutia le Chou, pas convaincu. Et vous serez tous massacrés… Ah ! Pourquoi avoir fait ça ? On était si tranquille, par ici ?
    « Erec ramassa son bâton et, regardant le Chou dans les yeux :
    « — Un conseil, fais pas le con… Parce que la légion, elle est partie. Y'a plus rien de Rome ici que toi… Et on te garde comme otage. Rentre chez toi…
    « — Plus de légion, plus de Rome, répétait le Chou, hébété… C'est pas possible. Je voudrais voir Zégiste !
    « — Zégiste est mort, dit Erec. Il a été tué par ceux d'Aquilonia. Son cadavre, je l'ai enterré là-bas… Tu vois, les choses sont simples… Chacun fait son ménage… Allez, t'en fais pas, Chou… Toi, tu es vivant !
    « « Venez les gars, on s'en va ! »
    « Et, comme un grand troupeau de moutons, sous la houlette d'un berger, tous partirent derrière lui.
    « Le Chou restait là, près du cadavre oscillant du curé, les bras ballants, vacillant, au bord de la folie…
    « — Pourquoi avoir gâché une si belle journée ? S'écria-t-il. »

    Note de la p. 100 :
    « 1. Littéralement : Ploucs en état d'insurrection. »


    Extrait n°2, p. 24-27 :

    « […] et le même mouvement qui produisit les communes fut aussi la cause de la première grande guerre des paysans pendant le moyen âge, celle des tribus saxonnes échelonnées le long de la Manche et de la mer du Nord, en Angleterre et sur le continent.

    « Cette lutte mémorable, qui atteint son point culminant vers la fin du XIe siècle et le commencement du XIIe est évidemment due, en partie, à la même cause que la formation des premières communes à chartes, c'est-à-dire à la résistance contre le courant féodal ; elle n'est pas une guerre d'émancipation, mais de défense, et comme l'assaillant féodal se présente presque partout sous les couleurs de l'étranger, de défense nationale.

    « De tous les Germains, de l'avis général, les meilleurs agriculteurs, mais aussi les plus passionnés pour la liberté, les plus réfractaires aux idées étrangères, c'étaient les Saxons.

    « Rangés tout le long du littus saxonicum, depuis l'Elbe et l'Eider jusqu'à Dunkerque et Boulogne, établis dans tout le sud et l'est de l'Angleterre, ils vivaient depuis le Ve siècle sur les deux rives de la mer du Nord, la mer Saxonne.

    « Alors que la plupart des tribus germaniques s'étaient transformées sous l'influence du christianisme ou de la centralisation franque, les Saxons avaient su conserver leur indépendance et leurs coutumes païennes. Cela ne pouvait plaire aux Carolingiens, ces premiers représentants de la formidable aUiance de l'épée et de la croix. De là des guerres incessantes qui se terminèrent, sous Charlemagne, par cette effroyable mêlée de trente-trois ans, oii le paganisme et la liberté saxonne des tribus transrhénanes, Westphales, Engriens et Ostphales, succombèrent enfin sous les escadrons bardés de fer de l'empereur franc (1). Cependant, si les soldats du grand Karl détruisirent l'Eresbourg sacré et mirent la hache dans le chêne d'Armin, si le herzog de Westphales, le fameux Witikind finit par courber le front et recevoir le baptême, si les hideux massacres de Verden, la dévastation et le pillage systématiques finirent par implanter le christianisme au milieu des forêts et des tourbières, si la déportation en masse réussit à faire d'une partie de la Saxe une terre franque, le vieux génie païen et libre des Saxons ne fut point anéanti, tant était grande la force de résistance de ce peuple étonnant. Le Harz et les tourbières du nord continuèrent à voir se célébrer les mystères de Wodan, la Markgenossenschaft subsista et bien des tribus saxonnes ou sœurs des Saxons, les Nordalbinges, les Dithmarses, les Frisons, les Flamings conservèrent intacte leur vieille indépendance, à l'égal des Saxons d'Angleterre.

    « Leur centre sur le continent, c'était le Fleanderland (2), le pays des Flamings, la Flandre. Lentement, ils s'y étaient substitués aux débris des Ménapiens et des Morins, par couches successives et parfois hétérogènes. Bandes saxonnes guidées par leurs heertogen, pirates de Frise et de l'île Sainte, Heligoland, venus avec leurs bersexers, Vikings danois conduits par leurs kiompurs et leurs seakongars, pendant des siècles ils avaient débordé sur cette côte marécageuse et basse, qui, d'après Eumène, « semble flotter sur l'abîme et frémir sous les pas ».

    « Tels sont les premiers Karls (1), les Kerels dont la farouche bravoure va faire trembler pendant quatre cents ans les comtes et les rois de France.

    « Plus tard, d'autres essaims augmenteront leur nombre ; Saxons transportés par Charlemagne, colons frisons, bannis anglais, tous de même origine, tous fort différents des Franks établis dans les vallées de l'Escaut, de la Senne, de la Dyle ou du Démer (2). Dès les Mérovingiens, cette différence si bien établie entre les deux populations germaniques d'où sortent les Flamands est déjà nettement tranchée ; c'est ainsi que nous voyons qu'après la victoire de Clovis sur le roi saxon de Cambrai Radarcher, ses amis se réfugient dans le Fleanderland, auprès de leurs frères.

    « Maîtres incontestés du littoral, les Kerels s'y adonnèrent à l'agriculture, d'après leurs vieux usages. Groupés en gildes, vieilles communautés nationales, armés du schram-sax et de la massue, ce sont des laboureurs-soldats ; ils en ont les fortes vertus, mais aussi la rudesse et la cruauté. Avec cela, païens déterminés ; car nous les voyons encore au XIIe siècle célébrer le dadsisa et boire la coupe de l'amitié, la minne, autour du cadavre de Charles le Bon. »


    « […] il fallut au grand Charles quatre guerres, trente-trois années de situation conflictuelle de 772 à 805, pour voir les Saxons « rendus à merci et contraints au baptême ».

    « Charlemagne jugea utile, pour convaincre les Saxons, païens particulièrement récalcitrants, de décapiter, en 782, à Verden, 4500 prisonniers saxons 692, puis il exila environ 12000 personnes et installa en pays saxons de nombreux colons francs. En 785 les dispositions d'un capitulaire 693 de Charlemagne infligeait la peine capitale aux Saxons qui s'obstineraient à des pratiques païennes, telles que les funérailles par crémation, par ensevelissement sous tumulus, et le service cultuel ordinaire aux païens. Pour l'application de ces mesures prescrites un tribunal spécifique fut mis en place. Dans ces siècles de fer, cette répression d'une excessive dureté provoqua des réactions violentes de la part de nombreux Germains ; et l'opposition germanique aux prétentions franques et catholiques devint alors tout à fait une guerre de religions. Vingt années s'écoulèrent avant qu'une paix non exempte de rancœur put enfin prévaloir 694. »

    Notes nos 692, 693 et 694 du texte cité (c'est nous qui mettons, ci-dessus et ci-dessous, certains termes en gras) :
    « 692 : Lors de la « Journée de Verden » (Verden ou Werden). Les 4500 prisonniers, sélectionnés, étaient des prêtres du paganisme ou des aristocrates saxons ; il leur fut demandé de renoncer à leurs croyances religieuses ; aucun des prisonniers ne se convertit au christianisme ; ils furent décapités.
    « 693 : Capitulaire : décret des souverains carolingiens. Le capitulaire en question : « De partibus Saxoniæ ».
    « 694 : En concertation avec la noblesse saxonne, Charlemagne promulgua un nouveau capitulaire, en 797, qui abrogeait les dispositions du mortifère capitulaire « De partibus Saxoniæ » de 785, en substituant aux peines de mort des amendes. »


    Extrait n°3, p. 51-52 :

    « Si ces charges n'étaient que ridicules ou bizarres, bien d'autres étaient odieuses ou révoltantes, comme le célèbre droit du seigneur, le droit de prélibation ou de markette, dont les prêtres et les moines même osaient se prévaloir et sur lequel Bonnemère donne de si curieux détails dans son Histoire des Paysans (4).

    « Tel encore le droit des trois premières nuits de noces, amende levée au profit de l'évêque d'Amiens sur les nouveaux mariés qui ne consacraient pas leurs trois premières nuits de noces à la Vierge, en souvenir de Tobie et de Sarah. Ce droit, que M. Louis Veuillot appelle « l'une des plus charmantes institutions du génie chrétien », persista pendant plusieurs siècles jusqu'au concile de Trente, malgré les ordonnances des rois de France (1).

    « Tel enfin le droit de tierçage, qui de la Bretagne s'étendit jusqu'en Touraine et en vertu duquel le curé prenait, en cas de mort, le tiers de la succession mobilière des paysans. Pierre Mauclerc ayant voulu protester contre un pareil abus, Innocent IV l'excommunia et mit ses États en interdit.

    « En Bretagne, ce droit se trouvait dépassé encore par celui du jugement des morts, par lequel le seigneur, et plus tard le clergé, s'emparaient de tous les biens du premier mourant des époux (2).

    « Cependant, quelque odieux qu'ils fussent, ces droits n'étaient pas ceux qui pesaient le plus au paysan ; la corvée même se supportait avec résignation, car, comme le dit M. Vanderkindere (3), elle ne prenait que le temps, et le temps ne coûtait guère au moyen âge. Les droits criants, ceux qui finissaient par faire sortir de sa torpeur l'homme du labour et par provoquer des révoltes, c'étaient, avant tout, la taille arbitraire, taille à merci, le champart (quote-part de la récolte), la prise, le gîtage et la pourvoirie, dont les seigneurs abusaient pour voyager sans bourse délier ; la chasse et la pèche, contre lesquelles nous voyons les gens de la campagne protester jusqu'à nos jours avec une étonnante persévérance ; enfin, le droit de mainmorte ou de meilleur cattel. Sans doute, au XIV e siècle, la mainmorte, souvenir d'une époque où le seigneur remettait la terre et le cheptel au paysan, pour reprendre ce cheptel à la mort, commençait à se transformer parfois, sous l'influence des baux héréditaires, en droit de meilleur cattel ; néanmoins, nous en trouvons des traces jusqu'à la fin de l'ancien régime, et quant au meilleur cattel, il est encore d'un usage universel au XIVe siècle (1).

    « Vis-à-vis de ces masses opprimées, quelle attitude prenaient les nobles ? Sans doute, tous n'étaient point des bandits ; un cœur accessible à la pitié battait souvent dans leur poitrine ; entre eux ils se conduisaient généralement bien, en observant les règles de cette religion de l'honneur, la chevalerie. Mais à l'égard des paysans, ils étaient tous sinon cruels, du moins insensibles. Pourquoi cela ? D'où vient cette urbanité fraternelle entre gens de même caste, cette hostilité barbare d'une caste vis-à-vis de l'autre ? Tocqueville nous semble avoir admirablement expliqué cette apparente contradiction. « Quand les conditions de vie des classes sociales sont dissemblables, nous dit-il, les rapports entre ces classes sont féroces ; la douceur n'arrive qu'avec l'égalisation des conditions. » Or, au XIVe siècle, en pleine crise féodale, entre le paysan et le seigneur, ni l'éducation, ni la manière de vivre, ni la pensée, rien n'était commun. »

    Notes : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages correspondant aux appels de notes du texte cité.


    Extrait n°4, p. 65-70 :

    « De leurs tanières, de leurs taudis, de leurs forêts, les ahaniers surgissent tout à coup le 21 mai 1388, dans les environs de Beauvais, aux villages de Saint-Leu de Gèrent, de Noyetel et de Cramoisi. L'explosion fut terrible ; armés de leurs bâtons ferrés, comme autrefois les Karls de leurs massues, les paysans se ruèrent sur les châteaux, broyant, massacrant, détruisant tout. En quelques jours, l'Ile de France tout entière, ainsi que le pays au nord de Paris, depuis Amiens, Beauvais, le Ponthieu, Laon et Soissons, jusqu'à la Brie et au Gâtinais, se trouvaient en feu.

    « La noblesse en fut terrifiée. « Les animaux de proie, dit M. Henri Martin, ne seraient pas plus étonnés si les troupeaux qu'ils sont accoutumés à déchirer sans résistance se retournaient tout à coup contre eux en furie. »

    « Froissart a fait de la Jacquerie une peinture effrayante ; mais il y a beaucoup à rabattre de ce récit passionné de l'historien de la chevalerie. M. Bonnemère et après lui M. Perrens ont fait bonne justice des exagérations de férocité que Froissart prête aux Jacques. Gombien étaient-ils ? Cent mille, dit Froissart ; six mille, répond le continuateur de Nangis. Il semble que la vérité soit entre ces deux chiffres. L'armée des Jacques était formée de divers éléments ; les paysans en formaient le noyau, mais nous y trouvons aussi, comme dans la plupart des mouvements populaires, des bourgeois, des prêtres et même des gentilshommes. Tels ce Lambert de Hautefontaine, frère d'un président au Parlement, Jean Hullot d'Estaneguy, « homme de bonne fame et renommée, » Jean Nerenget, curé de Gélicourt, et la dame de Béthencourt, fille du seigneur de Saint- Martin le Gaillart (1).

    « Les Jacques s'étaient groupés par communautés de villages ; chacune avait son chef. Le principal de tous semble avoir été un paysan obscur de Merlot, Guillaume Galle ou plutôt Karle, plus connu sous le nom de Callet (2). Était-ce un descendant des anciens Karls, assez communs dans le nord de la France (3) ? On pourrait le croire, à voir la farouche énergie avec laquelle il défendit la cause des paysans. Cet homme ne manquait pas d'esprit pratique ; c'est lui qui chercha à donner à la cohue des Jacques quelques chefs de nom connu, habitués à l'art de la guerre, et qui essaya d'obtenir l'alliance des villes, telles que Compiègne et Sentis (4).

    « Évidemment, Guillaume Karle comprenait, comme autrefois les fils d'Erembald et Zannekin, et comme plus tard Wat Tyler et Wenzel Hippler, qu'il fallait, si l'on voulait vaincre, discipliner les masses soulevées, arrêter les massacres inutiles et donner un but pratique à la prise d'armes.

    « Étienne Marcel le comprit aussi, et bien qu'il n'eût pas excité la révolte (5), il essaya d'en profiter en la régularisant de concert avec Karle. Il recommanda des chefs, empêcha les tueries, conseilla de raser les châteaux qui pouvaient nuire aux Parisiens (1), et finit par organiser une double expédition de bourgeois et de mercenaires pour soutenir les Jacques.

    « La première, dirigée par l'épicier Pierre Gilles et l'orfèvre Pierre Desbarres, devait soulever le plat pays du sud de Paris et y détruire les donjons féodaux.

    « L'autre, sous les ordres de Jean Vaillant, prévôt des monnaies, se joignit à Karle, qui assiégeait en ce moment le château d'Ermenonville. Dès lors, la guerre prend un aspect moins sauvage : on détruit les repaires, mais on épargne les vies.

    « Malheureusement, les paysans n'ont pas l'énergie patiente qui convient aux guerres systématiques ; leur exaltation est feu de paille ; une fois leur soif de vengeance satisfaite, ils se lassent, regrettent la charrue et se débandent. Cette mollesse fatale les perdit, cette fois comme tant d'autres. Les nobles eurent le temps de se reconnaître ; le dauphin et le roi de Navarre se réunirent contre les paysans. Une ruse de guerre ou une perfidie fit tomber Karle entre les mains de Charles le Mauvais, comme plus tard Wat Tyler devait tomber entre celles de Richard II. L'histoire raconte que le héros de la Jacquerie périt couronné d'un trépied de fer rouge, supplice que nous retrouverons souvent appliqué à ceux que l'on considérait comme rois des paysans.

    « Privés de leur chef, les Jacques furent taillés en pièces par le Navarrais, à Montdidier. Alors Marcel fit une dernière tentative pour rallier les débris de l'insurrection, en essayant de reprendre le « Marché » de Meaux, ville dont les habitants et le maire Soûlas étaient dévoués à la cause populaire.

    « Les capitaines de la bourgeoisie. Vaillant et Gilles, se portèrent donc, le 9 juin 1358, avec huit cents Parisiens environ, vers la redoutable forteresse. Sans doute, les débris des Jacques s'étaient réunis aux troupes de la commune, mais il s'en faut de beaucoup qu'ils eussent été dix mille, comme le dit Froissart (1).

    « Marcel avait le plus grand intérêt à s'emparer du Marché de Meaux ; la duchesse de Normandie, femme du dauphin, Isabelle sa soeur, la duchesse d'Orléans sa tante, s'y trouvaient enfermées avec plus de trois cents nobles dames et quelques gentilshommes. Les prendre, c'était s'assurer de précieux otages ; quant à les tuer, comme prétend le faire croire Froissart, la chose paraît trop folle pour mériter même une réfutation.

    « Toujours est-il que les Parisiens commençaient à serrer la forteresse de près, quand deux aventuriers qui, comme le dit Bonnemère, « venaient de gagner le paradis en combattant les « païens de Prusse », Gaston Phébus, comte de Foix, et le captal de Buch, arrivèrent en hâte de Châlons, avec quarante lances, c'est-à-dire cent cinquante à deux cents cavaliers armés de toutes pièces. Sous cette tempête de fer, les archers parisiens et les pauvres paysans armés de bâtons furent littéralement écrasés ; on les abattit par tas et on les jeta dans la Seine.

    « La Jacquerie était finie : elle avait duré cinq semaines.

    « Maintenant allait commencer la répression, dont les horreurs devaient dépasser de loin toutes les cruautés des Jacques. Cette lâche noblesse, qui ne savait pas défendre le pays contre les Anglais, aidée des nobles du Brabant, du Hainaut et de la Flandre, se rua à travers le plat pays du nord de la France, brûlant, violant et massacrant. En moins de dix jours, vingt mille paysans avaient perdu la vie.

    « Au milieu des vapeurs du carnage, la grande voix de Marcel essayait seule encore de se faire entendre. Dès le 11 juillet, dans sa seconde lettre aux bonnes villes de France et aux communes de Flandre, il s'occupait des Jacques ; il signalait les horreurs de la réaction, « les pucelles corrompues et femmes « violées en présence de leurs maris, » en un mot, « plus de mauls plus cruellement et plus inhumainement faits que onques ne firent les Wandres ne Sarrasins. » (1)

    « Assistez-moi, disait-il aux communes, assistez-moi pour secourir « le bon peuple, les bons marchands, les bons laboureurs » ; il est temps d'arrêter les nobles, de réprimer leurs voleries, « car de nous et des autres ils se sont vantés qu'ils nous osteront tout que un blanchet qu'ils nous lairont et « nous feront traire à la cherue avecques les chevaulx. »

    « Toujours la même plainte ! Toujours la sinistre comparaison de l'homme avec la bête de trait !

    « Dans ce monde troublé du XIVe siècle, où les passions s'entrechoquaient sans merci, en France surtout, où la vie communale râlait sous le pied des dynastes, la voix du prévôt des marchands ne pouvait trouver un écho. Réduit aux expédients, il essaya de s'appuyer sur le roi de Navarre, qui le trahit, puis sur le dauphin, qui le trahit à son tour pour s'entendre avec le Navarrais et ravager avec lui les environs de Paris. Une dernière tentative de Marcel pour diviser ses adversaires lui coûta la vie ; il périt à la porte Saint-Antoine, le 1er août 1308, au moment où il allait livrer la ville au roi de Navarre.

    « Sa mort enleva aux petites gens leur dernier défenseur. Dès lors, ils furent à la merci de toutes les tyrannies. La misère du paysan devint effrayante. Les terribles expéditions d'Edouard III et du Prince noir à travers la France changeaient le plat pays en désert. En 1359, nous dit Froissart, il y avait trois ans qu'on n'avait labouré. Une mortalité inouïe s'ensuivait. D'après des calculs très vraisemblables, en dix ans, de 1348 à 1388, la France aurait perdu les trois quarts de sa population (1). »

    Notes : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages correspondant aux appels de notes du texte cité.


    Extrait n°5, p. 160-163 :

    « Dans aucun pays, le peuple des paysans n'était aussi malheureux qu'en France en 1789. C'était un peuple martyr, comme le disait l'évêque de Nancy à Louis XVI, et les cahiers des bailliages confirment cette appréciation. M. Taine, dans la vaste enquête qu'il fait des causes de la Révolution, nous donne sur la situation du paysan français des détails aussi nombreux qu'instructifs (1) : 270,000 privilégiés, dont 140,000 nobles et 130,000 clercs, vivent aux dépens de 26 millions d'hommes et détiennent près de la moitié du territoire, dont 23 millions de laboureurs ne possèdent guère qu'un cinquième. Et encore, parmi ces 140,000 nobles groupés en 25,000 à 30,000 familles, il en est à peine quelques milliers que l'on puisse compter parmi les riches ; les autres sont de petits seigneurs, besogneux, endettés, presque aussi pauvres que leurs paysans. De même pour les 130,000 membres du clergé : 70,000 sont des curés et des vicaires, pour la plupart indigents ; 60,000 appartiennent au clergé régulier et mènent une vie opulente dans les murs de leurs 3,000 couvents. En somme, sur ces 130,000 clercs, il en est à peine 3,000 chez lesquels affluent tous les revenus. Et ces revenus sont immenses ! Les biens du clergé valent 4 milliards et rapportent 80 millions ; si l'on y ajoute les 123 millions de la dîme, c'est un fleuve d'or de plus de 200 millions auquel puisent sans compter, tous les ans, les prélats, les chanoines et les autres dignitaires de l'Église.

    « Quant à l'impôt, il est effrayant. « C'est une machine à tondre, grossière et mal agencée, nous dit M. Taine (1), qui fait « autant de mal par son jeu que par son objet. » Sur 100 francs de revenu, le propriétaire taillable en donne 53 au collecteur du fisc, 14 au seigneur, 14 à la dîme. Et sur les 19 derniers il est encore obligé de faire la part du rat-de-cave et du gabelou (2) !

    « Tout le poids de l'impôt pèse sur la classe rurale ; sur 100 millions, elle en fournit plus des trois quarts au trésor. Tous les privilégiés, depuis le roi jusqu'au dernier moine, vivent à ses dépens.

    « Si, du moins, ils rendaient encore des services ; mais ils ont perdu leur caractère d'hommes publics, selon l'expression de M. Taine ; la souveraineté est devenue une sinécure, et quand la sinécure est lourde on la jette à bas.

    « « Les nobles en 1789, ajoute-t-il (3), ressemblent à un état-major en vacances depuis plus d'un siècle, autour d'un général en chef qui reçoit et tient salon. » Certes, parmi ces nobles, beaucoup résident encore parmi leurs tenanciers ; mais, criblés de dettes, ruinés, ils sont à charge à leurs anciens serfs, qui les voient avec défiance mettre la main, sous prétexte de droits féodaux, sur les maigres épargnes que le fisc leur a laissées.

    « Quant aux autres, aux nobles de cour, à ceux qui ne résident pas et qui font administrer leurs domaines par des fermiers avides, ils n'inspirent plus que de la haine aux laboureurs.

    « Sans doute, le servage a perdu beaucoup de son âpreté passée (1), et bien des seigneurs, pour se procurer de l'argent, ont allégé les charges et vendu leurs terres ; mais le système féodal n'en est pas moins resté debout, et M. Taine peut encore énumérer, à la veille delà Révolution, vingt-six droits féodaux qui pèsent sur un seul domaine, celui de Blet, sans compter les droits accessoires (2).

    « Parmi ces droits, celui de chasse avait, comme toujours, le privilège d'exaspérer le laboureur. — Voilà la noblesse ! Disaient les paysans à Montlosier, chaque fois qu'ils voyaient passer des troupeaux de cerfs ou de daims (3).

    « Des trésors de haine s'amassaient ainsi dans le coeur des hommes du labour, et quand la crise éclata, la Jacquerie en sortit aussitôt.

    « « L'incendie couvait portes closes ; subitement, la grande porte s'ouvre, l'air pénètre et aussitôt la flamme jaillit (4). » Elle fut immense et couvrit toute la France de ses dévorantes lueurs.

    « Ignorants des plus simples notions du droit social, absolument incapables de comprendre un mot de politique, entièrement livrés à leurs instincts, les paysans ne virent dans la convocation des États-Généraux qu'une rupture violente de toutes leurs chaînes, et, libres de liens, ils se ruèrent en avant.

    « À ces cerveaux incultes, il ne faut demander ni suite dans les idées, ni esprit de discernement, ni prudence dans l'action, ni prévoyance de l'avenir ; « ils pensent par blocs », comme le dit si énergiquement M. Taine, et leur imagination d'enfants transforme les actions les plus simples au gré de leurs secrets instincts.

    « On l'avait déjà vu lors de la guerre des farines, en 1776, quand Turgot avait voulu permettre le libre commerce des blés. On le vit mieux encore dès les premiers jours de 1789. L'hiver avait été rude, la récolte précédente mauvaise, la famine apparaissait. Aussitôt les émeutes éclatent, féroces, implacables ; on en compte trois cents en moins de six mois.

    « La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, fut le coup de foudre qui creva ces noires nuées amoncelées et déchaîna l'orage dans toute sa fureur. Tous les liens administratifs se trouvèrent brisés à la fois, et, « de ce grand État démoli, il ne resta que quarante mille tas d'hommes, chacun isolé et dispersé, villes, bourgades, villages » (1).

    « En quelques jours, le feu fut aux quatre coins de la France ; armés de 400,000 fusils, les Jacques se ruèrent contre les aristocrates, précédés de leur sombre avant-garde qui se formait lentement dans l'ombre depuis un siècle, braconniers, faux-sauniers, contrebandiers, rôdeurs, chauffeurs, vagabonds et malandrins, dont la farouche audace allait frayer aux paysans la voie de crimes sans nom. »

    Notes : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages correspondant aux appels de notes du texte cité.


    Extrait n°6, p. 200 :

    « L'avenir décidera qui a raison. Quoi qu'il en soit, il n'est pas à nier que le XIXe siècle n'ait apporté une grande amélioration au sort des paysans, et qu'en donnant à l'État plus d'ordre et de sécurité, il n'ait, dans bien des pays, fait à peu près disparaître les Jacqueries pour longtemps, sinon pour toujours. Toutefois, notre siècle a vu éclore, sous l'influence de la grande industrie, un nouveau prolétariat non moins redoutable, celui des ouvriers, et si les guerres des paysans ne sont plus à craindre, celles des ouvriers semblent devoir commencer.

    « Pour conjurer ce danger qui menace nos sociétés contemporaines, c'est encore le problème de la misère, c'est-à-dire de la propriété, qu'il faudra essayer de résoudre. D'où viendra le salut ? De la grande propriété, de la petite ou de la propriété commune ? C'est là une question qui mérite d'occuper les penseurs (1).

    « Dans tous les cas, pour la comprendre, pour en chercher la solution, il convient d'interroger le passé, cette leçon de l'avenir. C'est à ce titre surtout qu'il n'est peut-être pas inutile d'étudier l'histoire des guerres des paysans, ce long cri d'angoisse que les imperfections sociales ont arraché pendant tant de siècles aux entrailles de l'humanité. »

    Notes : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages correspondant aux appels de notes du texte cité.

