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— LIED — (+++++) —
Un court texte, un Lied, extrait de : Faust.
Faust, viel homme, philosophe fort savant, cherche à aboutir à la Connaissance absolue, à découvrir l'essence même des choses, du monde, la Vérité. Toute sa science se révèle vaine dans sa démarche. Il rencontre Méphistophélès. Ce démon est en mesure de l'aider, mais le prix à payer pour obtenir cette aide se révèle exorbitant…
Le Faust, au sein de son abondante matière, comprend trois Lieder. Ce Lied, « Ein König in Thule », est celui que chante à un moment de l'action l'un des personnages, Marguerite, ingénue, pure et avenante jeune femme que convoitera et, avec le concours de Méphistophélès, séduira Faust. Faust connaîtra le bonheur auprès de Marguerite mais il la délaissera, l'abondonnera, ainsi que l'enfant qu'elle lui aura donné. Marguerite accablée, désespérée, tuera son enfant. Elle sera pour cela condamnée à mort…
N. B. : la vie de J. Faust, médecin, astrologue, ayant vécu à la fin du quinzième, au début du seizième siècle, a pris très tôt (dès la seconde moitié du seizième siècle) un caractère légendaire. Ce personnage inspira différents auteurs en matière littéraire, dans le domaine musical, ou, plus récemment, cinématographique : Goethe, Marlowe, Berlioz, Gounod, Murnau…
Nous vous présentons le Lied en langue allemande, puis deux traductions du texte en français (l'une de Gérard de Nerval, l'autre d'Émile Raudrac du Bray).
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— ESSAI - CONTES — (+++++) —
Cet ouvrage, relativement concis, comporte trois parties.
La première partie se composent de trois chapitre tirés de : Contes allemands du temps passé extraits des recueils des frères Grimm, et de Simrock, Bechstein, Franz Hoffmann, Musæus, Tieck, Schwab, Winter, etc. Avec la légende de Loreley. Traduits par Félix Frank et E. Alsleben. Et précédés d'une introduction par Éd. Laboulaye, de l'Institut. Deuxième édition. Paris : Librairie académique Didier et Cie, 1870. Ces trois chapitres sont intitulés : le premier Notice sur la légende de Lorely et sur l'esprit de féérie en Allemagne et en France, le deuxième Loreley, le troisième Appendice (où l'on pourra lire un commentaire de Gérard de Nerval qu sujet de la « Lorely ou Lorelei, la fée du Rhin », une traduction du poème de H. Heine en vers, une autre littérale, en prose [l'une et l'autre par Félix Frank], et le texte original du poème, en allemand).
La deuxième partie se compose des textes, en langue allemande, des célèbres poèmes dont les titres suivent, Die Lorelei (Heinrich Heine), Ein König in Thule (Johann Wolfgand von Gœthe), Erlkönig (Johann Wolfgand von Gœthe), Erlkönig Tochter (Johann Gottfried Herder), et d'un poème en langue française d'une inspiration proche de celle des textes précédents, Les Elfes (Charles Leconte de Lisle), mais aussi de traductions en français de ces textes.
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— ESSAI — (+++++) —
Extrait du prologue (intitulé Brillat-Savarin) de cette édition :
« Un critique spirituel, et alors très en vogue, Hoffman, publia sur ce livre un de ces piquants articles comme il les savait faire. Dès lors l'éveil fut donné, et tout le monde voulut lire la Physiologie du goût, si plaisammment analysée par Hoffman. Nous ne saurions mieux faire que de donner ici quelques échantillons de ce joli article, publié dans le Journal des Débats, en ce temps-là le plus littéraire des journaux :
« […]
« J'éprouve un grand embarras en écrivant cet article : je crains qu'on ne confonde le livre que j'annonce avec ceux de tous les marmitons qui ont écrit sur l'art culinaire… Non, il n'y a aucune analogie entre l'auteur des Méditations gastronomiques et tous les faiseurs de daubes et de hochepots. Non, ni l'ignoble Cuisinière bourgeoise, ni le prétendu Parfait cuisinier, ni le Cuisinier royal de MM. Viard et Fouret, hommes de bouche, ni le Cuisinier anglais, etc., etc., n'approchent pas plus de mon savant anonyme qu'un membre de l'Institut ne ressemble à un magister de village.
« L'auteur de ce livre divin est un homme du monde à qui aucune science, aucun art ne sont étrangers : il parle presque toutes les langues de l'Europe, et possède parfaitement les langues savantes » […] « il fait des vers, compose de la musique, et des sommités de la science il daigne quelquefois descendre jusqu'à la chanson bachique et aux petits vers de société. Pour le bonheur du genre humain, il fait l'application de toutes ces connaissances à la cuisine.
« […]
« Douze ou quinze ans après la publication du piquant article d'Hoffman, un écrivain appartenant à une tout autre famille littéraire, Balzac, qui avait fait, à l'imitation de Brillat-Savarin, mais lourdement et sans charme, une Physiologie du mariage, trop malséante pour rivaliser avec la Physiologie du goût, parla de l'illustre gastronome avec beaucoup de verve et d'esprit. Quelques passages de cette appréciation originale méritent d'être conservés, et nos lecteurs les retrouveront ici avec plaisir :
« […]
« Le mérite de la Physilologie du goût était donc réel et incontestable. Elle devait plaire aux gens de haut goût par le vis comica, si rare à notre époque, où la littérature à image l'emporte sur la littérature à idées, où la phrase empiète sur la pensée ; puis elle devait plaire à la masse par l'élégante nouveauté de quelques faits, par quelques anecdotes d'élite, par une variété qui fait du livre une olla podrida qui défie l'analyse, enfin par une des plus originales dispositions de texte qu'un auteur ait jamais trouvées. »
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— ESSAI — (++++) —
En guise de présentation de cet ouvrage nous vous proposons la lecture d'un texte bref relatif à ce qu'il nous est permis de savoir, et de raisonnablement supputer, concernant l'histoire de l'énigmatique papesse Jeanne : voyez ci-dessous l'ouvrage intitulé NOTES SUR LA PAPESSE JEANNE…
— ESSAI — (++) —
Ce texte, Notes sur la papesse Jeanne, vers lequel pointe le lien ci-dessus, vous est proposé en téléchargement au format PDF ; mais il vous est possible toutefois de lire ce texte (cf . infra) sans le télécharger, au format HTML géré directement par votre navigateur… En effet ce texte est repris ci-dessous :
NOTES SUR LA PAPESSE JEANNE
Auteur : P. Imelrieck d'Aurrac
Copyright © Patrick Émile Carraud, 2007
La papesse Jeanne n'aurait eu qu'une existence légendaire. Elle fut néanmoins le sujet de croyances un temps solidement établies, croyances à la fois populaires, et officielles au moins trois siècles durant (du milieu du XIIIe au milieu du XVIe siècles).
Au motif de cette croyance officielle apparurent même au sein de l'Église catholique, et un rite, et un objet liturgique. Voici à propos de ces points précis quelques brefs éclaircissements. Le rite va consister, selon une certaine procédure, en une vérification de l'appartenance au sexe masculin d'un nouveau pape ; c'est-à-dire, consister à vérifier concrètement, physiquement, qu'un nouveau pape possède bien les attributs virils. Pour ce faire un sédile d'un type tout particulier (qu'un auteur du XVe siècle, Platina, nomme « sella stercoraria ») fut conçu et utilisé : il consistait en un trône percé permettant à un officiant chargé tout spécialement de cette fonction de procéder manuellement à cette vérification.
Au XVe siècle, Platina, l'auteur déjà cité un peu plus haut, précise en achevant la rédaction de ce qu'il connaît de la légende de la papesse Jeanne : « Hæc quæ dixi vulgo ferentur, incertis tamen et obscursis auctoribus… erremus etiam nos hâc in re cum vulgo… » (c'est-à dire : « tout ce qui a été dit a cours dans le peuple, mais appuyé sur des auteurs frivoles et obscurs, et sur ce sujet nous errons comme le vulgaire »).
Voici, en substance, ce que nous conte cette légende.
Au milieu du IXe siècle une certaine Jeanne, anglaise d'origine, mais vivant à Mayence, entra sous l'habit d'homme au monastère de Fulde pour y faire ses études. Encore adolescente, elle accompagna, toujours travestie en homme, son amant à Athènes. Elle poursuivit ses études, et se montra fort brillante dans les différentes sciences. Ensuite, toujours avec son amant, et sans quitter l'habit masculin, elle vint à Rome où elle enseigna les arts littéraires (trivium) à d'importants personnages. Acquérant par une conduite que l'on jugeait exemplaire et l'étendue de son savoir une grande réputation elle accéda bientôt, par l'élection, à la papauté. Son règne aurait duré deux ans et demi, environ. Mais, par les œuvres de son compagnon, dont elle partageait toujours la couche, un jour elle se trouva enceinte. Faute d'avoir pu déterminer avec suffisamment de précision la date, le moment de l'accouchement, elle fut saisie des douleurs de l'enfantement lors d'une procession cérémonielle (celle des Rogations selon certains auteurs) entre la basilique Saint-Pierre et le palais du Latran ; plus précisément entre le Colisée et l'église Saint-Clément, au milieu de la rue Saint-Jean de Latran. Elle mourut de ces couches inopinées ; et fut ensevelie sur le lieu même du fatal accouchement.
Cet événement que ses successeurs jugeaient particulièrement odieux, aurait justifié la particularité du trajet que les papes empruntèrent ensuite au voisinage de l'église Saint-Clément en se rendant du Vatican au Latran, n'empruntant plus la rue Saint-Jean de Latran mais les rues adjacentes.
La papesse Jeanne ne fut pas inscrite dans les catalogues reprenant la liste officielle des successeurs de Saint-Pierre à la raison que son sexe, incompatible avec la fonction à laquelle elle était parvenue de facto, invalidait son élection.
On aurait, au lieu même de la mort de cette malheureuse Jeanne, apposé une plaque relatant le déplorable événement ; et aussi édifié une statue à l'effigie de cette papesse (selon Théodore de Niem).
La papesse Jeanne apparaît d'abord, du moins dans les documents qui nous sont aujourd'hui connus, en 1243, sous la plume de Jean de Mailly, un dominicain, puis une trentaine d'années plus tard dans les écrits (Le Miroir historial) de Vincent de Beauvais, un autre dominicain. Une vingtaine d'année après Le Miroir historial, un autre dominicain encore, Martin de Troppau (ou Le Polonais) dans le cours de la Chronique des Papes et Empereurs fait encore référence à la papesse, à laquelle il assure ainsi une réelle célébrité ; confirmée par l'apparition de la papesse dans un certain nombre d'exempla, notamment ceux d'Étienne de Bourbon et d'Arnold de Liège, eux-même dominicains…
Au début du XIVe siècle, dans son Histoire ecclésiastique, Tolommée de Lucques, dominicain lui aussi, attribue aux papes un « numéro de règne », et aussi donc à la papesse Jeanne, incluse dans ses nomenclatures. La papesse Jeanne, qui aurait occupé le Saint-Siège après le décès de Léon IV, et que l'on nommait Jean l'Anglais, se voit ainsi promue au rang de cent septième pape, sous le nom de Jean VIII.
Vers le milieu du XIIe siècle le décret de Gratien, qui fonde le droit canon, rend l'accès aux fonctions sacerdotales tout à fait impossible aux femmes. Les dominicains, le lecteur qui possède quelques notions d'Histoire n'en sera pas surpris, tout autant zélés misogynes que zélés inquisiteurs (pour un sorcier, mille sorcières), ont pu cultiver, développer, accréditer une telle légende, un tel mythe, pour l'ériger enfin au rang de vérité pendant trois siècles, non pas, comme pourrait se laisser aller à le croire des esprits trop indulgents, pour signifier plus ou moins maladroitement quelque idéale confusion, égalité, relative, des sexes, mais bien pour manifester toute l'horreur qu'éprouve l'Église, les hommes d'Église, à l'égard d'une éventuelle « pollution du sacré par la femme ».
Vers la fin du XIIIe siècle des dominicains, principalement, toujours, Robert d'Uzès, Jacques de Voragines, notamment, diront toute la répugnance que leur inspire la papesse Jeanne, et, en critiquant cette femme, en viendront à développer sans ménagement une argumentation mettant en cause la nature même de la femme, nature rendant, selon eux, celle-ci incapable de conduire quelque grand dessein que ce soit sans faire montre de présomption, de bêtise et d'ignominie.
La légende de la papesse Jeanne fut portée par l'Église catholique au rang de vérité historique. Ensuite, l'histoire de la papesse, dès avant même la fin du XIVe siècle, cette vérité historique, fut par le jeu du temps, l'évolution des mentalités, puis la Réforme, critiquée, folklorisée, ramenée à l'état de fable, aux yeux de l'Église elle-même.
Aux XIXe et XXe siècles de bons catholiques romains, qui quelques centaines d'années plus tôt auraient jeté l'anathème contre qui aurait mis en doute la véracité de l'existence de la papesse, vouaient aux gémonies qui défendait l'existence historique du personnage…
« Qu'est-ce donc que la vérité ? » avait demandé Pilate au Nazaréen… La vérité est fluctuante, variable. Elle varie, des deux côtés d'une montagne, qu'il s'agisse des Pyrénées ou non. Elle varie selon les lieux, selon les époques, selon les modes, les dispositions intellectuelles, selon les dogmes dominants, le religieusement correct, le politiquement correct, le philosophiquement correct, selon les individus…
Souvent les légendes se construisent sur quelque élément tangible, sur des faits. Cet élément peut, ces faits peuvent se voir travestis, modifiés, amplifiés, par la relation qui en est faite, et l'histoire qui en découle s'envole d'elle-même, trouve alors en elle-même sa justification, trouve bientôt en elle-même motif à s'étoffer, à retenir davantage l'attention. La rumeur, le succès, les poètes, les auteurs l'enflent, lui donne l'attrait propre à séduire les foules, les humbles et les lettrés.
Quel fond de vérité se cache derrière la légende de la papesse. Une femme a-t-elle vraiment accédé au trône pontificale ? Ou plus simplement à la dignité d'évêque ou de prêtre ? Ou si ce Jean-Jeanne avait vraiment été un homme, d'abord, puis une femme ensuite… Peut-être s'agit-il là, après tout de l'un de ces rares, mais possible cas de transsexualisme naturel, ou de bisexualisme…
Quoiqu'il en soit, plus de onze siècles après l'époque supposée de son règne éphémère, la papesse se révèle toujours plus ou moins présente dans les mentalités occidentales. Après avoir lu ces lignes, les lecteurs d'un certain âge se souviendront peut-être avec émotion, au moins en considération de leur jeunesse enfuie, avoir vu en 1974 le film de Michael Anderson, « Jeanne, la Papesse du Diable », où Liv Ulmann incarne la papesse Jeanne…
Copyright © Patrick Émile Carraud, 2007
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— ESSAI - LÉGENDES - MYTHES - FOLKLORE - CHRISTIANISME — (+++++) —
Un essai où Collin de Plancy, champion du catholicisme, s'efforce de faire valoir le point de vue selon lequel les « esprits » peuplent non seulement « l'autre-monde », mais également ce si bas monde-ci.
L'auteur se livre essentiellement dans cet ouvrage à un compendium de mythes issus du vieux fond culturel populaire européen et recueillis par divers folkloristes, mais aussi à une défense du monothéisme chrétien et catholique.
Le lecteur, qui, manquant de courage, voudra entrer au plus tôt dans le vif du sujet, pourra commencer sa lecture au chapitre II (Les Klabbers, esprits du foyer) ; toutefois il perdra ainsi le bénéfice de la consultation d'un véritable « morceau de bravoure » qui n'est pas sans intérêt, et par maints aspects, à notre sens, digne d'un Jules Barbey d'Aurevilly lui-même…
N. B. : numérisation : Library of Congress ; téléchargé depuis : archive.org.
— DICTIONNAIRE - MYTHOLOGIE - RELIGION - SUPERSTITION - SORCELLERIE — (++++) —
N. B. : numérisation : Internet Archive – Wellcome Library ; téléchargé depuis : archive.org.
— ESSAI - LÉGENDES - RELIGION - SUPERSTITION — (++++) —
Extrait de la Première partie, Chapitre premier, p. 1-4 :
« Ce qu’il y a de plus étonnant dans l’histoire des Vampires, c’est qu’ils ont partagé avec nos grands philosophes l’honneur d’étonner le 18e siècle ; c’est qu’ils ont épouvanté la Lorraine, la Prusse, la Silésie, la Pologne, la Moravie, l’Autriche, la Russie, la Bohême et tout le nord de l’Europe, pendant que les sages de l’Angleterre et de la France renversaient d’une main hardie et sûre les superstitions et les erreurs populaires.
« Chaque siècle, il est vrai, a eu ses modes ; chaque pays, comme l’observe D. Calmet, a eu ses préventions et ses maladies ; mais les Vampires n’ont point paru avec tout leur éclat dans les siècles barbares et chez des peuples sauvages ; ils se sont montrés au siècle des Diderot et des Voltaire, dans l’Europe, qui se dit civilisée.
« Et tandis que ces spectres désolaient le Nord, le Midi exorcisait les possédés ; l’Espagne et l’Italie condamnaient des sorciers ; Paris assistait aux convulsions du cimetière Saint-Médard. On a donné le nom d’upiers, oupires, et plus généralement vampires, à « des hommes morts depuis plusieurs années, ou du moins depuis plusieurs mois, qui revenaient en corps et en âme, parlaient, marchaient, infestaient les villages, maltraitaient les hommes et les animaux, suçaient le sang de leurs proches, les épuisaient, et enfin leur causaient la mort (1). On ne se délivrait de leurs dangereuses visites et de leurs infestations qu’en les exhumant, les empalant, leur coupant la tête, leur arrachant le cœur ou les brûlant. — Ceux qui mouraient sucés devenaient Vampires à leur tour. » »
Note n°1 (du bas de la page 3) :
« (1) C’est la définition qu’en donne D. Calmet. »
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— NOUVELLE — (+++++) —
Une nouvelle dont nous vous proposons le texte original en anglais et une traduction en français.
Sont contés au cours des pages de cette nouvelle les démélés d'un enfant malade, délicat à tout le moins, avec une cousine, sa tutrice, qui l'opprime, s'ingénie à le contrarier, à lui imposer des mesures vexatoires.
L'enfant se réfugie dans son monde imaginaire ; et ainsi lui est-il permis dans une certaine mesure de résister à l'oppression sournoise dont il est victime.
Mais bientôt son monde imaginaire prend de plus en plus de place dans sa vie, et triomphe totalement, brutalement de l'adversité qui jusque-là l'accablait.
Une nouvelle entre horreur douce et fantastique (presque). Parions que le lecteur de cette nouvelle s'en souviendra longtemps, que longtemps ses deux petits personnages principaux occuperont une place toute particulière dans son esprit…
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« Quand on me demande comment j'ai pu, pendant une aussi longue période, lire presque exclusivement un seul auteur, ma réponse est toujours la même : en lisant et relisant Nietzsche, je n'ai jamais eu l'impression de déserter mon époque pour m'égarer à la fin du XIXe siècle. J'aurais été absolument incapable de lire pendant autant d'années Platon ou Hegel. J'ai pu le faire avec Nietzsche parce que je n'ai jamais eu l'impression avec lui de quitter la fin du XXe siècle. Si Nietzsche est à la hauteur de notre temps, il est, à bien des égards, très en avance sur notre époque. Ses interrogations, ses remises en question, ses critiques et ses espérances, regardent non seulement en avant de lui, mais encore très en avant de nous. »
In : GRANAROLO, Philippe. En chemin avec Nietzsche. Paris : L’Harmattan, 2018, 254 p. (Collection : La Philosophie En Commun). P. 10.
« Le Zarathoustra dont on a souvent — au mépris des allégations de l’auteur lui-même — méconnu la portée philosophique, se révèle être au final une œuvre aussi riche (sinon plus) par sa forme que par ses contenus. Les signifiances discursives mises au jour nous révèlent une philosophie qui se questionne jusque dans les modalités de son « dire », interrogeant un discours millénaire, fréquemment aveugle à lui-même, dans lesquels elle refuse de s’inscrire tacitement. La vérité est et reste tributaire du discours sur la vérité qui entend la révéler. Derrière le résultat inquestionné que pourvoit l’histoire épiphanique de la vérité et de l’être, Nietzsche sonde les sources, il ressaisit les genèses et les dynamiques qui agitent les profondeurs d’un discours dont on n’a voulu voir que la surface. C’est bien d’une refonte qu’il faut parler, une refonte qui engage, pourrait-on presque dire, l’onto- et la phylogenèse de l’œuvre, du discours générique et individuel qui la porte et lui donne forme et corps dans une langue. Plus qu’un « donné » abouti, Zarathoustra est montré comme un procès en marche, en prise constante avec ce dont il n’est ni plus ni moins qu’une manifestation fluctuante et adventice : la vie.
« Mais le Zarathoustra comporte un autre versant, finalement complémentaire du premier : si la plupart des ouvrages philosophiques se veulent des sommes de « savoir », le Zarathoustra apparaît, lui, comme le « livre du vouloir ». Le vouloir est partout, dans et autour de Zarathoustra. Il se reflète bien sûr dans la thématique (surhomme, éternel retour, volonté de puissance), dans la configuration interne de l’œuvre (récit en forme de parabole), dans les caractéristiques communicationnelles aussi bien en amont qu’en aval. Il se reflète dans la production, mais il se reflète aussi (et peut-être surtout) dans la réception (ou du moins dans la réception anticipée) de l’œuvre, œuvre qui est de part en part appel, appel à vouloir.
« L’exégèse nietzschéenne a beaucoup critiqué l’opacité théorique du Zarathoustra. Pourtant Zarathoustra fait partie des œuvres qui ont fait couler le plus d’encre. Ce simple constat illustre peut-être mieux que tout le reste ce que Nietzsche entendait faire et ne pas faire : mobiliser les énergies plutôt que grossir les savoirs. Dans ce contexte la philosophie de Nietzsche apparaît comme une philosophie de l’action, une philosophie de 1’« expérimentation », à la fois poussée jusque dans ses ultimes conséquences, et étonnamment cohérente avec elle-même. Manifestation de la vie, cette philosophie a pour vocation de retourner nourrir la vie et ses mille expériences1, en suscitant et en potentialisant ce qui la nourrit elle-même : le vouloir.
« Si comme Nietzsche l’affirmait lui-même, c’est toute sa philosophie qui est contenue dans le Zarathoustra, il ne faut nullement donner au verbe « contenir » le sens qu’il suggère de prime abord. Ici le texte, loin d’être simplement ce filet qui retient et conserve un sens préétabli et immuable, serait plutôt prétexte à tous les écarts, à toutes les greffes, à toutes les projections vers un extérieur de lui-même où il se dépasse. Par corollaire, ce texte ne peut être définitivement acquis ou compris, il est lui-même construit comme un appel à continuation où le vouloir du lecteur survivra à celui de l’auteur, empruntant parfois les mêmes routes que lui, parfois des chemins totalement divergents, pourvu que jamais ces chemins ne s’arrêtent, pourvu que jamais le vouloir ne cesse de se consumer. »
In : BOTET, Serge. La « Performance » philosophique de Nietzsche. Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2011, 88 p. (Collection : La Philosophie En Commun). P. 75-77 ; N. B. : nous ne reproduisons pas la note de bas de page du texte cité.
« Où que l’on cherche à les situer, Nietzsche comme Heidegger sont toujours déjà ailleurs, pour eux 1’« essentiel » n’est que le symptôme itinérant de la volonté forcenée des philosophes d’échapper à la fugacité et à la légèreté de l’être. Tout leur ouvrage fut sans doute de donner à la philosophie les visages les plus changeant, les plus imprévus, les plus éphémères, parfois aussi les plus insignifiants en apparence. À leurs yeux, ce qui importe le plus pour la philosophie se lit précisément dans ce qui importa le moins à ces autres philosophes qui, accablés par la pesanteur de l’être, ont cherché des siècles durant à graver sa vérité dans le granit, à le corseter définitivement dans leurs austères notions. Si les philosophes furent souvent parents des bâtisseurs de cathédrales, Nietzsche et Heidegger furent des pèlerins sans chapelle, n’aimant jamais que le périple aventureux, non les destinées toutes tracées où l’absolution attend au bout du chemin. Plus que des clés de voûte supportant l’édifice en faisant converger les forces vers un seul point, ils ont cherché l’ornement, l’arabesque, les lignes folles, nomades et divergentes qui regardent avidement au dehors, étirant irrésistiblement ces murs imposants vers les quatre points cardinaux, les ouvrant sans relâche au monde et au mouvement, bien loin des promesses de quiétude, des nostalgies et des retraites, toutes les « ataraxies déguisées » vers lesquels les philosophes avaient lorgné bien souvent, fût-ce à leur insu ou à leur corps défendant. »
In : BOTET, Serge. La « Performance » philosophique de Nietzsche. Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2011, 88 p. (Collection : La Philosophie En Commun). P. 82.
« En présentant aujourd’hui, dans son intégrité, au public français, le dernier écrit de Frédéric Nietzsche nous obéissons surtout à un devoir de piété. Durant les semaines qui précédèrent sa maladie une des préoccupations dominantes du philosophe fut, en effet, de voir Ecce Homo traduit dans notre langue. Il était las d’être méconnu dans sa propre patrie, las de prêcher sans cesse dans le désert. « J’ai mes lecteurs partout, écrivait-il alors, à Vienne, à Copenhague et à Stockholm, à Paris et à Saint-Pétersbourg, je n’en ai pas dans le pays plat de l’Europe, en Allemagne… » Il voulait faire appel à l’opinion du monde civilisé pour qu’elle décidât de son génie.
« Vingt ans se sont écoulés, presque jour pour jour, depuis que Nietzsche écrivit ce plaidoyer autobiographique qui devait faire connaître son nom à l’Europe. Commencé le 15 octobre 1888, quarante-quatrième anniversaire de sa naissance, Ecce Homo fut achevé, à peine trois semaines plus tard, le 4 novembre. Écrit, immédiatement après le Cas Wagner, le Crépuscule des Idoles, les Dithyrambes à Dionysos et l’Antéchrist, labeur formidable de quelques mois à peine, cet ouvrage reflète, à ses débuts, le sentiment de calme et de sérénité qui s’était emparé du philosophe à son arrivée à Turin. Divisé en quatre parties : Pourquoi je suis si sage — Pourquoi je suis si malin. — Pourquoi j’écris de si bons livres. — Pourquoi je suis une fatalité, il constitue, pour l’étude de Nietzsche, un document inappréciable. On y trouvera aussi bien l’analyse psychologique de son caractère qu’une interprétation des plus originales de son œuvre.
« « Il provoquera un étonnement sans pareil », disait-il dans une lettre à son éditeur, et, durant que l’on imprimait — car deux feuilles ont alors été composées — il se préoccupait déjà de trouver des traducteurs. « Je suis de votre avis que, pour le tirage d' Ecce Homo, nous ne dépassions pas 1000 exemplaires. En Allemagne le nombre de 1000, pour un ouvrage de style élevé, apparaîtra peut-être un peu hasardé. En France, je compte très sérieusement sur 80.000 à 40.000 exemplaires. » Hippolyte Taine lui avait recommandé M. Jean Bourdeau, mais celui-ci, après avoir pris connaissance des ouvrages que lui adressait Nietzsche, déclara qu’il n’avait pas le temps. Nietzsche conçut alors l’idée singulière de confier à l’écrivain suédois Auguste Strindberg le soin de traduire Ecce Homo en français.
« Avec la plus parfaite lucidité d’esprit il multipliait les démarches pour procurer à son œuvre la publicité qu’il croyait nécessaire et lui assurer le plus grand retentissement. En même temps il s’agissait de répandre ses autres ouvrages. Comme l’apparition du Cas Wagner venait de le brouiller avec son principal éditeur, il songeait à s’aventurer dans une entreprise commerciale pour lancer lui-même ses publications. Le succès des dernières années a montré qu’il n’avait pas fait un si mauvais calcul. Faut-il autre chose que ce détail, d’apparence insignifiante, pour montrer que jusqu’à la catastrophe finale Nietzsche avait conservé toute sa lucidité d’esprit ?
« Sans conteste, Ecce Homo porte, en certains endroits, les traces d’une nervosité excessive. Mais il faut se rappeler ce que cet homme avait souffert, ce que cet homme avait pensé, ce que cet homme avait écrit, pour comprendre cette exaltation. N’oublions pas un seul instant que c’est l’auteur de Zarathoustra qui parle. L’un des plus beaux livres de la littérature s’était perdu dans le silence…
« « Depuis l’époque où j’ai mon Zarathoustra sur la conscience, écrivait Nietzsche à son ami Overbeck, je suis comme une bête perpétuellement blessée, ma blessure consiste en ceci que je n’ai pas entendu une seule réponse, pas même un souffle de réponse… Ce livre est tellement à l’écart, je veux dire tellement au delà de tous les livres, que c’est pour moi une torture de l’avoir créé… »
« Et plus loin il ajoutait :
« « La difficulté de trouver une distraction qui soit assez forte devient de plus en plus grande. Je me défends, comme bien tu penses, avec beaucoup d’ingéniosité, contre cet excès de sentiments. Mes derniers livres font partie de ces moyens de défense. Ils sont plus passionnés que tout ce que j’ai écrit d’autre. La passion engourdit. Elle me fait du bien. Elle me fait oublier un peu… »
« Nous n’avons pas à examiner ici pourquoi Ecce Homo, dont l’impression était commencée en 1888, attendit vingt ans pour voir le jour. Le tirage restreint (déjà épuisé du reste) qui vient d’en être fait en Allemagne peut, à la rigueur, correspondre aux dernières volontés exprimées par Nietzsche.
« Quant à nous, nous ne croyons pas devoir nous en tenir aux mêmes réserves. Nous offrons cet ouvrage au public français, c’est-à-dire à ce public européen que le philosophe voulait appeler à témoigner en sa faveur, et nous avons confiance en son jugement. »
« H. A. »
In : ALBERT, Henri. Ecce Homo – Comment on devient ce que l’on est : « Introduction ». Mercure de France, 16-XI-1908, p. 196-197. (p. 1-2 du fichier PDF de la traduction française de « Ecce Homo — Comment on devient ce que l’on est » de F. Nietzsche, que nous vous proposons sur notre site ; intégralité de l’« Introduction » de Henri Albert).
N. B. : numérisation : Internet Archive - University of Toronto ; téléchargé depuis : archive.org ; nous avons, afin d'améliorer la lisibilité de l'ouvrage, augmenté le contraste et diminué la luminosité des pages de texte, puis procédé à un traitement du fichier par logiciel d'« o.c.r. ».
— ESSAI - FABLE - PHILOSOPHIE — (+++++) —
Observations :
— postfaces d'Elisabeth Förster-Nietzsche et de Peter Gast.
— à la suite des postfaces se trouve un Rapport philologique (« Philologischer Nachbericht ») d'Elisabeth Förster-Nietzsche.
— en fin de volumes se trouve un Tableau comparatif des différentes éditions d'« Ainsi parlait Zarathustra » (« Vergleichende Seiten-Tafel der verschiedenen Ausgaben von „Also sprach Zarathustra“ »).
Extrait de : « Nietzsche’s Werke. Erste Abtheilung. Band VI. Also sprach Zarathustra – Ein Buch für Alle und Keinen » ; « Zarathustra’s Vorrede » (sections 1 et 2), p. 9-12 :
„1.
„Als Zarathustra dreissig Jahr alt war, verliess er seine Heimath und den See seiner Heimath und gieng in das Gebirge. Hier genoss er seines Geistes und seiner Einsamkeit und wurde dessen zehn Jahre nicht müde. Endlich aber verwandelte sich sein Herz, — und eines Morgens stand er mit der Morgenröthe auf, trat vor die Sonne hin und sprach zu ihr also:
„Du grosses Gestirn! Was wäre dein Glück, wenn du nicht Die hättest, welchen du leuchtest!
Zehn Jahre kamst du hier herauf zu meiner Höhle: du würdest deines Lichtes und dieses Weges satt geworden sein, ohne mich, meinen Adler und meine Schlange.
Aber wir warteten deiner an jedem Morgen, nahmen dir deinen Überfluss ab und segneten dich dafür.
Siehe! Ich bin meiner Weisheit überdrüssig, wie die Biene, die des Honigs zu viel gesammelt hat, ich bedarf der Hände, die sich ausstrecken.
Ich möchte verschenken und austheilen, bis die Weisen unter den Menschen wieder einmal ihrer Thorheit und die Armen wieder einmal ihres Reichthums froh geworden sind.
Dazu muss ich in die Tiefe steigen: wie du des Abends thust, wenn du hinter das Meer gehst und noch der Unterwelt Licht bringst, du überreiches Gestirn!
Ich muss, gleich dir, untergehen, wie die Menschen es nennen, zu denen ich hinab will.
So segne mich denn, du ruhiges Auge, das ohne Neid auch ein allzugrosses Glück sehen kann!
Segne den Becher, welcher überfliessen will, dass das Wasser golden aus ihm fliesse und überallhin den Abglanz deiner Wonne trage!
Siehe! Dieser Becher will wieder leer werden, und Zarathustra will wieder Mensch werden.“
— Also begann Zarathustra’s Untergang.“
„2.
„Zarathustra stieg allein das Gebirge abwärts und Niemand begegnete ihm. Als er aber in die Wälder kam, stand auf einmal ein Greis vor ihm, der seine heilige Hütte verlassen hatte, um Wurzeln im Walde zu suchen. Und also sprach der Greis zu Zarathustra:
„Nicht fremd ist mir dieser Wanderer: vor manchem Jahre gieng er hier vorbei. Zarathustra hiess er; aber er hat sich verwandelt.
Damals trugst du deine Asche zu Berge: willst du heute dein Feuer in die Thäler tragen? Fürchtest du nicht des Brandstifters Strafen?
Ja, ich erkenne Zarathustra. Rein ist sein Auge, und an seinem Munde birgt sich kein Ekel. Geht er nicht daher wie ein Tänzer?
Verwandelt ist Zarathustra, zum Kind ward Zarathustra, ein Erwachter ist Zarathustra: was willst du nun bei den Schlafenden?
Wie im Meere lebtest du in der Einsamkeit, und das Meer trug dich. Wehe, du willst an ’ s Land steigen? Wehe, du willst deinen Leib wieder selber schleppen?“
Zarathustra antwortete: „Ich liebe die Menschen.“
„Warum, sagte der Heilige, gieng ich doch in den Wald und die Einöde? War es nicht, weil ich die Menschen allzu sehr liebte?
Jetzt liebe ich Gott: die Menschen liebe ich nicht. Der Mensch ist mir eine zu unvollkommene Sache. Liebe zum Menschen würde mich umbringen.“
Zarathustra antwortete: „Was sprach ich von Liebe! Ich bringe den Menschen ein Geschenk.“
„Gieb ihnen Nichts, sagte der Heilige. Nimm ihnen lieber Etwas ab und trage es mit ihnen — das wird ihnen am wohlsten thun: wenn es dir nur wohlthut!
Und willst du ihnen geben, so gieb nicht mehr als ein Almosen, und lass sie noch darum betteln!
„Nein, antwortete Zarathustra, ich gebe kein Almosen. Dazu bin ich nicht arm genug.“
Der Heilige lachte über Zarathustra und sprach also: „So sieh zu, dass sic deine Schätze annehmen! Sie sind misstrauisch gegen die Einsiedler und glauben nicht, dass wir kommen, um zu schenken.
Unsre Schritte klingen ihnen zu einsam durch die Gassen. Und wie wenn sie Nachts in ihren Betten einen Mann gehen hören, lange bevor die Sonne aufsteht, so fragen sie sich wohl: wohin will der Dieb?
Gehe nicht zu den Menschen und bleibe im Walde! Gehe lieber noch zu den Thieren! Warum willst du nicht sein wie ich, — ein Bär unter Bären, ein Vogel unter Vögeln?“
„Und was macht der Heilige im Walde?“ fragte Zarathustra.
Der Heilige antwortete: „Ich mache Lieder und singe sie, und wenn ich Lieder mache, lache, weine und brumme ich: also lobe ich Gott.
Mit Singen, Weinen, Lachen und Brummen lobe ich den Gott, der mein Gott ist. Doch was bringst du uns zum Geschenke?“
Als Zarathustra diese Worte gehört hatte, grüsste er den Heiligen und sprach: „Was hätte ich euch zu geben! Aber lasst mich schnell davon, dass ich euch Nichts nehme!“— Und so trennten sie sich von einander, der Greis und der Mann, lachend, gleichwie zwei Knaben lachen.
Als Zarathustra aber allein war, sprach er also zu seinem Herzen: „Sollte es denn möglich sein! Dieser alte Heilige hat in seinem Walde noch Nichts davon gehört, dass Gott todt ist!“—“
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Observations :
— texte imprimé en caractères GOTHIQUES.
— préface et postface d'Elisabeth Förster-Nietzsche.
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Extraits n°1 ; extrait de : « Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche publiées sous la direction de Henri Albert. Ainsi parlait Zarathoustra – Un livre pour tous et pour personne » ; « Le Prologue de Zarathoustra » (sections 1 et 2), p. 7-11 :
« 1
« Lorsque Zarathoustra eut atteint sa trentième année, il quitta sa patrie et le lac de sa patrie et s’en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s’en lassa point durant dix années. Mais enfin son cœur se transforma, — et un matin, se levant avec l’aurore, il s’avança devant le soleil et lui parla ainsi :
« O grand astre ! Quel serait ton bonheur, si tu n’avais pas ceux que tu éclaires ?
Depuis dix ans que tu viens vers ma caverne : tu te serais lassé de ta lumière et de ce chemin, sans moi, mon aigle et mon serpent.
Mais nous t’attendions chaque matin, nous te prenions ton superflu et nous t’en bénissions.
Voici ! Je suis dégoûté de ma sagesse, comme l’abeille qui a amassé trop de miel. J’ai besoin de mains qui se tendent.
Je voudrais donner et distribuer, jusqu’à ce que les sages parmi les hommes soient redevenus joyeux de leur folie, et les pauvres, heureux de leur richesse.
Voilà pourquoi je dois descendre dans les profondeurs, comme tu fais le soir quand tu vas derrière les mers, apportant ta clarté au-dessous du monde, ô astre débordant de richesse !
Je dois disparaître ainsi que toi, me coucher, comme disent les hommes vers qui je veux descendre.
Bénis-moi donc, œil tranquille, qui peux voir sans envie un bonheur même sans mesure !
Bénis la coupe qui veut déborder, que l’eau toute dorée en découle, apportant partout le reflet de ta joie !
Vois ! cette coupe veut se vider à nouveau et Zarathoustra veut redevenir homme. » Ainsi commença le déclin de Zarathoustra.
« 2
« Zarathoustra descendit seul des montagnes, et il ne rencontra personne. Mais lorsqu’il arriva dans les bois, soudain se dressa devant lui un vieillard qui avait quitte sa sainte chaumière pour chercher des racines dans la forêt. Et ainsi parla le vieillard et il dit à Zarathoustra :
« Il ne m’est pas inconnu, ce voyageur ; voilà bien des années qu’il passa par ici. Il s’appelait Zarathoustra, mais il s’est transformé.
Tu portais alors ta cendre à la montagne : veux-tu aujourd’hui porter ton feu dans la vallée ? Ne crains-tu pas le châtiment des incendiaires ?
Oui, je reconnais Zarathoustra. Son œil est limpide et sur sa lèvre ne se creuse aucun pli de dégoût. Ne s’avance-t-il pas comme un danseur ?
Zarathoustra s’est transformé, Zarathoustra s’est fait enfant, Zarathoustra s’est éveillé : que vas-tu faire maintenant auprès de ceux qui dorment ?
Tu vivais dans la solitude comme dans la mer et la mer te portait. Malheur à toi, tu veux donc atterrir ? Malheur à toi, tu veux de nouveau traîner toi-même ton corps ? »
Zarathoustra répondit : « J’aime les hommes. »
« Pourquoi donc, dit le sage, suis-je allé dans les bois et dans la solitude ? N’était-ce pas parce que j’aimais trop les hommes ?
Maintenant j’aime Dieu : je n’aime point les hommes. L’homme est pour moi une chose trop imparfaite. L’amour de l’homme me tuerait. »
Zarathoustra répondit : « Qu’ai-je parlé d’amour ! Je vais faire un présent aux hommes. »
« Ne leur donne rien, dit le saint. Enlève-leur plutôt quelque chose et aide-les à le porter — rien ne leur sera meilleur : pourvu qu’a toi aussi cela fasse du bien !
Et si tu veux donner, ne leur donne pas plus qu’une aumône, et attends qu’ils te la demandent ! »
« Non, répondit Zarathoustra, je ne fais pas l’aumône. Je ne suis pas assez pauvre pour cela. »
Le saint se prit à rire de Zarathoustra et parla ainsi : « Tâche alors de leur faire accepter tes trésors. Ils se méfient des solitaires et ne croient pas que nous venions pour donner.
À leurs oreilles les pas du solitaire retentissent trop étrangement à travers les rues. Défiants comme si la nuit, couchés dans leurs lits, ils entendaient marcher, un homme, longtemps avant le lever du soleil, ils se demandent peut-être : Où se glisse ce voleur ?
Ne va pas auprès des hommes, reste dans la forêt ! Va plutôt encore auprès des bêtes ! Pourquoi ne veux-tu pas être comme moi, — ours parmi les ours, oiseau parmi les oiseaux ? »
« Et que fait le saint dans les bois ? » demanda Zarathoustra.
Le saint répondit : « Je fais des chants et je les chante, et quand je fais des chants, je ris, je pleure et je murmure : c’est ainsi que je loue Dieu.
Avec des chants, des pleurs, des rires et des murmures, je rends grâce à Dieu qui est mon Dieu. Cependant quel présent nous apportes-tu ? »
Lorsque Zarathoustra eut entendu ces paroles, il salua le saint et lui dit : « Qu’aurais-je à vous donner ? Mais laissez-moi partir en hâte, afin que je ne vous prenne rien ! » — Et c’est ainsi qu’ils se séparèrent l’un de l’autre, le vieillard et l’homme, riant comme rient deux petits garçons.
Mais quand Zarathoustra fut seul, il parla ainsi à son cœur : « Serait-ce possible ! Ce vieux saint dans sa forêt n’a pas encore entendu dire que Dieu est mort ! »
Extraits n°2 ; extrait de : « Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche publiées sous la direction de Henri Albert. Ainsi parlait Zarathoustra – Un livre pour tous et pour personne » ; « Les Discours de Zarathoustra », l'intégralité du discours intitulé : « De la Mort volontaire », p. 99-103.