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  • Auteur : Germain Demay.
  • ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (+++) —

    Jean Germain Demay naquit à Aiguillon le 15 janvier 1819 ; il mourut à Paris le 4 octobre 1886. Après avoir abandonné ses études de médecine il se forma à la sculpture. Il travailla ensuite à l'atelier de moulage des sceaux des Archives nationales. Peu avant la fin de sa carrière il lui fut confiée la direction de la Section historique, avant qu'il ne devint membre du Comité des travaux historiques. Il fut également membre de la Société des Antiquaires de France. Il se montra un sigillographe des plus éminents, et publia de nombreux articles et ouvrages.


    Extraits de l'ouvrage.

    Extrait, p. 5-6 :

    « Les matériaux de ce travail sont fournis par une série de types qui représentent l'homme d'armes depuis la conquête de l'Angleterre jusqu'aux premières années du XVIe siècle. Je vais donc examiner successivement les diverses parties de l'habillement chevaleresque pendant cette longue période ; armes défensives : armure de corps, ailette, heaume ou casque, bouclier, éperons ; armes offensives : épée, lance ; sans oublier le harnachement du cheval.

    « Mais avant d'aborder le sujet, il me paraît indispensable de bien préciser le but que je me propose. Je ne prétends nullement donner ici une histoire de l'habillement. Mon unique ambition est de faire entrer dans le domaine de l'archéologie, au moyen de monuments figurés à date certaine, de nouveaux éléments de critique.

    « D'autres pourront tirer de ces recherches des conséquences plus générales ; pour moi, je me renferme dans la sigillographie et mon rôle se borne à enregistrer ce que je vois. »

    Extrait, p. 53-56 :

    « L'armure était entrée dans la période du grand haubert. Sous un habillement défensif, compacte, à pièces étroitement cousues ensemble, l'homme d'armes invulnérable ne pouvait être pris ou tué que lorsqu'il était à terre, et pour l'y jeter on cherchait à blesser le cheval. La défense de ce noble compagnon ne pouvait donc pas être plus longtemps différée. Dès le commencement du XIIIe siècle, on le couvrit de mailles ou d'une épaisse draperie.

    « Les premières housses, d'abord d'une seule pièce, avec une échancrure aux flancs pour le passage de l'éperon, témoin le sceau de Savary de Mauléon, 1225 (Pl. III, fig. 9), furent bientôt remplacées par des housses en deux parties, l'une pour l'avant-main, l'autre pour la croupe.

    « L'habillement de l'avant-main coiffait le cheval jusqu'à l'angle de la bouche, enveloppait l'encolure et retombait en tablier jusqu'au bas des jambes, qui se trouvaient ainsi obligées de soulever la lourde étoffe à chaque foulée de galop ; voyez les sceaux du seigneur de Châteauroux, en 1217, d'Amauri de Craon, sénéchal d'Anjou, en 1223 (Pl. XXIII, fig. 156). Cette coupe incommode ne tarda pas à être modifiée ; l'on échancra d'abord la pièce sur le devant, puis on la fendit jusqu'au poitrail pour la liberté des jambes. Dans un type de 1224, le cheval de Mathieu de Montmorency est revêtu d'une housse échancrée (fig. 155), et sur un sceau du même personnage, en 1230, le cheval porte la housse fendue.

    « L'habillement de la croupe descendait aussi bas que celui de l'avant-main. Tous deux se bouclaient à la selle.

    « La housse de mailles, fort rare sur les sceaux, appartient en général à des types du midi de la France. Dans ces contrées, la pièce de l'avant-main, au lieu de retomber en deux pans carrés, finit ordinairement en pointe de chaque côté de l'épaule. Ce n'est aussi que dans le midi que se rencontrent ces housses mixtes dont le devant est en mailles, tandis que la croupe est couverte d'une étoffe armoriée, bordée de pendants ou de découpures (Pl. XXIV, fig. 157). La plus ancienne housse de mailles figurée sur les sceaux se voit dans le type de Robert de Montaut, en 1214 ; elle paraît être d'une seule pièce.

    « La housse d'étoffe qu'on appelait couverture pourpointe, par opposition à celle de mailles, nommée couverture de fer, est la plus répandue. Armoriée dès son origine, elle portait le blason du chevalier répété à droite et à gauche, sur l'épaule et sur la cuisse comme dans le type de Gautier de Nemours, maréchal de France (Pl. XXIV, fig. 158). À l'époque où les cimiers envahirent le casque, des cimiers analogues se posèrent sur la tête du cheval ; aussi à partir de 1267,trouve-t-on des chevaux cimés d'aigrettes, de bois de cerf, de chimères, d'aigles, etc.

    « Lorsque vers 1360 l'armure de l'homme de guerre commença à se transformer, la tête du cheval se garnit d'un chanfrein, plaque d'acier armée d'une crête ou d'une pointe, qu'on laçait sous la ganache et qu'on accompagnait de quatre à cinq lames articulées, à recouvrement, bardant le haut de l'encolure et maintenues en dessous par de la maille (Pl. XXV, fig. 159 à 163). Un rebord saillant garantissait d'ordinaire les yeux du cheval. D'autres fois ils étaient abrités derrière un grillage (fig. 161). On fermait complètement les œillères s'il était sujet à se dérober ; dans ce cas le chanfrein était dit aveugle (fig. 162). C'est celui dont les sceaux de Jean Ier, duc de Lorraine, 1367, de Charles d'Orléans, 1444, fournissent des exemples.

    « Tout en défendant utilement le cheval, le chanfrein devint pour les seigneurs une occasion d'étaler le plus grand luxe. Ils le garnissaient d'or, le couvraient de pierreries. Le cheval d'armes du comte de Saint-Pol portait au siège de Harfleur, 1419, un chanfrein estimé 30,000 écus.

    « Dans les représentations d'apparat, sous les derniers ducs de Bourgogne, l'étoffe de la housse devient souple, légère, flottant au vent en longs plis soyeux, mais le tissu léger recouvre une seconde housse de fines mailles enveloppant entièrement le cheval (Pl. XXVI, fig. 165). On pourra comparer ces derniers types à celui de Philippe, comte de Valois, en 1327 (fig. 164).

    « Au commencement du XVIe siècle, les housses disparaissent. L'homme de guerre vient d'adopter l'armure en fer plat, il l'applique à la défense du cheval. Déjà la tête est garnie du chanfrein, la barde de crinière couvre l'encolure. En étendant le système au poitrail, à la croupe et aux flancs, l'on aura le cheval bardé dont les derniers sceaux fournissent quelques rares spécimens, mais que l'on trouvera fréquemment figuré dans les tapisseries, dans les sculptures, et qu'on pourra étudier dans les musées spéciaux. »


     

    Reproduction de la planche XXVI (figures 164 et 165) de l'ouvrage de Germain Demay intitulé Le Costume de guerre et d'apparat d'après les sceaux du Moyen-Age.

    Illustrations de la planche XXVI (figures 164 et 165) de l'ouvrage de G. Demay,
    « Le Costume de guerre et d'apparat d'après les sceaux du Moyen-Age ».

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de : DEMAY, Germain.
    Le Costume de guerre et d'apparat d'après les sceaux du Moyen-Age.
    Paris : J. B. Dumoulin, 1875. 56 p. et 26 planches hors texte (165 figures).
    La gravure reproduite est celle de la planche XXVI,
    (comportant les figures 164 et 165)
    et se trouve après la p. 56.

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  • Auteur : Henri Dichard.
  • ESSAI - HISTOIRE - POLITIQUE — (++) —

    Point de table des matières, ou de simple sommaire, au sein de cette brochure… Ce sommaire faisant défaut, afin de faciliter l'approche de cet ouvrage par le lecteur nous en avons rédigé un à son intention :

    Sommaire de l'ouvrage :

    • Dédicace (p. 5)

    • Protestation des officiers français prisonniers (p. 11) [N. B. : lettre, concernant l'affaire du Bourget, envoyée depuis Erfurt par des officiers au rédacteur de l'« estimable journal » l'Indépendance belge].

    • La première affaire du Bourget (30 octobre 1870) (p. 15)

    • Appendice (p. 43)

    — Pièces justificatives (p. 45)

    Documents de source française (p. 45)

    Documents de source allemande (p. 51)

    — Du lieu le plus sanglant des environs de Paris (p. 63)

    — M. le Commandant Baroche (p. 67)

    — M. le Commandant Brasseur (p. 69)

    • De la responsabilité des chefs militaires (p. 71 [?])

    • Erratum (p. 86)

    [N. B. : le foliotage de l'ouvrage comporte une erreur, ou alors deux pages manquent ; trois pages non numérotées succèdent à la page numérotée 70 et la numérotation recommence avec le numéro 76].


    Extraits de l'ouvrage.

    Extrait, p. 7-9 :

    « À mes braves Frères d'armes du 14e Bataillon de la Garde mobile de la Seine

    « C'est à vous que je dédie cette brochure ! À vous qui avez héroïquement payé votre dette à la Patrie et qui, en retour, avez été si outrageusement calomniés !

    « Chez tous les peuples, votre conduite eût été l'honneur de la cité qui vous eût donné le jour, et vous auriez eu une belle page dans le livre de l'Histoire où sont inscrites les actions d'éclat.

    « Chers Compagnons, la grande ville, au milieu de ses souffrances et de ses douleurs, si sa bonne foi n'avait été surprise par les récits mensongers des lâches qui, pour sauver leur honneur de soldats, vous ont sacrifiés honteusement, oui, la grande ville vous eût glorifiés dans un ordre du jour où votre valeur et votre patriotisme auraient été portés à la connaissance de tous ! C'eût été certainement une joie pour elle de proclamer la belle conduite de plusieurs centaines de ses enfants et de publier leur éloge.

    « Au contraire, vous le savez, votre courage a été méconnu. Vos actes ont été calomniés, et des imputations odieuses qui ont été pour vous, quand vous les avez connues, comme autant de soufflets à votre honneur, ont été répandues avec persistance sur votre attitude en face de l'ennemi.

    « Seul l'ennemi vous a rendu justice !

    « Vous vous le rappelez : lorsque, dans la captivité, la cruelle vérité est venue à nos oreilles, les cœurs ont bondi d'indignation et, tous, nous avons juré que nous réclamerions, à notre retour, une éclatante réparation.

    « Chers Compagnons, je suis certainement un des moins dignes de prendre votre défense ; je n'ai point une autorité suffisante pour me présenter en votre nom devant ce tribunal redoutable qu'on nomme : l'opinion publique.

    « Mais, je me suis souvenu que j'avais fait un serment, et je tiens parole. « Je ne dois pas oublier à vos côtés ceux qui, comme vous, ont bravement combattu et, comme vous, ont été atteints dans leur honneur : le 12e bataillon de la Garde mobile, les francs-tireurs de la Presse, les grenadiers et les voltigeurs du 28e de marche.

    « Cette brochure, où j'ai mis mon âme, est l'expression de la vérité : J'espère qu'elle atteindra le but que je me suis proposé et qu'elle sera le commencement de la réparation.

    « On doit à tous les défenseurs du Bourget une réparation publique. Justice doit leur être rendue ! Je joins mes efforts à ceux qui sont faits par d'autres.

    « Dans cette œuvre commune, j'apporte mon faible concours, et, me rappelant la fraternité qui nous a toujours unis dans les camps et sur le champ de bataille et au sein de la captivité, je place, chers et braves compagnons, ces quelques pages sous votre patronage.

    « HENRI DICHARD. »


    Extrait, p. 75-76 :

    « Un écrivain s'honore et honore sa profession quand, reconnaissant avoir commis une erreur, il n'hésite pas à la rectifier publiquement et à rétablir la vérité.

    « Je me suis trompé en attribuant au général Lavoignet les actes du colonel Martin qui, depuis le samedi, commandait au Bourget ; le sévère jugement que j'ai porté sur l'un doit peser sur l'autre. Après réflexion, je ne veux point en atténuer les termes ; je dirai même que la plus grande part de responsabilité dans le désastre doit incomber à M. Martin qui n'avait pris aucune disposition pour l'éviter, car il n'avait pas su voir ce qui aveuglait les plus inexpérimentés.

    « Il a été puni et pour son impéritie et pour sa faiblesse. Une révocation méritée l'a fait rentrer dans la retraite.

    « Un officier supérieur dont je n'ai point parlé, le commandant Vitalis du 28e de marche, a été en partie cause aussi de l'issue déplorable du combat.

    « Le bataillon qu'il commandait était à cheval sur la voie du chemin de fer de Soissons, entre le Drancy et le Bourget.

    « M. Vitalis avait reçu l'ordre formel de tenir jusqu'à son dernier homme. Devant l'attaque des Prussiens, il a cédé pour ainsi dire sans résistance. Son bataillon, quoique composé d'excellents soldats a lâché pied, permettant ainsi à l'ennemi de déborder le Bourget sur la droite et de venir couper la retraite à la garnison du village.

    « Un conseil d'enquête provoqué par M. le général Bertaut successeur de M. de Bellemare dans le commandement de Saint-Denis, a condamné cet officier, qui a été aussitôt mis en non activité.

    « Jusqu'ici justice était faite.

    « Restent trois hommes, […] ».


    Extrait, p. 88 (texte de l'Erratum) :

    « Une demi-feuille étant déjà tirée, je reçois des nouveaux renseignements qui me forcent à interrompre le tirage.

    « Ce n'est point par dépêche chiffrée, mais verbalement, le 29 octobre à 8 heures et demie, que le général Trochu apprit du général de Bellemare la capitulation de Metz.

    « C'est le 29 et non le 30 que la dépêche demandant s'il y avait des écuries à Saint-Denis a été envoyée au général de Bellemare, et c'est seulement le lendemain à 3 heures que l'artillerie remontait la rue de Lafayette.

    « Enfin, on m'affirme que l'officier prussien, fait prisonnier, n'aurait nullement divulgué les projets de l'armée ennemie ; par conséquent, ni le général Trochu, ni le général de Bellemare n'auraient été instruits, de cette façon, des préparatifs des Allemands.

    « Il est vrai qu'ils auraient pu les prévoir, dira-t-on. D'ailleurs, le fait étant contesté je dirai sur quoi j'ai basé mon affirmation. C'est chose reçue parmi les prisonniers du Bourget et déjà, à ma connaissance, on en parlait le samedi 29 octobre, que cet officier prussien avait dit : « ce n'est que le commencement ; vous en verrez bien d'autres. » Que le propos n'ait point été rapporté au général de Bellemare, qu'on n'y ait attaché, sur le moment, aucune importance, voilà ce que je serai disposé à croire, surtout en face d'une affirmation du général, lui-même.

    « H.D. »

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  • Auteur : Xxx.
  • HISTOIRE - LÉGENDE - SAGA ISLANDAISE — (+++++) —

    La Saga de Nial — [Brennu-] Njáls saga (Saga de Njáll [le brûlé]) — nous conte la petite histoire, se mélant parfois à la grande, vers l'an mille, dans le Nord du monde.


    Extraits de l'ouvrage.

    Extrait, p. I-II (intégralité du texte de l'Avertissement) :

    « La Saga de Njal, écrite en Islande, à la fin du XIIe siècle, par un auteur inconnu, paraît ici pour la première fois en français. La traduction, aussi littérale que possible, a été faite sur le texte original, d'après l'édition publiée à Copenhague en 1875, aux frais de la Société royale des antiquaires du Nord. On s'est abstenu d'y joindre aucune note. Les lecteurs qui auront besoin d'éclaircissements les trouveront dans l'édition publiée à Copenhague en 1809 avec une traduction latine et un glossaire, dans le recueil des sagas Islandaises traduites en danois par Petersen (2me édition, Copenhague 1862) et dans la traduction anglaise de Basent (Edinburgh, 1862). Une édition populaire des principales Sagas est actuellement en cours de publication à Akureyri, en Islande.

    « Petersen a joint à son travail une courte introduction destinée à montrer la valeur littéraire de la Saga de Njal et à en faciliter l'intelligence par quelques notions historiques et chronologiques. On trouvera ici cette introduction traduite en français.

    « L'auteur de la Saga de Njal a fait des emprunts à d'autres Sagas, notamment dans les derniers chapitres qui contiennent le récit de la bataille de Brjan. D'autres parties paraissent avoir été ajoutées après coup, par exemple le morceau sur l'introduction du christianisme en Islande, et les formules juridiques du procès engagé à l'alting. Tels sont encore les vers que la Saga met dans la bouche de ses personnages, et qui font presque toujours double emploi avec les paroles en prose. Cette partie poétique dont tout le mérite consiste dans le rythme et l'allitération a aussi tous les défauts de la poésie islandaise, notamment l'abus et l'accumulation des métaphores les plus extraordinaires. Il n'a pas toujours paru possible d'en donner une traduction littérale.

    « Une autre difficulté s'est présentée dans la transcription des noms propres. L'alphabet norain a plusieurs signes particuliers pour indiquer le renforcement des voyelles ou l'affaiblissement des consonnes. Ces signes n'existent pas dans l'alphabet français et il y aurait eu plus d'inconvénients que d'avantages à chercher des équivalents. On a du renoncer à reproduire ces simples nuances d'orthographe et de prononciation.

    « L'autorité de la Saga de Njal, quoique récemment contestée ne paraît pas avoir été sérieusement ébranlée. Ce récit reste toujours, aux yeux des hommes les plus compétents, le fidèle tableau de l'ancienne société Scandinave, et jette une vive lumière sur les conditions de la vie dans le Nord de l'Europe, à la fin du Xe siècle. »


    Extrait, p. III-VI (début de l'Introduction de Petersen) :

    « Il n'y a qu'un petit nombre de Sagas, ou plutôt il n'y en a aucune qui, au dire des connaisseurs, puisse être comparée à la Saga de Njal. Par le fond comme par la forme elle est supérieure à tout ce que nous connaissons du Nord, et si l'on songe que ce récit a été écrit il y a plus de sept cents ans, sur une île lointaine, à une grande hauteur vers le Nord, sa perfection peut à bon droit exciter notre admiration. Aucune autre Saga ne montre dans un tableau plus saisissant toute la vie de cette époque reculée, aucune ne représente en plus grand détail toute la forme de la procédure. Elle nous arrache complètement à notre vie accoutumée, j'ai presque dit à la trivialité de notre vie de tous les jours,où l'on compte pour le plus grand bonheur de pouvoir se coucher tranquillement chaque nuit dans son lit. Elle nous ramène en arrière jusqu'à cette sauvagerie des anciens temps où la mort et le meurtre étaient à l'ordre du jour, où celui qui se levait de sa couche le matin et qui passait le seuil de sa porte ne pouvait être sûr qu'il ne rencontrerait pas son ennemi et ne mourrait pas de sa main, où par suite celui qui se rendait dans son champ pour l'ensemencer, dans les dispositions les plus pacifiques, prenait le grain dans une main et l'épée dans l'autre. Il faut entrer, toutefois, dans l'esprit de ce temps, et comprendre qu'alors verser le sang n'était pas un crime. C'est seulement à cette condition qu'on peut supporter cette série de meurtres qui se suivent l'un l'autre, coup pour coup, et que, tout en nageant dans le sang, on peut ne pas fermer les yeux sur la fermeté, la grandeur d'âme, les nobles sentiments, les fortes passions, les événements extraordinaires qui se révèlent sous ces dehors terribles. Et certes il y en a assez pour attirer l'attention, pour toucher et émouvoir, pour frapper et saisir, pour faire trembler et frémir, comme aussi pour provoquer des larmes.

    « Quelle abondance, quelle multiplicité n'y trouve-t- on pas de caractères complètement tracés et bien soutenus ? C'est là, si l'on fait attention à l'époque de la Saga, tout ce qu'on peut demander en fait d'art historique : un récit véridique, qui va droit au fond du cœur, simple et rude, sans ornement et sans éclat, mais toujours marchant à son noble but, faire aimer ce qui est grand, faire condamner ce qui est méprisable. Quel homme que ce Gunnar ! Brave quand il faut l'être, mais ami de la paix, l'effroi de ses ennemis, et en même temps le plus noble des hommes. Il n'aime pas à se faire valoir devant les autres, à se vanter de sa renommée, à se mettre en vue, et pourtant il s'élève au-dessus de tous. Cette grandeur, cette véritable noblesse se communique à tout ce qui passe près de lui, jusqu'au chien Sam qui tout d'abord le reconnaît pour son maître, devine en quelque sorte sa pensée et donne sa vie pour lui en hurlant pour l'avertir. Sa querelle avec Halgerd n'en est que plus saisissante. La beauté et les qualités brillantes s'allient en elle à la plus terrible passion de vengeance. Pour se venger elle commet le plus bas, le plus méprisable de tous les actes humains, elle vole. Pour se venger elle refuse à son mari la suprême ressource, une boucle de ses cheveux pour faire une corde d'arc, et elle le livre ainsi froidement à la mort. C'est à mon sens, le comble de l'art, ou plutôt la nature même prise sur le fait, que cet admirable instinct de fidélité chez un animal mis en face de la révoltante froideur d'une femme avide de vengeance. Njal aussi est noble, mais d'une autre façon. Il a de braves fils, mais lui-même ne se sert jamais d'aucune arme. La droiture s'allie chez lui à un calme admirable, qui le suit jusqu'à la mort quand il se couche avec sa femme et son enfant sur le lit où ils vont mourir ; et ce calme prend à son tour une teinte de prudence pleine de finesse, qui ne fait jamais le mal, mais regarde en face les événements sans s'émouvoir et choisit en toute circonstance le moyen le plus sûr pour atteindre son but. Ce n'est pas sans raison que le récit tout entier est lié à sa vie, et tourne en quelque sorte autour de lui. Il est le héros du récit, sans en être le personnage actif. Il est là, comme un rocher dans la mer, de tous côtés environné de récifs où les flots viennent se briser autour de lui sans troubler son calme, et c'est par là que toute cette histoire, qui autrement se résoudrait en morceaux détachés, trouve son centre et son lien. La vie de Gunnar, la mort de Njal, la vengeance de Kari sont autant d'événements qui, pris séparément, peuvent faire l'objet d'un récit, et ici, tout mêlés qu'ils sont à bien d'autres évènements, ils tiennent ensemble et forment un tout. Chaque personnage, pris en lui-même, est peut-être plus remarquable que Njal, mais là encore c'est le comble de l'art, ou plutôt c'est la nature même que d'avoir su mettre chaque personnage à sa vraie place, en face des autres, pour laisser Njal s'élever au-dessus de tous. Voilà la vraie épopée. À côté de Njal est Bergthora. Elle s'attache à lui comme le flot qui vient laver le pied de la montagne. Elle aussi sent au fond du cœur le courroux et la vengeance, — peut-être l'auteur a-t-il pensé que telle est la nature de la femme, toute les fois qu'elle s'épanche violemment au dehors, — mais c'est la vengeance contre un ennemi, contre une femme ennemie. Elle excite ses fils, mais elle met tranquillement sa tête sur le sein de son mari ; la volonté de son mari est pour elle une loi, et son unique plaisir est ce qu'elle voit dans les yeux de son mari. Si chère que lui soit la vengeance, elle ne se résoudrait jamais à faire tuer si elle ne savait que son mari s'y est déjà préparé, parce qu'il en doit être ainsi. Il le sait si bien qu'il a emporté avec lui au ting l'argent qui doit être payé pour les amendes.

    « Elle l'a suivi dans la mort, alors qu'elle était libre de sortir, que même son ennemi l'engageait à le faire, ne voulant pas avoir ce meurtre sur la conscience. […]. »


    Extrait, p. 146-148 (chap. LXXVIII, en son entièreté) :

    « Njal prit fort à cœur la mort de Gunnar, et les fils de Sigfus aussi. Ils demandèrent à Njal s'il pensait qu'on pût porter plainte pour le meurtre de Gunnar, et citer en justice ceux qui l'avaient tué. Il dit que cela ne se pouvait pas, Gunnar ayant été mis hors la loi ; qu'il valait mieux faire quelque brèche à leur gloire, et venger Gunnar en tuant quelques-uns d'entre les meurtriers.

    « Ils élevèrent un tombeau à Gunnar, et le placèrent assis dans le tombeau. Ranveig ne voulut pas qu'on y mît sa hallebarde ; « celui-là seul l'aura, dit-elle, qui vengera Gunnar. » Et personne ne la prit. Elle était fort en colère contre Halgerd, et peu s'en fallut qu'elle ne la tuât, disant qu'elle était cause de la mort de son lfils. Halgerd s'enfuit à Grjota avec son fils Grani. On fit alors le partage des biens : Högni prit la terre de Hlidarenda avec le domaine, et Grani eut les terres données à bail.

    « Il arriva à Hlidarenda, qu'un berger et une servante conduisaient du bétail près du tombeau de Gunnar. Ils leur sembla qu'il était joyeux, et qu'il chantait dans son tombeau. Ils allèrent le dire à Ranveig sa mère ; elle les envoya à Bergthorshval, dire la chose à Njal. Ils y allèrent, et Njal se le fit répéter trois fois. Après quoi il parla longtemps à voix basse avec Skarphjedin.

    Puis Skarphjedin prit sa hache et s'en alla avec les autres à Hlidarenda. Hôgni et Ranveig le reçurent très bien, et eurent grande joie de le voir. Ranveig le pria de rester longtemps, et il le promit. Lui et Högni étaient toujours ensemble, au dedans comme au dehors.

    « Högni était un homme vaillant et bon, mais méfiant, c'est pourquoi on n'avait pas osé lui dire le prodige.

    « Ils étaient tous deux dehors, un soir, Skarphjedin et Högni, près du tombeau de Gunnar, du côté du Sud. Il faisait clair de lune, et de temps en temps un nuage passait. Et voici qu'il leur sembla que le tombeau était ouvert, et Gunnar s'était tourné dans le tombeau et il regardait la lune. Ils crurent voir aussi quatre lumières allumées dans le tombeau, et aucune ne jetait d'ombre. Gunnar était gai, et la joie était peinte sur son visage. Il se mit à chanter, à voix si haute, qu'ils l'entendaient distinctement, quoiqu'ils fussent loin :

    « Celui qu'on voyait dans le combat, la face brillante, et le cœur hardi, il est mort, le père de Högni, celui qui faisait pleuvoir les blessures. Quand, revêtu de son casque, il a pris ses armes pour combattre, il a dit : Plutôt mourir que céder, plutôt mourir que céder jamais. »

    « Et après, le tombeau se referma. « Croirais-tu cela, dit Skarphjedin, si d'autres te le disaient ? » — « Je le croirais, dit Högni, si Njal me le disait ; car on dit qu'il n'a jamais menti. » — « De tels prodiges signifient bien des choses, dit Skarphjedin ; Gunnar s'est montré à nous, lui qui a mieux aimé mourir que de céder à ses ennemis : c'est un conseil qu'il nous donne. » — « Je n'arriverai à rien, à moins que tu ne veuilles m'aider » dit Högni. — « Et moi, dit Skarphjedin, je me rappellerai comment Gunnar s'est comporté après le meurtre de votre parent Sigmund. Et je te donnerai toute l'aide que je pourrai. Mon père l'a promis à Gunnar, toutes les fois que toi, ou sa mère, vous en auriez besoin. »

    « Après cela, ils retournèrent à Hlidarenda. »


    Extrait, p. 236-238 (un long extrait du chap. CXXIII) :

    « Après cela ils s'en allèrent, et il fut convenu que Hal prononcerait la sentence au tertre de la loi. On sonna la cloche, et tous les hommes vinrent au tertre.