« DE LA MORT VOLONTAIRE
« Il y en a beaucoup qui meurent trop tard et quelques-uns qui meurent trop tôt. La doctrine qui dit : « Meurs à temps ! » semble encore étrange.
Meurs à temps : voilà ce qu’enseigne Zarathoustra. Il est vrai que celui qui n’a jamais vécu à temps ne saurait mourir à temps. Qu’il ne soit donc jamais né ! — Voilà ce que je conseille aux superflus.
Mais les superflus eux-mêmes font les importants avec leur mort, et la noix la plus creuse prétend être cassée.
Ils accordent tous de l’importance à la mort : mais pour eux la mort n’est pas encore une fête. Les hommes ne savent point encore comment on consacre les plus belles fêtes.
Je vous montre la mort qui consacre, la mort qui, pour les vivants, devient un aiguillon et une promesse.
L’accomplisseur meurt de sa mort, victorieux, entouré de ceux qui espèrent et qui promettent.
C’est ainsi qu’il faudrait apprendre à mourir ; et il ne devrait pas y avoir de fête, sans qu’un tel mourant ne sanctifie les serments des vivants !
Mourir ainsi est la meilleure chose ; mais la seconde est celle-ci : mourir au combat et répandre une grande âme.
Mais haïe tant par le combattant que par le victorieux est votre mort grimaçante qui s’avance en rampant, comme un voleur — et qui pourtant vient en maître.
Je vous fais l’éloge de ma mort, de la mort volontaire, qui me vient puisque je veux.
Et quand voudrai-je ? — Celui qui a un but et un héritier, veut pour but et héritier la mort à temps.
Et, par respect pour le but et l’héritier, il ne suspendra plus de couronnes fanées dans le sanctuaire de la vie.
En vérité, je ne veux pas ressembler aux cordiers : ils tirent leurs fils en longueur et vont eux-mêmes toujours en arrière.
Il y en a aussi qui deviennent trop vieux pour leurs vérités et leurs victoires ; une bouche édentée n’a plus droit à toutes les vérités.
Et tous ceux qui cherchent la gloire doivent au bon moment prendre congé de l’honneur, et exercer l’art difficile de s’en aller à temps.
Il faut cesser de se faire manger, au moment où l’on vous trouve le plus de goût : ceux-là le savent qui veulent être aimés longtemps.
Il y a bien aussi des pommes aigres dont la destinée est d’attendre jusqu’au dernier jour de l’automne. Et elles deviennent en même temps mures, jaunes et ridées.
Chez d’autres le cœur vieillit d’abord, chez d’autres l’esprit. Et quelques-uns sont vieux dans leur jeunesse : mais quand on est jeune très tard, on reste jeune très longtemps.
Il y en a qui manquent leur vie : un ver venimeux leur ronge le cœur. Qu’ils tâchent au moins de mieux réussir dans leur mort.
Il y en a qui ne prennent jamais de saveur, ils pourrissent déjà en été. C’est la lâcheté qui les retient à leur branche.
Il y en a beaucoup trop qui vivent et trop longtemps ils restent suspendus à leur branche. Qu’une tempête vienne et secoue de l’arbre tout ce qui est pourri et mangé par le ver ?
Viennent les prédicateurs de la mort rapide ! Ce seraient eux les vraies tempêtes qui secoueraient l’arbre de la vie ! Mais je n’entends prêcher que la mort lente et la patience avec tout ce qui est « terrestre ».
Hélas ! vous prêchez la patience avec ce qui est terrestre ? C’est le terrestre qui a trop de patience avec vous, blasphémateurs !
En vérité, il est mort trop tôt, cet Hébreu qu’honorent les prédicateurs de la mort lente, et pour un grand nombre, depuis, ce fut une fatalité qu’il soit mort trop tôt.
Il ne connaissait encore que les larmes et la tristesse de l’Hébreu, ainsi que la haine des bons et des justes, — cet Hébreu Jésus : et voici que le désir de la mort le saisit à l’improviste.
Pourquoi n’est-il pas resté au désert, loin des bons et des justes ! Peut-être aurait-il appris à vivre et à aimer la terre — et aussi le rire !
Croyez-m’en, mes frères ! Il est mort trop tôt ; il aurait lui-même rétracté sa doctrine, s’il avait vécu jusqu’à mon âge ! Il était assez noble pour se rétracter !
Mais il n’était pas encore mûr. L’amour du jeune homme manque de maturité, voilà pourquoi il hait les hommes et la terre. Chez lui l’âme et les ailes de la pensée sont encore liées et pesantes.
Mais il y a de l’enfant dans l’homme plus que dans le jeune homme, et moins de tristesse : l’homme comprend mieux la mort et la vie.
Libre pour la mort et libre dans la mort, divin négateur, s’il n’est plus temps d’affirmer : ainsi il comprend la vie et la mort.
Que votre mort ne soit pas un blasphème sur l’homme et la terre, ô mes amis : telle est la grâce que j’implore du miel de votre âme.
Que dans votre agonie votre esprit et votre vertu jettent encore une dernière lueur, comme la rougeur du couchant enflamme la terre : si non, votre mort vous aura mal réussi.
C’est ainsi que je veux mourir moi-même, afin que vous aimiez davantage la terre à cause de moi, ô mes amis ; et je veux revenir à la terre pour que je trouve mon repos en celle qui m’a engendré.
En vérité, Zarathoustra avait un but, il a lancé sa balle ; maintenant, ô mes amis, vous héritez de mon but, c’est à vous que je lance la balle dorée.
Plus que toute autre chose, j’aime à vous voir lancer la balle dorée, ô mes amis ! Et c’est pourquoi je demeure encore un peu sur la terre : pardonnez-le-moi !
Ainsi parlait Zarathoustra. »
N. B. : numérisation : MSN - University of California ; téléchargé depuis : archive.org.
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Extrait de : "The Works of Friedrich Nietzsche. Vol. II. Thus Spake Zarathustra – A Book for All and None" ; "Zarathustra's Introductory Speech on Beyond-Man and the Last Man" (sections 1 et 2), p. 1-4 :
"1
"Having attained the age of thirty, Zarathustra left his home and the lake of his home and went into the mountains. There he rejoiced in his spirit and his loneliness and, for ten years, did not grow weary of it. But at last his heart turned, — one morning he got up with the dawn, stepped into the presence of the Sun, and thus spake unto him :
"Thou great star ! What would be thy happiness, were it not for those for whom thou shinest.
For ten years thou hast come up here to my cave. Thou wouldst have got sick of thy light and thy jour — ney but for me, mine eagle, and my serpent.
But we waited for thee every morning and, receiving from thee thine abundance, blessed thee for it.
Lo ! I am weary of my wisdom, like the bee that hath collected too much honey ; I need hands reaching out for it.
I would fain grant and distribute until the wise among men could once more enjoy their folly, and the poor once more their riches.
For that end I must descend to the depth : as thou dost at even, when, sinking behind the sea, thou givest light to the lower regions, thou resplendent star !
I must, like thee, go down, as men say — men to whom I would descend.
Then bless me, thou impassive eye that canst look without envy even upon over-much happiness !
Bless the cup which is about to overflow so that the water golden-flowing out of it may carry everywhere the reflection of thy rapture.
Lo ! This cup is about to empty itself again, and Zarathustra will once more become a man."
Thus Zarathustra's going down began.
"2
"Zarathustra stepped down the mountains alone and met with nobody. But when he reached the woods, suddenly there stood in front of him an old man who had left his hermitage to seek roots in the forest. And thus the old man spake unto Zarathustra :
"No stranger to me is the wanderer : many years ago he passed here. Zarathustra was his name ; but he hath changed.
Then thou carriedst thine ashes to the mountains : wilt thou to-day carry thy fire to the valleys ? Dost thou not fear the incendiary's doom ?
Yea, I know Zarathustra again. Pure is his eye, nor doth any loathsomeness lurk about his mouth. Doth he not skip along like a dancer ?
Changed is Zarathustra, a child Zarathustra became, awake is Zarathustra : what art thou going to do among those who sleep ?
As in the sea thou livedst in loneliness, and wert borne by the sea. Alas ! art thou now going to walk on the land ? Alas, art thou going to drag thy body thyself ?"
Zarathustra answered : "I love men."
"Why," said the saint, "did I go to the forest and desert ? Was it not because I loved men greatly over-much ?
Now I love God : men I love not. Man is a thing far too imperfect for me. Love of men would kill me."
Zarathustra answered : "What did I say of love ! I am bringing gifts to men."
"Why," said the saint, "did I go to the forest and desert ? Was it not because I loved men greatly over-much ?
Now I love God : men I love not. Man is a thing far too imperfect for me. Love of men would kill me."
Zarathustra answered : "What did I say of love ! I am bringing gifts to men."
"Do not give them anything," said the saint. "Rather take something from them and bear their burden along with them — that will serve them best : if it only serve thyself well !
And if thou art going to give them aught, give them no more than an alms, and let them beg even for that."
"No," said Zarathustra, "I do not give alms. I am not poor enough for that."
The saint laughed at Zarathustra and spake thus : "Then see to it that they accept thy treasures ! They are suspicious of hermits and do not believe that we are coming in order to give.
In their ears our steps sound too lonely through the streets. And just when during the night in their beds they hear a man going long before sunrise they sometimes ask : whither goeth that thief ?
Go not to men, but tarry in the forest ! Rather go to the animals ! Why wilt thou not be like me, a bear among bears, a bird among birds ?"
"And what doth the saint in the forest ?" asked Zarathustra.
The saint answered : "I make songs and sing them, and making songs I laugh, cry and hum : I praise God thus.
With singing, crying, laughing, and humming I praise that God who is my God. But what gift bringest thou to us ?"
Having heard these words Zarathustra bowed to the saint and said : "What could I give to you ! But let me off quickly, lest I take aught from you." — And thus they parted from each other, the old man and the man like two boys laughing.
When Zarathustra was alone, however, he spake thus unto his heart : "Can it actually be possible ! This old saint in his forest hath not yet heard aught of God being dead !"—"
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Observation :
— cf. infra extraits de traduction en français…
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Extrait de « Le Cas Wagner — Un Problème musical », p. 9-10 (les quatre premiers paragraphes de l’Avant-propos) :
« Je vais m’alléger un peu. Ce n’est pas par pure méchanceté que, dans cet écrit, je loue Bizet aux dépens de Wagner. J’avance, au milieu de beaucoup de plaisanteries, une chose avec quoi il n’y a pas à plaisanter. Tourner le dos à Wagner, ce fut une fatalité pour moi ; aimer quelque chose ensuite, une victoire. Personne n’a peut-être été mêlé à la « wagnérie » plus dangereusement que moi ; personne ne s’est défendu plus âprement contre elle ; personne ne s’est plus réjoui de lui échapper. C’est une longue histoire ! — Veut-on un mot pour la caractériser ? — Si j’étais moraliste, qui sait comment je l’appellerais ! Peut-être victoire sur soi-même. — Mais le philosophe n’aime pas les moralistes… il n’aime pas davantage les grands mots…
« Quelle est la première et la dernière exigence d’un philosophe vis-à-vis de lui-même ? Vaincre son temps et se mettre « en dehors du temps ». Avec qui devra-t-il donc soutenir le plus rude combat ? Avec ce par quoi il est l’enfant de son temps. Or çà ! je suis aussi bien que Wagner l’enfant de cette époque-ci, je veux dire un décadent : avec cette différence que je m’en suis rendu compte et que je me suis mis en état de défense. Le philosophe en moi protestait contre le décadent.
« Ce qui m’a le plus occupé, c’est, en vérité, le problème de la décadence,—j’ai eu mes raisons pour cela. La question du « bien » et du « mal » n’est qu’une variété de ce problème. Si l’on a vu clair sur les symptômes de la décadence on comprendra aussi l’essence de la morale, — on comprendra ce qui se cache sous ses noms les plus sacres et ses formules d’évaluation les plus saintes : la vie appauvrie, la volonté de périr, la grande lassitude. La morale est la négation de la vie… Pour accomplir une pareille tâche une discipline personnelle m’était nécessaire : — prendre parti contre tout ce qu’il y a de malade en moi, y compris Wagner, y compris Schopenhauer, y compris toute 1’« humanité » moderne. — Alors j’éprouvai un profond éloignement, un refroidissement et un désenchantement à l’égard de tout ce qui est temporel et de notre époque, et mon plus haut désir devint le regard de Zarathoustra, un regard qui embrasse d’une distance infinie le phénomène « homme », — et qui le voit au-dessous de lui… Un but pareil ! — quel sacrifice ne mériterait-il pas ? quelle « victoire sur soi-même » ? quelle « négation de soi » ?
« Le plus grand événement de ma vie fut une « guérison ». Wagner n’appartient qu’à mes maladies. »
Extrait de « Nietzsche contre Wagner — Pièces justificatives d’un psychologue » p. 90-91 :
« Déjà durant l’été de 1876, en pleine période des premières Fêtes de Bayreuth, je pris congé de Wagner. Je ne supporte rien d’équivoque ; depuis que Wagner était en Allemagne pas à pas il condescendait à tout ce que je méprise — même à l’antisémitisme… En effet, il était alors grand temps de prendre congé : j’en eus aussitôt la preuve. Richard Wagner, le plus victorieux en apparence, en réalité un décadent, caduc et désespéré, s’effondra soudain, irrémédiablement anéanti devant la sainte croix… Aucun Allemand n’avait-il donc alors d’yeux pour voir, de pitié dans la conscience, pour déplorer cet horrible spectacle ? Ai-je donc été le seul qu’il ait fait — souffrir ? — N’importe, l’événement inattendu me jeta une lumière soudaine sur l’endroit que je venais de quitter, — et me donna aussi ce frisson de terreur que l’on ressent après avoir couru inconsciemment un immense danger. Lorsque je continuai seul ma route je me mis à trembler. Peu de temps après je fus malade, plus que malade, fatigué, — fatigué par la continuelle désillusion au sujet de tout ce qui nous enthousiasmait encore, nous autres hommes modernes ; de la force, du travail, de l’esperance, de la jeunesse, de l’amour inutilement prodigués partout ; fatigué par dégoût de toute cette menterie idéaliste et de cet amollissement de la conscience, qui de nouveau l’avaient emporte sur l’un des plus braves ; fatigué enfin, et ce ne fut pas ma moindre fatigue, par la tristesse d’un impitoyable soupçon — je pressentais que j’allais être condamné désormais à me défier plus encore, à mépriser plus profondément, à être plus absolument seul que jamais. Car je n’avais eu personne que Richard Wagner… Je fus toujours condamné à des Allemands… »
EXTRAITS de : « Le Crépuscule des idoles »…
Extrait n°1 — p. 118-124 (« Le Crépuscule des idoles » ; extrait du chapitre intitulé « Le Problème de Socrate ») :
« 3.
« Socrate appartenait, de par son origine, au plus bas peuple : Socrate était de la populace. On sait, on voit même encore combien il était laid. Mais la laideur, objection en soi, est presque une réfutation chez les Grecs. En fin de compte Socrate était-il un Grec ? La laideur est assez souvent l’expression d’une évolution croisée, entravée par le croisement. Autrement elle apparaît comme le signe d’une évolution descendante. Les anthropologistes qui s’occupent de criminologie nous disent que le criminel-type est laid : monstrum in fronte, monstrum in animo. Mais le criminel est un décadent. Socrate était-il un criminel — type ? — Du moins cela ne serait pas contredit par ce fameux jugement physionomique qui choquait tous les amis de Socrate. En passant par Athènes, un étranger qui se connaissait en physionomie dit, en pleine figure, a Socrate qu’il était un monstre, qu’il cachait en lui tous les mauvais vices et désirs. Et Socrate répondit simplement : « Vous me connaissez, monsieur ! » —
« 4.
« Les dérèglements qu’il avoue et l’anarchie dans les instincts ne sont pas les seuls indices de la décadence chez Socrate : c’en est un indice aussi que la superfétation du logique et cette méchanceté de rachitique qui le distingue. N’oublions pas non plus ces hallucinations de l’ouïe qui sous le nom de « démon de Socrate » ont reçu une interprétation religieuse. Tout en lui est exagéré, bouffon, caricatural ; tout est, en même temps, plein de cachettes, arrière-pensées, de souterrains. — Je tache de comprendre de quelle idiosyncrasie a pu naître cette équation socratique : raison = vertu = bonheur : cette équation la plus bizarre qu’il y ait, et qui a contre elle, en particulier, tous les instincts des anciens Hellènes.
« 5.
« Avec Socrate le goût grec s’altère en faveur de la dialectique : que se passe-t-il exactement ? Avant tout c’est un goût distingué qui est vaincu ; avec la dialectique le peuple arrive à avoir le dessus. Avant Socrate on écartait dans la bonne société les manières dialectiques : on les tenait pour de mauvaises manières, elles étaient compromettantes. On en détournait la jeunesse. Aussi se méfiait-on de tous ceux qui présentent leurs raisons de telle manière. Les choses honnêtes comme les honnêtes gens ne servent pas ainsi leurs principes avec les mains. Il est d’ailleurs indécent de se servir de ses cinq doigts. Ce qui a besoin d’être démontré pour être cru, ne vaut pas grand chose. Partout ou l’autorité est encore de bon ton, partout ou l’on ne « raisonne » pas, mais ou l’on commande, le dialecticien est une sorte de polichinelle : on se rit de lui, on ne le prend pas au sérieux. — Socrate fut le polichinelle qui se fit prendre au sérieux : qu’arriva-t-il là au juste ? —
« 6.
« On ne choisit la dialectique que lorsque l’on n’a pas d’autre moyen. On sait qu’avec elle on éveille la défiance, qu’elle persuade peu. Rien n’est plus facile à effacer qu’un effet de dialecticien : la pratique de ces réunions ou l’on parle le démontre. Ce n’est qu’à leur corps défendant que ceux qui n’ont plus d’autre arme emploient la dialectique. Il faut qu’on ait à arracher son droit, autrement on ne s’en sert pas. C’est pourquoi les juifs étaient des dialecticiens ; Maître Renard l’était : comment ? Socrate, lui aussi, l’a-t-il été ? —
« 7.
« — L’ironie de Socrate était-elle une expression de révolte ? de ressentiment populaire ? Savoure-t-il, en opprimé, sa propre férocité, dans le coup de couteau du syllogisme ? se venge-t-il des grands qu’il fascine ? — Comme dialecticien on a en main un instrument sans pitié ; on peut avec lui faire le tyran ; on compromet en remportant la victoire. Le dialecticien laisse à son antagoniste le soin de faire la preuve qu’il n’est pas un idiot ; il rend furieux et en même temps il prive de tout secours. Le dialecticien dégrade l’intelligence de son antagoniste. Quoi ? la dialectique n’est-elle qu’une forme de la vengeance chez Socrate ?
« 8.
« J’ai donné à entendre comment Socrate a pu éloigner : il reste d’autant plus à expliquer comment il a pu fasciner. — En voilà la première raison : il a découvert une nouvelle espèce de combat, il fut le premier maître d’armes pour les hautes sphères d’Athènes. Il fascinait en touchant à l’instinct combatif des Hellènes, — il a apporté une variante dans la palestre entre les hommes jeunes et les jeunes gens. Socrate était aussi un grand érotique.
« 9.
« Mais Socrate devina autre chose encore. Il pénétrait les sentiments de ses nobles Athéniens ; il comprenait que son cas, l’idiosyncrasie de son cas n’était déjà plus un cas exceptionnel. La même sorte de dégénérescence se préparait partout en secret : les Athéniens de la vieille roche s’éteignaient. — Et Socrate comprenait que tout le monde avait besoin de lui, de son remède, de sa cure, de sa méthode personnelle de conservation de soi… Partout les instincts étaient en anarchie ; partout on était à deux pas de l’excès : le monstrum in animo était le péril universel. « Les instincts veulent jouer au tyran : il faut inventer un contre-tyran qui l’emporte »… Lorsque le physionomiste eut dévoilé à Socrate ce qu’il était, un repaire de tous les mauvais désirs, le grand ironiste hasarda encore une parole qui donne la clef de sa nature. « Cela est vrai, dit-il, mais je me suis rendu maître de tous. » Comment Socrate se rendit-il maître de lui-même ?— Son cas n’était au fond que le cas extrême, celui qui sautait aux yeux dans ce qui commençait alors à être la détresse universelle : que personne n’était plus maître de soi-même, que les instincts se tournaient les uns contre les autres. Il fascinait lui-même étant ce cas extrême — sa laideur épouvantable le désignait à tous les yeux : il fascinait, cela va de soi, encore plus comme réponse, comme solution, comme l’apparence de la cure nécessaire dans ce cas. —
« 10.
« Lorsqu’on est forcé de faire de la raison un tyran, comme fit Socrate, on risque fort de voir quelque chose d’autre faire le tyran. C’est alors qu’on devina la raison libératrice ; ni Socrate, ni ses « malades » n’étaient libres d’être raisonnables,— ce fut de rigueur, ce fut leur dernier remède. Le fanatisme que met la réflexion grecque toute entière a se jetter sur la raison, trahit une détresse ; on était en danger, on n’avait que le choix : ou couler a fond, ou être absurdement raisonnable… Le moralisme des philosophes grecs depuis Platon est déterminé pathologiquement ; de même leur appréciation de la dialectique. Raison = vertu = bonheur, cela veut seulement dire : il faut imiter Socrate et établir contre les appétits obscurs une lumière du jour en permanence — un jour qui serait la lumière de la raison. Il faut être à tout prix prudent, précis, clair : toute concession aux instincts et à l’inconscient ne fait qu’abaisser…
« 11.