    « Hal de Sida se leva et dit : « Nous nous sommes mis d'accord sur l'affaire confiée à notre arbitrage, et nous avons fixé une amende de six cents d'argent. Nous autres arbitres nous en paierons la moitié, et il faut que la somme toute entière soit payée ici même au ting. Et maintenant j'adresse une prière à toute cette assemblée : c'est que chacun donne quelque chose pour l'amour de Dieu. » Et tous dirent que c'était bien.

    « Alors Hal prit des témoins de la sentence, pour que nul ne pût la détruire. Et Njal les remercia de la sentence qu'ils avaient prononcée. Mais Skarphjedin était là, qui se taisait, et qui ricanait.

    « Les gens quittèrent le tertre de la loi, et retournèrent à leurs huttes. Mais les arbitres s'en allèrent au cimetière des hommes libres, et là ils rassemblèrent tout l'argent qu'ils avaient promis de donner. Les fils de Njal apportèrent ce qu'ils avaient, Kari aussi ; et cela faisait un cent d'argent. Njal donna ce qu'il avait ; et c'était un autre cent. Alors on apporta tout cet argent au tertre de la loi. Et les hommes donnèrent de si grosses sommes qu'il ne s'en manquait pas d'un denier. Njal prit encore un manteau de soie et une paire de bottes, et les mit sur le tas.

    « Après cela Hal dit à Njal : « Va chercher tes fils ; moi j'amènerai Flosi, et ils se jureront la paix les uns aux autres. » Njal retourna donc à sa hutte, et dit à ses fils : « Voici notre affaire venue à bonne fin. La paix est faite, et tout l'argent est rassemblé. Il faut maintenant que les deux partis se rencontrent et se jurent paix et fidélité. Et je viens vous prier, mes fils, de ne rien gâter. » Skarphjedin passa la main sur son front en ricanant.

    « Et voici qu'ils arrivent tous au tribunal. Hal était allé trouver Flosi : « Viens avec moi au tribunal lui dit-il ; tout l'argent est là, rassemblé en un tas. » Flosi pria les fils de Sigfus de venir avec lui. Ils sortirent tous, et arrivèrent au tribunal, venant de l'est, comme Njal et ses fils arrivaient venant de l'ouest. Skarphjedin s'avança jusqu'au banc du milieu, et resta là debout.

    « Flosi entra dans l'enceinte du tribunal pour regarder l'argent : « Voilà une grosse somme, dit-il, en belle monnaie, et bien comptée, comme il fallait s'y attendre. » Puis il prit le manteau, l'agita en l'air, et demanda qui l'avait donné. Mais personne ne lui répondit. Une seconde fois il agita le manteau, demandant qui l'avait donné, et il riait. Et personne ne lui répondit. « Quoi donc, dit-il alors, personne de vous ne sait-il à qui est ce vêtement, ou bien n'osez-vous pas me le dire ? » — « Qui penses-tu qui peut l'avoir donné ? » dit Skarphjedin. « Si tu veux le savoir, dit Flosi, je vais te dire ce que je pense. Je pense que c'est ton père qui l'a donné, le drôle sans barbe ; car ceux qui le voient ne savent pas si c'est un homme ou une femme. » Skarphjedin dit : « C'est mal parler d'insulter un vieillard, et jamais, jusqu'à ce jour, un brave homme n'a fait pareille chose. Vous savez bien qu'il est un homme, car il a engendré des fils avec sa femme ; et pas un de nos parents n'est tombé percé de coups, près de notre domaine, que nous l'ayons laissé sans vengeance. » Là-dessus il prit le manteau, et jeta à Flosi un pantalon bleu. « Tu en as plus besoin que lui » dit-il. « Et pourquoi. ? » dit Flosi. « Parce que, répondit Skarphjedin, tu es la fiancée du démon de Svinafell. On m'a dit qu'il faisait de toi une femme, chaque neuvième nuit. « Alors Flosi donna un coup de pied dans le tas d'argent, et dit qu'il n'en voulait pas avoir un seul denier : « De deux choses l'une, dit-il, ou Höskuld ne sera pas vengé, ou il aura une vengeance sanglante. » Et il refusa d'échanger les promesses de paix. « Retournons chez nous, dit-il aux fils de Sigfus. Un même sort sera pour nous tous. » Et ils retournèrent à leurs huttes.

    « Hal dit : « Ceux qui ont part à cette querelle sont des gens voués au malheur. » Njal et ses fils rentrèrent dans leurs huttes. « Voici qu'il arrive, dit Njal, ce que je vois venir depuis longtemps, et cette querelle finira mal pour nous. » — « Non pas, dit Skarphjedin, car ils n'ont plus de recours légal contre nous. » — « Il nous arrivera donc pis encore » dit Njal. »


    Extrait, p. 248-251 (début du chap. CXXIX) :

    « Ils allumèrent donc du feu, et firent un grand bûcher devant la porte. « Vous faites du feu, compagnons ? » dit Skarphjedin. Allez-vous faire cuire quelque chose ? » — « Oui, dit Grani, fils de Gunnar, et tu n'auras pas besoin d'un four mieux chauffé que celui-là. » — « C'est ainsi que tu me récompenses d'avoir vengé ton père, dit Skarphjedin ; tu es bien homme à faire cela, toi qui n'as d'égards que pour ceux qui n'ont rien fait pour toi. » Alors les femmes jetèrent du petit lait sur le feu, et l'éteignirent. D'autres apportèrent de l'eau.

    « Kol fils de Thorstein dit à Flosi : « Il me vient une idée. J'ai vu un grenier au dessus de la salle, sous les solives du toit. C'est là qu'il faut mettre le feu, nous l'allumerons avec ce foin qui est en tas devant la maison. »

    « Ils prirent donc le foin, et mirent le feu au grenier. Ceux qui étaient dans la maison ne s'en aperçurent que quand toute la salle fut éclairée par les flammes. Alors les femmes commencèrent à se lamenter. Njal leur dit : « Faites bonne contenance, et ne dites pas de ces paroles effrayées ; c'est une courte bourrasque, et de longtemps nous n'en verrons une semblable. Sachez aussi que Dieu est miséricordieux, et qu'il ne nous laissera pas brûler deux fois, et dans ce monde et dans l'autre. » Par ces paroles et d'autres encore il cherchait à les réconforter.

    « Et voici que la maison tout entière se mit à flamber. Njal vint à la porte et dit : « Flosi est-il assez près pour entendre mes paroles ? » Flosi dit que oui. « Veux-tu, dit Njal, faire la paix avec mes fils, ou bien laisser sortir quelques-uns des nôtres ? » Flosi répondit : « Je ne veux pas faire de paix avec tes fils ; voici que notre querelle va être finie, et je ne partirai pas d'ici que tous ne soient morts. Mais je laisserai sortir les femmes, les enfants, et les serviteurs. »

    « Njal rentra et dit aux gens : « Que tous ceux-là sortent, qui en ont la permission. Sors, Thorballa fille d'Asgrim, et les autres sortiront avec toi. » Thorballa dit : « Nous allons nous séparer, Helgi et moi, d'une autre manière que je ne pensais tout à l'heure. Mais je vais presser mon père et mes frères, pour qu'ils vengent cette tuerie qui se fait ici. » — « Que Dieu te protège, dit Njal, car tu es une bonne femme. » Elle partit donc, et beaucoup de monde avec elle.

    « Astrid de Djuparbakka dit à Helgi, fils de Njal : « Sors avec moi : je vais jeter sur tes épaules un manteau de femme, et j'envelopperai ta tète d'un voile. » Il refusa d'abord, mais elle le priait tant qu'il finit par faire comme elle voulait. Astrid mit un voile sur la tête d'Helgi, elThorbild, femme de Skarphjedin, le couvrit d'un manteau ; il sortit au milieu d'elles. Thorgerd, fille de Njal, sortit aussi, et Helga sa sœur, et bien d'autres.

    « Comme Helgi sortait, Flosi dit : « Voici une grande femme, aux larges épaules, qui s'en va là-bas. Emparez-vous d'elle et tenez-la bien. » Dès que Helgi eut entendu ces paroles, il jeta son manteau. Il avait gardé par dessous son épée à la main ; il en frappa l'homme qui s'approchait et atteignit son bouclier, le coup trancha la pointe du bouclier, et la jambe de l'homme. Alors Flosi s'approcha, il leva sa hache sur la tête de Helgi, et l'abattit d'un coup.

    « Flosi vint près de la porte, et dit qu'il voulait parler à Njal, et aussi à Bergthora. Ils s'approchèrent. Flosi dit : « Je viens, Njal, t'offrir de sortir ; tu n'as pas mérité d'être brûlé dans ta maison. » Njal répondit : « Je ne sortirai pas ; je suis vieux, et je ne pourrais venger mes fils ; et je ne veux pas vivre dans la honte. » Alors Flosi dit à Bergthora : « Sors, toi, femme ; car pour rien au monde je ne veux te brûler. » Bergthora répondit : « J'ai été mariée jeune à Njal, et je lui ai promis que je partagerais avec lui heur et malheur. » Et ils rentrèrent tous les deux.

    « Qu'allons-nous faire maintenant ? » dit Bergthora. « Allons à notre lit, dit Njal et couchons-nous. Il y a longtemps que j'ai envie de me reposer. » Bergthora dit au petit Thord, fils de Kari ; « On va te mener dehors, il ne faut pas que tu brûles ici. » — « Tu m'as promis, grand'mère, répondit l'enfant, que nous ne nous séparerions jamais, tant que je serais chez toi. J'aime bien mieux mourir avec toi et Njal que de vous survivre à tous deux. » Elle porta donc l'enfant sur le lit. Njal dit à son intendant : « Viens voir où nous nous couchons, et comment je dispose toute chose autour de nous ; car je ne bougerai pas, quelque tourment que me causent la fumée ou la chaleur. Tu sauras donc où il faut chercher nos os. » Et l'autre dit qu'ainsi ferait-il. On avait tué un bœuf, et la peau était là. Njal lui dit de l'étendre sur eux, et il promit de le faire. Alors Njal et Bergthora se couchèrent dans le lit et mirent le petit garçon entre eux. Ils firent le signe de la croix sur eux et sur lui, et recommandèrent leurs âmes à Dieu, et ce furent les dernières paroles qu'on entendit d'eux. L'intendant prit la peau, l'étendit sur eux, et sortit. »

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  • Auteur : Louis Léger.
  • ESSAI - HISTOIRE - LITTÉRATURE — (+++++) —


    Extrait (p. VIII-X de l'Introduction ; texte rédigé en avril 1890) :

    « Les progrès récents de l’histoire et de l’archéologie nous permettent de constater chez les Slaves orthodoxes, chez les Serbes, les Bulgares, les Russes, même au moyen âge, tout un mouvement intellectuel, littéraire, artistique qui, pour avoir été moins intense que le nôtre, n’en mérite pas moins toute l’attention du publiciste et de l’historien. Il faut tenir compte des circonstances où ce mouvement s’est produit ; il faut savoir, d’autre part, que la plupart des monuments de l’art et de la littérature ont dis paru au milieu des épreuves qui ont accablé la race slave ; les édifices ont été ruinés ; les manuscrits brûlés ou dispersés ; il n’y a pas un demi-siècle, en Bulgarie, les évêques fanariotes faisaient encore détruire les manuscrits bulgares qui leur tombaient sous la main ; pendant tout le XVIIe et le XVIIe siècle, en Bohême, la contre-réformation a infligé le même sort aux manuscrits tchèques entachés d’hérésie. En 1812, l’incendie de Moscou a dévoré des trésors littéraires dont la perte est absolument irréparable.

    « Sauf dans le nord de l’Allemagne, où elle a été absorbée par la Prusse et la Saxe, la race slave a survécu à toutes les épreuves qui l’ont accablée. Après une longue période de torpeur, elle est entrée définitivement dans la vie européenne.

    « Au commencement du XIXe siècle, on ne comptait qu’un seul État slave, la Russie ; aujourd’hui, trois États nouveaux sont constitués dans la péninsule balkanique : la Serbie, le Monténégro, la Bulgarie ; on peut chicaner sur leur modus vivendi, personne ne songe à contester leur existence. Dans l’État autrichien, les Slaves semblaient naguère ne constituer qu’un élément ethnographique. Le latin et l’allemand jouaient dans leur vie publique et littéraire un rôle qui rejetait au second rang les idiomes nationaux.

    « Tout cela a bien changé au XIXe siècle. Sous l’influence du mouvement politique qui les a ramenés à la conscience de leur nationalité, tous les Slaves, depuis les frontières de Sibérie jusqu’aux rivages de l’Adriatique, se sont rattachés à leurs origines, ont renoué le fil brisé de leur tradition. Ils ont recherché, dans le passé, les grands hommes dont ils avaient négligé le souvenir ; ils ont remis leurs œuvres en lumière, ils leur ont donné de dignes successeurs.

    « La période du hussitisme est aussi intéressante en Bohême que l’est celle de la Réforme en Allemagne : la renaissance littéraire de la Pologne, au XVIe siècle, n’est pas moins brillante que celle de l’Italie ; l’école poétique dalmate du XVIIe et du XVIIIe siècle peut comparer ses productions aux œuvres les plus remarquables de l’Occident : chez les peuples moins favorisés au point de vue de la littérature savante on a découvert tout un trésor de chants populaires qui, seuls en Europe, peuvent rivaliser avec l’épopée homérique.

    « Sous l’influence de ces découvertes, les idiomes slaves se sont résolument affranchis de la domination des langues étrangères. Au XVIIIe siècle, il fallait faire venir des Allemands pour peupler l'académie récemment fondée à Pétersbourg. Aujourd'hui la littérature russe déborde sur le monde entier et l’on songe à peine à s’étonner quand un critique distingué déclare « qu’elle arrive à point pour refaire notre tempérament dégénéré, pour réparer notre anémie intellectuelle ».

    N. B. : « fanariotes » : phanariotes ; de Phanar, quartier grec de Constantinople-Istanbul (les habitants de ce quartier — les Phanariotes, ou Fanariotes — descendaient pour nombres d’entre eux de grandes familles grecques byzantines).


    TABLE DES MATIÈRES DE L'OUVRAGE :

    Introduction. Les Slaves et la civilisation (p. V)

    La formation de la nationalité russe (p. 1)

    Les débuts de la littérature russe (p. 57)

    La femme et la société russe au XVIe siècle (p . 103)

    Les premières ambassades russes à l’étranger (p. 145)

    La Bulgarie inconnue (p. 187)

    Le peuple serbe (p. 251)

    Jean Kollar et la poésie panslaviste au XIXe siècle (p. 277)

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  • Auteur : Kazimierz Klemens Waliszewski.
  • ESSAI - HISTOIRE - LITTÉRATURE — (+++++) —

    Cet essai, relativement dense, est rédigé sur un ton vif, alerte, et particulièrement plaisant ; à travers ses pages l'auteur vous convie à le suivre dans un voyage, conduit tambour battant, à la découverte de la littérature russe.


    Extrait (AVANT-PROPOS ; p. I-IV) :

    « En 1834, le grand Biélinski débutait dans la critique littéraire en donnant à sa première étude cette épigraphe, empruntée à un de ses confrères (Senkovski) :

    « « Avons-nous une littérature ? — Non, nous n’avons qu’un commerce de livres. »

    « Un an et demi plus tard, il publiait un compte rendu semestriel sous ce titre déconcertant : « Des riens sur rien ».

    « On peut juger par là de ce qu’a été, pour la patrie de Pouchkine, de Gogol et de Tolstoï, l’œuvre postérieure d’un demi-siècle.

    « Elle ne s’est pas bornée cependant à constituer un trésor de créations exquises ou grandioses. Elle a donné encore au peuple qui les a conçues, et à Biélinski lui-même, la conscience d’un génie national, dont les manifestations antérieures échappaient à leur appréciation parce qu’ils les jugeaient au point de vue esthétique et non au point de vue historique, qui seul leur convenait. En Russie, plus qu’ailleurs, la théorie évolutionniste, appliquée à la littérature anglaise par Taine — on sait avec quel éclat, — est seule capable de dégager le sens d’un développement littéraire, dont l’histoire a si étrangement arrêté ou brusqué les progrès.

    « En même temps qu’il prenait une ampleur en rapport avec la fortune politique du pays, le patrimoine littéraire de la Russie s’est imposé à la curiosité et bientôt à l’admiration de l’Europe occidentale. Nous sommes loin du temps où les articles de sir John Bowring, dans la Foreign Quarterly Review, passaient pour des révélations. Mais cette notoriété si rapidement conquise demeure mal partagée. L’œuvre de Krylov a été traduite en vingt et une langues. Celle de Pouchkine attend encore un traducteur digne d’elle, en Angleterre comme en France et en Allemagne. Celle d’un Lermontov ou d’un Chtchédrine est à peu près inconnue au dehors.

    « Ces circonstances particulières m’ont dicté le plan de mon étude. J’ai cru devoir y éviter les trop grandes généralisations. Vis-à-vis du public européen, la littérature russe n’a pas acquis encore le recul qui permettrait de la résumer dans quelques ouvrages et dans quelques figures de premier rang. J’ai cru aussi ne pouvoir éviter certain détail. Il n’est pas possible de parler à des lecteurs anglais, ou français, d’un « Eugène Oniéguine », comme on leur parlerait d’un « Hamlet » ou d’un « Tartuffe ». Mes lecteurs russes, si j’en ai, ne m’en reprocheront pas moins de n’avoir pas fait mesure suffisante à tel ou tel de leurs auteurs favoris. Mon excuse est que, même dans un livre comme celui-ci, je n’ai voulu parler que de ce que j’ai pu connaître et apprécier personnellement.

    « Je m’attends encore à soulever de ce côté d’autres reproches. Des personnages tels que « Hamlet » ou « Oniéguine » sont, dans l’aspect qu’ils prennent avec le temps, le double produit d’une conception individuelle initiale et d’un travail collectif ultérieur qui se superposent, se pénètrent et arrivent à se confondre dans l’imagination des foules. Cette collaboration, dont le secret et l’existence échappent au plus grand nombre, constitue un grand embarras pour qui s’adresse à un public autre que celui au sein duquel les types évoqués par lui ont pris naissance. Essayez d’oublier ce que l’ingéniosité, la tendresse, le culte des millions de lecteurs ont, par l’œuvre des années et des commentaires sans fin, ajouté, changé, à la figure d’une « Gretchen », vous verrez ce qui en restera dans l’original, et vous comprendrez la difficulté qu’il y a à vous parler d’une « Tatiana », si d’aventure — et c’est une aventure très probable — elle était pour vous une inconnue. Cette difficulté, je ne me flatte pas de l’avoir toujours vaincue.

    « Je ne me cache d’ailleurs pas tout ce qui me manque, de toutes façons, pour servir ici de truchement intellectuel entre deux mondes, qui me sont, l’un et l’autre, à moitié étrangers. A défaut d’autres aptitudes à ce rôle, j’espère y apporter, du moins, une fraîcheur d’impressions et une indépendance de jugement qui justifieront, dans une certaine mesure, la témérité de mon entreprise.

    « J’y ai trouvé l’encouragement et le concours de nombreux amis russes, parmi lesquels MM. Oniéguine et Chtchoukine ont droit à une part double de mes remerciements. Leur savoir et leur complaisance ont été inépuisables, comme leurs bibliothèques, qui comptent parmi les merveilles de ce beau Paris, où ils ont élu domicile et où j’ai été heureux moi-même de pouvoir écrire ce livre.

    « K. WALISZEWSKI . »


    TABLE DES MATIÈRES DE L'OUVRAGE (p. V-X) :

    « CHAPITRE I
    LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS. LE CLIMAT. LA RACE. L’HISTOIRE
    1. Le climat. Ni Europe ni Asie. Territoire continental et inarticulé. Températures extrêmes. Similitude avec l’Amérique du Nord. — 2. La race. Mélange originaire et unification progressive. Survivance de trois éléments distincts. Le Finnois. Le Tatar. Le Slave. Leurs caractères. Absorption et élimination. — 3. L’histoire. Civilisation tardive. Arrêt de développement. Influences étrangères. Conquête tatare et conquête occidentale. Colonisation. Conséquences —— Page 1

    CHAPITRE II
    L’AGE ÉPIQUE
    1. Poésie populaire. Prolongement de l’âge épique. Origines et éléments de cette poésie. Migration du sud au nord. Formes principales. — 2. Les bylines. Cycle de Kiév. Ses héros. Vladimir. Ilia de Mourom. Figures féminines. Les polénitsas. Cycle de Novgorod. Vaska, fils de Bousslaï.— 3. Chants de circonstance. Noëls. Conjurations, proverbes, énigmes. — 4. Récits historiques. Ivan le Terrible. Pierre le Grand. L’année 1812. — 5. Chants religieux. Légendes religieuses. — 6. Le dit de la bande d’Igor. — 7. Littérature écrite avant Pierre le Grand. L’évangile d’Ostromir. Les recueils de Sviatoslav. Les Paléia. Lutte de l’enseignement ecclésiastique avec la tradition païenne. — 8. Nestor et les chroniques. Kiév et Moscou. Survivance du caractère religieux dans la littérature. Le métropolite Fotii. — 9. Maxime le Grec. Le pope Silvestre. — 10. Le Domostroï. Un ménagier russe. — 11. Ivan le Terrible et Kourbski. — 12. Le foyer kiévien. Lutte de l’élément latin avec l’élément grec. Le Raskol. — 13. Kotochikhine et Krijanitch. Naissance de l’esprit critique. — Immigration étrangère. Les Allemands. Les moines petits-russiens. — 14. La renaissance. Le théâtre. Le roman. Aube d’une époque nouvelle —— Page 12

    CHAPITRE III
    LA RENAISSANCE. PIERRE LE GRAND
    1. L’œuvre de Pierre le Grand. Laïcisation de l’esprit public. — 2. Féofanc Prokopovitch. L’esprit moderne dans l’Eglise. Étienne Iavorski. « La pierre de la foi. » — 3. Possocbkov. Le premier économiste russe. — 4. Tatichtchev. Sa carrière et son œuvre. Caractère utilitaire de la littérature contemporaine. — 5. Kantémir. Nouveaux courants littéraires. La poésie. La satire. L’éducation classique —— Page 51

    CHAPITRE IV
    LA CRÉATION DE LA LANGUE. LOMONOSSOV
    1. Trédiakovski. Le poète et le grammairien. Ses tribulations. Soufflets et coups de bâton. La cour de l’Impératrice Anna Ivanovna. « La Télémachide. » L’art et la théorie. — 2. Lomonossov. Humbles origines. Aventures. Génie universel. Poésie et science. Lutte contre l’élément étranger. L’Académie des Sciences. Création de la langue. Travaux historiques. Valeur et portée générale de l’œuvre de Lomonossov.— 3. Soumarokov. Fondation du théâtre russe. — 4. Nathalie Dolgoroukaïa. Ses mémoires. Une tragique destinée —— Page 69

    CHAPITRE V
    LE SERVAGE OCCIDENTAL. CATHERINE II
    1. La Sémiramis du Nord. L’ « âge d’or ». Double effort de la pensée contemporaine pour l’assimilation des éléments étrangers de civilisation et l’élaboration du moi national. Origines de l’occidentalisme et du slavophilisme. Catherine contrarie successivement l’un et l’autre courant. Le résultat est un recul. Littérature d’imitation. OEuvre personnelle de la souveraine. Journalisme. Histoire. Théâtre. Écrits pédagogiques. Correspondance. — 2. Von-Visine. Le Brigadier. Le Mineur. — 3. Le théâtre. Kniajnine. Les adaptations de pièces française. Kapnist. La Chicane. Loukine. Essai de comédie bourgeoise. L’Opéra-Comique. — 4. Diérjavine. L’homme et l’écrivain. La chronique poétique du grand règne. Œuvres lyriques. Théâtre. Les imitateurs. — 5. Khéraskov. Tragédie et roman. — 6. Bogdanovitch. « La petite Psyché » (Douchenka). Le premier fabuliste russe. Khémnitzer. Invasion de la littérature étrangère. — 7. Radichtchev. Mouvement intellectuel contemporain. Le voyage de Pétersbourg à Moscou. Exil en Sibérie. Novikov. Journalisme. Démêlés avec Catherine. Affiliation à la Franc-Maçonnerie. Propagande philosophique et humanitaire. Emprisonnement. — 8. La princesse Dachkov. L’Académie russe. — 9. Le mouvement scientifique. Chtcherbatov, Boltine —— Page 92

    CHAPITRE VI
    PÉRIODE DE TRANSITION. KARAMZINE ET JOUKOVSKI
    1. Le romantisme et la littérature russe. — 2. Evolution intellectuelle et politique. Alexandre 1er. — 3. Karamzine. La pauvre Lise. Libéralisme et retour aux idées réactionnaires. La réforme de Spéranski. Karamzine au nombre de ses adversaires. L’historiographie officielle. L’histoire de Russie. Les successeurs littéraires de Karamzine. — 4. Dmitriev et Oziérov. Le cercle de Chichkov. — 5. Joukovski. Début sensationnel. Espérances déçues. Un faux romantique. Le poète et le pédagogue. Imitations et traductions. — 6. Batiouchkov. Un classique du type grec. — Krylov et La Fontaine. Eléments naissants d’originalité nationale. Le réalisme indigène —— Page 131

    CHAPITRE VII
    L’ÉVOLUTION NATIONALE. POUCHKINE
    1. Le génie national. Le mouvement littéraire en Europe et en Russie. Une nouvelle personne morale. — 2. Pouchkine. Éducation. Lectures. Premiers essais. Rousslane et Lioudmila. Idées révolutionnaires. Poésie érotique. Liberté et licence. L’exil. Le Caucase et Byron. Le Prisonnier du Caucase. Byronisme du poète et inspiration originale. Eugène Oniéguine. Caractère national de l’œuvre. Byron abandonné pour Shakespeare. Poltava. Boris Godounov. Conversion aux idées conservatrices. Réconciliation avec Nicolas Ier. Séjour à Pétersbourg. Vie dissipée. Déchéance. Mariage. Retour de puissance créatrice. Chefs-d’œuvre lyriques et dramatiques. Contes populaires. Études historiques. La Révolte de Pougatchov. Roman. La Fille du capitaine. Journalisme. Troubles intimes et chagrins domestiques. Duel mortel. Aperçu général. — 3. Son école. Delwig. Baratinski. —4. Griboiédov. Le Malheur d’avoir trop d’esprit. Courants intellectuels contemporains. Ryléiev. Bestoujev. —— Page 156