« J’ai donné à entendre de quelle façon Socrate fascine : il semblait être un médecin, un sauveur. Est-il nécessaire de montrer encore l’erreur qui se trouvait dans sa croyance en la « raison a tout prix ? » — C’est une duperie de soi de la part des philosophes et des moralistes que de s’imaginer sortir de la décadence en lui faisant la guerre. Y échapper est hors de leur pouvoir : ce qu’ils choisissent comme remède, comme moyen de salut, n’est qu’une autre expression de la décadence — ils ne font qu’en changer l’expression, ils ne la suppriment point. Le cas de Socrate fut un malentendu ; toute la morale de perfectionnement, y compris la morale chrétienne, fut un malentendu… La plus vive lumière, la raison à tout prix, la vie claire, froide, prudente, consciente, dépourvue d’instincts, en lutte contre les instincts ne fut elle-même qu’une maladie, une nouvelle maladie — et nullement un retour à la « vertu », à la « santé », au bonheur… Être forcé de lutter contre les instincts — c’est là la formule de la décadence : tant que la vie est ascendante, bonheur et instinct sont identiques. —
« 12.
« — A-t-il compris cela lui-même, lui qui a été le plus prudent de ceux qui se dupèrent eux-mêmes. Se l’est-il dit finalement, dans la sagesse de son courage vers la mort ?… Socrate voulait mourir : — ce ne fut pas Athènes, ce fut lui-même qui se donna la ciguë, il forca Athènes à la ciguë… « Socrate n’est pas un médecin, se dit-il tout bas : la mort seule est ici médecin… Socrate seulement fut longtemps malade… »
Extrait n°2 — p. 156-161 (« Le Crépuscule des idoles » ; totalité du chapitre intitulé « Ceux qui veulent rendre l’humanité « meilleure » ») :
« 1.
« On sait ce que j’exige du philosophe : de se placer par delà le bien et le mal, — de placer au-dessous de lui l’illusion du jugement moral. Cette exigence est le résultat d’un examen que j’ai formule pour la première fois : je suis arrivé a la conclusion qu’il n’y a pas du tout de faits moraux. Le jugement moral a cela en commun avec le jugement religieux de croire à des réalités qui n’en sont pas. La morale n’est qu’une interprétation de certains phénomènes, mais une fausse interprétation. Le jugement moral appartient, tout comme le jugement religieux, à un degré de l’ignorance, ou la notion de la réalité, la distinction entre le réel et l’imaginaire n’existent même pas encore : en sorte que, sur un pareil degré la « vérité » ne fait que designer des choses que nous appelons aujourd’hui « imagination ». Voilà pourquoi le jugement moral ne doit jamais être pris a la lettre : comme tel il ne serait toujours que contresens. Mais comme sémiotique il reste inappréciable : il révèle, du moins pour celui qui sait, les réalités les plus précieuses sur les cultures et les génies intérieurs qui ne savaient pas assez pour se « comprendre » eux-mêmes. La morale n’est que le langage des signes, une symptomatologie : il faut déjà savoir de quoi il s’agit pour pouvoir en tirer profit.
« 2.
« Voici, tout à fait provisoirement, un premier exemple. De tout temps on a voulu « améliorer » les hommes : c’est cela, avant tout, qui s’est appelé morale. Mais sous ce même mot « morale » se cachent les tendances les plus différentes. La domestication de la bête humaine, tout aussi bien que l’élevage d’une espèce d’hommes déterminée, est une « amélioration » : ces termes zoologiques expriment seuls des réalités, — mais ce sont la des réalités dont l’« améliorateur »-type, le prêtre ne sait rien en effet, — dont il ne veut rien savoir… Appeler « amélioration » la domestication d’un animal, c’est là, pour notre oreille, presque une plaisanterie. Qui sait ce qui arrive dans les ménageries, mais je doute bien que la bête y soit « améliorée ». On l’affaiblit, on la rend moins dangereuse, parle sentiment dépressif de la crainte, par la douleur et les blessures on en fait la bête malade. — Il n’en est pas autrement de l’homme apprivoise que le prêtre a rendu « meilleur ». Dans les premiers temps du Moyen-âge, ou l’Église était avant tout une ménagerie, on faisait partout la chasse aux beaux exemplaires de la « bête blonde », — on « améliorait » par exemple les nobles Germains. Mais quel était après cela l’aspect d’un de ces Germains rendu « meilleur » et attiré dans un couvent ? Il avait l’air d’une caricature de l’homme, d’un avorton : on en avait fait un « pécheur », il était en cage, on l’avait enfermé au milieu des idées les plus épouvantables… Couché là, malade, misérable, il s’en voulait maintenant à lui-même ; il était plein de haine contre les instincts de vie, plein de méfiance envers tout ce qui était encore fort et heureux. En un mot, il était « chrétien »… Pour parler physiologiquement : dans la lutte avec la bête, rendre malade est peut-être le seul moyen d’affaiblir. C’est ce que l’Église a compris : elle a perverti l’homme, elle l’a affaibli, — mais elle a revendiqué l’avantage de l’avoir rendu « meilleur ».
« 3.
« Prenons l’autre cas de ce que l’on appelle la morale, le cas de l’élevage d’une certaine espèce. L’exemple le plus grandiose en est donné par la morale indoue, par la « loi de Manou » qui reçoit la sanction d’une religion. Ici l’on se pose le problème de ne pas élever moins de quatre races à la fois. Une race sacerdotale, une race guerrière, une race de marchands et d’agriculteurs, et enfin une race de serviteurs, les Soudra. Il est visible que nous ne sommes plus ici au milieu de dompteurs d’animaux : une espèce d’hommes cent fois plus douce et plus raisonnable est la condition première pour arriver à concevoir le plan d’un pareil élevage. On respire plus librement lorsque l’on passe de l’atmosphère chrétienne, atmosphère d’hôpital et de prison, dans ce monde plus sain, plus haut et plus large. Comme le Nouveau Testament est pauvre à coté de Manou, comme il sent mauvais ! — Mais cette organisation, elle aussi, avait besoin d’être terrible, — non pas, cette fois-ci, dans la lutte avec la bête, mais avec l’idée contraire de la bête, avec l’homme qui ne se laisse pas élever, l’homme du mélange incohérent, le Tchândâla. Et encore elle n’a pas trouvé d’autre moyen pour le désarmer et pour l’affaiblir, que de le rendre malade, — c’était la lutte avec le « plus grand nombre ». Peut-être n’y a-t-il rien qui soit aussi contraire à notre sentiment que cette mesure de sûreté de la morale indoue. Le troisième édit par exemple (Avadana-Sastra I), celui des « légumes impurs », ordonne que la seule nourriture permise aux Tchândâla soit l’ail et l’oignon, attendu que la Sainte Écriture défend de leur donner du blé ou des fruits qui portent des graines, et qu’elle les prive d’eau et de feu. Le même édit déclare que l’eau dont ils ont besoin ne peut être prise ni des fleuves ni des sources, ni des étangs, mais seulement aux abords des marécages et des trous laissés dans le sol par l’empreinte des pieds d’animaux. De même il leur est interdit de laver leur linge, et de se laver eux-mêmes, parce que l’eau qui leur est accordée par grâce ne peut servir qu’à étancher leur soif. Enfin il existait encore une défense aux femmes Soudra, d’assister les femmes Tchândâla en mal d’enfant, et, pour ces dernières, de s’assister mutuellement… — Le résultat d’une pareille police sanitaire ne devait pas manquer de se manifester : épidémies meurtrières, maladies sexuelles épouvantables, et, comme résultat, derechef la « loi du couteau », ordonnant la circoncision pour les enfants mâles, et l’ablation des petites lèvres pour les enfants femelles. — Manou lui-même disait : « Les Tchândâla sont le fruit de l’adultère, de l’inceste et du crime (— c’est là la conséquence nécessaire de l’idée d’élevage). Ils ne doivent avoir pour vêtements que les lambeaux enlevés aux cadavres, pour vaisselle des tessons, pour parure de vieille ferraille, et les mauvais esprits pour objets de leur culte ; ils doivent errer d’un lieu à l’autre, sans repos. Il leur est défendu d’écrire de gauche à droite et de se servir de la main droite pour écrire, l’usage de la main droite et de l’écriture de gauche à droite étant réservé aux gens de vertu, aux gens de race. » —
« 4.
« Ces prescriptions sont assez instructives : nous voyons en elles l’humanité arienne absolument pure, absolument primitive, — nous voyons que l’idée de « pur sang » est le contraire d’une idée inoffensive. D’autre part on aperçoit clairement dans quel peuple elle est devenue religion, elle est devenue génie… Considérés à ce point de vue, les Évangiles, sont un document de premier ordre, et plus encore le livre d’Enoch. — Le christianisme, né de racines judaïques, intelligible seulement comme une plante de ce sol, représente le mouvement d’opposition contre toute morale d’élevage, de la race et du privilège : — il est la religion antiarienne par excellence : le christianisme, la transmutation de toutes les valeurs ariennes, la victoire des évaluations des Tchândâla, l’évangile des pauvres et des humbles proclamé, l’insurrection générale de tous les opprimés, des misérables, des ratés, des déshérités, leur insurrection contre la « race », — l’immortelle vengeance des Tchândâla devenue religion de l’amour…
« 5.
« La morale de l’élevage et la morale de la domestication se valent absolument par les moyens dont elles se servent pour arriver à leurs fins : nous pouvons établir comme règle première que pour faire de la morale il faut absolument avoir la volonté du contraire. C’est là le grand, l’inquiétant problème que j’ai poursuivi le plus longtemps : la psychologie de ceux qui veulent rendre l’humanité « meilleure ». Un petit fait assez modeste au fond, celui de la pia fraus, m’ouvrit le premier accès a ce problème : la pia fraus fut l’héritage de tous les philosophes, de tous les prêtres qui voulurent rendre l’humanité « meilleure ». Ni Manou, ni Platon, ni Confucius, ni les maîtres juifs et chrétiens n’ont jamais douté de leur droit au mensonge. Ils n’ont pas douté de bien d’autres droits encore… Si l’on voulait s’exprimer en formule, on pourrait dire : tous les moyens par lesquels jusqu’à présent l’humanité devrait être rendue plus morale étaient foncièrement immoraux. — »
Extrait n°3 — p. 228-230 (« Le Crépuscule des idoles » ; intégralité du chapitre intitulé « Ce que je dois aux Anciens ») :
« 1.
« Pour finir, encore un mot sur ce monde vers lequel j’ai cherché des accès, vers lequel j’ai peut-être trouvé un nouvel accès — le monde antique. Mon goût, qui est peut-être l’opposé du goût tolérant, est bien éloigné là aussi d’approuver en bloc : d’une façon générale il n’aime pas à approuver, il préfère contredire, et même nier complètement… Cela est vrai pour des civilisations entières, cela est vrai pour certains livres, — cela est vrai aussi pour des cités et des paysages. Au fond il n’y a qu’un tout petit nombre de livres antiques qui aient compté dans ma vie ; les plus célèbres n’en font pas partie. Mon sens du style, de l’épigramme dans le style, s’est éveillé presque spontanément à mon contact avec Salluste. Je n’ai pas oublié l’étonnement de mon vénéré professeur, M. Corssen, lorsqu’il fut forcé de donner la meilleure note à son plus mauvais latiniste — j’avais tout appris d’un seul coup. Serré, sévère, avec au fond autant de substance que possible, une froide méchanceté à l’égard de la « belle parole » et aussi à l’égard du « beau sentiment » — c’est à toutes ces qualités que je me suis deviné. On recon naîtra jusque dans mon Zarathoustra une ambition très sérieuse de style romain, d'« aere perennius » dans le style. — Il n’en a pas été autrement de mon premier contact avec Horace. Jusqu’à présent aucun poète ne m’a procuré le même ravissement artistique que celui que j’ai éprouvé dès l’abord à la lecture d’une ode d’Horace. Dans certaines langues il n’est même pas possible de vouloir ce qui est réalisé ici. Cette mosaïque de mots, où chaque mot par son timbre, sa place dans la phrase, l’idée qu’il exprime, fait rayonner sa force à droite, à gauche et sur l’ensemble, ce minimum dans la somme et le nombre des signes et ce maximum que l’on atteint ainsi dans l’énergie des signes — tout cela est romain, et, si l’on veut m’en croire, noble par excellence. Tout le reste de la poésie devient, à côté de cela, quelque chose de populaire, — un simple bavardage de sentiments…
« 2.
« Aux Grecs je ne dois absolument pas d’impression d’une force approchante ; et, pour le dire franchement, ils ne peuvent pas être pour nous ce que sont les Romains. On n’apprend pas des Grecs — leur genre est trop étrange, et aussi trop mobile pour faire un effet impératif, « classique ». Qui est-ce qui aurait jamais appris à écrire avec un Grec !… Qui donc aurait su l’apprendre sans les Romains ! Que l’on ne prétende pas m’objecter Platon. Pour ce qui en est de Platon je suis profondément sceptique et je fus toujours hors d’état de faire chorus dans l’admiration de l’artiste Platon qui est de tradition parmi les savants. Et ici les juges du goût le plus raffiné parmi les anciens sont de mon côté. Il me semble que Platon jette pêle-mêle toutes les formes du style : par là il est le premier décadent du style : il est coupable de fautes semblables à celles des cyniques qui inventèrent la Satire Mênippée. Pour trouver un charme au dialogue de Platon, cette façon de dialectique horriblement suffisante et enfantine, il faut ne jamais avoir lu de bon français, — Fontenelle par exemple. Platon est ennuyeux. — Enfin ma méfiance de Platon va toujours plus au fond : je trouve qu’il a dévié de tous les instincts fondamentaux des Hellènes, je le trouve si imprégné de morale, si chrétien avant la lettre — il donna déjà l’idée du « bien » comme idée supérieure — que je suis tenté d’employer à l’égard de tout le phénomène Platon, plutôt que toute autre épithète, celle de « haute fumisterie » ou, si l’on préfère, d’idéalisme. — On l’a payé cher d’avoir vu cet Athénien aller à l’école chez les Égyptiens (— ou peut-être chez les Juifs en Égypte ?…). Dans la grande fatalité du christianisme, Platon est cette fascination à double sens appelée « idéal » qui permit aux natures nobles de l’antiquité de se méprendre elles-mêmes et d’aborder le pont qui mène à la « croix »… Et combien il y a-t-il encore de traces de Platon dans l’idée de 1’« Église », dans l’édification, le système, la pratique de l’Église ! — Mon repos, ma préférence, ma cure, après tout le platonisme, fut de tout temps Thucydide. Thucydide et peut-être le Prince de Machiavel me ressemblent le plus par la volonté absolue de ne pas s’en faire accroire et de voir la raison dans la réalité, — et non dans la « raison », encore moins dans la « morale »… Rien ne guérit plus radicalement que Thucydide du lamentable enjolivement, sous couleur d’idéal, que le jeune homme à « éducation classique » emporte dans la vie en récompense de l’application au lycée. Il faut le suivre ligne par ligne et lire ses arrière-pensées avec autant d’attention que ses phrases : il y a peu de penseurs si riches en arrière-pensées. En lui la culture des Sophistes, je veux dire la culture des réalistes, atteint son expression la plus complète : un mouvement inappréciable, au milieu de la charlatanerie morale et idéale de l’école socratique qui se déchaînait alors de tous les côtés. La philosophie grecque est la décadence de l’instinct grec ; Thucy dide est la grande somme, la dernière révélation de cet esprit des réalités fort, sévère et dur que les anciens Hellènes avaient dans l’instinct. Le courage devant la réalité distingue en dernière instance des natures comme Thucydide et Platon : Platon est lâche devant la réalité, — par conséquent il se réfugie dans l’idéal ; Thucydide est maître de soi, donc il est aussi maître des choses…
« 3.
« Flairer dans les Grecs de « belles âmes », des « pondérances dorées » et d’autres perfections, admirer par exemple chez eux le calme dans la grandeur, le sentiment idéal — j’ai été gardé de cette « haute naïveté », une niaiserie allemande en fin de compte, par le psychologue que je portais en moi. Je vis leur instinct le plus violent, la volonté de puissance, je les vis trembler devant la force effrénée de cette impulsion, — je vis naître toutes leurs institutions de mesures de précautions pour se garantir réciproquement des matières explosives qu’ils avaient en eux. L’énorme tension intérieure se déchargeait alors en haines terribles et implacables au dehors » les villes se déchiraient réciproquement pour que leurs citoyens trouvent individuellement le repos devant eux-mêmes. On avait besoin d’être fort : le danger était toujours proche, — il guettait partout. Les corps superbes et souples, le réalisme et l’immoralisme intrépides qui étaient le propre des Hellènes leur venaient de la nécessité et ne leur étaient pas « naturels ». C’était une conséquence et non pas quelque chose qui leur venait d’origine. Les fêtes et les arts ne servaient aussi qu’à produire un sentiment de supériorité, à montrer la supériorité : ce sont là des moyens de glorification de soi, ou même des moyens de faire peur. Juger les Grecs à l’allemande, d’après leurs philosophes, se servir de la lourde honnêteté de l’école socratique pour trouver une explication de la nature des Grecs !… Comme si les philosophes n’étaient pas les décadents de l’hellénisme, le mouvement d’opposition contre l’ancien goût noble (— contre l’instinct agonal, contre la Polis, contre la valeur de la race, contre l’autorité de la tradition). Les vertus socratiques furent prêchées parce que les Grecs les avaient perdues : irritables, craintifs, inconstants, tous comédiens, ils avaient quelques raisons de trop de se laisser prêcher la morale. Non pas que cela aurait pu servir à quelque chose : mais les grands mots et les attitudes vont si bien aux décadents…
« 4.
« Je fus le premier qui, pour la compréhension de cet ancien instinct hellénique riche encore et même débordant, ai pris au sérieux ce merveilleux phénomène qui porte le nom de Dionysos : il n’est explicable que par un excédent de force. Celui qui a étudié les Grecs, comme ce profond connaisseur de leur culture, le plus profond de tous, Jacob Burckhardt à Bâle, a su de suite l’importance que cela avait : Burckhardt a intercalé dans sa Culture des Grecs un chapitre spécial sur ce phénomène. Si l’on veut se rendre compte de l’opposé il suffira de voir la pauvreté d’instinct presque réjouissante chez le philologue allemand quand il s’approche de l’idée dionysienne. Le célèbre Lobeck surtout, avec la vénérable certitude d’un ver desséché parmi les livres, se mit à ramper dans ce monde d’états mystérieux, pour se convaincre qu’il était scientifique, alors qu’il était superficiel et enfantin jusqu’au dégoût, — Lobeck a donné à entendre, à grand renfort d’érudition, qu’au fond toutes ces curiosités étaient de mince importance. Il est en effet possible que les prêtres aient communiqué, à ceux qui participaient à ces orgies, quelques idées qui ne sont pas sans valeur : par exemple que le vin incite à la joie, que l’homme peut vivre parfois de fruits, que les plantes fleurissent au printemps et se fanent en automne. Pour ce qui en est de cette richesse étrange de rites, de symboles, de mythes d’origine orgiaque dont le monde antique pullule littéralement, Lobeck n’y trouve que prétexte à être plus spirituel encore d’un degré. « Les Grecs, dit-il (Aglaophamus, I. 672), lorsqu’ils n’avaient pas autre chose à faire, se mettaient à rire, à sauter et à trôler, ou bien, parce que l’envie peut également en venir à l’homme, ils se mettaient par terre à pleurer et à se lamenter. D’autres s’approchaient alors d’eux pour trouver une raison quelconque à ces allures surprenantes ; et ainsi se formèrent, pour expliquer ces usages, d’innombrables légendes, des fêtes et des mythes. D’autre part on croyait ces actions burlesques que l’on avait pris l’habitude de pratiquer aux fêtes nécessaires à leur célébration et on les maintint comme une partie indispensable du culte. » — Voilà un bavardage méprisable et je suis certain que pas un instant on ne prendra un Lobeck au sérieux. Nous sommes bien autrement touchés quand nous examinons l’idée « grecque » que s’étaient formée Winckelmann et Gœthe et que nous reconnaissons son incompatibilité avec cet élément d’où naît l’art dionysien — avec l’orgiasme. Je suis en effet certain que Gœthe aurait exclu, par principe, une idée analogue des possibilités de l’âme grecque. Par conséquent Gœthe ne comprenait pas les Grecs. Car ce n’est que par les mystères dionysiens, par la psychologie de l’état dionysien que s’exprime la réalité fondamentale de l’instinct hellénique — sa « volonté de vie ». Qu’est-ce que l’Hellène se garantissait par ces mystères ? La vie éternelle, l’éternel retour de la vie ; l’avenir promis et sanctifié dans le passé ; l’affirmation triomphante de la vie au-dessus de la mort et du changement ; la vie véritable comme prolongement collectif par la procréation, par les mystères de la sexualité. C’est pourquoi le symbole sexuel était pour les Grecs le symbole vénérable par excellence, le véritable sens profond dans toute la piété antique. Toutes les particularités de l’acte de la génération, de la grossesse, de la naissance éveillent les sentiments les plus élevés et les plus solennels. Dans la science des mystères la douleur est sanctifiée : le « travail d’enfantement » rendait la douleur sacrée, — tout ce qui est devenir et croissance, tout ce qui garantit l’avenir nécessite la douleur… Pour qu’il y ait la joie éternelle de la création pour que la volonté de vie s’affirme éternellement par elle-même il faut aussi qu’il y ait les « douleurs de l’enfantement »… Le mot Dionysos signifie tout cela : je ne connais pas de symbolisme plus élevé que ce symbolisme grec, celui des fêtes dionysiennes. Par lui le plus profond instinct de la vie, celui de la vie à venir, de la vie éternelle est traduit d’une façon religieuse, — la voie même de la vie, la procréation, comme la voie sacrée… Ce n’est que le christianisme, avec son fond de ressentiment contre la vie, qui a fait de la sexualité quelque chose d’impur : il jette de la boue sur le commencement, sur la condition première de notre vie…
« 5.
« La psychologie de l’orgiasme comme d’un sentiment de vie et de force débordante, dans les limites duquel la douleur même agit comme stimulant, m’a donné la clef pour l’idée du sentiment tragique, qui a été méconnu tant par Aristote que par nos pessimistes. La tragédie est si éloignée de démontrer quelque chose pour les pessimistes des Hellènes au sens de Schopenhauer qu’elle pourrait plutôt être considérée comme sa réfutation définitive, comme son jugement. L’affirmation de la vie, même dans ses problèmes les plus étranges et les plus ardus ; la volonté de vie, se réjouissant dans le sacrifice de ses types les plus élevés, à son propre caractère inépuisable — c’est ce que j’ai appelé dionysien, c’est en cela que j’ai cru reconnaître le fil conducteur vers la psychologie du poète tragique. Non pour se débarrasser de la crainte et de la pitié, non pour se purifier d’une passion dangereuse par sa décharge véhémente — c’est ainsi que l’a entendu Aristote, mais pour personnifier soi-même, au-dessus de la crainte et de la pitié, l’éternelle joie du devenir, — cette joie qui porte encore en elle la joie de l'anéantissement… Et par là je touche de nouveau l’endroit d’où je suis parti jadis. — L’Origine de la Tragédie fut ma première transmutation de toutes les valeurs : par là je me replace sur le terrain d’où grandit mon vouloir, mon savoir — moi le dernier disciple du philosophe Dionysos, — moi le maître de l’éternel retour… »
EXTRAITS de « L’Antéchrist »…
Extrait n°1 — p. 241-242 (« L’Antéchrist » ; intégralité de l’« Avant-propos ») :
« AVANT-PROPOS
« Ce livre appartient au plus petit nombre. Peut-être n’a-t-il pas encore trouvé son public.
« Tout au plus me liront ceux qui comprennent mon Zarathoustra. Comment oserais-je me confondre avec ceux pour qui, aujourd’hui déjà, on a des oreilles ? — Après-demain seulement m’appartiendra. Quelques-uns naissent posthumes.
« Je connais trop bien les conditions qu’il faut réaliser pour me comprendre, qui me font comprendre nécessairement. Il faut être intègre dans les choses de l’esprit, intègre jusqu’à la dureté pour pouvoir seulement supporter mon sérieux et ma passion. Il faut être habitué à vivre sur des montagnes, — à voir au-dessous de soi le pitoyable bavardage de la politique du jour et de l’égoïsme des peuples. Il faut que l’on soit devenu indifférent, il ne faut jamais demander si la vérité est utile, si elle peut devenir pour quelqu’un une destinée… Une prédilection des forts pour des questions que personne aujourd’hui n’a plus le courage d’élucider ; le courage du fruit défendu ; la prédestination du labyrinthe. Une expérience de sept solitudes. Des oreilles nouvelles pour une musique nouvelle. Des yeux nouveaux pour les choses les plus lointaines. Une conscience nouvelle pour des vérités restées muettes jusqu’ici. Et la volonté de l’économie de grand style : rassembler sa force, son enthousiasme… Le respect de soi-même ; l’amour de soi ; l’absolue liberté envers soi-même…
« Eh bien ! Ceux-là seuls sont mes lecteurs, mes véritables lecteurs, mes lecteurs prédestinés : qu’importe le reste ? — Le reste n’est que l’humanité. — Il faut être supérieur à l’humanité en force, en hauteur d’âme, — en mépris… »
Extrait n°2 — p. 245-249 (« L’Antéchrist » ; sections 4 à 7) :
« 4.
« L’humanité ne représente pas un développement vers le mieux, vers quelque chose de plus fort, de plus haut, ainsi qu’on le pense aujourd’hui. Le « progrès » n’est qu’une idée moderne, c’est-à-dire une idée fausse. Dans sa valeur l’Européen d’aujourd’hui reste bien loin au-dessous de l’Européen de la Renaissance. Se développer ne signifie absolument pas nécessairement s’élever, se surhausser, se fortifier.
« Par contre, il existe une continuelle réussite de cas isolés, sur différents points de la terre, au milieu des civilisations les plus différentes. Ces cas permettent, en effet, d’imaginer un type supérieur, quelque chose qui, par rapport à l’humanité tout entière, constitue une espèce d’hommes surhumains. De tels coups de hasard de la grande réussite, furent toujours possibles et le seront peut-être toujours. Et même des races tout entières, des tribus, des peuples peuvent, dans des circonstances particulières, représenter de pareils coups heureux.
« 5.
« Il ne faut vouloir ni enjoliver ni excuser le christianisme : il a mené une guerre à mort contre ce type supérieur de l’homme, il a mis au ban tous les instincts fondamentaux de ce type, il a distillé de ces instincts le mal, le méchant : — l’homme fort, type du réprouvé. Le christianisme a pris parti pour tout ce qui est faible, bas, manqué, il a fait un idéal de l'opposition envers les instincts de conservation de la vie forte, il a gâté même la raison des natures les plus intellectuellement fortes en enseignant que les valeurs supérieures de l’intellectualité ne sont que péchés, égarements et tentations. Le plus lamentable exemple, c’est la corruption de Pascal qui croyait à la perversion de sa raison par le péché originel, tandis qu’elle n’était pervertie que par son christianisme ! —
« 6.
« Un spectacle douloureux et épouvantable s’est élevé devant mes yeux : j’ai écarté le rideau de la corruption des hommes. Ce mot dans ma bouche est au moins à l’abri d’un soupçon, celui de contenir une accusation morale de l’homme. Je l’entends — il importe de le souligner encore une fois — dépourvu de moraline : et cela au point que je ressens cette corruption précisément aux endroits où, jusqu’à nos jours, on aspirait le plus consciencieusement à la « vertu », à la « nature divine ». J’entends corruption, on le devine déjà, au sens de décadence : je prétends que toutes les valeurs qui servent aujourd’hui aux hommes à résumer leurs plus hauts désirs sont des valeurs de décadence.
« J’appelle corrompu soit un animal, soit une espèce, soit un individu, quand il choisit et préfère ce qui lui est désavantageux. Une histoire des « sentiments les plus élevés », des « idéaux de l’humanité » — et il est possible qu’il me faille la raconter — donnerait presque l’explication, pourquoi l’homme est si corrompu. La vie elle-même est pour moi l’instinct de croissance, de durée, l’accumulation des forces, l’instinct de puissance : où la volonté de puissance fait défaut, il y a dégénérescence. Je prétends que cette volonté manque dans toutes les valeurs supérieures de l’humanité — que des valeurs de dégénérescence, des valeurs nihilistes, règnent sous les noms les plus sacrés.
« 7.
« On appelle le christianisme religion de la pitié — La pitié est en opposition avec les affections toniques qui élèvent l’énergie du sens vital : elle agit d’une façon dépressive. On perd de la force quand on compatit. Par la pitié s’augmente et se multiplie la déperdition de force que la souffrance déjà apporte à la vie. La souffrance elle-même devient contagieuse par la pitié ; dans certains cas, elle peut amener une déperdition totale de vitalité et d’énergie, perte absurde, quand on la compare à la petitesse de la cause (— le cas de la mort du Nazaréen). Voici le premier point de vue ; pourtant il en existe un plus important encore. En admettant que l’on mesure la pitié d’après la valeur des réactions qu’elle a coutume de faire naître, son caractère de danger vital apparaîtra plus clairement encore. La pitié entrave en somme la loi de l’évolution qui est celle de la sélection. Elle comprend ce qui est mûr pour la disparition, elle se défend en faveur des déshérités et des condamnés de la vie. Par le nombre et la variété des choses manquées qu’elle retient dans la vie, elle donne à la vie elle-même un aspect sombre et douteux. On a eu le courage d’appeler la pitié une vertu (— dans toute morale noble elle passe pour une faiblesse —) ; on est allé plus loin, on a fait d’elle la vertu, le terrain et l’origine de toutes les vertus. Mais il ne faut jamais oublier que c’était du point de vue d’une philosophie qui était nihiliste, qui inscrivait sur son bouclier la négation de la vie. Schopenhauer avait raison quand il disait : La vie est niée par la pitié, la pitié rend la vie encore plus digne d’être niée, — la pitié, c’est la pratique du nihilisme. Encore une fois : cet instinct dépressif et contagieux croise ces autres instincts qui veulent aboutir à conserver et à augmenter la valeur de la vie ; il est, tant comme multiplicateur que comme conservateur de toutes les misères, un des instruments principaux pour la surrection de la décadence, — la pitié persuade du néant !… On ne dit pas « le néant » ; on met en place « l’au-delà » ; ou bien « Dieu » ; ou « la vie véritable » ; ou bien le nirvâna, le salut, la béatitude… Cette innocente rhétorique, qui rentre dans le domaine de l’idiosyncrasie religieuse et morale, paraîtra beaucoup moins innocente dès que l’on comprendra quelle est la tendance qui se drappe ici dans un manteau de paroles sublimes : l'inimitié de la vie. Schopenhauer était l’ennemi de la vie, c’est pourquoi la pitié devint pour lui une vertu… On sait qu’Aristote voyait dans la pitié un état maladif et dangereux qu’on faisait bien de déraciner de temps en temps au moyen d’un purgatif : la tragédie, pour lui, était ce purgatif. Pour protéger l’instinct de vie, il faudrait en effet chercher un moyen de porter un coup à une accumulation de pitié, si dangereuse et si maladive comme elle est représentée par le cas de Schopenhauer (et malheureusement aussi par celui de toute notre décadence littéraire et artistique, de Saint-Pétersbourg à Paris, de Tolstoï à Wagner), afin de la faire éclater… Rien n’est plus malsain, au milieu de notre modernité malsaine, que la pitié chrétienne. Être médecins dans ce cas, implacables ici, diriger le scalpel, cela fait partie de nous-mêmes, cela est notre façon d’aimer les hommes, par elle nous sommes philosophes, nous autres hyperboréens ! — — — »
N. B. : numérisation : Internet Archive - Duke University Libraries ; téléchargé depuis : archive.org.
— ESSAI - PHILOSOPHIE — (+++++) —
Observation :
— cf. supra extraits de traduction en français…
N. B. : numérisation : Getty Research Institute ; téléchargé depuis : archive.org.
— AUTOBIOGRAPHIE - ESSAI - PHILOSOPHIE — (+++++) —
Observation :
— cf. infra extraits de traduction en français…
N. B. : numérisation : Getty Research Institute ; téléchargé depuis : archive.org.
— AUTOBIOGRAPHIE - ESSAI - PHILOSOPHIE — (+++++) —
Extrait de : Extrait de « Ecce homo – Comment on devient ce que l’on est » ; p. 198-201 du Mercure de France du 16-XI-1908 (p. 3-6 du fichier PDF ; intégralité de la « Préface ») :
« 1.
« En prévision que d’ici peu j’aurai à soumettre l’humanité à une exigence plus dure que celles qui lui ont jamais été imposées, il me paraît indispensable de dire ici qui je suis. Au fond, on serait à même de le savoir, car je ne suis pas resté sans témoigner de moi. Mais le désaccord entre la grandeur de ma tâche et la petitesse de mes contemporains s’est manifesté par ceci que l’on ne m’a ni vu ni même entendu. Je vis sur le crédit que je me suis fait à moi-même, et, de croire que je vis, c’est peut-être là seulement un préjugé !… Il me suffît de parler à un homme « cultivé » quelconque qui vient passer l’été dans l’Engadine supérieure, pour me convaincre que je ne vis pas… Dans ces conditions il y a un devoir, contre lequel se révolte au fond ma réserve habituelle et, plus encore, la fierté de mes instincts, c’est le devoir de dire : Écoutez-moi car je suis un tel. Avant tout ne me confondez pas avec un autre !
« 2.
« Je ne suis, par exemple, nullement un croque-mitaine, un monstre moral, — je suis même une nature contraire à cette espèce d’hommes que l’on a vénérés jusqu’à présent comme des modèles de vertu. Entre nous soit dit, je crois précisément que cela peut être pour moi un objet de fierté. Je suis un disciple du philosophe Dionysos ; je préférerais encore être considéré comme un satyre que comme un saint. Qu’on lise donc cet ouvrage ! Peut-être ai-je réussi à y exprimer ce contraste d’une façon sereine et bienveillante, peut-être qu’en l’écrivant je n’avais pas d’autre intention. Vouloir rendre l’humanité « meilleure », ce serait la dernière chose que je promettrais. Je n’érige pas de nouvelles idoles ; que les anciennes apprennent donc ce qu’il en coûte d’avoir des pieds d’argile ! Renverser des idoles — j’appelle ainsi toute espèce d’idéal — c’est déjà bien plutôt mon affaire. Dans la même mesure où l’on a imaginé par un mensonge le monde idéal, on a enlevé à la réalité sa valeur, sa signification, sa véridicité… Le « monde-vérité » et le « monde-apparence », traduisez : le monde inventé et la réalité… Le mensonge de l’idéal a été jusqu’à présent la malédiction suspendue au-dessus de la. réalité. L’humanité elle-même, à force de se pénétrer de ce mensonge, a été faussée et falsifiée jusque dans ses instincts les plus profonds, jusqu’à l’adoration des valeurs opposées à celles qui garantiraient le développement, l’avenir, le droit supérieur à l’avenir.
« 3.
« Celui qui sait respirer l’atmosphère qui remplit mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, autrement l’on risque beaucoup de prendre froid. La glace est proche, la solitude est énorme — mais voyez avec quelle tranquillité tout repose dans la lumière ! voyez comme l’on respire librement ! que de choses on sent au-dessous de soi ! —
« La philosophie, telle que je l’ai vécue, telle que je l’ai entendue jusqu’à présent, c’est l’existence volontaire au milieu des glaces et des hautes montagnes — la recherche de tout ce qui est étrange et problématique dans la vie, de tout ce qui, jusqu’à présent, a été mis au ban par la morale. Une longue expérience, que je tiens de ce voyagé dans tout ce qui est interdit, m’a enseigné à regarder, d’une autre façon qu’il pourrait être souhaitable, les causes qui jusqu’à présent ont poussé à moraliser et à idéaliser. L’histoire cachée de la philosophie, la psychologie des grands noms qui l’ont illustrée se sont révélées à moi. Le degré de vérité que supporte un esprit, la dose de vérité qu’un esprit peut oser, c’est ce qui m’a servi de plus en plus à donner la véritable mesure de la valeur. L’erreur (c’est-à-dire la foi en l’idéal), ce n’est pas l’aveuglement ; l’erreur, c’est la lâcheté… Toute.conquête, chaque pas en avant dans le domaine de la connaissance a son origine dans le courage, dans la dureté à l’égard de soi-même, dans la propreté vis-à-vis de soi-même. Je ne réfute pas un idéal, je me contente de mettre des gants devant lui… Nitimur in vetitum, par ce signe ma philosophie sera un jour victorieuse, car jusqu’à présent on n’a interdit par principe que la vérité. —
« 4.
« Dans mon œuvre, mon Zarathoustra tient une place à part. Avec lui j’ai fait à l’humanité le plus beau présent qui lui fut jamais fait. Ce livre, avec l’accent de sa voix qui domine des milliers d’années, n’est pas seulement le livre le plus haut qu’il y ait, le véritable livre des hauteurs — l’ensemble des faits qui constitue « l’homme » se trouve au-dessous de lui, à une distance énorme —, il est aussi le livre le plus profond, né de la plus secrète abondance de la vérité, puits inépuisable où nul seau ne descend sans remonter à la surface débordant d’or et de bonté. Ici ce n’est pas un « prophète » qui parle, un de ces horribles êtres hybrides composés de maladie et de volonté de puissance, que l’on appelle fondateurs de religions. Il faut avant tout entendre, sans se tromper, l’accent qui sort de cette bouche — un accent alcyonien — pour ne pas méconnaître pitoyablement le sens de sa sagesse. « Ce sont des paroles silencieuses qui apportent la tempête ; des pensées qui viennent sur des pattes de colombes dirigent le monde. »
« Les figues tombent de l’arbre, elles sont bonnes et douces, et en tombant leur rouge pelure se déchire.
« Je suis un vent du nord pour les figues mûres.
« C’est ainsi que, pareils à des figues, mes enseignements tombent jusqu’à vous : buvez donc leur suc et leur tendre chair !
« L’automne est autour de nous, la pureté du ciel et de l’après-midi.
« Ce n’est pas un fanatique qui parle ; ici l’on ne « prêche » pas, ici l’on n’exige pas la foi. D’une infinie plénitude de lumière, d’un gouffre de bonheur, la parole tombe goutte à goutte. Une tendre lenteur est l’allure de ce discours. De pareilles choses ne parviennent qu’aux oreilles des plus élus ; c’est un privilège sans égal que de pouvoir écouter ici ; personne n’est libre de comprendre Zarathoustra… Mais, en tout cela, Zarathoustra n’est-il pas un séducteur ?… Que disait-il donc lui-même lorsqu’il retourna pour la première fois à sa solitude ? Exactement le contraire de ce que diraient, en un pareil cas, un « sage », un « saint », un « Sauveur du monde » ou quelque autre décadent… Il ne parle pas seulement différemment, il est aussi différent…
« Je m’en vais seul maintenant, mes disciples ! Vous aussi, vous partirez seuls ! Je le veux ainsi.
« En vérité, je vous le conseille : éloignez-vous de moi et défendez-vous de Zarathoustra ! Et mieux encore : ayez honte de lui ! Peut-être vous a-t-il trompés.
« L’homme qui cherche la connaissance ne doit pas seulement savoir aimer ses ennemis, mais aussi haïr ses amis.
« On n’a que peu de reconnaissance pour un maître quand on reste toujours élève. Et pourquoi ne voulez-vous pas déchirer ma couronne ?
« Vous me vénérez ; mais que serait-ce si votre vénération s’écroulait un jour ? Prenez garde à ne pas être tués par une statue !
« Vous dites que vous croyez en Zarathoustra ? Mais qu’importe Zarathoustra ! Vous êtes mes croyants : mais qu’importent tous les croyants !
« Vous ne vous étiez pas encore cherchés : alors vous m’avez trouvé. Ainsi font tous les croyants ; c’est pourquoi la foi est si peu de chose.
« Maintenant je vous ordonne de me perdre et de vous trouver vous-même ; et ce n’est que quand vous m’aurez tous renié que je reviendrai parmi vous.
« —————
« En ce jour parfait où tout arrive à maturité, où le raisin n’est pas seul à brunir, un rayon de soleil vient de tomber sur ma vie : j’ai regardé derrière moi, j’ai regardé devant moi et jamais je ne vis autant de bonnes choses à la fois. Ce n’est pas en vain que j’ai enterré aujourd’hui ma quarante-quatrième année, car j’avais le droit de l’enterrer, — ce qui en elle était viable a pu être sauvé, est devenu immortel. Le premier livre de la Transmutation de toutes les Valeurs, les Chants de Zarathoustra, le Crépuscule des Idoles, ma tentative de philosopher à coups de marteau — tout cela ce sont des cadeaux que m’a faits cette année, et même le dernier trimestre de cette année. Pourquoi ne serais-je pas reconnaissant à ma vie tout entière ? C’est pourquoi je me raconte ma vie à moi-même. »
N. B. : numérisation : Library of Congress ; téléchargé depuis : archive.org.
— AUTOBIOGRAPHIE - ESSAI - PHILOSOPHIE — (+++++) —
Observation :
— cf. supra extraits de traduction en français…
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N. B. : numérisation : MDZ (Münchener DigitalisierungsZentrum - Digitale Bibliothek) ; conservation : BSB (Bayerische StaatsBibliothek) ; téléchargé depuis : daten.digitale-sammlungen.de.
— CARMINA BURANA – BSB CLM 4660 – CODEX BURANUS — CHANTS SATIRIQUES… — (+++++) —
Le fichier consistant en la reproduction des Carmina Burana (comme est donc intitulé le Codex Buranus depuis plus de deux siècles maintenant), que nous vous proposons, a été téléchargé depuis le site de la MDZ (Münchener DigitalisierungsZentrum - Digitale Bibliothek) ; le codex est conservé à BSB (Bayerische StaatsBibliothek, à Munich [München]).
N. B. : numérisation, conservation : University of Toronto Library ; téléchargé depuis : archive.org.
— CARMINA BURANA – LATEINISCHE UND DEUTSCHE LIEDER UND GEDICHTE EINER HANDSCHRIFT DES XIII. JAHRHUNDERTS AUS BENEDICTBEUERN AUF DER K. BIBLIOTHEK ZU MÜNCHEN — CHANTS SATIRIQUES… — (+++++) —
Le manuscrit (Codex Buranus) fut découvert, en l’abbaye de Benediktbeuern 1, à Laingruben 2, dans les Alpes bavaroises, en 1803. En cette année l’abbaye bénédictine était sécularisée ; le Codex Buranus était alors confié à la K. Bibliothek de Munich (München) — aujourd'hui : Bibliothèque nationale bavaroise (Bayerische StaatsBibliothek). Ce codex, assurément la nature des textes le composant explique-t-elle cela, n’était répertorié dans aucun catalogue du monastère.