    CHAPITRE VIII
    LE MOUVEMENT ÉMANCIPATEUR. LES DOCTRINAIRES DE TCHADAIEV A KATKOV
    1. L’avènement de Nicolas Ier. Situation précaire de la littérature sous son règne. Compression morale. Griétch. Boulgarine. Senkovski. Polévoi. — 2. Tchadaiev. Un coup d’Etat philosophique. L’occidentalisme et le slavophilisme. Commencement de la lutte. — 3. La critique littéraire. Son caractère compréhensif et son rôle social. Nadiéjdine. Chévirev. — Biélinski. L’hégélianisme en Russie. Le cercle de Stankiévitch. L’œuvre de Biélinski et ses successeurs. — 4. Tchernichevski. Le radicalisme russe. — 5. Dobrolioubov. — 6. Pissarev. — 7. Le slavophilisme. Ses éléments. Ses dogmes. L’ « idée nationale ». — 8. Les Kiriéievski et leur école. Kbomiakov. Valouiev. I. Samarine. Les frères Akssakov. Aperçu critique. Impulsion donnée par le groupe aux études historiques. — 9. Le mouvement historique. Pogodine. Soloviov. Kostomarov. — 10. Le mouvement politique. Appui donné par le groupe aux idées libérales. Double mouvement émancipateur. Révolution et réaction. Herzen et Katkov —— Page 190

    CHAPITRE IX
    LES ARTISTES. GOGOL ET TOURGUÉNIEV
    1. Lermontov et Pouchkine. Nouvelle formation intellectuelle. Esprit d’indépendance et de révolte. Lermontov et Byron. Imitations et essais d’originalité. Le Démon. Chants sur Ivan Vassiliévitch. Un héros de notre temps. Lermontov et de Musset. Fin précoce. Aperçu général. — 2. Koltsov et Burns. Rénovation de la poésie populaire. Nikitine. L’héritage de Lermontov. Ogariov. La comtesse Rostoptchine. Passage de la poésie à la prose. Les romanciers. Zagoskine. Lajetchnikov. Marlinski. — 3. Gogol. Débuts obscurs. Les Soirées à la ferme de Dikanka. Essais scientifiques manqués. Roman historique. Tarass Boulba. Retour à la réalité contemporaine. Formule définitive du roman moderne dans Le Manteau. Réalisme russe et réalisme occidental. Création de la comédie russe moderne. Le Réviseur. L"association inconsciente au mouvement réformateur. Les Ames mortes. Réaction. Trouble intellectuel. Slavophilisme et mysticisme. Lettres à mes amis. Egarement final. Les héritiers directs de Gogol. — 4. Gontcharov. —5. Grigorovitch. — 6. Ostrovski. Le nouveau théâtre russe. L’Orage. — T. Alexis Tolstoï. La trilogie. — 8. Tourguéniev. Essais poétiques. Paracha. Les Souvenirs d’un chasseur. Valeur artistique et portée sociale de l’œuvre. OEuvres d’art et œuvres de tendance. « Les hommes de trop. » Assia. Faust. Roudine. Le Nid des seigneurs. A la veille. Pères et Enfants. « Le nihiliste. » Fumée. Terres vierges. Aperçu général. — 9. Le roman historique et ethnographique. Le Prince Sérébrianyi d’Alexis Tolstoï. Danilevski. Miélnikov —— Page 229

    CHAPITRE X
    LES POLÉMISTES. HERZEN ET CHTCHÉDRINE
    1. L’agitation révolutionnaire. La littérature divulgatrice et accusatrice. — 2. Herzen. Roman, journalisme et philosophie. A qui la faute ? L’émigration. Le séjour à Paris et à Londres. « L’Etoile polaire. » « La Cloche. » Dictature morale. L’émancipation des serfs. Violences révolutionnaires. Bakounine. Lutte avec Katkov. Déchéance. — 3. Saltykov (Chtchédrine). Enquête sur la vie de province. Esquisses gouvernementales. Le procès de la Russie réformée. Les Messieurs de Tachkent. La famille Golovlev. « Ioudouchka. » Période finale de recueillement. La chronique de Pochékhonié. — 4. Pisscmski. Le Zola russe. La Boïarchtchina. Mille âmes. Essai de drame populaire. Amère destinée. Polémique. La mer démontée. — 5. Nékrassov. L’homme et le poète. L’artiste et le pamphlétaire. Nékrassov et Dostoïevski. Les Malheureux. Le Gel au nez rouge. Le rôle social du poète. Ses imitateurs —— Page 300

    CHAPITRE XI
    LES PRÉDICATEURS. DOSTOÏEVSKI ET TOLSTOÏ
    1. Aperçu général. — 2. Serge Akssakov. La Chronique de famille.— 3. Dostoïevski. Le prolétariat littéraire. Les Pauvres gens. Le complot de Pétrachevski. La condamnation à mort. Séjour au bagne. Retour. Humiliés et offensés. La Maison des morts. Affiliation au slavophilisme. Mysticisme. L’idée de l’expiation. Nouvelles épreuves. Séjour à l’étranger. Lectures. Dickens et Victor Hugo. Crime et Châtiment. Dostoïevski et Bulwer. Valeur artistique et psychologique du livre. Portée sociale. Le nihilisme. Politique et sociologie. Les Possédés. Les frères Karamazov. « La légende de l’Inquisiteur. » Propagande. « Le Carnet d’un écrivain. » Le discours sur Pouchkine. Ovation et apothéose. Aperçu général. Dostoïevski et Tolstoï. — 4. Léon Tolstoï. L’artiste, le penseur et le savant. Le livre sur l’art. Biographie. Enfance, Adolescence et Jeunesse. Les Cosaques. Tolstoï et Loti. Souvenirs de Sévastopol. Retraite à Iasnaia Poliana. Activité politique. Guerre et Paix. Nouvelle retraite. Rôle politique et social. La famine de 1873. Anna Karénine. Conversion aux idées mystiques. Répudiation de la littérature d’art. Tourguéniev et Tolstoï. « Ma religion. » Idées philosophiques et religieuses. Contradictions intimes. OEuvre artistique. Figures et cadres. OEuvre sociale. Influences et affinités morales. Le mysticisme. L’esprit de secte. Soutaiev. Les Doukhobortsy. Dernières créations artistiques. La mort d’Ivan Illich. Sonate à Kreutzer. Résurrection. Le Théâtre. Nouvelle formule du drame populaire. La Puissance des ténèbres. Aperçu général. Les imitateurs. — 5. Liéskov —— Page 330

    CHAPITRE XII
    TEMPS D’ARRÊT. LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE
    1. Symptômes de décadence. Causes. Influence du régime politique. La censure. Nouveau courant d’émigration. La colonie russe à Paris. Un cercle littéraire. I. Chtchoukine. Un musée de Pouchkine sur les bords de la Seine. A. Oniéguine. — 2. L’héritage de Pouchkine. Tioutchev. Maïkov. Fœth. Polonski. Nadsohn. — 3. Le roman contemporain. Garchine. — 4. Koroliénko. Nouvelle école. Le roman d’actualité. Boborikine. Potapiénko. Dernière formule du roman réaliste. — 5. Tchékhov. — 6. Le mouvement scientifique. Circonscrit dans le domaine de la géographie, de l’ethnographie et de l’histoire. Prédominance des travaux collectifs. Ses causes. Bilbassov. Le général Schilder. Milioukov. Kovalevski. Histoire et critique littéraire. Pypine. Mikhaïlovski. Indigence du mouvement philosophique. L’école nationale de philo Sophie reste à l’état d’espérance. Les philosophes du pays réduits à habiter l’étranger et à y publier leurs œuvres. De Roberty. V. Soloviov. Conclusion. —— Page 399

    Bibliographie —— Page 436

    Index —— Page 442 »

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  • Auteur : Désiré de Bernáth (Dezsö Bernáth).
  • ESSAI - HISTOIRE — (++++) —

    La présente édition de « Cléopâtre, sa vie, son règne » de Désiré de Bernáth (Dezsö Bernáth ; naissance le 15 juillet 1841 à Ungtarnóc, décès le 14 janvier 1907 à Budapest) reprend le texte (quelques rares coquilles et fautes d’orthographes ont été corrigées) de l’édition imprimée à Budapest en 1903 par la Société anonyme « Athenaeum » pour l’éditeur Félix Alcan :

    Bernáth, Désiré (de). Cléopâtre, sa vie, son règne. Paris : Félix Alcan Éditeur
    (ancienne Librairie Germer Baillière et Cie), 1903. 253 p.

    Voici quelle est l'épigraphe figurant sur l'une des pages de titre de l'édition française de 1903 et évoquant le génie de Cléopâtre, le caractère tout particulier de sa vie inimitable :

    « Altius elati lapsu

    « graviore ruunt. »

    Et voici de cette épigraphe, notre, quelque peu pompeuse, traduction-adaptation :

    « Quand, habité d’une féroce fierté,

    « à la Grandeur parvenu on s’effondre,

    « alors, plus cruelle encore est la chute. »

    Le génie de Cléopâtre résidait sûrement en sa beauté, son charme, et en une très grande ambition ; mais résidait indéniablement également dans les richesses incommensurable de l'Égypte, richesses qui lui permirent de mener, comme elle put s'en vanter, et ce sans vaine forfanterie, une vie inimitable, sinon LA vie inimitable


    Extrait no1 — p. 17/A4-PDF, p. 17/A5-PDF — de l'ouvrage :

    « Il n’existe peut-être pas, sur le globe terrestre, d’endroit comparable à Alexandrie, où, à cette époque et dans un laps de temps aussi court, il se soit passé tant de tragédies historiques qui devaient exercer une influence décisive sur le sort des peuples. Et c’est à peine si, dans l’histoire universelle, on trouve des personnages dont le caractère et les actes méritent d’attirer la curiosité de l’historien autant que César, Antoine, Octave-Auguste et Cléopâtre. »


    Extrait no2 — p. 72-73/A4-PDF, p. 98-99/A5-PDF — de l'ouvrage :

    « Au conseil que l’on réunit en toute hâte afin de délibérer sur la question, Anchoreüs, l’ancien et fidèle serviteur d’Aulète, fut le seul qui, en mémoire des services rendus par Pompée, opina qu’il fallait le recevoir dans le royaume. Mais on n’écouta pas cet avis et l’on adopta celui du rhéteur Théodote, qui soutint que le meilleur parti à prendre était de faire périr Pompée et qui, d’après Plutarque, ajouta en souriant qu’un mort ne mord point. Pothin ainsi qu’Achillas approuvèrent ce projet, et ce dernier se chargea de son exécution : il importait même de se hâter, parce que les envoyés de Pompée avaient déjà pris contact avec les légionnaires de l’armée égyptienne et cherchaient à susciter parmi eux un mouvement en faveur de leur ancien général. Afin de gagner du temps et de pouvoir éloigner du camp les ambassadeurs de Pompée, le gouvernement égyptien renvoya le roi dans la capitale et répondit à la mission qu’on ne pouvait rien décider sans l’assentiment de Ptolémée XIII, qu’il fallait aller voir à Alexandrie. Cependant, Achillas ne tarda pas à trouver des acolytes pour l’exécution de son plan : ce furent un certain Septimius, officier supérieur des légions romaines, qui avait servi jadis dans l’armée de Pompée en qualité de tribun militaire, et un autre officier nommé Salvius, qui connaissait aussi très bien le célèbre général. Quand les ambassadeurs de Pompée eurent quitté le camp, Achillas, accompagné de Septimius et de Salvius, monta dans une chaloupe et vint au mouillage des vaisseaux romains, sous le prétexte que Septimius désirait présenter ses hommages à son ancien chef. Grâce à leur ancienne connaissance, Septimius parvint à décider Pompée à descendre à terre, accompagné de seulement quelques hommes, en attendant que le roi autorisât le débarquement général. Et comme la trirème de Pompée ne pouvait entrer dans les eaux basses des côtes de Péluse, il s’offrit à prendre son ancien général dans le canot qui l’avait amené. Ne se doutant de rien, Pompée accepta l’offre qui lui était faite et descendit dans la chaloupe où Achillas et Salvius l’attendaient déjà avec impatience. À peine l’embarcation s’était-elle écartée de la trirème, que Salvius tira son épée et l’enfonça traîtreusement dans le dos de Pompée. Blessé à mort, le héros se couvrit le visage de sa toge et s’affaissa au fond de la chaloupe, où les assassins l’achevèrent à la vue de sa femme et de ses soldats qui, témoins impuissants de ce lâche attentat, poussaient des cris d’indignation et de douleur. Cet événement eut lieu le 29 septembre 706 de Rome (48 av. J.-C.). Leur tâche achevée, Septimius et Salvius jetèrent le cadavre sur la grève où stationnaient Pothin, Théodote et les autres conseillers du roi. Là, on détacha la tête du tronc et on l’expédia sur-le-champ à Alexandrie, pour être présentée à Ptolémée XIII. Le corps lui-même fut abandonné à la curiosité publique. Vers le soir, tout le monde s’en alla et il ne resta auprès du cadavre mutilé de Pompée qu’un certain Philippe, ancien esclave affranchi du héros mort si tragiquement. Celui-ci tira sur le rivage la chaloupe dans laquelle Pompée avait été assassiné, la mit en pièces et en fit un bûcher sur lequel il brûla le corps du grand homme. Quant à la tête, Jules César la fit enterrer plus tard à Alexandrie. »

    N. B. : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages du texte cité.


    Extrait no3 — p. 161/A4-PDF, p. 224/A5-PDF — de l'ouvrage :

    « C’est à cette époque que Cléopâtre fonda à sa cour la Société des Amimétobies, — ceux dont la vie est inimitable, — dont les membres, dit Plutarque, se traitaient mutuellement tous les jours avec une profusion qui ne connaissait aucune borne. Il semble que la reine essayait de rapprocher et de fusionner les divers éléments dont se composait la société d’Alexandrie ; et il est même possible que cette entreprise aurait réussi, si le destin lui en avait laissé le temps. »


    Nous reproduisons ci-dessous les différents avertissements des différentes éditions de l'ouvrage que nous vous proposons…

    AVERTISSEMENT de l'édition A4-PDF :

    « La présente édition de « Cléopâtre, sa vie, son règne » de Désiré de Bernáth (Dezsö Bernáth ; naissance le 15 juillet 1841 à Ungtarnóc, décès le 14 janvier 1907 à Budapest) reprend le texte (quelques rares coquilles et fautes d’orthographes ont été corrigées) et les illustrations (les numéros portés sur le « Plan d’Alexandrie » ont fait l’objet de légères retouches afin d’améliorer leur lisibilité) de l’édition imprimée à Budapest en 1903 par la Société anonyme « Athenaeum » pour l’éditeur Félix Alcan : Bernáth, Désiré (de). Cléopâtre, sa vie, son règne. Paris : Félix Alcan Éditeur (ancienne Librairie Germer Baillière et Cie), 1903. 253 p. »

    AVERTISSEMENT de l'édition A5-PDF :

    « La présente édition de « Cléopâtre, sa vie, son règne » de Désiré de Bernáth (Dezsö Bernáth ; naissance le 15 juillet 1841 à Ungtarnóc, décès le 14 janvier 1907 à Budapest) reprend le texte (quelques rares coquilles et fautes d’orthographes ont été corrigées) mais pas les illustrations, non plus le tableau des Consuls à Rome, ni la Généalogie des Lagides de l’édition imprimée à Budapest en 1903 par la Société anonyme « Athenaeum » pour l’éditeur Félix Alcan : Bernáth, Désiré (de). Cléopâtre, sa vie, son règne. Paris : Félix Alcan Éditeur (ancienne Librairie Germer Baillière et Cie), 1903. 253 p. »

    AVERTISSEMENT de l'édition EPUB :

    « La présente édition de « Cléopâtre, sa vie, son règne » de Désiré de Bernáth (Dezsö Bernáth ; naissance le 15 juillet 1841 à Ungtarnóc, décès le 14 janvier 1907 à Budapest) reprend le texte (quelques rares coquilles et fautes d’orthographes ont été corrigées) mais pas les illustrations, non plus le tableau des Consuls à Rome, ni la Généalogie des Lagides de l’édition imprimée à Budapest en 1903 par la Société anonyme « Athenaeum » pour l’éditeur Félix Alcan : Bernáth, Désiré (de). Cléopâtre, sa vie, son règne. Paris : Félix Alcan Éditeur (ancienne Librairie Germer Baillière et Cie), 1903. 253 p. »


    N. B. : numérisation : Google ; livre issu des collections de : New York Public Library ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE — (++++) —

    Cette édition en langue anglaise de l'essai de Désiré de Bernath (le traducteur n'est pas identifié), ne comporte aucune illustration, ne comporte pas la liste des Sources, ne comporte pas l'Hommage de Nicolas de Szemere à Nimet Tewfik, non plus le tableau des Consuls à Rome, ni la Généalogie des Lagides ; par contre, un index s'y trouve adjoint.


    Extrait — p. 288 :

    « In the beginning of spring, they sent an embassy to Octavius for the last time. On this occasion it was Antyllus, Antony's son, who was sent to his father's rival with an enormous sum of money. 'Octavius,' says Dion Cassius, 'accepted the gift gladly; but he sent Antyllus back without deigning to make any reply, nor troubling to inform himself of his reasons for coming.' Then at length did Antony realise that it was thenceforward impossible to employ diplomacy in the conflict with Octavius, and that his last resource was the valour of his army and his own personal courage. At this moment very serious news reached Alexandria. Cornelius Gallus had succeeded in effecting a union with Pinarius Scarpus, and Paretonium had been taken by the assault of their combined forces. »

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  • Auteur : Lubor Niederle.
  • N. B. : numérisation : Internet Archive ; livre issu des collections de : University of Ottawa ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —


    Extrait (extrait de l'Introduction, p. 3-5.) :

    « Voici ce qui paraît le plus vraisemblable. Le peuple slave primitif avait son noyau entre l’Oder et le Dnieper ; dès les temps préhistoriques il avait par endroits atteint l’Elbe, la Sale, le Danube, la Desna, le Niémen et la Baltique. Il s’est désagrégé sur ce vaste territoire, en partie sous l’influence de certaines conditions territoriales — telles sont par exemple les influences des grands cours d’eau et des montagnes, — en partie sous l’action de courants civilisateurs qui n’étaient pas les mêmes en Orient et en Occident, enfin sous l’influence du développement linguistique. Trois fractions se sont d’abord constituées. La première, à l’ouest de la Vistule et des Karpates, s’est étendue vers l’Occident au-delà de l’Elbe, de la Sale, de la Sumava (Bœhmerwald) et a produit les branches des Slaves polabes, pomoriens (poméraniens), polonais et tchécoslovaques ; la seconde, dont le siège primitif était entre la haute Vistule, le Dniester et le moyen Danube, descendit peu à peu — sauf quelques tribus au sud des Karpathes — s’établir d’une part sur la Drave, de l’autre, après avoir passé la Save et le Danube, dans la région du Balkan et forma les groupes slovène, serbo-croate et bulgare ; la troisième fraction, du bassin du Dnieper rayonna en un vaste cercle au nord jusqu’au golfe de Finlande, sur le haut Dnieper, le Volga, l’Oka, à l’est vers le Don, au sud vers la Mer Noire et le Danube inférieur, et constitua la nation russe ; sous l’influence de diverses conditions, cette nation se différencia en elle-même et se modifia suivant les localités.

    « Les diverses branches de la famille slave ne sont pas toutes également éloignées les unes des autres. Entre le Tchèque et le Polonais la différence est plus considérable qu’entre le Tchèque et le Slovaque. Entre le Grand-Russe et le Polonais elle est plus grande qu’entre le Grand — Russe et le Petit-Russe. Aussi, dans la vie politique et dans la littérature se produisent sans cesse des conflits sur la question de savoir si telle fraction doit être considéré comme une tribu ou une nation indépendante. On n’est point d’accord sur l’emploi des termes nation, nationalité, tribu, branche, pas plus que sur le total actuel des Slaves.

    « Tout dépend des points de vue en matière philologique, ethnographique, historique ou politique. Même en partant du même point de vue on arrive à des conclusions différentes. Tel philologue voit deux langues là ou tel autre ne voit que des dialectes d’une même langue. Les uns tiennent plus de compte de leurs aspirations vers la renaissance, l’individualité politique, l’autonomie nationale, que des données scientifiques ; les autres, obéissant à des considérations politiques, imaginent de nouvelles nations dont leurs rivaux ne veulent même pas entendre parler. Ainsi le nombre des nations slaves, et par suite le système de la Slavie tout entière est très différent suivant les auteurs. »


    N. B. : numérisation : Internet Archive ; livre issu des collections de : Columbia University Libraries ou University of Toronto (?) ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE - ARCHÉOLOGIE — (+++++) —


    Extrait de l'Avant-propos, p. V-VI, du TOME I :

    « J’ai consacré presque toute ma vie à l’étude de l’antiquité slave, consignant les résultats de mes travaux dans un ouvrage en tchèque, en cours de publication depuis 1901, sous le titre général « Antiquités slaves » (Slovanské starozitnosti).

    « Cet ouvrage se divise en deux parties. La première, qui porte ce titre général, se propose d’établir les bases historiques et ethnographiques de la connaissance du monde slave. Les trois volumes qui en sont parus jusqu’à présent traitent : le tome I, des origines et de l’évolution de la nation slave en son entier, dans son premier habitat au nord des Carpathes ; les tomes II et III, des origines du groupe méridional et du groupe occidental ; le tome IV, qui sera consacré aux Slaves orientaux, n’est pas encore achevé. La seconde partie de l’ouvrage, pubUée sous un titre différent « La vie des anciens Slaves » (Zivot starych Slovanu), décrit la culture des Slaves à la fin du paganisme. Quatre volumes en sont parus : on y trouve une étude de la vie physique depuis la naissance jusqu’à la mort (y compris les rites funéraires), du costume et de la parure, de l’habitation, de la religion, de l’agriculture et de la vie économique en général.

    « Cette œuvre vise à rassembler et à exposer les résultats auxquels nous ont conduits les recherches des savants slaves durant ces dernières années. Mais ces résultats sont très souvent ignorés des savants d’Occident, en raison de leur inexpérience des langues slaves. C’est pourquoi je crois devoir publier en français un ouvrage plus succinct sur le même sujet, le présent Manuel de l’antiquité slave. J’ajoute d’ailleurs, pour éviter toute méprise, que le lecteur ne trouvera pas là un simple extrait de l’œuvre tchèque. D’importantes parties en ont été remaniées, et les données en ont été augmentées ou corrigées ; d’autres parties sont entièrement nouvelles, car le tome auquel elles se rapportent n’est pas encore paru en tchèque. C’est donc, au total, un livre autre et nouveau. La partie concernant « l’histoire » paraît la première ; la partie relative à « la civilisation » suirvra, dès que mon travail sera assez avancé pour me permettre une vue d’ensemble

    « Ne voulant pas surcharger le texte de détails et de renvois superflus, j’ai indiqué, en note, le tome et la page de l’ouvrage fondamental en tchèque, Slovanské sturozitnosti, où l’on pourra trouver les références nécessaires. »

    N. B. : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages du texte cité.


    N. B. : numérisation : Internet Archive ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE - ARCHÉOLOGIE — (+++++) —


    Extrait de l'Avant-propos, p. V-VII, du TOME II :

    « Dans cette deuxième partie du Manuel de l'antiquité slave, j’ai voulu donner une esquisse de la civilisation slave à partir de la seconde moitié du Ier millénaire, c’est-à-dire à partir de l’époque ou les Slaves entrent pleinement dans l’histoire. L’antique civilisation « protoslave » n’appartient donc pas à mon sujet.

    « Quand on parle de la civilisation slave païenne, il faut certes envisager tous les éléments qui l’ont progressivement composée, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la conversion des Slaves au christianisme, au début de la période historique. Nous entrevoyons une évolution et des étapes diverses. Il serait certainement possible, à l’aide des données linguistiques, de rechercher et de déterminer, par exemple, le fonds hérité par les Slaves de la communauté indo-européenne, ou encore l’état de leur civilisation à l’époque où ils formaient encore une unité. Il serait possible aussi, avec le secours de l’archéologie, d’évoquer cette civilisation, telle qu’elle apparaissait soit 500 ans avant l’ère chrétienne, soit au début de l’ère chrétienne, etc. Mais je ne me suis point donné pour tâche de décrire ces étapes anciennes : pareille tentative ne pourrait procéder que d’observations linguistiques, et, n’étant pas linguiste, je ne devais pas me risquer à reconstruire la vie et les mœurs des Slaves à la fin de la période de leur unité linguistique ; encore moins me serais-je hasardé à reconstituer les éléments fondamentaux qui apparaissent dans le patrimoine linguistique protoslave et indo-européen. Quant à en étudier l’état primitif et le développement d’après les matériaux archéologiques, je ne le pourrais qu’en m’appuyant sur des hypothèses, vraisemblables peut-être, mais cependant non démontrées, et il ne manquerait pas de gens pour me dire que la vie dont je retrace les grandes lignes n’est pas celle des Slaves, mais celle des Germains ou des Illyriens, car la preuve décisive reste à faire que les sépultures dont j’aurais à parler sont des sépultures slavej. Voilà pourquoi, au lieu de reconstituer une civilisation protoslave hypothétique et fictive, je préfère donner une image plus concrète de l’état matériel et moral dans lequel vivaient les Slaves au début de leur histoire, quand ils reçurent le christianisme et, avec lui, tant d’éléments étrangers. Je veux en un mot représenter la vie que menaient les païens slaves à la fin du Ier millénaire après J.-C. Si parfois il m’arrive de remonter jusqu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne, ce ne sera que pour y rechercher les échos du vieux paganisme et pour comparer les mœurs anciennes avec le nouvel état de choses.

    « Il va sans dire, d ailleurs, que s’il nous arrive d’en avoir besoin, nous considérerons aussi des étapes plus anciennes, soucieux que nous sommes de rechercher l’origine des divers éléments de la civilisation slave, et de suivre le développement particulier de ces éléments jusqu’à l’état où nous les trouvons à la fin du Ier millénaire.

    « Mais nous ne nous en tiendrons pas là. Il nous faudra encore distinguer dans cet ensemble ce qu’il y a de véritablement propre aux Slaves et ce qui leur est étranger ; on se tromperait, en effet, si l’on considérait cette civilisation ancienne, que nous dépeindrons à son dernier stade, comme un tout entièrement et authentiquement slave. L’archéologie nous apprend que les Slaves se trouvaient dès ce moment soumis à de fortes influences étrangères : les unes romano-byzantines, d’autres nordiques, d’autres enfin orientales, et il n’est pas douteux qu’il en ait été de même dans tous les domaines : l’archéologie est ici d’accord avec l’histoire, la philologie et le folklore. »

    N. B. : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages du texte cité.

    L'ouvrage (le tome II) est doté d'une riche iconographie ;
    il comporte en effet de très nombreuses illustrations : 144 figures (dessins, photographies…).


     

    Reproduction de l'une des deux cartes (planches hors-texte) de l'ouvrage <i>La Race slave</i>.

    « Carte ethnographique de la race slave » ;
    reproduction de la carte figurant en fin de l'ouvrage La Race slave.

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    NIEDERLE, Lubor. La Race slave – Statistiques – Démographie – Anthropologie.
    Traduit du Tchèque par Louis Léger de l'Institut.
    Deuxième édition revue, avec une carte en couleur.
    Paris : Félix Alcan, 1916. 231 p.
    La carte (planche hors-texte) reproduite ici, se trouve en fin de volume, après la table des matières.