Les trois cents quinze textes composant le Codex Buranus (codex doté d’une épaisse reliure en cuir avec fermeture métallique) furent rédigés principalement en langues latine et allemande (mais aussi en francoprovençal), (du XIe siècle [?]) au XIIIe siécle.
Ces textes réunis dans le Codex Buranus seraient œuvres de goliards 3, jeunes étudiants, itinérants le cas échéant, ou laïcs, ayant suivi une formation de clercs et dotés de mentalités hardies, irrévérencieuses, voire « contestataires ».
Les thèmes abordés par les auteurs des textes composant le Codex Buranus peuvent se distribuer en plusieurs catégories relevant de différents domaines ; le domaine religieux, certes, le domaine moral… Mais l’inspiration des auteurs se révélant très souvent profane, les thèmes traités se distribuent également en catégories relevant d’autres domaines encore, tels les domaines satiriques et amoureux ; de nombreux textes peuvent ainsi évoquer, en termes plus ou moins crus, les affres du jeu, mais aussi évoquer des contextes bachiques, les plaisirs, la volupté…
Johann Andreas Schmeller (1785-1852), un philologue allemand, intitula « Carmina Burana » ce recueil de textes médiévaux ; titre sous lequel il est maintenant universellement connu.
Extrait de : Carmina Burana – Lateinische und deutsche Lieder und Gedichte einer Handschrift des XIII. Jahrhunderts aus Benedictbeuern auf der K. Bibliothek zu München. Heraus gegeben von J. A. Schmeller. Zweite unveränderte Auflage. Breslau : Wilhelm Koebner, 1883. X p. et 275 p. ; extrait de « Vorerinnerung zur ersten Auflage. [1847.] » (Rappel préliminaire de la première édition. [1847.]), p. IX :
« Wie sehr verschieden diese Blumen seien an Farbe und innerm Werth, ein eigenthümlicher Reiz, der ihnen unverkümmert bleibt, liegt darin, dass sie lebendiges Zeugniss geben von der Weise, in der man vor einem halben Jahrtausend klagend oder jubelnd sich ausgesprochen hat über Gefühle, Freuden und Leiden, die ein altes Herkommen sind und ein ewiges Dableiben unter den Kindern der Menschen. Schon dieses Reizes wegen wird sich, glauben wir, mancher Leser gerne ergehen in solchem alterthümlichen Gärtlein ; und je weniger kritische Dornen und Disteln er sich in den Weg gelegt findet, so lieber wird es him sein. Deshalb sind jene Lesarten der Handschrift, die wir durch Vermuthungen zu ersetzen gewagt haben, nicht gleich unter dem Texte selbst angegeben, sondern am Schlusse des Ganzen zusammengestellt, wo man auch eine Uebersicht der Stücke finden wird. »
Ce que nous traduisons ainsi en français :
« De ce florilège, toutes les fleurs se montrent fort différentes en couleurs et en valeurs et s’y attache un charme très particulier qui jamais ne se dément, charme se justifiant par le fait que s’y manifeste un témoignage de la façon dont voilà un demi-millénaire on se lamentait ou se réjouissait, en exprimant ses sentiments, ses joies ou ses peines, éternelles satisfactions ou afflictions qui depuis les origines affectent le cœur des enfants des hommes. Grâce à ce charme, nous osons croire que nombre de lecteurs apprécieront visiter un tel ancestral jardin ; et moins ces lecteurs trouveront sur leur chemin chardons ou épines acérées, plus aisé sera leur parcours. Ceci donc est la raison pour laquelle les lectures, lectures reposant sur de simples suppositions, que nous avons osées faire de certains textes du manuscrit ne sont pas spécifiées sous les textes considérés eux-mêmes, et pourquoi les indications n'en sont compilées qu'en fin d’ouvrage, où, à ce niveau, on trouvera également une vue d’ensemble des pièces qui le composent. »
Extrait de : Carmina Burana – Lateinische und deutsche Lieder und Gedichte einer Handschrift des XIII. Jahrhunderts aus Benedictbeuern auf der K. Bibliothek zu München. Heraus gegeben von J. A. Schmeller. Zweite unveränderte Auflage. Breslau : Wilhelm Koebner, 1883. X p. et 275 p. P. 1-2 ; « O Fortuna » :
« 1. / O FORTUNA, / velut luna / statu variabilis, / semper crescis / aut decrescis ; / vita detestabilis / nunc obdurat / et tunc curat / ludo mentis aciem, / 'egestatem', / potestatem / dissolvit ut glaciem.
« 2. / Sors inmanis / et inanis, / rota tu volubilis, / status malus, / vana salus / semper dissolubilis, / obumbratam / et velatam / mihi quoque niteris, / nunc per ludum / dorsum nudum / fero tui sceleris.
« 3. / Sors salutis / et virtutis / mihi nunc contraria, / est affectus / et defectus / semper in angaria ; / hac in hora / sine mora / cordis pulsum tangite, / quod per sortem / sternit fortem / mecum omnes plangite. »
L'illustration de ce paragraphe est constituée
d'une reproduction de l'illustration de la page 1 de :
Carmina Burana – Lateinische und deutsche Lieder und Gedichte
einer Handschrift des XIII. Jahrhunderts aus Benedictbeuern
auf der K. Bibliothek zu München.
Heraus gegeben von J. A. Schmeller.
Zweite unveränderte Auflage.
Breslau : Wilhelm Koebner, 1883.
Cette illustration est une imitation, par simple dessin, en noir et blanc,
de l'enluminure se trouvant au début du Codex Buranus
[« einer Handschrift des XIII. Jahrhunderts aus Benedictbeuern
auf der K. Bibliothek zu München »]
et représentant la Fortune,
siégeant en gloire au centre de sa roue,
en manière de Christ Pantocrator.
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— TRAITÉ — CATÉCHISME PAGANO-PHILOSOPHIQUE… — (+++++) —
Extrait n°1 : extrait de la première partie (intitulée Le texte de Saloustios) de la Préface (p. 13 et 14, de l’édition au format A4 ; p. 15 et 16, de l’édition au format A5).
« Les douze premiers chapitres du Περὶ Θεῶν καὶ Κόσμου 5, ouvrage constituant, de l’opinion commune, un petit catéchisme païen, ne nous semblent pas avoir été destinés à un lectorat de béotiens, comme parfois certains commentateurs l’ont pu soutenir. Dès le début de son opuscule Saloustios montre une certaine exigence vis-à-vis de son lectorat, des personnes désireuses de s’instruire sur les dieux, sur le monde, sur le bien, sur le mal… ; il estime nécessaire que ces personnes, dès leur plus jeune âge, dès l’enfance aient été convenablement éduquées, dirigées, afin d’échapper à la séduction de croyances absurdes, insensées. Simplement, il apparaît que s’élabore dans son ouvrage une sorte d’herméneutique, d’exégèse de certains mythes les plus susceptibles de provoquer incompréhensions, ou controverses parmi les contradicteurs, détracteurs, zoïles les plus enclins à d’âpres disputes, à de sérieuses controverses.
« À partir du treizième chapitre se révèle au cours de l’ouvrage le souci de développer, d’élaborer une argumentation propre à présenter le paganisme, ses rites, ses croyances, notamment relativement à l’esprit, à l’âme, d’une manière rationnelle, logique 6. »
Notes de bas de pages du texte cité :
« 5 – « Le titre de l'opuscule n'est pas fourni par les manuscrits, qui signalent simplement l'ouvrage comme un « livre sur les dieux ». Le titre sous lequel il s'est imposé, Περὶ θεῶν καὶ κόσμου, a été créé par Leo Allatius, auteur de l'édition princeps parue à Rome en 1638. » In : GOULET, Richard (dir.). DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES. Volume VI : de Sabinillus à Tyrsénos. Paris : CNRS Éditions, 2006. P. 92 (auteur : Jean Bouffartigue).
« 6 – Pour de plus amples détails concernant l’œuvre de Saloustios, entre autres textes, cf. CÉLÉRIER, Pascal. L’ombre de l’empereur Julien : Le destin des écrits de Julien chez les auteurs païens et chrétiens du IVe au VIe siècle. Nouvelle édition. Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2013. Voir tout particulièrement, relativement au thème qui ici nous intéresse, les pages 89 à 104 de l’ouvrage, sa partie intitulée « Saloustios, philosophe julianien qui ne cite pas Julien », dont nous citons ci-après le commencement : « Le petit livre de Saloustios intitulé Des dieux et du monde est d’ordinaire présenté comme un ouvrage de vulgarisation des doctrines philosophiques néoplatoniciennes chères à l’empereur Julien émanant d’un de ses proches 1. Sur plusieurs sujets, les commentateurs de ce texte ont pu relever des affinités nettes. Pourtant, jamais l’auteur ne cite le nom de Julien ni aucun de ses livres, pas même sous forme de périphrases ou d’allusions. Même le style de Saloustios est jugé très différent de celui de Julien 2. Par ailleurs, certains grands thèmes spécifiques à la philosophie de Julien sont tout aussi absents : rien sur le cynisme ou les cyniques, rien sur la divinité d’Hélios, rien sur l’antichristianisme. La forme de l’ouvrage, un exposé systématique des doctrines philosophico-religieuses, un « catéchisme », comme on a pu le dire, expliquerait la difficulté éprouvée par les commentateurs à discerner des reprises précises de textes de Julien 3, car jamais Julien ne s’est livré à un tel mode d’exposition. » (N.B : nous ne reproduisons pas les textes des notes). Pascal Célérier poursuit : « Il est pourtant un passage du De deis et mundo qui s’offre spontanément à un rapprochement avec les écrits de Julien : les chapitres III et IV du préambule qui traitent du mythe en général et du mythe d’Attis en particulier. Le lecteur relève facilement des échos de thèmes et de mots avec les textes du Contre Héracleios et du Sur la Mère des dieux. »… Ensuite P. Célérier expose « La doctrine philosophique du mythe » telle que l’ont pu développer Saloustios et l’empereur Julien, qu’il récapitule et compare dans un long tableau particulièrement instructif (« En effet, Saloustios y reprend une série de questions touchant le mythe que Julien avait lui-même traitées. Voici récapitulées ces différentes questions dans un tableau où nous avons voulu faire apparaître les rapprochements doctrinaux et lexicaux, mais aussi les différences : […] »). Aussi P. Célérier se livre à quelques suppositions des plus intéressantes et notamment à celle-ci : « Saloustios exprimerait un paganisme philosophique moins émotionnel que celui de Julien, débarrassé des excès du sentiment religieux jugés trop superstitieux. Saloustios, porte-parole de ce milieu, aurait voulu rectifier ou corriger les spéculations de Julien. Les divergences que nous avons pu noter là où on s’attendait à des rapprochements témoigneraient, ajoutées au silence touchant le nom de Julien, les titres de ses œuvres et son dieu favori, d’un véritable écart avec sa pensée. » »
Extrait n°2 : texte grec du Chapitre premier du Traité de Saloustios (p. 25 de l’édition au format A4 ; p. 29 de l’édition au format A5).
« Τούς περί Θεών άκούειν έθέλοντας, δεί μέν έκ παίδων ἦχθαι καλῶς, καὶ μὴ ἀνοήτοις συντρέφεσθαι δόξαις· δεῖ δὲ καὶ τὴν ϕύσιν ἀγαθοὺς εἶναι, καὶ ἔμφρονας (ἵνα ὀρθῶς προς) ἔχωσι τοῖς λόγοις· δεῖ δὲ αὐτοὺς καὶ τὰς κοινὰς ἐννοίας εἰδέναι. Κοιναὶ δέ εἰσιν ἔννοιαι ὅσας πάντες ἄνθρωποι ὀρθῶς ἐρωτηθέντες ὁμολογήσουσιν· οἷον, ὅτι πᾶς Θεὸς ἀγαθός, ὅτι ἀπαθής, ὅτι ἀμετάβλητος· πᾶν γὰρ τὸ μεταβαλλόμενον, ἐπὶ τὸ κρεῖττον, ἢ ἐπὶ τὸ χεῖρον. Καὶ εἰ μὲν ἐπὶ τὸ χεῖρον, κακύνεται, εἰ δὲ ἐπὶ τὸ κρεῖττον, τὴν ἀρχὴν ἦν κακόν. »
Extrait n°3 : traduction (par J. H. S. Formey) du Chapitre premier du Traité de Saloustios (p. 73 de l’édition au format A4 ; p. 79 de l’édition au format A5).
« Pour être en état de s’instruire de ce qui concerne les dieux, il faut avoir été bien dirigé dès l’enfance, et ne point être imbu de folles opinions. À cela doit se joindre un bon naturel, un jugement droit, et une attention convenable à la nature des enseignements. La connaissance des notions communes est aussi indispensable. Ces notions sont celles sur lesquelles tous les hommes étant interrogés, se trouvent d’accord : par exemple, que toute divinité est bonne, impassible, et immuable. En effet tout ce qui est assujetti au changement, devient meilleur ou pire. Si c’est le dernier, il acquiert le mal ; si c’est le premier, le mal existait auparavant en lui. »
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N. B. : numérisation : Google ; conservation : Faculté de Théologie de L'Église Évangélique libre du Canton de Vaud ; téléchargé depuis : books.google.com.
— TRAITÉ — CATÉCHISME PAÏEN ET PHILOSOPHIQUE… — (+++++) —
Observation :
— cf. supra extrait du texte grec et de traduction en français…
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N. B. : numérisation : Numelyo – Bibliothèque numérique de Lyon ; conservation : Bibliothèque municipale de Lyon ; téléchargé depuis : numelyo.bm-lyon.fr.
— TRAITÉ — CATÉCHISME PAÏEN ET PHILOSOPHIQUE… — (+++++) —
Observation :
— cf. supra extraits [du texte grec et] de traduction en français…
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N. B. : numérisation : Google ; conservation : Harvard Univ. Lib. ; téléchargé depuis : books.google.com.
— TRAITÉ — CATÉCHISME PAÏEN ET PHILOSOPHIQUE… — (+++++) —
Observation :
— cf. supra extraits [du texte grec et] de traduction en français…
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N. B. : numérisation : Google ; conservation : Université de Gand (Gent) ; téléchargé depuis : books.google.com.
— TRAITÉ — CATÉCHISME PAÏEN ET PHILOSOPHIQUE… — (+++++) —
Observation :
— cf. supra extraits du texte grec et de traduction en français…
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N. B. : numérisation : Google ; conservation : Bodleian Library - Univ. of Oxford ; téléchargé depuis : https://books.google.com.
— TRAITÉ — CATÉCHISME PAÏEN ET PHILOSOPHIQUE… et autres textes — (++++) —
Observation :
— cf. supra extraits du texte grec et de traduction en français…
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N. B. : numérisation : Internet Archive ; conservation : University of California Library – Los Angeles ; téléchargé depuis : archive.org.
— ROMAN — (+++++) —
« La lecture de Salammbô est une des plus violentes sensations intellectuelles qu’on puisse éprouver. » : dans un ouvrage en 2 volumes, intitulé L’Orient (publication posthume, en 1877 ; articles et comptes rendus divers relatifs à des thèmes orientaux), compilation de textes de Théophile Gautier (1811-1872), un chapitre entier est consacré à Salammbô, le roman de Gustave Flaubert…
EXTRAITS du volume 2 de L’Orient de Théophile Gautier :
Extrait n°1 du volume 2 de L’Orient de Théophile Gautier :
« […].
« On ne saurait exiger de Salammbô, roman carthaginois, la peinture des passions modernes et la minutieuse étude de nos petits travers en habit noir et en paletot sac. Et ce pendant la première impression que semble produire le livre de M. Gustave Flaubert sur la généralité des lecteurs, et même des critiques, est une surprise désappointée. Ils sont tentés de s’écrier : « Peut-on être Carthaginois ! »
« On le peut, l’auteur de Salammbô le prouve, mais ce n’est pas aisé. À la longue, le delenda Carthago du vieux Caton s’est accompli littéralement. Après bien des renaissances et des rechutes, Carthage a disparu, ne laissant pour ruines visibles que quelques arches d’aqueduc. Sa langue s’est perdue ; il n’en reste qu’un monologue et quelques mots dans le Pœnulus de Plaute, parodiés sans doute comme ces jargons hybrides par lesquels on imite dérisoirement au théâtre les idiomes étrangers. Les légendes des rares médailles puniques sont indéchiffrables ou d’une interprétation arbitraire. À défaut de monuments, M. Gustave Flaubert, avec une patience de bénédictin, a dépouillé toute l’histoire antique. Chaque passage se rapportant, de près ou de loin, à son sujet, a été relevé ; pour un détail, il a lu de gros volumes qui ne contenaient que ce détail. Non content de cela, il a fait une excursion investigatrice aux rives où fut Carthage, adaptant la science acquise à la configuration des lieux, interrogeant les flots rapides qui cachent tant de secrets, frappant le sable du talon pour en faire sortir une réponse à un doute, s’imprégnant de la couleur du ciel et des eaux, se logeant dans la tête la forme des promontoires, des collines, des terrains, de façon à bien planter le décor de son drame et de sa restauration, car Salammbô est à la fois l’un et l’autre.
« La lecture de Salammbô est une des plus violentes sensations intellectuelles qu’on puisse éprouver. Dès les premières pages, on est transporté dans un monde étrange, inconnu, surchauffé de soleil, bariolé de couleurs éclatantes, étincelant de pierreries, au milieu d’une atmosphère vertigineuse, où se mêlent aux émanations des parfums les vapeurs du sang. Le spectacle de la barbarie africaine, avec ses magnificences bizarres, ses idoles bestiales, ses cultes féroces, son symbolisme difforme, sa stratégie de belluaire qui fait intervenir les monstres du désert dans les tueries humaines, son génie tortionnaire et mercantile tenant d’une main le fouet en lanières d’hippopotame, et de l’autre l’abaque à calculer, se déroule devant vous dans un éblouissement de lumière, comme si les rideaux du passé s’écartaient brusquement tirés par une main puissante, découvrant un théâtre où le décor des siècles a été laissé en place, au lieu de retourner au magasin de l’éternité. […].»
(In : GAUTIER, Théophile. L’Orient. Tome second. Paris : G. Charpentier et E. Fasquelle, 1893. 390 p. P. 283-286 [le chapitre intitulé Salammbô dédié au roman de Gustave Flaubert s’étend de la p. 281 à la p. 322. Th. Gautier nous y livre, outre un certain nombre de considérations, un résumé du roman]).
Extrait n°2 du volume 2 de L’Orient de Théophile Gautier :
« De ce fourmillement colossal de multitudes remuées avec la plus magistrale aisance se détachent les figures du drame : Hamilcar, Hannon, Mathô, Spendius, Narr'Havas, Salammbô, Schahabarim : Hamilcar, héroïque et presque divin ; Hannon, résumant en sa hideuse personne le côté monstrueux du génie carthaginois ; Mathô, la passion impétueuse, aveugle et fatale ; Spendius, la finesse grecque luttant à force d’esprit contre les énormités du monde africain ; Narr'Havas, si élégamment perfide et d’une beauté si purement arabe ; Salammbô, cette chaste création macérée dans les parfums, les initiations et les extases, autour de laquelle semble s’arrondir, comme une auréole, un halo lunaire ; Schahabarim, contemplant toujours plus rêveur le gouffre sans fond des mysticités orientales et passant de Tanit à Moloch. Pour peindre ces personnages de types si divers, M. Gustave Flaubert a su trouver les teintes les plus délicates et les plus vigoureuses. Si rien n’est horrible comme le suffète lépreux, rien n’est plus suave que cette Salammbô faite de vapeurs, d’arômes et de rayons. La terreur et la grâce, il a tout, et il sait rendre les putréfactions des champs de bataille comme l’intérieur chatoyant et parfumé des chambres virginales. Quel tableau que celui du défilé de la Hache où sommeillent des lions repus, ennuyés, gras de chair humaine, et abattant d’une griffe nonchalante les derniers survivants des Mercenaires ! Le paysage, âpre, rugueux, farouche, sombre, sous un ciel à zébrures sanglantes, rappelle ces gorges d’Ollioules que Decamps a données pour fond à la bataille des Cimbres. Quant aux lions, ils valent les lions bibliques de Daniel dans la légende des siècles. Aucune imagination orientale n’a dépassé les merveilles entassées dans l’appartement de Salammbô. Les yeux modernes sont peu habitués à de telles splendeurs. Aussi a-t-on accusé M. Gustave Flaubert d’enluminure, de papillotage, de clinquant. Quelques mots de physionomie trop carthaginoise ont arrêté les critiques. Avec le temps, ces couleurs trop vives se tranquilliseront d’elles-mêmes, ces mots exotiques, plus aisément compris, perdront leur étrangeté, et le style de M. Gustave Flaubert apparaîtra tel qu’il est, plein, robuste, sonore, d’une originalité qui ne doit rien à personne, coloré quand il le faut, précis, sobre et mâle lorsque le récit n’exige pas d’ornement : le style d’un maître enfin. Son volume restera comme un des plus hauts monuments littéraires de ce siècle. Résumons, en une phrase qui dira toute notre pensée, notre opinion sur Salammbô. Ce n’est pas un livre d’histoire, ce n’est pas un roman : c’est un poëme épique ! »
(In : GAUTIER, Théophile. L’Orient. Tome second. Paris : G. Charpentier et E. Fasquelle, 1893. 390 p. P. 320-322 [le chapitre intitulé Salammbô dédié au roman de Gustave Flaubert s’étend de la p. 281 à la p. 322. Th. Gautier nous y livre, outre un certain nombre de considérations, un résumé du roman]).
Extraits de la Préface, par Jacques Suffel (1903-1992), de Salammbô, édition Garnier-Flammarion de 1964 (pages 17 à 23) :
« « Je vais écrire un roman dont l’action se passera trois siècles avant Jésus-Christ, car j’éprouve le besoin de sortir du monde moderne, où ma plume s’est trop trempée et qui d’ailleurs me fatigue autant à reproduire qu’il me dégoûte à voir. »
« C’est le 18 mars 1857 que Gustave Flaubert faisait cette confidence à mademoiselle Leroyer de Chantepie. Il avait trente-cinq ans et venait de triompher du sot procès que lui avait valu Madame Bovary. On sait combien la publication de ce roman dans la Revue de Paris avait fait sensation : l’auteur, inconnu la veille, était devenu célèbre, alors que son œuvre n’était pas encore éditée en volume.
« Après ce coup de maître, qui l’avait porté au rang des meilleurs écrivains du temps, Flaubert voulut acquérir une autorité nouvelle en composant un livre entièrement différent du premier, aussi bien par le sujet que par la tonalité du récit. Il avait en réserve des manuscrits qu’il aurait pu certes publier, notamment la Tentation de saint Antoine, dont il venait de faire paraître des fragments dans une revue, et l’Éducation sentimentale, dans sa première version. Mais il rêvait depuis longtemps d’une « grande machine antique ». Le nom d’Anubis, divinité égyptienne à tête de chacal, est cité par lui, comme sujet possible, dès 1850 : il imaginait l’aventure d’une femme aimée par le dieu. D’Anubis, il passa à Baal, autre divinité à tête d’animal, et, finalement, il se fixa sur Carthage. »
« […]
« […]. C’est en se fiant à son sens critique et à son intuition de poète qu’il entreprit d’évoquer une ville, une civilisation, des personnages disparus depuis vingt siècles. Il fallait pour cela substituer à l’observation directe des choses une documentation historique minutieusement contrôlée. Vouloir faire de Carthage, enfouie sous sa poussière millénaire, une peinture aussi vivante que celle d’un village normand, c’était tenter une entreprise audacieuse. Mais Flaubert n’entendit point se soumettre uniquement aux méthodes de l’érudition : « L’étude de l’habit nous fait oublier l’âme, écrit-il à Feydeau… Quant à l’archéologie, elle sera « probable ». Voilà tout. Pourvu que l’on ne puisse pas me prouver que j’ai dit des absurdités, c’est tout ce que je demande. »
« Dans son récit, l’histoire et la fiction sont étroitement liées. L’épisode historique, pris dans Polybe (Histoire, I) c’est la lutte des Carthaginois contre les mercenaires qu’ils avaient eux-mêmes recrutés, lors de la première guerre punique (241 avant J.-C.). L’épisode romanesque, c’est la fille d’Hamilcar, — « fille inventée par votre serviteur », reconnaît fièrement Flaubert, — c’est l’imaginaire Salammbô qui l’apporte, par son aventure avec Mâtho, le chef mercenaire. A cela s’ajoute un élément d’extrême importance qui, de chapitre en chapitre, accroît l’intensité tragique du tableau : la cruauté des mœurs de Carthage, la férocité de ses dieux sanguinaires qu’apaisent les immolations d’enfants offerts en holocauste, pratiques terribles, attestées par de nombreux témoignages et notamment par un texte décisif de Diodore de Sicile. C’est Moloch dans toute son horreur qui probablement tenta le bon Flaubert. On sait qu’il faisait profession, par haine des « bourgeois stupides », d’admirer Néron et Héliogabale au point de vue de l’art. « Soyons féroces, proclame-t-il. Versons de l’eau de vie sur ce siècle d’eau sucrée. Noyons le bourgeois dans un grog à XI mille degrés et que la gueule lui en brûle, qu’il en rugisse de douleur ! »
« Tout d’abord, il fit des lectures, s’infligea « une indigestion de bouquins » et prit des notes durant plusieurs mois ; puis, « bourré de son sujet », il se mit à l’œuvre. »
« […]
« Les historiens Polybe et Appien lui fournissaient la base de son exposé ; les traits de mœurs, les détails multiples, il les puisait un peu partout, utilisant Pline, Xénophon, Plutarque, Hippocrate, Athénée, en même temps que des travaux récents, comme l’Hygiène des Arabes, du docteur Bertherand. Une de ses grandes sources fut la Bible, qu’il lisait dans la traduction de Cahen. Tel passage de Salluste (Jugurtha, XVIII-XIX) lui servit pour marquer l’influence assyrienne ; et lorsqu’il voulut montrer l’horrible condition des esclaves enchaînés au moulin, c’est un texte d’Apulée (Métamorphoses, IX) qui lui donna la note juste. « Quand je n’ai pas eu de textes, j’ai eu recours aux voyageurs modernes et à mes souvenirs personnels. » Ainsi pour décrire les tortures de la soif, il évoqua les heures qu’il avait passées avec Maxime Du Camp, dans le désert du Kosseir, en 1850, et compléta ses propres impressions par le récit du docteur Savigny, médecin du radeau de la Méduse.
« Le climat, l’atmosphère, les couleurs de la terre et du ciel, le romancier croyait les connaître, ayant vécu plus d’un an au moyen Orient. Toutefois, il n’avait pas été en Tunisie : un scrupule le saisit et, en 1858, il alla visiter les ruines de Carthage et la région avoisinante.
« Après ce voyage fructueux, qui se prolongea près de deux mois, il dit à Feydeau : « Je t’apprendrai que Carthage est complètement à refaire ou plutôt à faire. Je démolis tout. C’était absurde ! impossible ! faux ! Je commence à comprendre mes personnages et à m’y intéresser. C’est déjà beaucoup. »
« Et dès lors, le travail de l’artiste se poursuivit sans relâche, durant quatre années. Travail colossal qu’attestent les manuscrits : on peut voir à la Bibliothèque nationale les cinq forts volumes réunissant les ébauches et les brouillons de Salammbô, au total près de deux mille feuillets in-folio écrits recto et verso. Le manuscrit définitif, qui compte seulement 340 pages, porte en exergue deux dates de la main de Flaubert : Septembre 1857-avril 1862.
« C’est vers la fin de 1860 que le romancier atteignit son dixième chapitre, où la fille d’Hamilcar apparaît au premier plan. Salammbô (elle s’appela primitivement Pyra ou Pyrha), cette princesse qui s’ennuie, comme toutes les héroïnes et tous les héros chers au cœur de Flaubert, semble agir parfois comme une somnambule ; elle va, sur l’injonction du grand-prêtre Schahabarim, rechercher au camp des mercenaires le voile sacré de Tanit, dérobé par Mâtho. Elle pénètre sous la tente du guerrier (chapitre XI), s’abandonne, puis retourne vers Carthage avec son butin, après avoir esquissé le geste de Judith. Elle parle peu, reste pudique et secrète, même à l’instant suprême : « Moloch, tu me brûles… » Certains traits de son fin visage furent vraisemblablement empruntés par l’écrivain à la figure de belles mortelles qu’il admirait, et l’on cite à ce sujet le nom de Jeanne de Tourbey.
« Au centre du prodigieux décor de Carthage, Salammbô paraît menue, malgré sa mort dramatique, qui l’humanise et la grandit. Mais il est évident que le roman de Flaubert n’est qu’en partie une histoire d’amour. C’est surtout un récit sanguinaire : « J’éventre des hommes avec prodigalité, disait l’auteur. Je verse du sang. Je fais du style cannibale. » Les derniers chapitres, « la grillade des moutards », l’agonie des barbares dans le défilé de la Hache (Polybe avait été mal traduit, il eût fallu lire : passage de la Scie), le supplice de Mâtho enfin, atteignent le paroxysme de l’atrocité.
« — « Vous inventez des horreurs !… » s’exclama Sainte-Beuve.
« Et Flaubert avouait : « On marche dans les tripes. »
« Son goût pour les couleurs éclatantes s’unissait ici à sa misanthropie : après avoir montré, dans Madame Bovary, la sottise et la platitude de ses semblables, il se complaisait à étaler leur méchanceté, leur monstrueuse cruauté, leur avidité, qu’il compare à celle des requins, leur orgueil, leur lâcheté.
« […]
« […], Salammbô fit grand bruit et connut un succès immédiat ; mais les critiques se montrèrent souvent réticents, voire dénigrants. Ce fut le cas de Sainte-Beuve, qui considérait qu’on ne peut pas « recomposer la civilisation antique » : dans trois articles du Moniteur, il multiplia les réserves. Flaubert, piqué au vif, répliqua par une longue lettre, se défendant pied à pied. Il répondit aussi, très vertement, à Guillaume Frœhner, jeune archéologue allemand qui, gonflé de sa science et de sa cuistrerie, avait cru bon de discuter les sources. »
« […]
« Dans son décor superbe et sanglant, Salammbô n’a rien perdu de son éclat. On a continué, certes, à chercher ses défauts. Paul Valéry blâmait le détail archéologique, qui pèse quelquefois, pensait-il, sur sa robe étincelante. Cependant la jeune Parque, nourrie « du lait des rêveries », enlacée au serpent, « ce bras de pierreries », s’apparente visiblement à la fille d’Hamilcar.
« […]
« Observant que Flaubert, dans les textes sur lesquels il s’appuie, « n’a jamais tant cherché une documentation qu’une autorisation », André Gide a dit très justement : « Par horreur de la réalité quotidienne, il s’est épris surtout ici de ce qui en différait. Croit-il vraiment avec Théophraste que les escarboucles soient formées de l’urine des lynx ? Certes non ! mais il se réjouit de ce qu’un texte de Théophraste l’autorise à feindre d’y croire ; et ainsi du reste. »
« […]
« […] nombreux sont ceux qui ont essayé d’évoquer le monde antique ; mais on ne signale pas beaucoup de réussites. En ce genre difficile, le toc est fréquent et se délabre vite.
« Salammbô seule conserve son charme mystérieux de figure chryséléphantine, l’or et les diamants qui la parent défient le temps, ses parfums ne sont pas éventés, ses flammes brûlent toujours. Poème unique dans la littérature française, il réalise le rêve de Flaubert, qui s’écriait, à son retour de Carthage : « Que toutes les énergies de la nature, que j’ai aspirées, me pénètrent et qu’elles s’exhalent dans mon livre. À moi puissance de l’émotion plastique ! Résurrection du passé à moi ! à moi ! Il faut faire, à travers le beau, vivant et vrai quand même. » »
« Jacques Suffel. »
(In : FLAUBERT, Gustave. Salammbô. Chronologie et préface par Jacques Suffel. Paris : Garnier-Flammarion, 1964. 311 p. P. 17-23.)
Voici, extrait de la rubrique « Salammbô et les auteurs contemporains » (p. 503, 504 de l’édition Conard, 1921), un courrier envoyé à Flaubert par Auguste Vacquerie (écrivain et journaliste ; 1819-1895) :
« Mon cher Ami,
« Merci de votre envoi. J’avais lu votre livre, je l’ai relu, je suis encore plus ravi que la première fois. Ce qui m’a touché particulièrement, c’est la grandeur. Faire grand, cela est donné à bien peu, surtout dans ce temps où tous ont le dos courbé sous le poids de l’aimable régime que nous portons.
« […]
« Salammbô est presque une insulte pour le public actuel. Elle lui est une mesure de son amoindrissement ; elle lui rappelle qu’il y a autre chose que les cancans de coulisses ; elle l’offense dans son esprit et dans ses calembours. N’importe, vous avez porté un grand coup, et qui aura un long retentissement. Ceux que vous n’avez pas convaincus, vous les avez avertis, si malgré eux ils avaient désormais votre voix dans les oreilles. Et dès à présent vous êtes compris de tous ceux qui ne consentent pas à l’abaissement intellectuel que nous a fait l’abaissement politique ; je suis de ceux-ci et je vous félicite de Salammbô, et je vous en remercie. Après tous ces succès misérables et tous ces chefs-d’œuvre saugrenus qu’on admire à quatre pattes et en prenant bien garde de les écraser, c’est si bon et si sain d’admirer debout, la poitrine ouverte aux grands souffles et les yeux dans les étoiles !
« À vous de plus en plus.
« Auguste Vacquerie.
« 6 janvier 1863. »
(In : Flaubert, Gustave. Salammbô. Paris : Louis Conard, libraire-éditeur, MCMXXI [1921]. 506 p. [Coll. : Œuvres complètes de Gustave Flaubert]. P. 503-504 — extrait de la rubrique intitulée : « Salammbô et les auteurs contemporains »).
Voici un autre courrier, rédigé celui-ci par Flaubert alors qu’il a entamé la rédaction de Salammbô (tandis que le roman est encore intitulé Carthage) adressé par Flaubert à l’une de ses connaissances, l’homme de lettres Ernest Feydeau (1821-1873) :
« À Ernest Feydeau.
[Croisset, janvier 1861].
« Si je ne t’écris pas, mon bon, c’est que je n’ai absolument rien à te dire. Je m’oursifie et m’assombris de plus en plus — et ce qui se passe dans la capitale n’est pas fait pour m’égayer. J’ai un tel dégoût de ce qu’on y applaudit et de toutes les turpitudes qu’on y imprime, que le cœur m’en soulève rien que d’y songer. (Est-ce beau le tapage que l’on fait autour des deux ineptes vomissages des sieurs Lacordaire et Guizot ! ah ! ah !) — J’avance tout doucement dans Carthage avec de bons et de mauvais jours (ceux-là plus fréquents, bien entendu).
« J’ai écrit un chapitre depuis six semaines, ce qui n’est pas mal pour un bradype de mon espèce. J’espère, avant le milieu de mars, en avoir fort avancé un autre, le XIᵉ ; après quoi il m’en restera quatre, c’est long ! Tous les après-midi je lis du Virgile, et je me pâme devant le style et la précision des mots. Telle est mon existence, — mais parlons de la tienne, qui va changer. Bénie soit-elle, cher ami ; accepte tous mes souhaits, tu dois savoir s’ils sont sincères et profonds.
« Nous ne suivons guère les mêmes sentiers. As-tu fait cette remarque ? Tu crois à la vie et tu l’aimes, moi je m’en méfie. J’en ai plein le dos et en prends le moins possible. C’est plus lâche, mais plus prudent — ou plutôt il n’y a dans tout cela aucun système : chacun suit sa voie et roule sur la petite pente, comme le Maktoûb l’a résolu. Écris-moi quand tu n’auras rien de mieux à faire.
« Mille bonheurs — et longs surtout.
« Je t’embrasse.
« Je suis ce soir éreinté à ne pouvoir tenir ma plume, c’est le résultat de l’ennui que m’a causé la vue d’un bourgeois. Le bourgeois me devient physiquement intolérable. J’en pousserais des cris. »
(In : FLAUBERT, Gustave. Correspondance — Troisième série (1854-1869). Paris : Bibliothèque-Charpentier. 1892. 408 p. P. 207).
Gustave Flaubert travaillera plus de quatre ans donc, à la rédaction de Salammbô, jusqu’au début de 1862. Le roman sera publié par l’éditeur Michel Lévy à la fin du mois de novembre de cette même année. Le roman remportera un succès considérable.
Nous-même, qui voilà près d’un demi-siècle avons lu cet ouvrage, pouvons en témoigner, il est extrêmement rare de se livrer à une lecture si prenante, provoquant de si intenses émotions…
Et depuis lors, plusieurs dizaines d’années durant, avons-nous éprouvé le besoin de relire de temps à autre certains passages de ce texte remarquable, vénérable.
Et maintes fois, en notre for intérieur, avons-nous exprimé l’avis que l’auteur d’un tel texte, n’eût-il écrit que ce seul roman, aurait par cela-même bien rempli sa vie, n’aurait pas vécu vainement !
Récemment, après avoir procédé à un nouveau classement des ouvrages sur quelques rayons de notre bibliothèque, nous avons eu à déplacer le seul exemplaire de Salammbô que nous possédons (éditions Garnier-Flammarion, 4e trimestre 1964), et qui se trouvait en deuxième ligne, masqué par d’autres livres.
Alors nous le compulsâmes, et « perdîmes » quelques longs moments à en relire les chapitres VII et VIII, puis le chapitre X, et enfin les dernières pages du chapitre XV, dernières pages de l’ouvrage.
Alors nous étonnâmes-nous de ne point encore avoir ajouté ce roman au catalogue de notre site internet ; aussi entreprîmes-nous aussitôt (ou presque) de porter remède à cette grave négligence…
Voici l’incipit, justement, le plus fameux, sûrement, de toute la littérature française :
« C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. »
C’est par cette phrase donc, par ce paragraphe, que s'ouvre Salammbô, le roman de Flaubert…
TABLE DES MATIÈRES de l’édition de Salammbô par Louis Conard de 1921 [FLAUBERT, Gustave. Salammbô. Paris : Louis Conard, MCMXXI (1921). (Coll. Œuvres complètes de Gustave Flaubert). 506 p.] — les chiffres romains correspondent aux numéros des chapitres ; les chiffres arabes, à la foliotation :
I. Le Festin… p. 1
II. À Sicca… p. 26
III. Salammbô… p. 55
IV. Sous les murs de Carthage… p. 66
V. Tanit… p. 90
VI. Hannon… p. 111
VII. Hamilcar Barca… p. 138
VIII. La Bataille du Macar… p. 188
IX. En Campagne… p. 213
X. Le Serpent… p. 233
XI. Sous la Tente… p. 251
XII. L'Aqueduc… p. 277
XIII. Moloch… p. 304
XIV. Le Défilé de la Hache… p. 352
XV. Mâtho… p. 402.
NOTICE… p. 415 :
Sources et méthode :
I. Source principale… p. 418
II. Sources accessoires… p. 445.
INDEX (sources diverses)… p. 450.
NOTES :
I. L'écriture de Salammbô… p. 465
II. Les ébauches et le manuscrit… p. 475 .
VARIANTES… p. 483.
SALAMMBÔ ET LES AUTEURS CONTEMPORAINS… p. 501.
L'illustration de ce paragraphe
n'est pas constituée d'une gravure tirée d'une édition du roman,
mais consiste en une reproduction d'un tableau de 1906
(inspiré par le chapitre X du roman)
du peintre italien Glauco Combo (1875-1930).
L'illustration provient de commons.wikimedia.org.
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Voici, tirée d'un « Dictionnaire encyclopédique » une courte biographie de Spinoza, une évocation de la substance de ses ouvrages, de sa philsophie…
Extraits (dans les extraits cités infra, les éventuels appels de notes ne sont pas retranscrits ;
et nous transcrivons le texte dans le respect de la lettre « ſ », lettre minuscule « s long latin ») :
Extrait n°1 (Tractatus Theologico-Politicus. Hamburgi, apud Henricum Künrath. MDCLXX ; chapitre XIII, p. 157-158 [p. 174-175 du fichier PDF]) :
« […]. Deinde minime etiam mirum, quod sacra volumina ubique adeo improprie de Deo loquantur, eique manus, pedes, oculos, aures, mentem, & motum localem tribuant, & præterea etiam animi commotiones, ut quod sit Zelotypus, miſericors &c. & quod denique ipſum depingant tanquam judicem, & in coelis, tauquam in ſolio regio ſedentem, & Chriſtum ad ipsius dextram. Loquuntur nimirum secundum captum vulgi, quem Scriptura non doctum, sed obedientem reddere ſtudet. […]. »
Extrait n°2 (Tractatus Theologico-Politicus. Hamburgi, apud Henricum Künrath. MDCLXX ; chapitre XIV, p. 160 [p. 177 du fichier PDF]) :
« Ut hæc igitur ordine oſtendam, summum totius Scripturæ intentum repetamus, id enim nobis veram normam fidei determinandæ indicabit. Diximus in superiori Capite, intentum Scripturæ eſſe tantum obedientiam docere. Quod quidem nemo inficias ire poteſt. Quis enim non videt, utrumque Teſtamentum nihil eſſe præter obedientiæ disciplinam ? nec aliud utrumque intendere, quam quod homines ex vero animo obtemperent ? »
Extrait n°3 (Tractatus Theologico-Politicus. Hamburgi, apud Henricum Künrath. MDCLXX ; chapitre XIV, p. 162 [p. 179 du fichier PDF]) :
« […]. Sequitur denique fidem non tam requirere vera, quam pia dogmata, hoc eſt, talia, quæ animum ad obedientiam movent : Tametſi inter ea plurima ſint, quæ nec umbram veritatis habent, dummodo tamen is, qui eadem amplectitur, eadem falſa eſſe ignoret alias rebellis neceſſario esse ; […] »
N. B. : numérisation : Serge Schoeffert et David Bosman - édition H. Diaz ; livre issu des collections de : … ; téléchargé depuis : spinozaetnous.org.