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  • Auteur : Numa Denis Fustel de Coulanges.
  • N. B. : numérisation : MSN ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++) —

    Numa Denis Fustel de Coulanges (1830-1889) semble estimer que l’Histoire est tributaire de l’« évolution », appréciée au travers d’un prisme très chrétien, que cette évolution historique coïncide avec un progrès quasi-inéluctable de l’humanité aux niveaux culturels, moraux, sociaux, au niveau de l’intelligence, de l’esprit, probablement de l’âme même…

    Il paraît ainsi avoir une approche dans une certaine mesure comparable, similaire de l’« évolution » à ce que sera ultérieurement celle, plus outrée encore, du père jésuite Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955). Notons que cette approche de l’évolution, de l’histoire par ce père jésuite, tout d’abord très discutée par les théologiens chrétiens, catholiques, valut à celui-ci la condamnation de nombre de ses œuvres par le « Saint-Office » (remplacé en 1965 par la « Congrégation pour la doctrine de la foi » — auparavant le « Saint-Office » s’était substitué à la « Sacrée congrégation de l’inquisition romaine et universelle ») ; avant que ces œuvres en viennent à connaître estimations des plus favorables, avant de susciter des commentaires élogieux de la part, notamment, du théologien Joseph Aloisius Ratzinger (qui accédera au pontificat sous le nom de règne de Benoît XVI), avant d’inspirer plus ou moins les Pères conciliaires dans la rédaction des actes du concile Vatican II… Il s’est trouvé antérieurement des estimations fluctuantes des vérités catholiques ; que l’on se souvienne notamment de l’animosité longtemps cultivée par l’Église à l’égard des Anciens, auteurs de textes philosophiques, et tout particulièrement parmi ceux-ci du vénérable Aristote, dont les travaux des théologiens Albert le Grand ou Thomas d’Aquin (XIIIe siècle) se nourrirent, qu’ils réhabilitèrent en tirant de la philosophie aristotélicienne la sophistication intellectuelle manquant encore à leur époque à l’outillage intellectuel théologique du christianisme.

    Numa Denis Fustel de Coulanges, donc, en inscrivant résolument l’Histoire dans une perspective évolutive, évolutionniste, ou plutôt providencielle, tient éminemment compte du fait que le christianisme est une religion spécifiquement historique, une religion qui s’inscrit dans le temps ; il y a un début, le chaos et l’ombre, il y a une fin, la fin des temps, le jugement, l’ordre, le royaume de Dieu, la lumière, le bonheur, la félicité ; il se trouve entre ce commencement, cet achèvement, une progression, un progrès, la Révélation, la manifestation de Dieu dans l’histoire, l’Incarnation… Dans une perspective chrétienne, toute la création est animée, toute l’histoire est animée par la divine providence, la Providence, qui n’est rien d’autre que, pourrait-on dire, la Main de Dieu dans l’Histoire ! Ainsi n’est-il guère surprenant que le besogneux Fustel de Coulanges fut considéré comme un aimable soutien du cléricalisme.

    Nous écrivons supra que Numa Denis Fustel de Coulanges semble estimer que l’Histoire est tributaire de l’évolution, que l’évolution historique coïncide avec un progrès inéluctable de la condition humaine : ceci, nous le signalons, en insistant quelque peu sur le sujet, l’auteur le suppute, formellement, éminemment dans le cadre d’une christianisation de la civilisation, de la société, des sociétés, considérées…


    Extrait n°1 — Introduction ; p.1-2 :

    « On se propose de montrer ici d'après quels principes et par quelles règles la société grecque et la société romaine se sont gouvernées. On réunit dans la même étude les Romains et les Grecs, parce que ces deux peuples, qui étaient deux branches d'une même race, et qui parlaient deux idiomes issus d'une même langue, ont eu aussi un fonds d'institutions communes et ont traversé une série de révolutions semblables.

    « On s'attachera surtout à faire ressortir les différences radicales et essentielles qui distinguent à tout jamais ces peuples anciens des sociétés modernes. Notre système d'éducation, qui nous fait vivre dès l'enfance au milieu des Grecs et des Romains, nous habitue à les comparer sans cesse à nous, à juger leur histoire d'après la nôtre et à expliquer nos révolutions par les leurs. Ce que nous tenons d'eux et ce qu'ils nous ont légué nous fait croire qu'ils nous ressemblaient; nous avons quelque peine à les considérer comme des peuples étrangers; c'est presque toujours nous que nous voyons en eux. De là sont venues beaucoup d'erreurs. Nous ne manquons guère de nous tromper sur ces peuples anciens quand nous les regardons à travers les opinions et les faits de notre temps.

    « Or les erreurs en cette matière ne sont pas sans danger. L'idée que l'on s'est faite de la Grèce et de Rome a souvent troublé nos générations. Pour avoir mal observé les institutions de la cité ancienne, on a imaginé de les faire revivre chez nous. On s'est fait illusion sur la liberté chez les anciens et pour cela seul la liberté chez les modernes a été mise en péril. […] »


    Extrait n°2 — Introduction ; p.4-5 :

    « Mais quel espoir y a-t-il d'arriver à la connaissance de ce passé lointain ? Qui nous dira ce que pensaient les hommes, dix ou quinze siècles avant notre ère ? Peut-on retrouver ce qui est si insaisissable et si fugitif, des croyances et des opinions ? Nous savons ce que pensaient les Aryas de l'Orient, il y a trente-cinq siècles ; nous le savons par les hymnes des Védas, qui sont assurément fort antiques, et par les lois de Manou qui le sont moins, mais où l’on peut distinguer des passages qui sont d'une époque extrêmement reculée. Mais où sont les hymnes des anciens Hellènes ? Ils avaient, comme les Italiens, des chants antiques, de vieux livres sacrés; mais de tout cela il n'est rien parvenu jusqu'à nous. Quel souvenir peut-il nous rester de ces générations qui ne nous ont pas laissé un seul texte écrit ?

    « Heureusement, le passé ne meurt jamais complètement pour l'homme. L'homme peut bien l'oublier, mais il le garde toujours en lui. Car, tel qu'il est lui-même à chaque époque, il est le produit et le résumé de toutes les époques antérieures. S'il descend en son âme, il peut y retrouver et distinguer ces différentes époques d'après ce que chacune d'elles a laissé en lui.

    « Observons les Grecs du temps de Périclès, les Romains du temps de Cicéron; ils portent en eux-mêmes les marques authentiques et les vestiges certains des siècles les plus reculés. Le contemporain de Cicéron (je parle surtout de l'homme du peuple) a l'imagination pleine de légendes; ces légendes lui viennent d'un temps très-antique et elles portent témoignage de la manière de penser de ce temps-là. Le contemporain de Cicéron se sert d'une langue dont les radicaux sont infiniment anciens; cette langue, en exprimant les pensées des vieux âges, s'est modelée sur elles, et elle en a gardé l'empreinte qu'elle transmet de siècle en siècle. Le sens intime d'un radical peut quelquefois révéler une ancienne opinion ou un ancien usage ; les idées se sont transformées et les souvenirs se sont évanouis ; mais les mots sont restés, immuables témoins de croyances qui ont disparu. Le contemporain de Cicéron pratique des rites dans les sacrifices, dans les funérailles, dans la cérémonie du mariage; ces rites sont plus vieux que lui, et ce qui le prouve, c'est qu'ils ne répondent plus aux croyances qu'il a. Mais qu'on regarde de près les rites qu'il observe ou les formules qu'il récite, et on y trouvera la marque de ce que les hommes croyaient quinze ou vingt siècles avant lui. »


    Extrait n°3 — Livre I, Chapitre III ; p. 31 :

    « Mais ce qui est certain, c'est que les plus anciennes générations, dans la race d'où sont sortis les Grecs et les Romains, ont eu le culte des morts et du foyer, antique religion qui ne prenait pas ses dieux dans la nature physique, mais dans l'homme lui-même, et qui avait pour objet d'adoration l'être invisible qui est en nous, la force morale et pensante qui anime et qui gouverne notre corps.

    « Cette religion ne fut pas toujours également puissante sur l'âme ; elle s'affaiblit peu à peu, mais elle ne disparut pas. Contemporaine des premiers âges de la race aryenne, elle s'enfonça si profondément dans les entrailles de cette race, que la brillante religion de l'Olympe grec ne suffit pas à la déraciner et qu'il fallut le christianisme.

    « Nous verrons bientôt quelle action puissante cette religion a exercée sur les institutions domestiques et sociales des anciens. Elle a été conçue et établie dans cette époque lointaine où cette race cherchait ses institutions, et elle a déterminé la voie dans laquelle les peuples ont marché depuis. »


    Extrait n°4 — Livre V, Chapitre III ; p. 460 :

    « […]. Il est juste de dire que, dans les cinq siècles qui précédèrent le christianisme, tout ce qui pensait s'insurgeait déjà contre ces règles étroites. La philosophie avait enseigné maintes fois, depuis Anaxagore, que le Dieu de l'univers recevait indistinctement les hommages de tous les hommes. La religion d'Eleusis avait admis des "initiés de toutes les villes. Les cultes de Cybèie, de Sérapis et quelques autres avaient accepté indifféremment des adorateurs de toutes nations. Les Juifs avaient commencé à admettre l'étranger dans leur religion, les Grecs et les Romains l'avaient admis dans leurs cités. Le christianisme, venant après tous ces progrès de la pensée et des institutions, présenta à l'adoration de tous les hommes un Dieu unique, un Dieu universel, un Dieu qui était à tous, qui n'avait pas de peuple choisi, et qui ne distinguait ni les races, ni les familles, ni les États.

    « Pour ce Dieu il n'y avait plus d'étrangers. L'étranger ne profanait plus le temple, ne souillait plus le sacrifice par sa seule présence. Le temple fut ouvert à quiconque crut en Dieu. Le sacerdoce cessa d'être héréditaire, parce que la religion n'était plus un patrimoine. Le culte ne fut plus tenu secret, les rites, les prières, les dogmes ne furent plus cachés ; au contraire, il y eut désormais un enseignement religieux, qui ne se donna pas seulement, mais qui s'offrit, qui se porta au-devant des plus éloignés, qui alla chercher les plus indifférents. L'esprit de propagande remplaça la loi d'exclusion.

    « Cela eut de grandes conséquences, tant pour les relations entre les peuples que pour le gouvernement des États. »


    Extrait n°5 — Livre V, Chapitre III ; p. 463-464 :

    « Les sentiments et les mœurs se sont alors transformés aussi bien que la politique. L'idée qu'on se faisait des devoirs du citoyen s'est affaiblie. Le devoir par excellence n'a plus consisté à donner son temps, ses forces et sa vie à l'État. La politique et la guerre n'ont plus été le tout de l'homme ; toutes les vertus n'ont plus été comprises dans le patriotisme ;, car l'âme n'avait plus de patrie. L'homme a senti qu'il avait d'autres obligations que celles de vivre et de mourir pour la cité. Le christianisme a distingué les vertus privées des vertus publiques. En abaissant celles-ci, il a relevé celles-là ; il a mis Dieu, la famille, la personne humaine au-dessus de la patrie, le prochain au-dessus du concitoyen.

    « Le droit a aussi changé de nature. Chez toutes les nations anciennes, le droit avait été assujetti à la religion et avait reçu d'elle toutes ses règles. Chez les Perses et les Hindous, chez les Juifs, chez les Grecs, les Italiens et les Gaulois, la loi avait été contenue dans les livres sacrés ou dans la tradition religieuse. Aussi chaque religion avait-elle fait le droit à son image. Le christianisme est la première religion qui n'ait pas prétendu que le droit dépendît d'elle. Il s'occupa des devoirs des hommes, non de leurs relations d'intérêts. On ne le vit régler ni le droit de propriété, ni l'ordre dos successions, ni les obligations, ni la procédure. Il se plaça en dehors du droit, comme en dehors de toute chose purement terrestre. Le droit fut donc indépendant, il put prendre ses règles dans la nature, dans la conscience humaine, dans la puissante idée du juste qui est en nous. Il put se développer en toute liberté, se réformer et s'améliorer sans nul obstacle, suivre les progrès de la morale, se plier aux intérêts et aux besoins sociaux de chaque génération.

    « L'heureuse influence de l'idée nouvelle se reconnaît bien dans l'histoire du droit romain. Durant les quelques siècles qui précédèrent e triomphe du christianisme, le droit romain travaillait déjà à se dégager de la religion et à se rapproche de l’équité et de la nature ; mais il ne procédait que par de détours et par des subtilités, qui l’énervaient et affaiblissaient son autorité morale. L'œuvre de régénération du droit, annoncée par la philosophie stoïcienne, poursuivie par les nobles efforts des jurisconsultes romains, ébauchée par les artifices et les ruses du Préteur, ne put réussir complètement qu'à la faveur de l'indépendance que la nouvelle religion laissait au droit. On put voir, à mesure que le christianisme conquérait la société, les codes romains admettre les règles nouvelles, non plus par des subterfuges, mais ouvertement et sans hésitation. Les pénates domestiques ayant été renversés et les foyers éteints, l'antique constitution de la famille disparut pour toujours, et avec elle les règles qui en avaient découlé. Le père perdit l’autorité absolue que son sacerdoce lui avait autrefois donnée, et ne conserva que colle que la nature même lui confère pour les besoins de l'enfant. La femme, que le vieux culte plaçait dans une position inférieure au mari, devint moralement son égale. Le droit de propriété fut transformé dans son essence; les bornes sacrées des champs disparurent; la propriété ne découla plus de la religion, mais du travail ; l'acquisition en fut rendue plus facile, et les formalités du vieux droit furent définitivement écartées.

    « Ainsi, par cela seul que la famille n'avait plus sa religion domestique, sa constitution et son droit furent transformés ; de même que, par cela seul que l'État n'avait plus sa religion officielle, les règles du gouvernement des hommes furent changées pour toujours. »

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  • Auteurs : Grégoire de Tours ([Gregorius Turonensis] Georges-Florent-Grégoire), et alii… (Frédégaire [Fredegarius] ; Adémar de Chabannes [Ademarus Cabannensis ou Ademarus Engolismensis] ; Einhard [Eginhard ou Einhardus]…).
  • N. B. : numérisation : MSN ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

    N. B. : numérisation : MSN ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —


    Extrait n°1 (tome premier) — Avant-propos ; p. V-IX :

    « Les ancêtres de Grégoire de Tours prennent rang parmi les familles les plus illustres des Gaules au temps des derniers empereurs romains ; le premier que nous connaissions est saint Grégoire, évêque de Langres , né d'une famille de sénateurs de la ville d'Autun (1). Cet évêque , qui eut pour frères saint Nicier , évêque de Lyon , et Gandulf, honoré du titre de duc (2) , laissa trois enfans d'un mariage antérieur à son épiscopat, savoir ; Tétrice , qui fut son successeur à l'évêché de Langres ; Georges , sénateur d'Auvergne (3) ; et une fille dont le nom est resté inconnu.

    « Georges épousa Léocadie, petite-fille de Léocadius , sénateur de la cité de Bourges , et parent de Vettius Epagatlius , l'un des premiers et des plus illustres martyrs des Gaules (4). De ce mariage naquirent deux fils : Gallus , qui devint évêque de Clermont, et que nous connaissons sous le nom de saint Gal ; et Florent, qui appartient aux familles sénatoriales d’Auvergne (1). La fille de saint Grégoire eut une fille nommée Armentaria (2). « Florent et Armentaria, petit-fils et petite-fille de saint Grégoire, s’unirent en mariage. Ils eurent trois enfans (3), dont le plus jeune vint au monde le dernier jour de novembre de l’an 53() (4) : ce fut notre historien. Il reçut les noms de Georges-Florent, qui étaient ceux de son aïeul et de son père ; et il y ajouta plus tard celui de son bisaïeul, Grégoire (5), sous lequel il est aujourd’hui plus connu.

    « Grégoire passa sa jeunesse en Auvergne ; il vécut là près de son oncle, l’évêque saint Gal qui était plus à portée que ses autres parens de se livrer au soin de son éducation : car, dans ces temps de barbarie, le souvenir et les débris de la civilisation romaine ne se retrouvaient plus guère que parmi le clergé, c’est-à-dire autour des sièges épiscopaux. Son instruction fut confiée à l’archidiacre Avit, qui fut depuis successeur de saint Gai. Il fit une légère étude de la grammaire et des auteurs de la belle latinité ; mais, voulant suivre les grands exemples qu’il trouvait au sein de sa famille, il se voua de bonne heure au service de l’autel, et partagea bientôt la prévention de quelques saints des premiers siècles de l’Église, qui proscrivaient les plus belles productions du génie, parce que leurs auteurs étaient païens. Dès lors Grégoire s’adonna sans partage à l’étude de l’Écriture – Sainte et des auteurs ecclésiastiques. Il reçut les ordres l’an 564, à l’âge de 25 ans. Neuf ans plus tard, il était déjà devenu célèbre dans les Gaules par sa piété et par ses vertus, lorsqu’il fut, l’an 573, appelé à l’évêché de Tours : il avait alors trente-quatre ans. La manière dont il a parlé de cet honneur montre sa modestie. « Quelque indigne, dit-il, que je fusse de l’épiscopat. Dieu voulut que, dans la douzième année du règne de Sigebert, je fusse chargé de ce fardeau (1). »

    « On était au temps des petits-fils de Clovis ; c’est-à-dire que plus d’un siècle s’était écoulé depuis qu’à l’ancienne population gallo-romaine étaient venus se mêler les peuples germains, les Francs, les Visigoths, les Bourguignons. Cependant tous ces élémens sociaux étaient encore en fermentation, et s’agitaient de mille manières : chacun cherchait à se faire une place aux dépens de ce qui l’entourait : les peuples se froissaient ; les rois s’égorgeaient pour se dépouiller ; la confusion et la violence formaient le fond de la société, oii, comme on l’a dit (1), il n’y aurait pas eu un seul élément d’ordre, de police et d’administration sans l’épiscopat. Les évêques étaient en effet les représentans et les protecteurs de leurs cités, et y exerçaient l’influence qu’avaient perdue les magistrats municipaux ; ils avaient leur place marquée dans les conseils du souverain, et leur parole fière et mesurée y posait souvent la règle du droit et du devoir ; ils étaient honorés dans le monde, où, d’ordinaire, leurs lumières et leurs vertus leur attiraient le respect des peuples.

    « La vie de Grégoire de Tours, comme on l’a dit encore, offre un bel exemple de cette influence salutaire exercée par les évêques au milieu d’un temps de barbarie ; Grégoire fut l’un de ceux qui comprirent le mieux l’importance et la sainteté de leur mission. « Soit, dit M. Guizot, qu’il s’agît de défendre ou le clergé en général, ou lui-même, ou les privilèges de son église, ou les proscrits qui s’y étaient réfugiés ; soit qu’il fût appelé à maintenir ou à rétablir la paix dans sa ville ; soit qu’il intervînt comme négociateur tour à tour employé par les divers rois francs, il ne manqua ni de prudence ni de courage (1). »

    « Grégoire de Tours se montre lui-même, dans ses ouvrages, placé au milieu des événemens accomplis au temps de son épiscopat. »


    Extrait n°2 (tome premier) — Avant-propos ; p. XV-XVII :

    « Les premiers ouvrages de Grégoire de Tours roulent tout entiers sur des sujets appartenant à la religion.

    « Il composa ensuite son Histoire ecclésiastique des Francs, qu’on regarde comme le dernier de ses écrits, parce que tous les autres sont cités dans celui-ci. Cette histoire peut être divisée en deux parties : dans la première, l’auteur écrit d’après le témoignage d’écrivains plus anciens, d’après des traditions, d’après des oui – dire. Cette partie remonte au commencement du monde, et finit vers l’an 547 de J.-C. ; elle comprend les trois premiers livres de l’Histoire des Francs (1). La seconde, écrite d’après ce que l’auteur avait vu lui-même, commence à l’an 547, et finit à l’an 591 ; elle embrasse environ quarante-quatre ans, et remplit les sept derniers livres de la même Histoire.

    « Les critiques ont fait une autre distinction. Ils ont considéré séparément : 1°. La partie qui précède l’établissement des Francs en Thuringe. Cette première partie, résumé confus et quelquefois entièrement erroné de l’histoire ancienne, serait pour nous sans intérêt si elle ne contenait quelques détails sur l’établissement du christianisme dans les Gaules. 2°. La partie qui date de l’établissement des Francs en Thuringe, et qui, descendant jusqu’à l’an 591, embrasse un intervalle de cent soixante-quatorze ans. Cette seconde partie fut composée, pour ses premiers temps, sur les écrits de Sulpice-Alexandre, de Renatus Profuturus Frigeridus, de Sidoine Apollinaire, de saint Rémi, évêque de Reims, et d’après les Vies de quelques saints de ces temps-là ; pour les temps intermédiaires, elle repose sur la tradition qui remontait, pour notre auteur, jusqu’au temps de son aïeul saint Grégoire. Enfin, pour les quarante ou cinquante dernières années, l’auteur racontait ce qu’il avait vu, ce qu’il avait fait, ou ce qu’il avait appris de ses contemporains. Il est bien peu de nations dont le berceau soit éclairé par autant de lumière.

    « Tout le monde est d’accord sur l’importance de l’Histoire de Grégoire de Tours. Elle se recommande surtout, à notre avis, par un double mérite : elle est le principal monument original qui nous fasse connaître les premiers actes de la nation française ; et la vérité n’y est point, comme il arrive si souvent dans les ouvrages du même genre, étouffée sous un amas de fables.

    « Que si l’on veut considérer l’ouvrage de Grégoire de Tours comme monument littéraire, il faudra reconnaître qu’une distance incalculable le sépare des beaux modèles que nous légua l’antiquité, soit pour le fond des pensées, soit pour la forme du langage. On trouvera le style lourd, monotone, incorrect, souvent barbare ; mais quelquefois aussi empreint d’une simplicité qui n’est pas sans charme. On peut dire même que, si notre auteur retrace quelques unes des effroyables calamités de son temps, ce style lourd et monotone semble s’animer, et qu’il rappelle, en quelque sorte, celui des premiers auteurs chrétiens. »


    Extrait n°3 (tome premier) — Livre I – Chap. XXXIV ; p. 34-35 :

    « XXXIV. Le trente-quatrième empereur des Romains fut Constantin, qui régna heureusement pendant trente ans. Dans la onzième année de son empire, lorsqu’après la mort de Dioclétien, la paix eut été rendue aux églises, le bienheureux évêque Martin naquit dans la ville de Sabaria (2) en Pannonie, de parens païens, mais non obscurs. Ce même Constantin, dans la vingtième année de son règne, fit périr son fils Crispus par le poison, et Faustine sa femme dans un bain chaud, parce qu’ils avaient voulu, par trahison, lui enlever l’empire. De son temps, le bois sacré de la croix du Seigneur fut retrouvé par les soins de sa mère Hélène et sur les indications du juif Jude, qui, après avoir été baptisé, fut appelé Cyriaque. L’historien Eusèbe a conduit sa chronique jusqu’à ce temps. Ce qui suit, depuis la vingt-unième année de Constantin, a été ajouté par le prêtre Jérôme, qui dit que le prêtre Juvencus mit les évangiles en vers à la demande de l’empereur. »


    Extrait n°4 (tome premier) — Livre II – Chap. XXXI ; p. 104-106

    N. B. : baptême de Clovis ; c’est ici, dans ce passage du texte, que Clovis se trouve qualifié de « nouveau Constantin » — :

    « XXXI. Alors la reine manda en secret saint Rémi, évêque de Reims, le priant de faire pénétrer dans le cœur du roi la parole du salut. Le pontife s’étant mis en relation avec Clovis, l’amena peu à peu, et secrètement, à croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et à renoncer aux idoles, qui ne peuvent être d’aucun secours ni à lui ni à personne. Clovis lui dit : « Très saint père, je t’écouterai volontiers ; mais il y a une difficulté, c’est que le peuple qui me suit ne veut point abandonner ses dieux. Toutefois, je vais lui parler dans le sens de tes paroles. » Il vint donc au milieu des siens ; mais la puissance divine était déjà intervenue, et avant même qu’il eût ouvert la bouche, le peuple s’écria tout d’une voix : « Pieux roi, nous rejetons les dieux mortels, et nous sommes prêts à servir le Dieu dont saint Rémi prêche l’immortalité. » Cette nouvelle est portée à l’évêque, qui, comblé de joie, donne ordre de préparer les fonts sacrés. Des toiles peintes ombragent les rues, les églises sont ornées de tentures, on dispose le baptistère, des nuages de parfums s’élèvent, des cierges odoriférans brillent de toute part, tout le temple du baptistère se remplit d’une odeur divine (1) ; et Dieu accorda une telle grâce aux assistans, qu’ils se crurent transportés au milieu des parfums du paradis. Le roi demanda le premier le baptême au pontife. Nouveau Constantin, il s’avance vers le bain qui doit enlever la lèpre invétérée qui le couvrait ; il vient laver dans une eau nouvelle les taches hideuses de sa vie passée. Comme il s’avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : « Courbe humblement ta tête, Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. » Saint Rémi était un évêque de la plus grande science, connaissant parfaitement la rhétorique (2), et si célèbre par sa sainteté, qu’on l’égalait en vertu à saint Silvestre. Nous avons encore aujourd’hui un livre de sa vie, où il est dit qu’il ressuscita un mort. Le roi ayant donc confessé un Dieu tout-puissant dans la Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et fut oint du saint-chrême avec le signe de la croix. Plus de trois mille hommes de son armée furent également baptisés, de même que sa sœur Alboflède, qui, peu de temps après, s’en alla vers le Seigneur ; et comme le roi était attristé par sa mort, saint Rémi lui adressa une lettre de consolation, qui commençait ainsi (1) : « Je suis affligé et très affligé du sujet qui cause votre tristesse, la mort de votre sœur Alboflède, de bonne mémoire. Mais ce qui peut nous consoler, c’est qu’elle est sortie de ce monde plutôt digne d’envie que de pleurs. » Une autre sœur de Clovis, nommée Lantechilde, qui était tombée dans l’hérésie des Ariens, se convertit aussi, confessa le Fils et le Saint-Esprit égaux au Père, et reçut le saint-chrême. »


     

    Baptême de Clovis, par le peintre François Dejuinne - XIXe siècle.

    Cette illustration consiste en une vue, partielle, d'un tableau (exécuté en 1837)
    de François Louis Hardy de Juinne (1786-1844 ;
    connu sous le nom de François Dejuinne)
    figurant le baptême du roi Clovis.


    Extrait n°5 (tome premier) — Livre II – Chap. XXXVIII ; p. 120-121 :

    « XXXVIII. Clovis reçut de l’empereur Anastase des lettres de consulat, revêtit, dans la basilique de Saint-Martin, la tunique de pourpre et la chlamyde, et ceignit le diadème (2) ; puis, montant à cheval, il répandit de sa propre main et avec une grande bonté de l’or et de l’argent pour le peuple, sur le chemin qui est entre la porte de la cour de la basilique de Saint-Martin et l’église de la ville. Depuis ce jour il eut comme le titre de consul ou d’auguste. Il quitta la ville de Tours, et se rendit à Paris, où il fixa le siège de son royaume. Il y fut rejoint par Théodéric. »

    Note de bas de page n°2 :

    « (2) Ce passage a donné lieu à bien des controverses. Selon le P. Lecointe, notre historien a voulu dire que Clovis avait été associé à l’empire par Anastase, parce que, au temps de Grégoire de Tours et depuis Justinien, la dignité impériale et le consulat ne furent plus qu’une seule et même chose (Ann. eccl. Francor., ad ann. 5o8) ; Had. de Valois pense que le titre de consul est employé ici pour celui de patrice (Rer. Franc., liv. VI) ; tandis que D. Mabillon (Ann. ord. Bened., tom. I, p. 169), D. Ruinart (Oper. Greg. Turon., coll. 95 et 1371) et D. Jos. Bouillard (Hist, de l’Abb. de S.-Germ., p. 269), pensent que Clovis fut bien réellement fait consul. L’abbé Dubos adopte et appuie cette dernière opinion (Hist. Crit., liv. IV, ch. 18). Cependant M. de Sismondi (et M. Guizot a partagé ce sentiment) a prétendu que Clovis ne fut point nommé consul, mais qu’il fut seulement revêtu des honneurs consulaires, honneur fréquemment accordé par la cour de Byzance. Chacun appuie son opinion par des raisons dont il faut suivre les développemens dans les ouvrages mêmes où ces opinions sont exposées. Quant à nous, nous ferons seulement observer que le fait rapporté avec des circonstances très détaillées par Grégoire de Tours, auteur presque contemporain, est reproduit par l’auteur des Gesta Francorum (cap. 17), par Hincmar dans sa Vie de saint Rémi, et par Flodoard dans son Hist. ecclés. de Reims (lib. 1, cap. 15) ; et qu’Aimoin, auteur beaucoup plus éloigné de l’événement, est le premier qui ait parlé du patriciat de Clovis. Il faut dire cependant que, dans le sommaire des chapitres du livre II de Grégoire de Tours, on lit pour titre du chap. XXXVIII : du Patriciat du roi Clovis. »


    Extrait n°6 (tome premier) — Livre III – Chap. III ; p. 131

    N. B. : c’est ici, dans ce passage du texte, que Clochilaïch-Chochilaicho-Hygelac, personnage relativement éminent du « Beowulf » est identifié comme étant un roi des « Danois » par Grégoire de Tours. Des annales anonymes plus tardives (commencement du VIIIe siècle), s’inspirant assez substantiellement du travail de Grégoire de Tours, et intitulées « Gesta Regum Francorum » (connue depuis la fin du XIXe siècle, après une publication nouvelle par B. Krusch en 1888, sous le titre différent de « Liber Historiæ Francorum ») qualifient Clochilaïch-Chlochilaicus-Chochilaicho de « roi des Goths » (rege Gotorum). Précisons qu’aujourd’hui encore, même, les identifications précises de maints personnages ou de certains peuples mentionnés par de vieux et vénérables textes demeurent souvent sujettes à caution ; par exemple ainsi des Jutes, des Gètes… [Ajoutons encore quelques autres clarifications, que nous empruntons à l’ouvrage de Patrick J. Geary, intitulé « Naissance de la France – Le Monde mérovingien » (Coll. Champs – Flammarion, 1988) : « L’extraordinaire variété des graphies pour les noms propres du haut Moyen Âge a plusieurs causes : les variations des scribes de l’époque, l’évolution des langues entre les Ve et IXe siècles, enfin la tendance des historiens à préférer, pour les noms médiévaux, leurs équivalents modernes. Les résultats sont parfois très déconcertants. Ainsi le vainqueur de Soissons s’appellera Chlodovic, Chlodovicus, Chlodowech et Clovis, formes qui sont toutes équivalentes aux noms modernes Louis, Ludwig, Luigi et Lewis, tandis que le nom du grand roi ostrogoth, passé dans la famille mérovingienne, se lit Theodoricus, Theudéric, Thodoric, Theodéric, et aussi Thierry. Gunthchramn est devenu Guntram et Gontran, Sigibert est parfois Sigebert, et Brunechildis est Brunichild, Brunhilda, Brunehaut. Plutôt que de projeter sur le haut Moyen Âge des formes qui subtilement transforment les Mérovingiens en Français ou en Allemands, nous nous sommes efforcés d’utiliser, dans la plupart des cas, des graphies d’époque, cohérentes, ajoutant entre parenthèses la forme modernisée ; nous avons toutefois fait exception pour des personnages trop familiers, comme Clovis, Brunehaut ou le grand saint Éloi. » (In : GEARY, Patrick J. Naissance de la France – Le Monde mérovingien. Traduit de l'anglais par Jeannie Carlier et Isabelle Detienne. Paris : Flammarion, 1989. [Coll. Champs]. 292 p. P. 270 : « Appendice C » – « Note sur les noms propres ». [Titre original : Before France and Germany – The Creation and the Transformation of the Merovingian World. © 1988 by Oxford University Press, Inc.]. Pour la traduction française : © 1989 Flammarion)] — :

    « III. Après cela, les Danois, avec leur roi nommé Clochilaïch, traversant la mer sur leur flotte, s’approchèrent des Gaules : puis étant débarqués, ils dévastent un des cantons du royaume de Théodéric, et en font les habitans prisonniers. Après avoir chargé leurs vaisseaux tant des hommes que des fruits de leur pillage, ils se disposaient à s’en retourner dans leur patrie ; mais leur roi était encore sur le rivage, attendant que les vaisseaux prissent la haute mer, devant lui-même s’embarquer après. Théodéric, averti que son royaume avait été dévasté par des étrangers, envoya dans ces parages son fils Théodebert avec une forte armée, et en grand appareil de guerre (2). Celui-ci tua le roi des Danois, vainquit l’ennemi dans un combat naval, et ramena à terre tout le butin. »


    COMMENTAIRES

    au sujet de Constantin,

    et de Clovis, nouveau Constantin :

    « Le trente-quatrième empereur des Romains fut Constantin, qui régna heureusement pendant trente ans. » (In : [GRÉGOIRE DE TOURS]. Histoire ecclésiastique des Francs, par Georges Florent Grégoire, Évêque de Tours, en dix livres. Revue et collationnée sur de nouveaux manuscrits, et traduite par MM. J. Guadet et Taranne. TOME PREMIER. Paris : Jules Renouard, 1836. XXIII p. et 460 p. Livre I – Chap. XXXIV).

    « […]. Nouveau Constantin, il s’avance vers le bain qui doit enlever la lèpre invétérée qui le couvrait ; il vient laver dans une eau nouvelle les taches hideuses de sa vie passée. Comme il s’avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : « Courbe humblement ta tête, Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. » […]. » (In : [GRÉGOIRE DE TOURS]. Histoire ecclésiastique des Francs, par Georges Florent Grégoire, Évêque de Tours, en dix livres. Revue et collationnée sur de nouveaux manuscrits, et traduite par MM. J. Guadet et Taranne. TOME PREMIER. Paris : Jules Renouard, 1836. XXIII p. et 460 p. Livre II – Chap. XXXI).

    Lors de notre lointaine jeunesse avions-nous lu un ouvrage du médecin Frank Gill Slaughter intitulé « Le Glaive et la Croix – Vie de Constantin le Grand, empereur chrétien » (titre original : Constantine, The Miracle of the Flaming Cross) ; Paris : Presses de la Cité, 1965 ; réédition, Paris : Presses Pocket, janvier 1971 (traduction de Gilberte Marchegay). Dans cet ouvrage, un roman, quasi-hagiographique, digne de ces récits des Bollandistes qui contribuèrent à renforcer le mythe chrétien, l’auteur se livrait à une véritable apologie de Constantin, l’exaltant d’une façon des plus immodérées.

    À qui aura lu un peu plus que des récits du type de ceux que put produire l’aimable médecin états-unien, puisant notamment, et abondamment, son inspiration dans la matière biblique, dans la substance chrétienne, Constantin paraîtra beaucoup moins « sympathique » que ne le laisse supposer la prose de F. G. Slaughter…

    Aussi, nous vous proposons de lire des textes plus objectifs, plus sévères, certainement, à l’égard de l’empereur Constantin, qui alors vous semblera peut-être avoir régné moins heureusement que voulait bien tenter de nous le faire croire Grégoire de Tours.

    • Nous vous incitons donc vivement à consulter, tout d’abord, quelques pages rédigées par Éric Stemmelen, relevées dans son ouvrage intitulé « La Religion des seigneurs – Histoire de l’essor du christianisme entre le Ier et VIe siècle » ;

    • Puis à parcourir quelques pages de Daniel-Rops, auteur chrétien, pages relevées dans le 5e volume de son « Histoire Sainte – Histoire de l’Église », ce volume, le 2e tome de « L’Église des Apôtres et des Martyrs » est intitulé « L’Église des Apôtres et des Martyrs – 2. La Croix sur le monde » ;

    • À parcourir également quelques pages extraites du « Dictionnaire philosophique » de Voltaire, à savoir celles d’un article consacré spécifiquement à Constantin, et tout particulièrement la section II (« Caractère de Constantin »), puis les Sections première et deuxième de l’article consacré à (l’empereur) Julien… Aussi, vous incitons-nous à la lecture (sur un thème voisin, relativement à Constantin, autre toutefois, certes, mais se révélant d’un certain intérêt, lecture se révélant fort instructive relativement à l’Église) de la Section « Donation de Constantin » de l’article « Donations », de ce même « Dictionnaire philosophique ».

    • Mais encore, nous vous proposons de lire des textes de Patrick J. Geary, issu de son ouvrage intitulé : « Naissance de la France – Le Monde mérovingien » (GEARY, Patrick J. Naissance de la France – Le Monde mérovingien. [Titre original : « Before France and Germany : The Creation and Transformation of the Merovingian World »]. Traduction de Jeannie Carlier et Isabelle Detienne. Dans ce texte il sera question de Clovis, de sa marche vers un accroissement considérable de son pouvoir, de son règne, il sera question de sa personnalité, de son caractère, de sa rigueur, de sa détermination farouche, de sa sévérité, voire de sa férocité.

    Après avoir pris connaissance de maints aspects de ce qui peut être connu de la vie, de la personnalité, de la mentalité de Clovis, il se révélera bien certain au lecteur qui aura parcouru les textes dont nous lui proposons de faire la lecture, que ce roi « barbare » se montra infiniment moins barbare que Constantin, avant lui, que Charlemagne, après lui, tous deux grands massacreurs d’hommes, capables de commander froidement l’exécution en masse de plusieurs milliers de personnes (Suèves, ou Saxons… ; toutefois reconnaissons qu’en nos siècles contemporains les massacres de masse, perpétrés par de nombreux moyens — bombardements aériens, pilonnages d’artillerie, épandages de gaz… de diverses façons en éliminant plus ou moins systématiquement certaines populations, plus ou moins strictement sélectionnées —, à l’initiative d’aimables démocrates, ou de redoutables autocrates, se sont révélées plus terribles encore). Afin d’appuyer nos assertions, nous mentionnons, ici, un extrait du texte de Daniel-Rops, relatif à l’empereur Constantin et cité dans les « commentaires » que nous livrons à votre examen : « Un auteur anonyme du temps a caractérisé à merveille la complexité du personnage, en le qualifiant de trois épithètes : præstantissimus, pupillus, latro. […]. Mais, dans sa marche vers Dieu, il y avait aussi la troisième, le latro, le bandit, l’aventurier, le barbare qui se mettait à la traverse : celui-là non plus ne se laissait pas oublier. » (In : DANIEL-ROPS. Histoire Sainte – Histoire de l’Église (5e volume). L’Église des Apôtres et des Martyrs – 2. La Croix sur le monde. Paris : Desclée de Brouwer, 1971 [Collection Foi Vivante]. 370 p. P. 157. © Librairie Arthème Fayard et Desclée de Brouwer, 1971).

    Quant à Clovis, lucide toujours, il demeurait maître de ses passions, non excessivement imbu de sa personne, non subjugué d’hybris, de démesure… Clovis fit exécuter des adversaires vaincus sur le champ de bataille, ou des rois, des princes rivaux potentiels dans sa recherche du pouvoir, ou de sa main tua-t-il un guerrier, provocateur irrespectueux, mais il ne se montra jamais comparable tout à fait à Constantin… Clovis, même s’il savait se montrer d’une froide sagacité, s’il se montra sans pitié, ferme, brutal, terrible à ses ennemis, ne montra jamais, contrairement à Constantin, une mentalité puérile, jamais il ne se comporta en adolescent immature et d’une violente impulsivité, d’une brutale bestialité, jamais il ne se montra tout à fait un brigand assoiffé de sang…



     

    Entrée triomphale de Clovis à Tours, en 508. Tableau de Robert-Fleury, en 1837.

    Cette illustration représente Clovis quittant la Martinopole
    et faisant une entrée triomphale à Tours, en 508,
    en distribuant des aumônes au peuple.

    « Clovis reçut de l’empereur Anastase des lettres de consulat, revêtit, dans la basilique de Saint-Martin, la tunique de pourpre et la chlamyde, et ceignit le diadème ; puis, montant à cheval, il répandit de sa propre main et avec une grande bonté de l’or et de l’argent pour le peuple, sur le chemin qui est entre la porte de la cour de la basilique de Saint-Martin et l’église de la ville. Depuis ce jour il eut comme le titre de consul ou d’auguste. […]. » (Extrait de : [GRÉGOIRE DE TOURS]. Histoire ecclésiastique des Francs, par Georges Florent Grégoire, Évêque de Tours, en dix livres. Revue et collationnée sur de nouveaux manuscrits, et traduite par MM. J. Guadet et Taranne. TOME PREMIER. Paris : Jules Renouard, 1836. XXIII p. et 460 p. Livre II – Chap. XXXVIII ; p. 120-121).

    L'illustration de ce paragraphe consiste en une
    reproduction d'une peinture de 1837,
    œuvre de Joseph-Nicolas Robert-Fleury (1797-1890)

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    N. B. : numérisation : Internet Archive ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

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    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —


    Extrait — Notice sur Grégoire de Tours, p. IX-XIII :

    « Grégoire était en effet de très-petite taille et sa mauvaise santé dura toute sa vie. Deux mois après son élévation à l’épiscopat, il fut atteint d’une maladie si grave que sa mère, malade elle-même et qui s’était retirée en Bourgogne, se hâta d’accourir, malgré les fatigues et les périls du voyage, auprès de son fils chéri. L’intervention de saint Martin réussit seule à guérir le nouvel évêque, qui bien des fois encore fut obligé d’y avoir recours. Enfin, le 17 novembre 593 1, les miracles même devinrent inefficaces ; l’évêque de Tours mourut à cinquante-quatre ans, après vingt ans et quelques mois d’épiscopat, et fut élevé au nombre des saints.

    « Il laissait, en mourant, de nombreux ouvrages dont il avait pris soin de dresser lui-même la liste, et qui, à l’exception de quatre, sont parvenus jusqu’à nous ; en voici la liste et le sujet :

    « 1° L’Histoire ecclésiastique des Francs ;

    « 2° Un traité de la Gloire des Martyrs, recueil de légendes en cent sept chapitres, consacré au récit des miracles des martyrs ;

    « 3° Un traité des Miracles de saint Julien, martyr à Brioude en Auvergne, en cinquante chapitres ;

    « 4° Un traité de la Gloire des Confesseurs, en cent douze chapitres ;

    « 5° Un traité des Miracles de saint Martin de Tours, en quatre livres ;

    « 6° Un recueil intitulé Vies des Pères, en vingt chapitres, et qui contient l’histoire de vingt-deux saints ou saintes de l’Église gallicane ;

    « 7° Un traité des Miracles de saint André, sur l’authenticité duquel on a élevé quelques doutes qui paraissent mal fondés.

    « Les ouvrages perdus sont :

    « 1° Un Commentaire sur les Psaumes ;

    « 2° Un traité sur les Offices de l’Église ;

    « 3° Une préface que Grégoire de Tours avait mise en tête d’un Traité des Messes de Sidoine Apollinaire ;

    « 4° Une traduction latine du martyre des sept Dormants.

    « Enfin on a attribué à Grégoire de Tours plusieurs écrits qui ne sont pas de lui.

    « De tous ces ouvrages, et malgré quelques faits ou quelques détails sur l’esprit et les mœurs du temps, épars dans les recueils de légendes, l’Histoire ecclésiastique des Francs est le seul qui soit demeuré pour nous important et curieux. Tout porte à croire que ce fut le dernier travail de l’auteur ; son récit s’étend jusqu’en 591, époque voisine de sa mort, et presque tous ses autres ouvrages y sont cités, tandis que l’Histoire des Francs ne l’est dans aucun. Elle est divisée en dix livres. Le premier, résumé absurde et confus de l’histoire ancienne et universelle du monde, serait aussi dépourvu d’intérêt que de vérité chronologique s’il ne contenait quelques détails sur l’établissement du christianisme dans les Gaules ; détails de peu de valeur, il est vrai, quant à l’histoire des événements, mais qui peignent naïvement, et quelquefois avec charme, l’état des esprits et des mœurs ; peu d’anecdotes de ce temps sont plus touchantes, plus poétiques même que celle des deux Amants : ce livre finit à la mort de saint Martin de Tours, en 397. Le second livre s’étend de la mort de saint Martin à celle de Clovis Ier, c’est-à-dire de l’an 397 à l’an 511. Le troisième, de la mort de Clovis Ier à celle de Théodebert Ier, roi d’Austrasie, de l’an 511 à l’an 547. Le quatrième, de la mort de Théodebert Ier à celle de Sighebert Ier, roi d’Austrasie, de l’an 547 à l’an 575. Le cinquième comprend les cinq premières années du règne de Childebert II, roi d’Austrasie, de l’an 575 à l’an 580. Le sixième finit à la mort de Chilpéric, en 584. Le septième est consacré à l’année 585. Le huitième commence au voyage que fit le roi Gontran à Orléans, au mois de juillet 585, et finit à la mort de Leuvigild, roi d’Espagne, en 586. Le neuvième s’étend de l’an 587 à l’an 589. Le dixième enfin s’arrête à la mort de saint Yrieix, abbé en Limousin, c’est-à-dire au mois d’août 591 1. L’ouvrage entier comprend ainsi, à partir de la mort de saint Martin, un espace de cent soixante-quatorze ans ; les cinquante-deux dernières années sont celles auxquelles l’historien avait assisté.

    « Tout indique qu’il écrivit son Histoire en deux fois ; plusieurs manuscrits ne contiennent que les six premiers livres, et ce sont les seuls que connut Frédégaire lorsque, dans le siècle suivant, il entreprit un abrégé des chroniqueurs qui l’avaient précédé. Il est donc probable que les quatre derniers livres furent composés après la publication des premiers ; peut-être même ne furent-ils répandus qu’après la mort de l’auteur. Cependant leur authenticité n’est pas moins certaine. Imprimée pour la première fois à Paris, en 1561, l’Histoire des Francs l’a été fort souvent depuis ; […] »


    N. B. : numérisation : Google ; livre issu des collections de : National Central Library of Rome ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —

    Il ne s’agit pas ici de la reproduction d’un manuscrit de l’« HISTORIÆ FRANCORUM » de Grégoire de Tours, mais de la reproduction d'une version imprimée en 1561 de cet ouvrage…


    N. B. : numérisation : MDZ - Münchener DigitalisierungsZentrum Digitale Bibliothek ; livre issu des collections de : Bayerische StaatsBibiliothek ; téléchargé depuis : download.digitale-sammlungen.de.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —


    Extrait (Table, p. VII) :

    « HOC VOLUMINE CONTINENTUR

    « Praefatio auctore Br. Krusch…IX

    « Conspectus librorum…XXXIX

    « Gregorii episcopi Turonensis libri historiarum X…1

    « Addenda et emendanda…538

    « Corrigenda…539

    « Index auctore W. Levison…540

    « Lexica et grammatica auctore W. Levison…567 »


    N. B. : numérisation : Internet Arcchive ; livre issu des collections de : The University of Illinois Library ; téléchargé depuis : archive.org.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++) —


    Extrait (p. 1-5) :

    « NOTICE SUR LE MANUSCRIT DE GRÉGOIRE DE TOURS DIT DE BEAUVAIS.

    « La Bibliothèque nationale possède deux des plus anciens manuscrits qui aient été conservés de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours; l’un de ces manuscrits, en écriture onciale, a jadis appartenu au chapitre de Beauvais ; l’autre, en cursive mérovingienne, provient de l’antique abbaye de Corbie, en Picardie, et la copie de ces deux volumes remonte, selon toute vraisemblance, à une époque voisine de celle où Grégoire de Tours écrivit son Histoire. Celle-ci ne fut pas composée d’un seul trait; les quatre premiers livres paraissent avoir été rédigés vers 57 6 ; les livres V et VI furent ensuite écrits sans doute entre les années 580 et 584 ou 585, et les livres VII à X entre 587 et 591. C’est vers cette dernière date, avant d’avoir terminé la rédaction du Xe livre, que Grégoire de Tours, qui devait mourir en 594, entreprit une révision générale de son Histoire des Francs 1.

    « […]

    « Dans son état actuel, le manuscrit latin 17654 ne se compose plus que de cent neuf feuillets de parchemin, les premiers et derniers très fortement endommagés par l’humidité, mesurant 292 millimètres sur 220 et recouverts d’une reliure en parchemin, qui remonte sans doute aux dernières années du XVIe siècle. Chacune de ses pages compte vingt-six lignes d’une grosse écriture onciale régulière, tracée sur une réglure à la pointe sèche, et dont chaque phrase débute par une lettre initiale rehaussée de couleur rouge et quelquefois verte 2. . Une initiale plus grande, semblablement coloriée et ornée de figures d’oiseaux ou de poissons, est peinte au début de chaque chapitre, dont le chiffre est tracé à côté, en marge du texte, à l’encre rouge. On remarque aussi une ornementation analogue, à la fin de chaque cahier, pour la numérotation des cahiers du volume 3, dont il ne subsiste plus aujourd’hui que treize qui soient entiers, sur vingt et plus qui le composaient primitivement, […].

    « Le manuscrit de Beauvais nous a ainsi conservé, sauf quelques lacunes, le texte des livres II, 3 à V, 22 de l'Histoire des Francs, de Grégoire de Tours, avec les chapitres 7 et 8 du livre VII, qui se trouvent à la fin du livre IV, comme dans les autres manuscrits de la même famille (B de l’édition Arndt-Krusch) 1. Le texte débute par ces mots du chapitre 3 du livre II : « [et dolos episcopi pate]factus in publico. Tunc sancti Dei... » et se termine, au livre V, chapitre 22, par les mots : « ... lustro uno nec perfuncto, de[functus est]. » Dans le corps du volume, les livres III, IV et V, précédés des tables de leurs chapitres, commencent respectivement aux fol. 21vo, 51 et 87. »


    N. B. : numérisation : Universitätsbibliothek Heidelberg, ; livre issu des collections de : Universitätsbibliothek Heidelberg, ; téléchargé depuis : digi.ub.uni-heidelberg.de.

    ESSAI - HISTOIRE — (++++) —

    La description du manuscrit est disponible à l’adresse internet suivante [réf. Du 06 décembre 2021] :

    ‹ https://digi.ub.uni-heidelberg.de/sammlung3/werk/pdf/cpl864.pdf ›.


    N. B. : numérisation : MDZ - Münchener DigitalisierungsZentrum Digitale Bibliothek ; livre issu des collections de : Bayerische StaatsBibiliothek ; téléchargé depuis : download.digitale-sammlungen.de.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —

    Voir, p. V, la table des matières, « Hoc Volumine Continentur » (i. e. : Ce volume contient), la mention relative à l’ouvrage « Liber historiae Francorum » (ailleurs et autrefois souvent intitulé « Gesta [Regum] Francorum ») : cet ouvrage est traité à partir de la p. 215


    Extrait n°1, Table des matières, p. V (« HOC VOLUMINE CONTINENTUR. » [Ce volume contient]) :

    « Praefatio auctore W. Wattenbach…VII

    Chronicarum quae dicuntur Fredegarii Scholastici libri IV. cum Continuationibus…1

    Appendix…194

    I. Historia Daretis Frigii de origine Francorum…194

    II. Gesta Theoderici regis…200

    1. Vita Fuldensis…202

    2. Vita ex Aimoino hausta…210

    Liber historiae Francorum…215

    Vitae Sanctorum generis regii…329

    Passio S. Sigismundi regis…329

    Vita S. Chrothildis…341

    Vita S. Chlodovaldi…349

    De Vita S. Radegundis libri II.…358

    Gesta Dagoberti I. regis Francorum…396

    Vita S. Arnulfi…426

    Vita S. Geretrudis…447

    Vita S. Balthildis…475

    Vita Dagoberti III. regis Francorum…509

    Indices…525 »

    N. B. : c'est nous qui mettons en « gras » les mentions concernant la page 215.


    Extrait n°2, p. 220-229 (« Liber Historiae Francorum. Edidit Bruno Krusch. ») :

    « Historiae Francorum per medium aevum tot exemplaria facta sunt, ut vix omnia quae nota sunt a me collecta esse opiner Magni enim hunc libellum ut brevitatis ita fabularum causa aestimabant, quas non inamoenas esse iudico. Qui autem in catalogis codicum mss. ‘Gesta Francorum’ appellantur libri, non raro Ademari Cabannensis exemplaria sunt, dum opusculi nostri codices ut Gregorii Turonensis historiae libri in iisdem tabulis recensentur. Itaque complures libros me fugisse pro certo habeo; sed, ne codicum quos attuli conspectus lectoribus taedium iam pariat, vereor.

    « Primum codices editionis A collegi, quos in tres classes numeris 1. 2. 3. distinctas divisi. »

    « 1) A 1a. Codex Bernensis nr. 599. membranaceus, formae octavae, saec.VIII, f. 136, olim ecclesiae cathedralis Argentoratensis, — in cortice enim exteriore haec leguntur: vient de la cathédrale de Strasburg, — deinde Bongarsii erat, cuius nomen f. 132. exstat. Continet f. 1—132. Librum historiae Francorum. Duo quae praecedebant folia excisa, decem versus folii 132. et totum folium 132'. erasa sunt; f. 133—136. chronologica ecclesiasticaque sequuntur. Post fol. 131. folium unum excisum est, ut textus a c. 53. disceptavit et thesauros ad Franci v. Theudericum Cala perierit. Constat ex quaternionibus et uno ternione. Folium versus 15 occupant. Codex pulcherrime scriptus, litteras quas initiales vocamus rubro, viridi, croceo colore distinctas habet. Primus quisque capitum versus litteris maiusculis exaratus est. Quae librarius postea emendavit, pro nihilo aestimanda sunt. Liber, qui ex exemplari litteris maiusculis scripto fluxit, cum c. 45. pro vi numerus VI reperiatur, optimus est, at verba quaedam desiderantur. Iisdem atque compluribus mendis qui sequuntur codices A 1 inquinati sunt.

    « Exscripsit vel Gerber vel Durheim bibliothecarius (cf. ‘Archiv' V, p. 752); quisquis erat, negotium susceptum accuratissime perfecit. Postea Arndt v. c. codicem recognovit. »

    « 2) A 16. Codex Parisiensis nr. 5596 (Colbertinus nr. 5432) membranaceus, formae octavae, saec. IX. in. litteris rudibus scriptus, quae codicem Bruxellensem Gregorii (B2) maiorem in modum aequant, post Vitam S. Remedii Librum historiae Francorum continet, quem epistula S. Augustini de igne purgatorio et dicta S. Hieronymi excipiunt. Librarius ‘eius’ per notam expressit. In scribendi ratione cum A 1a la plerumque consentit, si orthographica excipis haec: diditus, lantia; tradedit; monarchyam, Parysius; cognuscerit, commotu, currueruntque, in quarto casu parvolus, thesaurus; histis (= istis), hostensuram; apellare saepe. Loco ae saepe e posuit, velut hec (semper).

    « Contulit Bethmann v. c. »

    « 3) A l•b. Codex Remensis S. Remedii, de quo Bouquet II, p. XIII: ‘Gestorum stilus in codice Remigiano limatior est quam in aliis: voces barbarae ac minus Latinae puriori Latinitati redduntur. Qui Gesta recognovit, floruisse videtur post Hincmarum, a quo sanctae Ampullae historiam mutuatus fuerit’. Ultima Historiae verba qui nunc anno sexto in regno subsistit, ut in A 1b, desunt; cum libris A 1 in c. 49. Baltildis pro uxore Theuderici accipitur. Codex nullius auctoritatis est, cum sermo ubique mutatus, textus ex B interpolatus sit. Eum ex editione tantum Bouquetiana novimus.

    « 4) A lc. Codex Vindobonensis hist. Prof. nr. 991, […].

    « 5) A lc•. Codex Vindobonensis hist. Prof. nr. 91, […].

    « 6) A 2. Codex S. Mariae Camaracensis nr. 711, […].

    « 7) A 2*. Codex Parisiensis, ‘fonds Duchesne nr. 91’, […].

    « 8) A 3a1. Codex Petropolitanus λ F. Otd. IV. 4, saec. IX, […].

    « 9) A 3a2. Codex Parisiensis nr. 10911, antea Suppl, lat. nr. 125, saec. IX, […].

    « […]

    « 31) B 2c1. Codex bibliothecae regiae Hagae comitum nr. 921, foliorum 51, formae octavae, saec. X, f. 2—47'. […]. »


    Notre traduction-adaptation des 1er et 2e paragraphes de ce texte :

    « Même si de multiples copies de l’« Histoire des Francs » [Historiae Francorum] furent réalisées pendant le Moyen-Âge, je puis supposer que toutes ne sont pas répertoriées. Toutefois j’estime être en droit de penser que l’essentiel de ces copies, de par l’intérêt, indubitable, qu’offrait la concision du texte considéré, par bonheur se trouvèrent conservées pour un très grand nombre d’entre elles. Par ailleurs, notons que les livres de l’Histoire de Grégoire de Tours se trouvent conjointement dans les répertoires avec des manuscrits de la « Geste des Francs » [Gesta (regum) Francorum], fréquemment attribuée à Adémar de Chabannes. Assurément, je redoute que certains ouvrages n’aient échappé à mes investigations ; et redoute que les textes traités dans mon travail ne suscitent pas toute l’attention du lecteur. »

    « Les premiers exemplaires des manuscrits des éditions du type A, se trouvent répartis en trois classes distinctes : 1. 2. 3. »

    N. B. 1 : voir pages 235 et 236 des schémas exposant succinctement les filiations entre les différentes copies des manuscrits du « Liber Historiae Francorum ».

    N. B. 2 : relativement à Ademarus Cabannensis [Adémar de Chabannes], ajoutons un commentaire d’Auguste Molinier recueilli dans la revue Persée :

    « On a de lui une Chronique, la Commemoratio abbatum S. Martialis (voir aux sources locales,Limousin), de nombreux sermons et diverses compilations, énumérées par M. Delisle (voir plus loin), et dont, en certains cas, il paraît n’être que le copiste. On a encore de lui une Epistola de apostolatu S. Martialis (récit du concile de 1028), dans Migne, CXLI, 87-112 (d’après Mabillon) ; plus une pièce de vers acrostiches, à Rohardus, évêque d’Angoulême (Mabillon, Analecta, in-fol., 432). Sur les travaux paléographiques d’Adémar, voir le mémoire de M. L. Delisle. Trois sermons à lui attribués faussement et datant de 994, dans Baluze, Hist. Tutelensis, 385-400, et Migne, CXLI ; autres fragments dans Sackur, Die Cluniacenser, II, 477-487. – La Chronique comprend trois livres et va de l’origine des Francs à l’an 1028. Le livre Ier s’arrête à 768 ; le livre II renferme l’histoire de Charlemagne ; le livre III va de 814 à 1028. Le livre Ier est emprunté aux Gesta regum Francorum et aux continuateurs de Frédégaire ; le livre II aux Annales Laurissenses ; le livre III jusqu’à l’an 829 à ces mêmes annales. Pour la suite, l’auteur a utilisé des Annales d’Aquitaine (Angoulême et Limoges), dont nous avons une copie partielle faite pour Adémar (Bibl. nat., lat. 2400) et que Pertz a publiées (SS., II et IV). Le reste est emprunté à des sources orales ou à des sources écrites perdues. – Dans les livres I et II, Adémar a très librement traité ses sources, modifiant le style, corrigeant le fond, et ajoutant de temps à autre de nouveaux détails.[…] ».

    (In : Molinier Auguste. 958. Ademarus Cabannensis : in : Les Sources de l'histoire de France - Des origines aux guerres d'Italie (1494). II. Époque féodale, les Capétiens jusqu'en 1180. Paris : A. Picard et fils, 1902. pp. 3-6 ;
    ‹ https://www.persee.fr/doc/shf_0000-0000_1902_num_2_1_870_t1_0003_0000_2 ›.)

    N. B. : c’est nous qui mettons en gras certains éléments du texte cité ci-dessus.


    Extrait n°3 – Chapitre 19 du « Liber Historiae Francorum » [sive (ou) : « Gesta Regum Francorum »], p. 273-275 (nous reproduisons ici seulement la colonne A des pages de l’ouvrage concernant la traduction, et pas la colonne  B, colonne où figurent seulement des variantes entre les différents manuscrits considérés par l’éditeur ; nous ne reproduisons pas non plus ici systématiquement toutes les notes de bas de pages du texte cité) :

    (P. 273 :)

    « 19. Post haec omnia a mortuus

    est Chlodoveus rex in pace et sepultus

    est in basilica sancti Petri 1 apostoli b, quam

    so ipse c vel regina sua aedificaverant d ††.

    Mortuus e est autem e anno quinto, postquam 2 cum Alarico rege f Gothorum pugnavit.

    Regnavit quoque g simul annis 30.

    A transitu sancti Martini usque ad h transitum Chlodovechi regis fuerunt i anni k cen- »

    « […]. »

    « ††) Clodoveus quintus rex Francorum cum solus Francis 30 annis imperasset, mortuus est in pace, relinquens filios in marg. Add. B 1a. »

    (P. 274 :)

    « Greg. II, 43. tum duodecim. Chrodchildis regina post

    mortem viri sui Toronis civitate frequenter

    pergens, ad basilicam beati

    Martini diutissime a commorata b, Domino

    serviebat; Parisius * raro visitabat.

    ib. III, 1.          Igitur post mortem d Chlodovechi e regis

    hii f quattuor filii g eius, Theudcricus , Chlodomiris,

    Childebertus et Chlotharius regnum

    eius inter h se diviserunt equaliter. Habebat i

    quoque * Theudericus filium nomine *

    Theudobertum strenuum m et utilem, elevatique

    sunt in magna potentia n.

    Amalricus quoque, filius o Alarici regis

    Gothorum, sororem eorum ad P coniugiuin

    petiit. Quam illi †† * non negantes

    cum ornamentis r optimis s, camque ipse

    ib. III, 3.         sibi in t matrimonium adsumpsit. In illo

    tempore Dani cum rege suo u nomine Chochilaico v cum navale hoste per alto mare Gallias * appetent w, Theuderico paygo

    Attoarios 1 vel alios devastantes atque y captivantes, plenas z naves de captivis a †† alto mare b intrantes, rex eorum ad

    litus maris resedens c. Quod cum Theuderico d nuntiatum fuisset, Theudobertum, filium

    suum, cum magno exercitu e in illis f partibus

    dirigens. Qui consequens eos, pugnavit

    cum eis caede magna atque g prostra- »

    « †) Regnum Clodovei in tetrarchiis divisum esse 3 filiis eius in marg. add. B la.
    ††) Filia regis Clodovei Christiana nupsit Amalrico regi Hispaniensi pagano in marg. add. B la.
    †††) Teoderico partem Gallie versus mare in sortem contigisse in marg. add. B la. »

    Notes de bas de page (p. 274), extraits :

    « […]

    « Cap. 19. […]. u) rege eorum nomen B 1a ; rege Gotorum (expunct. et superscr. sec. m. suo) nomine B 1b. v) Chrochilaico A lb ; Chohilaico A 2 ; Chochelaico A 3a1; Chochilago B 1a (?) ; Hlodilago B lb ; Chodilaico B 2a2 ; Chlochilaico B 2b1 ; om. B 2c1.

    […] »

    (P. 275:)

    « vit, regem a eorum interficit *, preda

    tullit et in terra sua restituit. »

    N. B. :

    À propos des notes « u » et « v » de bas de page, relatives au chapitre 19 (Cap. 19: « rege Gotorum », roi des Goths, plutôt que roi des Danois…

    Cette précision résulte-t-elle d’une meilleure information, par rapport aux sources de Grégoire de Tours, d’un copiste quant à la qualité du roi Chochilaico-Hygelac (ou : Chrochilaico - Chohilaico - Chochelaico - Chochilago - Hlodilago - Chodilaico – Chlochilaico…), ou d’un simple lapsus calami ; en effet, plus haut dans le texte, et par deux fois, est-il question d’un certain roi des Goths (« Mortuus e est autem e anno quinto, postquam 2 cum Alarico rege f Gothorum pugnavit. », et « Amalricus quoque, filius o Alarici regis Gothorum, sororem eorum ad P coniugiuin petiit. »)…

    Rappelons que, supra, à l’occasion de la citation d’un extrait de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours ([GRÉGOIRE DE TOURS]. Histoire ecclésiastique des Francs, par Georges Florent Grégoire, Évêque de Tours, en dix livres. Revue et collationnée sur de nouveaux manuscrits, et traduite par MM. J. Guadet et Taranne. TOME PREMIER. Paris : Jules Renouard, 1836. XXIII p. et 460 p.), Livre III – Chap. III, p. 131, nous apportions les précisions suivantes : « c’est ici, dans ce passage du texte, que Clochilaïch-Chochilaicho-Hygelac, personnage relativement éminent du « Beowulf » est identifié comme étant un roi des « Danois » par Grégoire de Tours. Des annales anonymes plus tardives (commencement du VIIIe siècle), s’inspirant assez substantiellement du travail de Grégoire de Tours, et intitulées « Gesta Regum Francorum » (connue depuis la fin du XIXe siècle, après une publication nouvelle par B. Krusch en 1888, sous le titre différent de « Liber Historiæ Francorum ») qualifient, parfois, chez certains copiste, Clochilaïch-Chlochilaicus-Chochilaicho de « roi des Goths » (rege Gotorum). […] ».


    N. B. : numérisation : Bibliothèque nationale de France - Gallica ; livre issu des collections de : B.N.F. (Bibliothèque nationale de France) ; téléchargé depuis : loc.gov (Library of Congress).

    ESSAI - HISTOIRE — (++++) —

    Commentaires, téléchargés depuis le site internet de la « Library of Congress »
    (‹ https://www.loc.gov/item/2021668231 ›) :

    « […].

    « Title

    « Deeds of the Carolingian Kings of France and Their Predecessors.

    « Summary

    « Presented here is a Latin manuscript from the 13th century, Latin 5926 in the collections of the National Library of France, which contains five separate texts relating to the history of France. The first is Gesta Regum Francorum (Deeds of the kings of France), also known as Liber historiae Francorum (The book of the history of the Franks), an anonymous eighth century chronicle covering from the origin of the Trojan people-from whom some chroniclers claimed descent for the Frankish kings-to King Pepin (died 768), father of Charlemagne. The work was later expanded and prefaced by the canons of the synod of Rome, convened by Pope Innocent II in 1138. Next comes an anonymous life of Charlemagne. The third text is the famous Vita Caroli Magni (Life of Charlemagne) by the Frankish historian and court scholar Einhard (circa 770-840), the most important source of information on Charlemagne (742-814) and the Carolingian Empire. The fourth text is a life of Louis the Pious (778--840), Holy Roman Emperor and son of Charlemagne, by an unknown author. Lastly is a part of the chronicle of the history of France, written by Adémar de Chabannes (989-1034), a monk at Saint-Cybard Abbey, Angoulême, and covering the period from Louis the Pious to the year 1029. The manuscripts thus all deal with the Carolingians, the Frankish family that superseded the Merovingians and ruled France and other parts of Western Europe from 750 to 887. »

    « […].

    « Adémar, de Chabannes, 988-1034 Author.

    « Einhard, approximately 770-840 Author. »

    Traduction-adaptation des Commentaires ci-dessus :

    « […].

    « Intitulé

    « La Geste des rois Carolingiens de France et de leurs Prédécesseurs.

    « Résumé :

    « Voici un manuscrit latin du 13e siècle, identifié par « Latin 5926 » dans les collections de la Bibliothèque nationale de France, qui contient cinq textes distincts relatifs à l'histoire de France. Le premier est Gesta Regum Francorum (Geste des rois des Francs), également connu sous le nom de Liber historiae Francorum (Livre de l'histoire des Francs), une chronique anonyme du VIIIe siècle couvrant le cycle s’étendant depuis l'origine troyenne que certains chroniqueurs attribuaient aux rois des Francs, jusqu’au règne du roi Pépin (mort en 768), père de Charlemagne. L'ouvrage a ensuite été élargi et préfacé par les chanoines du synode de Rome, convoqué par le pape Innocent II en 1138. Vient ensuite une vie anonyme de Charlemagne. Le troisième texte est la célèbre Vita Caroli Magni (Vie de Charlemagne) de l'historien franc, et érudit de la cour, Einhard (vers 770-840), la source la plus importante d'informations sur Charlemagne (742-814) et sur l'Empire carolingien. Le quatrième texte est une vie de Louis le Pieux (778-840), empereur du Saint-Empire romain germanique et fils de Charlemagne, par un auteur inconnu. Enfin, une partie de la chronique de l'histoire de France, écrite par Adémar de Chabannes (989-1034), moine à l'abbaye Saint-Cybard d'Angoulême, et couvrant la période allant de Louis le Pieux à l'an 1029. Les manuscrits traitent donc tous des Carolingiens, la famille franque qui a supplanté les Mérovingiens et a régné sur la France et d'autres parties de l'Europe occidentale de 750 à 887. »

    « […].

    « Adémar, de Chabannes, 988-1034. Auteur.

    « Einhard, circa 770-840. Auteur. »

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  • Auteurs : Gabriel Monod, et… (Frédégaire [Fredegarius]).
  • N. B. : numérisation : Internet Artchive ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

    BIBLIOGRAPHIE - ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —


    Extrait — Préface, p. VII-XI :

    « Notre but, en publiant cette Bibliographie de l’Histoire de France, a été un but spécialement pédagogique et pratique. Nous avons voulu faire pour l’Histoire de France antérieure à 1789 ce que le manuel de Dahlmann, refondu par Waitz (1), a fait pour l’histoire d’Allemagne : fournir aux travailleurs et surtout aux étudiants et à ceux qui n’ont pas sous la main de nombreux ouvrages bibliographiques un répertoire commode et méthodique qui leur permette de savoir rapidement quels sont sur les diverses questions et sur les diverses époques de notre histoire les livres essentiels à consulter. La Bibliothèque historique de Lelong et Fevret de Fontelle n’a été ni complétée ni rééditée depuis le XVIIIe siècle ; le Catalogue de l’histoire de France de la Bibliothèque Nationale est trop vaste pour pouvoir être consulté rapidement, surtout par ceux qui ne sont pas déjà versés dans la bibliographie historique. D’ailleurs ni les cinq volumes in-folio du premier de ces recueils, ni les onze volumes in-quarto du second ne se trouvent d’ordinaire dans des bibliothèques particulières, et toutes les bibliothèques publiques ne les possèdent même point. Le catalogue qui se trouve dans le dernier volume du Manuel du Libraire de Brunet est très incomplet et composé un peu au hasard. L’ouvrage de M. Franklin : les Sources de l’Histoire de France, n’est que la reproduction des tables générales des principaux recueils de sources de l’histoire de France. Il n’existe aucun répertoire qui puisse suppléer à celui que nous publions aujourd’hui, et, malgré ses imperfections, nous sommes convaincu qu’il rendra de réels services.

    « Nous ne nous dissimulons pas ces imperfections. Non seulement la première édition d’un ouvrage de ce genre est fatalement une sorte d’ébauche qui ne peut se changer en une œuvre à peu près satisfaisante que par une révision et une refonte totales ; mais les conditions dans lesquelles notre répertoire a été composé ont été peu favorables à la rédaction d’un ouvrage de bibliographie. Nous avons dû en poursuivre l’achèvement au milieu de beaucoup d’autres occupations ; l’impression a été en conséquence traînée en longueur, et ces retards, l’impossibilité de s’appliquer d’une manière suivie à la révision du texte et à la correction des épreuves, ont nui à l’unité de l’ensemble comme à la correction des détails (1).

    « Indépendamment des défauts qui résultent des conditions dans lesquelles ce livre a été composé et imprimé, il en est d’autres qui sont, pour ainsi dire, inhérents à la nature même de l’ouvrage. On peut être certain, surtout dans une première édition, non seulement d’avoir laissé échapper bien des erreurs de titre ou de date, mais aussi d’avoir omis des livres importants, et d’en avoir accueilli beaucoup qui ne le sont pas et qui auraient pu sans inconvénient être passés sous silence. L’obligation de faire un choix jette dans de singulières perplexités. On ne peut pas relever tous les articles, toutes les brochures parus sur un sujet ou sur un règne, et pourtant telle plaquette de quelques pages a souvent plus d’importance que maint gros livre. Nous nous sommes efforcé de pécher plutôt par excès que par insuffisance ; mais nous savons d’avance que nous ne pourrons échapper au double reproche d’avoir cité trop d’ouvrages et d’avoir oublié des ouvrages essentiels. Un livre comme le nôtre ne peut d’ailleurs devenir un bon livre que par la collaboration de tous ceux qui sont appelés à s’en servir. Tout en réclamant l’indulgence dans les jugements d’ensemble qu’on portera sur notre travail, nous serons heureux qu’on en critique sévèrement les détails, et qu’on nous fournisse par une collaboration spontanée les moyens de le rendre moins imparfait dans une seconde édition.

    « Nous avons adopté un plan général semblable à celui du Dahlmann-Waitz. Ceux qui ont eu occasion de le consulter ont pu en apprécier la simplicité et la clarté. Notre ouvrage a deux grandes divisions : une partie méthodique et une partie chronologique. Dans la partie méthodique figurent les ouvrages relatifs aux sciences auxiliaires de l’histoire, bibliographie, chronologie, paléographie, diplomatique, etc. ; les recueils de sources ; les ouvrages qui ne se renferment pas dans une époque déterminée, soit les histoires générales, soit les ouvrages relatifs aux provinces, aux villes, à l’histoire religieuse, à l’histoire des classes, etc. ; et enfin les recueils périodiques. – La partie chronologique est divisée en grandes périodes, subdivisées à leur tour en un certain nombre de paragraphes comprenant chacun une époque plus ou moins longue. Dans chaque paragraphe sont indiqués d’abord les sources, puis les travaux de seconde main relatifs à une même époque. Le dernier paragraphe de chaque période est consacré au droit, aux mœurs et aux institutions.

    « On ne doit pas s’attendre à ce que la classification des ouvrages soit toujours absolument rigoureuse. Il nous est arrivé, quoique le plus rarement possible, de citer deux fois le même livre ; nous avons dû, dans la seconde partie, renvoyer très souvent à la première, surtout pour les institutions ; on trouvera quelquefois que tel ouvrage cité à un certain paragraphe aurait plutôt dû figurer dans tel autre ; enfin, comme il arrive constamment qu’un ouvrage ne s’applique pas exclusivement à l’époque pour laquelle il est cité, mais traite aussi d’événements antérieurs ou postérieurs, il faut que le lecteur qui cherche les sources ou les travaux relatifs à une époque ait soin de consulter en même temps les paragraphes voisins de celui qui l’intéresse spécialement.

    « Pour qu’une bibliographie comme la nôtre eût toute son utilité, il faudrait y joindre un texte explicatif et indiquer, au moins sommairement, quels sont les textes essentiels, les ouvrages auxquels on doit tout d’abord avoir recours. Nous ne pouvions pas songer à faire ce travail qui, pour être vraiment utile, exigerait un autre volume, mais nous avons fait précéder d’un astérisque les titres des ouvrages qui nous ont paru mériter d’être signalés particulièrement aux étudiants, ceux qui doivent être consultés avant tous les autres. Ici encore le choix était souvent difficile. Il est des livres devant lesquels on s’étonnera de ne pas trouver d’astérisque ; d’autres à qui on trouvera que l’astérisque a été trop libéralement accordé.

    « Les titres des ouvrages sont donnés le plus brièvement possible. Nous n’avions pas la prétention de fournir des matériaux aux bibliographes, mais uniquement de faciliter les recherches et le travail des historiens. Aussi ne nous sommes-nous pas astreints à donner des indications complètes sur les diverses éditions d’un même texte. Il nous suffisait de renvoyer aux meilleures éditions ou aux plus aisées à consulter. Nous avons cependant indiqué souvent la première édition des textes historiques quand cette mention nous paraissait offrir une réelle utilité.

    « L’indication des sources manuscrites nous aurait entraînés trop loin et nous aurait obligés à faire un choix qui eût été des plus délicats. Nous avons préféré nous abstenir de toute indication de ce genre, à une ou deux exceptions près. Nous nous contenterons de renvoyer au magistral ouvrage de M. L. DELISLE, le Cabinet des manuscrits de la Bibliotèque Nationale, Paris, 1868-1881, 3 vol. in-4, et 1 vol. de planches, paru dans la collection de la Ville de Paris ; à l’ouvrage de M. BORDIER sur les Archives, aux Inventaires des Archives nationales et des Archives départementales : aux Catalogues des manuscrits des Bibliothèques de Paris et des départements, publiés par les soins du ministère de l’Instruction publique ; aux Inventaires des manuscrits du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Marine ; aux Inventaires des archives hospitalières par M. BRIÈLE, etc.

    « Nous avons renoncé à placer à la fin de notre Bibliographie des additions et corrections qui en eussent considérablement grossi le volume et retardé la publication. Il nous a paru préférable d’attendre aune prochaine édition pour refondre dans l’ouvrage même toutes les corrections et additions que nous aurons recueillies, et qui pourront être faites alors d’une manière plus complète et plus méthodique.

    « Je dois, en terminant, remercier les collaborateurs qui m’ont aidé à réunir les matériaux de cette bibliographie. Elle a été commencée dans une conférence à l’École des Hautes Études et parmi les élèves qui ont alors pris la part la plus active à ce travail préparatoire, je citerai M. Leroux, aujourd’hui archiviste de la Haute-Vienne. Après une interruption de quelques aimées, j’ai repris l’œuvre à peine ébauchée, grâce à la collaboration active de M. Émile MOLINIER. Son frère, M. Auguste Molinier, m’a aussi assisté pour la correction des dernières feuilles. Je dois enfin d’utiles indications à MM. Viollet, Tamizey de Larroque, Hanotaux, Flammermont, Pfisler, Farges, etc. Mais je tiens à ce qu’on ne rende aucun de ceux qui m’ont aidé responsable des défectuosités de mon travail. Je leur dois beaucoup de reconnaissance de ce qu’ils ont fait pour le rendre moins imparfait ; mais c’est à moi seul que la critique doit s’en prendre, s’il s’y trouve encore bien des taches. Puisse-t-elle ne pas les condamner trop sévèrement, en songeant que si j’ai consacré un temps considérable à un travail fort ingrat, sans espoir d’en retirer ni grand honneur ni grand profit, je l’ai fait uniquement dans la pensée d’être utile à d’autres, d’être utile surtout aux jeunes gens que leur inexpérience bibliographique oblige à de si longs tâtonnements et expose à tant d’erreurs. Je me croirai suffisamment récompensé de ma peine si quelques-uns d’entre eux ont un peu de reconnaissance pour l’auteur de ce Manuel. »

    « G. MONOD. »

    N. B. : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages du texte cité.


    N. B. : fichier au format PDF — numérisation : Gallica-Bibliothèque nationale de France ; livre issu des collections de : Bibliothèque nationale de France ; téléchargé depuis : gallica.bnf.fr.

    N. B. : fichier au format DJVU — numérisation : …?… ; livre issu des collections de : …?… ; téléchargé depuis : …?…

    ESSAI - HISTOIRE — (+++++) —


    Extrait — Introduction, p. 3-7 :

    « Avant d’aborder l’étude des sources de l’histoire mérovingienne, il importe de nous rendre compte d’une manière générale de la nature des documents fournis à l’historien par les premiers temps du moyen-âge ; il importe de savoir où les écrivains de cette époque puisaient leurs inspirations, où ils choisissaient leurs modèles, quel but ils se proposaient. Grâce aux souvenirs toujours vivants de l’unité romaine, grâce à l’unité nouvelle et plus vaste que le christianisme avait fait triompher, grâce à la langue latine seule employée dans les Écoles et dans l’Église, la littérature du moyen-âge forme dans son ensemble un tout parfaitement organique, et la littérature de chaque pays n’est qu’un rameau du tronc commun. Prise isolément, chacune de ces littératures serait difficile à comprendre et à expliquer ; il faut étudier depuis l’origine leur formation successive et leurs rapports réciproques. Cela est particulièrement vrai pour la littérature historique ; l’uniformité d’éducation et d’idées, la rareté des livres, le manque de loisirs, la barbarie croissante de la langue obligent ceux qui ont encore le courage d’écrire à travailler à peu près sur le même plan, à prendre deux ou trois modèles qu’ils se contentent de copier, d’imiter et de continuer. Aussi peut-on marquer comme une filiation entre les diverses œuvres et retrouver souvent tous les documents où les auteurs ont puisé. C’est par la manière dont ils ont usé de ces documents, dont ils ont contribué pour ainsi dire au travail commun, que nous pouvons le mieux juger de la portée de leur esprit et de la valeur de leur témoignage.

    « La décadence de la puissance romaine, l’établissement du christianisme, l’introduction progressive des barbares dans l’empire amenèrent au Ve siècle la chute des grandes écoles laïques qui avaient fait la gloire de la Gaule, celles de Bordeaux, de Vienne, d’Arles, de Lyon, d’Autun, de Trèves 1. Elles cèdent la place à des écoles moins brillantes dirigées par les évêques ou par les abbés des nouveaux monastères ; telles les écoles de Poitiers, de Clermont, d’Arles, de Vienne, de Lérins. Dans ces temps malheureux et troublés, c’est dans l’Église que se réfugie ce qui reste encore de goût pour l’étude et pour les travaux de l’esprit. La littérature devient tout entière non-seulement chrétienne, mais ecclésiastique. Les membres du clergé seuls ont l’instruction, le temps, l’argent nécessaire pour consigner par écrit leurs pensées sur le parchemin, devenu rare ; seuls ils peuvent trouver dans le sein de leurs églises et de leurs monastères, des auditeurs et des lecteurs. Aussi tandis que les homélies, les instructions pastorales, les commentaires sur les livres saints remplacent les exercices de rhétorique et de grammaire des écoles profanes, tandis que la poésie après avoir conservé jusqu’à Ausone 2 (309, † vers 394) un parfum d’antiquité et de paganisme chante avec Prudence 3 († V  410) et Sedulius 4 (Ve s.) les mystères de la foi et les vertus des Saints, l’histoire subit une transformation analogue. Bien qu’on lise encore dans les écoles ecclésiastiques quelques-uns des historiens antiques, bien qu’on y commente parfois le code Théodosien, le monde et l’histoire sont envisagés sous un aspect tout nouveau. Au lieu des intérêts politiques et profanes dont se nourrissait l’esprit des historiens païens jusqu’à Eutrope 5 (2e moitié du IVe s.), les intérêts de la religion et de l’Église paraissent seuls dignes d’occuper l’âme des chrétiens. Ce n’est plus la vie des grands personnages politiques qu’on prend à tâche de raconter et de célébrer, c’est la vie et la mort des Saints. Les passions des martyrs, voilà les batailles et les triomphes où se plaisent les historiens nouveaux. Le premier monument de ce genre que nous possédions pour la Gaule est la lettre écrite par les Églises de Vienne et de Lyon aux Églises d’Asie sur le martyre de saint Pothin et de ses 47 compagnons 1 (177 ap. J.-C). La plus ancienne vie de saint Gallo-Romain qui nous ait été conservée est celle de saint Martin de Tours par son disciple et ami Sulpice Sévère 2 (fin du IVe s.). Au Ve et au VIe s. ces vies de Saints deviennent nombreuses et nous y trouvons d’abondants renseignements historiques pour une époque où l’Église, seule puissance restée debout parmi les ruines du monde romain, se trouve mêlée à tous les événements politiques. C’est ainsi par exemple que la vie de Saint Sèverin, l’apôtre du Haut-Danube († 482), par l’abbé Eugippius, son élève, qui vivait à la fin du Ve et au commencement du VIe s. est un des documents les plus curieux pour l’histoire du sud de la Germanie à l’époque de l’invasion des barbares 3. Quand plus tard les évêques ou les moines deviendront auprès des chefs mérovingiens des conseillers, des ministres, ou lorsque, opposant puissance à puissance, ils entreront en lutte avec eux, lorsque la force militaire des Franks sera mise au service de la propagande chrétienne, les vies de Saints deviendront une des sources les plus importantes de notre histoire 4.

    « Mais le plus souvent les événements historiques n’avaient qu’une valeur bien secondaire aux yeux des auteurs des vies de Saints. Leur but unique était l’édification des fidèles et la glorification des miracles pieux. Aussi les faits étrangers à la vie religieuse sont-ils souvent entièrement passés sous silence ou rapportés avec la plus grande inexactitude. Si quelques écrivains ecclésiastiques s’élèvent à un point de vue plus général et cherchent à embrasser une période étendue de l’histoire, ou même l’histoire universelle dans son ensemble, ils sont toujours guidés néanmoins par des préoccupations religieuses. C’est moins l’histoire des peuples que l’on écrit que l’histoire de la Religion. Quelle que pût être l’étroitesse et la fausseté de ce point de vue, surtout tel que le conçurent les premiers historiens chrétiens, il n’en avait pas moins sa grandeur ; il avait même une véritable valeur philosophique. Au lieu de compilations sans ordre comme celle de Diodore de Sicile où tous les peuples sont passés en revue sans qu’aucun lien réel les rattache les uns aux autres, nous trouvons ici la première conception, encore mal définie, il est vrai, d’une histoire universelle et d’une philosophie de l’histoire. Toute l’humanité est considérée dans son ensemble ; son développement a une raison d’être, un centre, une explication : la Rédemption. Avant J. C. tous les événements tendent à ce but suprême ; après lui tous en découlent avec cette logique entremêlée de coups de surprise qui est le caractère propre de l’action divine. Un fil conducteur permettait désormais de se retrouver dans le dédale de l’histoire. Cette théorie n’expliquait qu’une bien petite partie des faits, mais elle suffisait à éclairer l’horizon borné que pouvaient embrasser les hommes du moyen-âge.

    « Cette conception religieuse inspire même les écrivains qui s’intéressent encore aux événements profanes, les auteurs d’annales et de chroniques, même ceux qui ne racontent que l’histoire d’un seul peuple ou d’une seule époque. Appartenant tous au clergé, ils donnent tous une importance exceptionnelle aux événements ecclésiastiques. L’Église d’ailleurs domine toute la société de cette époque par sa forte organisation, comme par son ascendant moral. Aussi Bède le vénérable intitule-t-il son histoire des Anglo-Saxons : Histoire ecclésiastique ; Grégoire de Tours, et plus tard Frédégaire, Réginon, Adon de Vienne, et une foule d’autres chroniqueurs commencent le récit des événements de leur temps par un résumé de l’histoire du monde depuis sa création, ou du moins depuis la venue du Christ. Eusèbe et Paul Orose furent les maîtres et les guides dans cette nouvelle manière de comprendre et d’écrire l’histoire. C’est dans le bizarre ouvrage de Paul Orose († v. 420) que les hommes du moyen-âge puisèrent presque toutes leurs connaissances sur l’histoire de l’antiquité. Ses Historiarum libri VII adversus paganos 1 ont pour but de prouver que le monde a toujours été accablé des plus grandes calamités, et que l’on ne peut par conséquent rendre le christianisme responsable des maux qui ont accompagné son triomphe. […] »

    N. B. : nous ne reproduisons pas les notes de bas de pages du texte cité.



    N. B. : numérisation : Gallica-Bibliothèque nationale de France ; livre issu des collections de : Bibliothèque nationale de France ; téléchargé depuis : gallica.bnf.fr.

    ESSAI - HISTOIRE — (+++) —

    Le premier paragraphe de l’avertissement que nous reproduisons ci-dessous promet au lecteur une étude critique de la compilation de Frédégaire… Mais nous n’avons pas trouvé trace de cette étude promise ; jamais Gabriel Monod ne trouva en définitive le temps de l’écrire (Voir : BÉMONT, Charles. Annuaire de l’École pratique des hautes études. Année 1912. P. 18).


    Extrait — avertissement figurant au commencement de l’ouvrage (page non foliotée) :

    « L’étude critique qui sert d’introduction au texte de la compilation dite de « Frédégaire » sera prochainement publiée avec une pagination en chiffres romains. Elle formera un fascicule qui devra être relié avec le texte.

    « Le texte que nous publions est la reproduction du manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris, fonds latin 10910, source unique de tous les autres manuscrits connus de la compilation.

    « Paris, mai 1885.

    « G. MONOD. »

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  • Auteurs : Gamba Jean-François (Chevalier —).
  • N. B. : numérisation : BnF (Bibliothèque nationale de France) ; livre issu des collections de : BnF ; téléchargé depuis : gallica.bnf.fr.

    ESSAI - HISTOIRE — (++) —


    « TABLE DES CHAPITRES » (Voyage dans la Russie méridionale… Tome Ier) :

    AVANT-PROPOS. (p. I).

    INTRODUCTION… (p. VII).

    CHAPITRE PREMIER. Description d’Odessa et de son commerce. – Départ de cette ville. – Arrivée à Sébastopol. – Description de ce port. – Navigation le long de la côte de la Circassie et de l’Abazie.– Arrivée a Soukoum-kalé. (p. 1).

    CHAPITRE II. Temrouck et Taman. – Cosaques de la mer Noire, autrefois cosaques zaporogues. – Leurs mœurs et usages. – Ils cultivent les terres de la droite du, Kouban. – Brebis de Silésie et Cigaye. – Blé arnaut. – Anapa, résidence d’un pacha. – Communication présumée entre cette ville et la mer Caspienne. – Son commerce. – Réflexions sur cette enclave. – Soudjouk-Kalé. – Ghelintchik. – Pschad. – Limites de la Circassie et de l’Abazie. (p. 42).

    CHAPITRE III. Soubaschi. – Mamaï. – Ardler. – Défilé de Gagra. – Baie de la Pitzunda. – Ancien monastère. – Superstition des Abazes. – Soukoum-Kalé. – Sa baie. – Son enceinte.–Importance de cette position pour le commerce. – Moyen facile de communication avec Redoute-Kalé. – Observations sur les forteresses d’Asie réclamées par la Porte.–Excursion dans le pays. – Son aspect.– Renseignement ssur la famille du prince des Abazes. – Insalubrité du pays facile à détruire. – Mines dans les environs. – Commerce des Abazes. – Leur caractère.– – Leur langue, comparée à celle des Circassiens et des Géorgiens.–Manière dont se fait le service de la place. – Observation sur la situation de la garnison de Soukoum-Kalé. (p.67).

    CHAPITRE IV. Arrivée d’un Mingrelien à bord de la frégate. – Départ de Soukoum-Kalé pour Redoute – Kalé. – Vue de Kelassaour. – Ilori. – Anagri. – Arrivée dans la rade de Redoute-Kalé. – Difficulté de l’entrée de la rivière. – Sûreté et profondeur de la Khopi. – Travaux nécessaires pour assainir Redoute – Kalé.–Bâtiments de la quarantaine.–État de son commerce et de sa navigation en 1823.–Poids et mesures. – L’ancien commerce d’esclaves a cessé. – Souvenirs qui s’attachent au Phase ou Rion. – Améliorations dont la navigation de ce fleuve est susceptible. – Situation actuelle des principaux ports, baies et anses de cette côte. – Quelques mots sur le Gouriel. – Erreurs relevées sur la situation de Bati. – Colonies anciennes. – Description de la Mingrelie. – Détails sur le prince et la princesse de Mingrelie. (p.95).

    CHAPITRE V. Départ de Redoute-Kalé. – Terres de Dadian et du prince Djayan. – Khorga. – Rencontre d’un jeuue Mingrelien. – Monastère de Khopi. – Mauvais chemins.–Maire du village de Khopi. – Son hospitalité. – Sakharbet. – Siva. – Difficulté de son passage. – Techaour. – Ancien château. – Abacha. (p. 135).

    CHAPITRE VI. Départ d’Abacha. – Aspect du pays depuis ce poste jusqu’à la Tskeniskal. – Passage de cette rivière. – Marane. – Cause de l’insalubrité de cette position. – La Goubirskale, rivière et poste de cosaques. – Arrivée à Kotaïs. – Description de cette ville. (p. 159).

    CHAPITRE VII. Embarquement à Rionskaia sur le Phase. – Renseignements sur l’organisation des trans¬ ports entre la Khopi et le Phase. – Forme des bateaux. – Petit Poty. – Tcheladidi. – Importance de cette position. – Terna. – Calilza. – Pêche sur le Phase. – Salikari. – Codaru. – Catila. – Goubhani. – Yekali. – Entrée dans la Tskeniskal. – Observations générales. (p. 173).

    CHAPITRE VIII. Départ de Kotaïs. – Arrivée à Koni. – Description du pays qui l’environne. – Tchichachi. – Bonne réception chez trois princes Immirétiens. – Passage du Phase. – Psuani. – Justice prompte. – Village de Toachnesy. – La Souhori. – Saposniawo. – Forêt de ce nom. – Herity. – Habitation du prince Tchitchevasy. – Bain d’eaux sulfureuses.– Duableby, aux frontières d’Akhaltzikhe. – Souani. – Belle position. – Traversée du Phase. – Retour à Kotais. (p. 193).

    CHAPITRE IX. Départ de Kotaïs. – Kwaktchezivi. – Passage de la Quirila. – Vartsike. – La Gheniskale. – Bagdad. – Village de Dimi. – Optcha. – Retour à la Quirila. – Simonetti. – Passage de la Tchelabory et de la Quirila. – Schorapana. – Description du pays. – Village de Gogni. Mines de fer. – Sadzivi. – Description du monastère de Gaelaeth. – Retour à Kotais. (p. 234).

    CHAPITRE X. Départ de Kotais pour Radscha. – Ville de Tchari.–Habitants d’origine arménienne. – Ghretie. – Belle forêt de sapins. – Secours mutuels. – Kotevi. – Bravoure des habitants de ce canton. – Anecdote sur le prince Gortschakoff. – La Krekoula. – Arrivée au Phase. – Baragone.– – Caractère des habitants du canton de Radscha. – Détails sur le touri ou bouquetin du Caucase. – Commerce des fourrures.–Souanes. – Village de Sadmetri. – Forêt de Radscha.– – – La Rcdzoula. – Passage du Phase à gué. – Retour à Kotais. (p. 275).

    CHAPITRE XI. Limites de la Colchide. – Expéditions des Grecs dans cette contrée. – Elle est soumise à Cyrus et à Xerxès. – Aux successeurs d’Alexandre. – À Mithridate Eupator.–Aux Romains. – Polémon, roi de la Colchide. – Zathus reçoit le baptême dans Constantinople. – Gubaze son fils. – Événements de son règne. – Sa mort. – La Colchide fait partie des États des Comnène, souverains de Trébizonde.– Elle devient tributaire des Musulmans. – Silence des historiens à son égard. – État de ce pays dans le dix-septième siècle. – Occupation de l’Immirette par les Russes. – La Mingrelie et le Gouriel reconnoissentla suzeraineté de l’empereur de Russie. – Observations sur les principes de son gouvernement dans cette contrée. (p. 299).

    CHAPITRE XII. Administration.– Code de Vagtang. – Tribunal. – Police. – Douane. – Anciens revenus des rois d’Immirette. – Division de cette contrée en districts. – Population. – Caractère et mœurs des habitants. – Amélioration sensible.–Religion.– Cultes divers. (p. 313).

    CHAPITRE XIII. Climat. – Température. – Maladies. – Fleuves et rivières de l’Immirette. – Agriculture. – Industrie. – Commerce. (p. 329).

    PIÈCES JUSTIFICATIVES.

    — N° 1. Ukase adressé au commandant en chef en Géorgie, le général Yermoloff, en date du 8-20 octobre 1821. (p. 355).

    — N° 2. Extrait du traité sur le commerce de la mer Noire, par Peyssonnel. (p. 379)

    — N° 3. Vocabulaire de quelques mots du dialecte Abaze, Circassien et Géorgien. (p. 394).

    Description de quelques villes et ports de la mer Noire. (p. 396).


    N. B. : numérisation : BnF (Bibliothèque nationale de France) ; livre issu des collections de : BnF ; téléchargé depuis : gallica.bnf.fr.

    ESSAI - HISTOIRE — (++) —


    « TABLE DES CHAPITRES » (Voyage dans la Russie méridionale… Tome II) :

    CHAPITRE PREMIER. Départ de Paris.— Arrivée à Mozdok. – Description de cette ville. – Passage du Terek.—Vladi-Caucase. – Balta. – Laars. – Défilé de Dariel. – Renseignements sur cette position.— Kasbek.—Arrivée à Koby. (p. 1).

    CHAPITRE II. Détails sur les Ossètes et les Ingouches. – Koby. – Mont Saint-Christophe. – Cachaour. – Vallée de TAragvi. – Passanaour. – Ananour. – Quarantaine. – Douchett. – Gharthis – Kari. – Mtskhetha. – Description de cette ville. – Église remarquable.— Arrivée à Tiflis. (p. 29).

    CHAPITRE III. Départ de Tiflis pour la Kakétie.— Colonies allemandes.— Camp du régiment des grenadiers de Géorgie.— Passage de Plori (Cambysus). – Sinac. – Camp du régiment des dragons. – Vachery. – Tchenidaly. – Beau domaine du prince Tchiftchivadze.—Telaw. – Retour à Tiflis.— Notice sur les Lcsghis………………………………………………………… 54

    CHAPITRE IV. Départ de Tiflis pour lTmmirette. – Moukhran. – Gori. – Souram. – Novo-Malinski. – La Quirila.— Arrivée à Kotaïs. -—Retour sur Tiflis. – Maladie de mes compagnons de voyage.— Mort de l’un d’eux. (p. 112).

    CHAPITRE V. Limites de la Géorgie.— Sa division. – Détails historiques. – Cession de ce royaume à la Russie. – Difficultés de l’administration jusqu’au traité de Gulistan. – Le général en chef Yermoloff est nommé gouverneur général. – Caractère de cet administrateur. – Réunion des Kanats à la Géorgie. – Limites actuelles de cette contrée.— Détails sur les frontières à établir entre la Russie et la Perse. (p. 137).

    CHAPITRE VI. Description de Tiflis.— Constructions nouvelles.— Établissements fondés par l’archevêque Narsès – – Bazar et Caravansérail. – Industrie des Géorgiens. – État de la population.— Climat. – Cultes divers. – Détails sur les Catholiques à Tiflis et en Perse. – Chaldéens. – Nestoriens des monts Gordiens. – Dispositions prises par le général Yermoloff en faveur du commerce de la Géorgie. – Bains d’eaux sulfureuses. – Jardins.— Cimetière des Catholiques.— Villages Allemands des environs de Tiflis.. (p. 154).

    CHAPITRE VII. Population actuelle de la Géorgie. – Caractère des Géorgiens, des Arméniens, des Tartares, des Persans et des Kourdes. – Arrivée du patriarche Arménien sur le territoire russe. – Refus de le renvoyer au couvent d’Etchmiadzin. – Jeux et exercices des Géorgiens.— Danses des Géorgiennes sur leurs terrasses. (p. 184).

    CHAPITRE VIII. Situation avantageuse de Tiflis pour le commerce.— Relations que cette ville peut établir par la mer Noire et par la mer Caspienne. – Sûreté de ce nouveau marché. – Détails sur Ormus.— Marche des caravanes à diverses époques. – Causes qui se sont long-temps opposées au commerce de Tiflis. – Changements survenus depuis que la Géorgie appartient à la Russie. – Arméniens à la foire de Léipsick.— Mesures indiquées pour l’avantage du commerce de Tiflis. (p. 199).

    CHAPITRE IX. Culture en Kakétie.—Vignobles.— Observations sur leurs produits.— Somkélte et Kartalinie. – Récolte de grains. – Pâturages. – Moutons. – Améliorations de la soie de ces contrées. – Terres fertiles le long de l’Araxe. – Lin.— Riz. – Culture du coton, de l’indigo, canne à sucre. – Haras à établir. – Sauterelles. – Détails sur ce fléau. (p. 217).

    CHAPITRE X. Départ de Tiflis. – Saganloug.— Demourlchesali.— Salagli. – Astabéglou. – Gasanson. – Taouz.— Dzegam.— Chamkor.— Élisabeth-Pol ou Ghendjé. – Description de cette ville et de son district. (p. 234).

    CHAPITRE XI. Départ d Élisabeth-Pol.—Mengatchaour. – Passage du Kour. – Tchamais.— Nouveau Chamakhie. – Vieux Chamakhie. – Son ancien commerce. – O bservations sur la forteresse de Fitag. – Marazy, village ruiné. – Caravansérail-Arbat. – Arrivée à Bakou. (p. 263).

    CHAPITRE XII. Description de Bakou. – Revenu de l’ancien kan.—Prise de cette ville sous le général Titianoff. – Pêche des phoques. – Production du kanat de Bakou. – Manière de conserver le safran. – Ferme de la naphte. – Quantité qu’on en retire.— Feux de Bakou.— Détails statistiques sur ce kanat. – État du commerce. – Détails sur la mer Caspienne et sa navigation. – Chevaux Turcomans. – Développement dont le commerce de Bakou est susceptible. (p. 292).

    CHAPITRE XIII. Départ de Bakou.— Fours a chaux. – Kaliasi. – Dividje.— Dangers que présentent les pâturages de cette contrée pour les chevaux. – Kouba. – Détails sur cette ville. – Insalubrité de son climat. – Renseignements sur la population de Kouba. – Culture et productions de cette province. – Ziakour. – Sa population. – Aspect du pays. – Koular. – Le Zamour. – Arrivée à Derbent. (p. 317).

    CHAPITRE XIV. Opinions diverses sur la fondation de Derbent. – Productions du Daghestan. – Description d une maison persane. – Détails statistiques sur Derbent. – Départ de cette ville. – Convoi et escorte. – Bereckey. – Bonne réception dans cette bourgade. – Kayayoute. – Bousinac. – Aspect du pays. – Visite des deux fils du tchamkal de Tarkou, et de leur gouverneur.— Arrivée à Tarkou. (p. 335).

    CHAPITRE XV. Bonne réception chez le tchamkal de Tarkou. – Description de sa capitale. – Repas au château. – Départ de Tarkou. – Aspect du pays entre Tarkou et Angiourle. – Arrivée dans cette bourgade. – Réflexions sur le chemin le long de la mer Caspienne. – Le Soulak. – Forteresse et village de Kasiourte. – Réception du Scheffy.—Escorte qu’il nous donne. – Peuples industrieux du Caucase.— Rencontre d’une horde de Calmouks. – Description de leurs tentes. – Arrivée à la quarantaine de Natchivan. – Passage du Terek. – Arrivée â Kizlar. (p. 350).

    CHAPITRE XVI. Description de Kizlar. – Progrès du commerce des Arméniens de cette ville. – Vignes, mûriers. – Terre de madame Taroumoff. – Mode de culture. – Moyens de transport de Kizlar à Astrakhan. – Départ de Kizlar. – Mauvais chemins.— Rencontre d’une tribu nomade. – Remarque sur les steppes. – Difficulté du passage du lac Beloï. – Arrivée à Astrakhan. (p. 379).

    CHAPITRE XVII. Arrivée à Astrakhan. – Description de cette ville. – Population. – Russes. – Tartares. – Persans. – Hindous. – Calmouks. – Détails sur ce peuple. – Arméniens. – Turcomans. – Boukbares. – Marins de la flotte. – Garnison. – Cultes divers. – Anglais de la société Biblique. (p. 394).

    CHAPITRE XVIII. Climat. – Hôpitaux. – Arsenal de la marine. – Culture. – Pèche du Wolga. – Ancienneté du commerce d’Astrakhan. – Avantages de la position de cette ville. – Détails sur la navigation de la mer Caspienne. – Voyage de quatre marchands du golfe Persique à Astrakhan. – Bateaux en usage sur le Wolga. – Mesures fiscales qui ont nui au commerce avec la Perse. – Dispositions prises par Picrrele – Grand pour attirer le commerce dans ses États. – Départ d’Astrakhan pour Taganrog et Pétersbourg. (p. 423).

    PIÈCES JUSTIFICATIVES.

    N° 1. Des poids et mesures. (p. 445).

    N°2. Extrait d’un ukase de Sa Majesté l’Empereur Alexandre Ier, du 10 mars 1817. (p. 460).

    N°3. Itinéraire de Moscou à Kiakhta, aux frontières de la Chine. (p. 462).


    N. B. : numérisation : BnF (Bibliothèque nationale de France) ; livre issu des collections de : BnF ; téléchargé depuis : gallica.bnf.fr.

    HISTOIRE — (++) —


    TABLE de l'« ATLAS » de Voyage dans la Russie méridionale… :

    « CARTES, COSTUMES ET POINTS DE VUE, contenus dans cet atlas. »

    « 1. Carte de l'Abazie, de la Mingrelie et de l'Immirétie.
    2. Vue de Sébastopol, prise de l'entrée du port.
    3. Vue du promontoire, près du monastère Saint-George.
    4. Vue de la ville de Kertch, l'ancienne Panticapée.
    5. Vase provenant des fouilles de Kertch.
    6. Vue des bords du Kouban, prise de la quarantaine d'Egorlick.
    7. Vue de la forteresse de Soukoum-Kalé.
    8. Prince circassien.
    9. Circassien en costume de guerre.
    10. Circassien.
    11. Jeune Fille circassienne.
    12. Abaze.
    13. Bateau abaze.
    14. Vue de la forteresse de Redoute-Kalé, en Mingrelie.
    15. Mingrelien, marchand de raisin.
    16. Princesse de Mingrelie.
    17. Jeune Femme mingrelienne.
    18. Mingrelien.
    19. Monastère de Gaelaeth, près de Cotaïs.
    20. Ruines de la cathédrale de Cotaïs.
    21. Cathédrale de Cotais.
    22. Point de vue du Phase.
    23. Vue d'une forteresse du canton de Radscha, en Immirette.
    24. Vue d'une forteresse des frontières de l'Immirette et de la Turquie.
    25. Ruines d'un bain d'eaux sulfureuses, aux frontières du pachalick d Akhaltzikhe.
    26. Carte du confluent du Phase ou Rion et de la Quirila.
    27. Prince immirétien.
    28. Vue d'une Église en Immirette, près Cotais.
    29. Armes et instruments aratoires en usage en Immirette.
    30. Vue du mont Elbourous,prise de Georgievsk.
    31. Vue du Kasbek, une des cimes du Caucase, prise de Mozdok.
    32. Animaux du Caucase.
    33. Vue de Tiflis.
    34. Prince géorgien.
    35. Marchand arménien.
    36. Princesse géorgienne en parure.
    37. Femme géorgienne.
    38. Jeune Fille géorgienne.
    39. Danse de jeunes Géorgiennes à Tiflis.
    40. Carte du cours de l'Yora et de l'Alazane.
    41. Ghessoury, près des montagnes des Lesguines ou Lesghis.
    42. Kroarelinitz, district de Telav.
    43. Lesguine ou Lesghis.
    44. Vue de Souram, en Kartalinie.
    45. Tartare nomade des frontières de Perse.
    46. Khurde des frontières de la Perse et de la Géorgie.
    47. Soldat persan, exercé à l'européenne.
    48. Seigneur persan.
    49. Princesse persane.
    50. Persane d'un harem.
    51. Esclave persane.
    52. Persane d'un harem.
    53. Persane d'un harem.
    54. Persane d'un harem.
    55. Bayadère persane.
    56. Vases en usage en Perse.
    57. Femme tartare d'Élisabeth-Pol.
    58. Tartare des environs de Schoumacki,
    59. Bayadère tartare de Schoumacki.
    60. Tartare du Chirvan. »


     

    Vue de Sébastopol, prise de l'entrée du port. extraite de : Gamba - Voyage en Russie Méridionale - Atlas (1826) - Planche 2.

    L'illustration de ce paragraphe est extraite de :
    GAMBA, J.-F. Voyage dans la Russie méridionale. ATLAS. Paris : J. Trouvé, 1826.
    Il s'agit de la planche  2 de l'Atlas, qui comprend des « cartes, des costumes et des points de vue » ;
    cette illustration figure à la page 16 du fichier PDF que nous présentons ci-dessus.

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  • Auteur, traducteur : V. Scheil.
  • N. B. : numérisation : Univ. of Ottawa, Univ. of Toronto ; livre issu des collections de : University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org.

    HISTOIRE - TRADUCTION — (+++++) —


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