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Traduction par Émile Saisset (1842 ; p. 125) de l’extrait n°1 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Il n’est pas non plus étrange que les livres sacrés parlent partout si improprement de Dieu, qu’ils lui donnent des mains, des pieds, des yeux, des oreilles, une âme, un mouvement local, et jusqu’aux passions du cœur comme la jalousie, la miséricorde, etc. ; et enfin qu’ils le représentent comme un juge assis dans le ciel sur un trône royal, ayant le Christ à sa droite. Un pareil langage est évidemment approprié à l’intelligence du vulgaire, à qui l’Écriture s’efforce de donner, non la science, mais l’esprit d’obéissance. »
Traduction par Émile Saisset (1842 ; p. 127) de l’extrait n°2 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Pour exposer tous ces points avec méthode, revenons sur le véritable but de toute l’Écriture ; cela nous donnera la vraie règle pour déterminer la foi. Nous avons dit dans le chapitre précédent que le seul but de l’Écriture est d’enseigner l’obéissance ; et c’est une vérité que personne ne peut mettre en doute. Qui ne voit en effet que les deux Testaments ne sont, l’un et l’autre, qu’une doctrine d’obéissance, et qu’ils n’ont pas d’autre but que d’inviter les hommes à une obéissance volontaire ? »
Traduction par Émile Saisset (1842 ; p. 128) de l’extrait n°3 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Il s’ensuit enfin que la foi ne requiert pas tant la vérité dans les doctrines que la piété, c’est-à-dire ce qui porte l’esprit à l’obéissance. Alors même que la plupart de ces doctrines n’auraient pas l’ombre de la vérité, il suffit que celui qui les embrasse en ignore la fausseté ; autrement, il serait nécessairement rebelle : […]. »
N. B. : numérisation : Google ; livre issu des collections de : Bibliothèque de la ville de Lyon ; téléchargé depuis : books.google.fr.
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Traduction par J. G. Prat (1872 ; p. 295) de l’extrait n°1 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Il n’est nullement étonnant non plus que les livres sacrés parlent partout si improprement de Dieu, qu’ils lui attribuent des mains, des pieds, des yeux, des oreilles, une âme, le mouvement local, jusqu’aux passions de l’âme ; par exemple qu’il est jaloux, miséricordieux, etc. ; et, enfin, qu’ils le dépeignent comme un juge, assis dans les cieux, sur une manière de trône royal, ayant le Christ à sa droite. Ces livres s’expriment, sans contredit, selon la portée de l’intelligence du vulgaire, que l’Écriture ne vise pas à rendre savant, mais obéissant. »
Traduction par J. G. Prat (1872 ; p. 298-299) de l’extrait n°2 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Mais, pour montrer la chose avec ordre, redisons quel est le but dernier de toute l’Écriture : cela nous indiquera la vraie règle pour déterminer la nature de la foi.
« Au Chapitre précédent, nous avons dit que le but de l’Écriture était seulement d’enseigner l’obéissance. À cet égard, personne ne nous peut contredire. Qui ne voit, en effet, que les deux Testaments ne sont qu’une règle d’obéissance, et n’ont, l’un et l’autre, d’autre fin, que de faire obéir les hommes d’un cœur sincère ? »
Traduction par J. G. Prat (1872 ; p. 302) de l’extrait n°3 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Il suit enfin de là que ce n’est pas tant des dogmes vrais que la foi exige, que des dogmes pieux ; c’est-à-dire des dogmes tels, qu’ils poussent l’esprit à l’obéissance, encore que, parmi ces dogmes, il s’en trouve quelques-uns qui n’aient pas l’ombre de vérité. Il faut, toutefois, que celui qui les embrasse, ignore qu’ils sont erronés ; autrement il serait nécessairement rebelle. »
N. B. : numérisation : J. P. Guastalla ; livre issu des collections de : … ; téléchargé depuis : academia.edu.
— PHILOSOPHIE - RELIGION - THÉOLOGIE - POLITIQUE — (++++) —
Traduction par J. P. GUASTALLA (p. 365) de l’extrait n°1 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Ensuite, il ne faut absolument pas s’étonner non plus, que les manuscrits sacrés parlent partout de Dieu à ce point improprement, et lui attribuent des mains, des pieds, des yeux, des oreilles, localement le mouvement et la pensée et en outre aussi des états d’âme, comme être maladivement jaloux, miséricordieux etc. et enfin le dépeignent en réalité comme un juge et assis dans le ciel sur un trône royal le Christ sur son côté droit. Ces manuscrits assurément parlent selon la capacité de la multitude que l’Écriture s’applique à rendre obéissante, mais non savante. »
Traduction par J. P. GUASTALLA (p. 369) de l’extrait n°2 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Pour montrer cela dans l’ordre donc, répétons la suprême intention de l’Écriture tout entière, qui nous indiquera en effet la vraie règle de détermination de la foi. Nous avons dit dans le chapitre précédent que l’intention de l’Écriture est seulement d’enseigner l’obéissance. Ce contre quoi assurément, personne ne peut aller. Qui ne voit en effet que l’un et l’autre Testaments ne sont rien d’autre qu’une discipline d’obéissance, et ne tendent l’un et l’autre à rien d’autre que les hommes obtempèrent d’un cœur sincère ? »
Traduction par Jean Paul Guastalla (p. 373) de l’extrait n°3 du Tractatus Theologico-Politicus cité supra :
« Il suit enfin que la foi requiert non tant des dogmes vrais, que des dogmes pieux, c’est-à-dire tels qu’ils poussent l’âme à l’obéissance, même si parmi ces dogmes le plus grand nombre n’a pas l’ombre d’une vérité ; à condition toutefois que celui qui les embrasse ignore lui-même qu’ils sont faux, autrement il serait nécessairement insoumis. »
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Voici, tirée d'un « Dictionnaire encyclopédique » une courte biographie de Paul-Henri-Thiry d'Holbach, une très brève et tendancieuse évocation du style de la rédaction, de la substance de ses ouvrages, de sa philsophie…
Avant que de parcourir une rubrique d'un catalogue (« bulletin 9/2023 ») de la « Librairire Hogier » (« Livres anciens & modernes ») sur le site Internet du SLAM (Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne — URL : https://app.slamlivrerare.org/membres/librairie-hogier/ — consultation le : 15-01-2024), nous pensions ne jamais avoir eu l'occasion de lire le baron d'Holbach. Après exploration des rayons de notre bibliothèque, consultation rapide d'un vieux « Recueil de textes philosophiques » (RABAUDY, Christian de ; ROLLAND, Béatrice. Sophia. Recueil de textes philosophiques pour les classes terminales C, D et E, avec présentations, notes et questions, préface d'Yvon Belaval, professeur à la Sorbonne. La Connaissance et l'Action. Paris : Hatier, 1971. 543 p.), nous y avons trouvé un marque-page portant une mention « D'HOLBACH » et repérant la page 345, page où se trouve cité un texte du baron relatif à « L'utilitarisme », et extraite de « Système de la nature » ; nous reproduisons la note « (b) » de cette page 345 :
« L'œuvre de d'Holbach est considérable et concerne de nombreux domaines du savoir. Il a écrit plus de trois cents articles de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, notamment sur des sujets de chimie. Ses principales œuvres sont : Système de la nature (1770), Politique naturelle (1773), Système social (1773), Ethocratie (1776), La morale universelle (1776), etc. »
Ci-après nous citons l'intégralité de la rubrique considérée du catalogue de la « Librairie Hogier », à laquelle nous faisons référence plus haut (même si son troisième point, relatif à l'ouvrage intitulé Fragmens d'un poème moral sur Dieu et inclus dans la même reliure que les précédents, ne se révèle pas strictement utile ici…) :
« 1/ [ATHÉISME. – HOLBACH, VROESEN, LUCAS, MARÉCHAL.] Recueil de 3 ouvrages en un volume in-8, solidement habillé de grosse toile verdâtre, étiquette manuscrite sur le dos, gardes de papier marbré, tranches rouges. Reliure du XVIIIe siècle.
« 850 €
« [HOLBACH (Paul-Henry Thiry, baron d')]. Le Bon sens, ou idées naturelles opposées aux idées surnaturelles. S.n., Londres, 1774. [2] ff., XII-302 pp.
Seconde édition de cet ouvrage paru pour la première fois en 1772, après Le Système de la Nature et peu de temps avant Le Système social. On recense 2 éditions de 1774, celle-ci est différente de celle conservée à la Bnf.
Grimm dit [de] cet ouvrage dans sa correspondance littéraire en janvier 1773 : « c’est le système de la nature dépouillé de ses idées abstraites et métaphysiques ; c’est l’athéisme mis à la portée des femmes de chambres et des perruquiers ; c’est le catéchisme de cette doctrine écrit sans prétention, sans enthousiasme, d’un style précis et simple, parsemé d’apologues pour l’édification des jeunes apprentis athées. » Cette édition sera condamnée en 1774 par le Parlement à être lacérée et brûlée, en même temps que De l’homme d’Helvétius, et sera mise à l’index en 1775. (cf. Jammes, Bucher, n°97.)
Vercruysse, Bibliographie descriptive des écrits du Baron d’Holbach, 1774/A2.
« Suivi de : Traité des trois imposteurs, s.l., s.n., 1775. 152 pp. (Sign. A-I8, K4.)
Seconde édition de cet ouvrage anticlérical de la fin du XVIIe ou début du XVIIIe s. sur l’imposture des fondateurs des trois religions monothéistes. Composé probablement entre 1678 et 1688, il circula d’abord sous forme manuscrite, diffusé en diverses versions et sous des différents titres. Le titre primitif, L’esprit de Spinoza (en 8 chapitres), fut remanié en 1721 sous le titre De tribus impostoribus ou Traité des trois imposteurs (en six chapitres). Le texte fut fixé dans sa forme définitive en 1768 puis réédité de 1775 à 1796.
Il a été attribué par certain à Jan Vroes, conseiller à la cour de Brabant, par d’autres, dont Barbier, à Jean-Maximilien Lucas, protestant établi en Hollande à partir de 1667. L’auteur y fait l’apologie de la méthode exégétique décrite dans le Traité théologico-politique de Spinoza. Le chapitre VI est consacré aux Esprits qu’on nomme Démon. La fin est occupée par : Sentimens sur le Traité des trois imposteurs, extrait d’une lettre ou Dissertation de M. de La Monnoye à ce sujet ; Réponse à la Dissertation de M. de La Monnoye. – La Réponse est signée : J. L. R. L. Elle est attribuée à Pierre-Frédéric Arpe, par une note imprimée, et à Jean Rousset, par Barbier et par Haag.
Bnf : R-52698. Barbier IV, 788-789. Plessis, Essai d’une bibliographie de la sorcellerie…, n° 276.
« Suivi de : [MARÉCHAL (Sylvain).] Fragmens d’un poème moral sur Dieu. A [A]theopolis, l’An premier du règne de la Raison, 1781. 91 pp.
Édition originale. L’épigraphe du titre donne le ton : « L’Homme a dit : faisons Dieu ; qu’il soit à notre image. Dieu fut ; & l’ouvrier adora son ouvrage ».
Personnage haut en couleurs, surtout le rouge, Sylvain Maréchal (1750-1803) : poète léger, érudit, athée, journaliste et dramaturge révolutionnaire, conspirateur communiste plutôt anarchisant, appartient tout à la fois au mouvement littéraire, au mouvement philosophique et au mouvement social de la fin du 18e.
Cioranescu II, 42499. Maurice Dommanget, « Sylvain Maréchal, L’égalitaire, L’homme sans Dieu (1750-1803). Vie et œuvre de l’auteur du « Manifeste des Égaux », Paris, Spartacus : Cahiers mensuels, juill.-déc. 1950, in-8°, 516 p. »
Si la lecture de certains auteurs, tels, par exemples, Salluste (Περι θεων και κοσμου [À propos des dieux et du monde]), Baruch Spinoza (Tractatus Theologico-Politicus [Traité théologico-politique]), Voltaire (Dictionnaire philosophique), Sigmund Freud (Der Mann Moses und die monotheistische Religion [L'Homme Moïse et la religion monothéiste]), Alain de Benoist (Comment peut-on être païen ?), Éric Stemmelen (La Religion des seigneurs)… vous insupporte, vous exaspère voire, alors, ménagez-vous !, épargnez-vous la lecture des ouvrages de l'athée baron d'Holbach.
Quant à l'avocat et auteur plein de verve Simon Nicolas Henri LINGUET (auteur de : La Cacomonade ; un essai, un recueil, traitant de médecine, de théories médicales…), qui naquit à Reims en 1736 et décéda à Paris en 1794, il se montra un adversaire de la mouvance philosophique par la rédaction de quelques ouvrages (entre 1767 et 1792).
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N. B. : numérisation : BNF-Gallica ; livre issu des collections de : BNF ; téléchargé depuis : gallica.bnf.fr.
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N. B. : numérisation : International Psychoanalytic University Berlin ; conservation : International Psychoanalytic University Berlin ; téléchargé depuis : archive.org.
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Table des matières de l’ouvrage de Sigmund Freud (Amsterdam : Verlag Allert de Lange, 1939) :
INHALT [Contenu ; ou : Table des matières]
I. MOSES EIN ÄGYPTER [Moïse un Égyptien]…7
II. WENN MOSES EIN ÄGYPTER WAR [Si Moïse était un Égyptien]… 27
III. MOSES, SEIN VOLK, UND DIE MONOTHEISTISCHE RELIGION [Moïse, son peuple et la religion monothéiste]…95
Erster Teil [Première partie]
Vorbemerkung I [Note préliminaire I]…97
Vorbemerkung II [Note préliminaire II]…101
A. Die historische Voraussetzung [Prémisse historique ]…105
B. Latenzzeit und Tradition [Temps de latence et Tradition]…119
C. Die Analogie [Analogie]…130
D. Anwendung [Exploitation]…144
E. Schwierigkeiten [Difficultés]…165
Zweiter Teil [Seconde partie]
Zusammenfassung und Wiederholung [Résumé et récapitulation]…183
a. Das Volk Israel [Le Peuple D'Israël]…186
b. Der grosse Mann [Le grand Homme]…189
c. Der Fortschritt in der Geistigkeit [Le Progrès dans la spiritualité]…197
d. Der Triebverzicht [Le Renoncement aux pulsions]…204
e. Der Wahrheitsgehalt der Religion [Véracité de la religion]…216
f. Die Wiederkehr des Verdrängten [Le Retour du refoulé]…220
g. Die historische Wahrheit [La Vérité historique]…225
h. Die geschichtliche Entwicklung [Le Développement historique]…232
Le mythe mosaïque, il convient de le noter, relève d’un type légendaire dont il se démarque peu…
Voici donc un extrait de l'ouvrage présenté dans cette rubrique (de l'édition en langue allemande) : Sigmund Freud. Der Mann Moses und die monotheistische Religion – Drei Abhandlungen. Amsterdam : Verlag Allert de Lange, 1939. S. 14-17 (I. Moses ein Ägypter) :
« Im Jahre 1909 hat 0. Rank, damals noch unter meinem Einfluss, auf meine Anregung eine Schrift veröffentlicht, die betitelt ist „Der Mythus von der Geburt des Helden”.1) Sie behandelt die Tatsache, dass „fast alle bedeutenden Kulturvölker… frühzeitig ihre Helden, sagenhaften Könige und Fürsten, Religionsstifter, Dynastie-, Reichs-, und Städtegründer, kurz ihre Nationalheroen in Dichtungen und Sagen verherrlicht” haben. ,, Besonders haben sie die Geburts – und Jugendgeschichte dieser Personen mit phantastischen Zügen ausgestattet, deren verblüffende Ähnlichkeit, ja teilweise wörtliche Übereinstimmung bei verschiedenen, mitunter weit getrennten und völlig unabhängigen Völkern längst bekannt und vielen Forschern aufgefallen ist. » Konstruiert man nach dem Vorgang von Rank, etwa in Galtonscher Technik, eine „Durchschnittssage”, welche die wesentlichen Züge all dieser Geschichten heraushebt, so erhält man folgendes Bild :
« ,, Der Held ist das Kind vornehmster Eltern, meist ein Königssohn.
« Seiner Entstehung gehen Schwierigkeiten voraus, wie Enthaltsamkeit oder lange Unfruchtbarkeit oder heimlicher Verkehr der Eltern infolge äusserer Verbote oder Hindernisse. Während der Schwangerschaft oder schon früher erfolgt eine vor seiner Geburt warnende Verkündigung (Traum, Orakel), die meist dem Vater Gefahr droht.
« Infolgedessen wird das neugeborene Kind meist auf Veranlassung des Vaters oder der ihn vertretenden Person zur Tötung oder Aussetzung bestimmt ; in der Regel wird es in einem Kästchen dem Wasser übergeben.
« Es wird dann von Tieren oder geringen Leuten (Hirten) gerettet und von einem weiblichen Tiere oder einem geringen Weibe gesäugt.
« Herangewachsen, findet es auf einem sehr wechselvollen Wege die vornehmen Eltern wieder, rächt sich am Vater einerseits, wird anerkannt anderseits und gelangt zu Grösse und Ruhm.”
« Die älteste der historischen Personen, an welche dieser Geburtsmythus geknüpft wurde, ist Sargon von Agade, der Gründer von Babylon (um 2800 v. Chr.). Es ist grade für uns nicht ohne Interesse, den ihm selbst zugeschriebenen Be – richt hier wiederzugeben : » […].
« […].
« Die uns vertrautesten Namen in der mit Sargon von Agade beginnenden Reihe sind Moses, Kyros und Romulus. Ausserdem aber hat Rank eine grosse Anzahl von der Dichtung oder der Sage angehörigen Heldengestalten zusammengestellt, denen dieselbe Jugendgeschichte, entweder in ihrer Gänze oder in gut kenntlichen Teilstücken, nachgesagt wird, als : Odipus, Karna, Paris, Telephos, Perseus, Herakles, Gilgamesch, Amphion und Zethos u. a. »
Note du bas de la page 14 :
« 1) Fünftes Heft der „Schriften zur angewandten Seelenkunde”, Fr. Deuticke, Wien. Es liegt mir ferne, den Wert der selbständigen Beiträge Ranks zu dieser Arbeit zu verkleinern. »
Voici comme est traduit par Olivier Mannoni cet extrait du texte de S. Freud (N. B. : nous indiquons en complément des appels des notes de bas de pages le n° de la page où il se trouve) :
« En 1909, Otto Rank, encore sous mon influence à cette époque, a publié à mon instigation un texte intitulé Le Mythe de la naissance du héros 2 p18. Il traite du fait que « presque tous les peuples civilisés importants […] nous ont transmis, dans de multiples légendes et œuvres littéraires, des traditions dans lesquelles ils ont glorifié, depuis les temps les plus anciens, leurs héros, leurs rois et princes légendaires, leurs fondateurs de religions, de dynasties, d’empires et de villes, bref, leurs héros nationaux. C’est surtout l’histoire de la naissance et de la jeunesse de ces surhommes qui paraît dotée de traits fantastiques. La ressemblance de ces traits, voire leur concordance parfois littérale chez des peuples différents, parfois très éloignés les uns des autres et vivant dans une complète indépendance les uns par rapport aux autres, est depuis longtemps connue et n’a pas manqué d’attirer l’attention de nombreux chercheurs 1 p19 ».
Si l’on reconstruit selon le procédé de Rank, par exemple dans la technique de Galton, une « légende type » qui ferait ressortir les traits essentiels de toutes ces histoires, on obtient le tableau suivant :
« Le héros est l’enfant de parents des plus éminents ; c’est la plupart du temps un fils de roi.
» Sa naissance est précédée par des difficultés, comme la continence, ou une longue période de stérilité, ou des rapports clandestins entre les parents à la suite d’interdits ou d’obstacles extérieurs. Au cours de la grossesse ou même avant, un présage (rêve, oracle) vient mettre en garde contre cette naissance, annonçant le plus souvent un danger pour le père.
» En conséquence, le nouveau-né est destiné à la mort ou à l’exposition, le plus souvent à l’instigation du père ou d’une personne qui en tient lieu ; habituellement, il est confié à l’eau dans un coffret.
» Il est ensuite sauvé par des animaux ou des gens de basse condition (des bergers) et allaité par un animal ou par une humble femme.
» Devenu grand, il retrouve, à travers maintes aventures, ses nobles parents, se venge de son père et, d’autre part, il est reconnu et parvient à la gloire et à la renommée 1 p20 »
« Le plus ancien des personnages historiques auxquels est associé ce mythe de la naissance est Sargon d’Agadé, le fondateur de Babylone (vers 2800 avant J.-C.). […] »
« […]
« Dans la série qui débute avec Sargon d’Agadé, les noms qui nous sont le plus familiers sont ceux de Moïse, de Cyrus et de Romulus. Par ailleurs, Rank a rassemblé un grand nombre de figures héroïques issues des textes poétiques ou de la saga, auxquels on prête la même histoire de jeunesse, ou bien totalement, ou bien sous forme de fragments très reconnaissables, qu’à Œdipe, Karna, Pâris, Télèphe, Persée, Hercule, Gilgamesh, Amphion et Zethos, etc. »
Note de la page 18 :
« 2. Loin de moi l’idée de diminuer la valeur des contributions autonomes de Rank à ce travail.
Note de la page 19 :
« 1. Otto Rank, Le Mythe de la naissance du héros (1909), Paris, Payot, 1983, p. 31. Traduction modifiée. (N.d.T.)
Note de la page 20 :
« l. Ibid., p. 89. »
Il nous semble utile, dès maintenant, de rappeler à notre lecteur l’épisode biblique nous contant comment Moïse fut « sauvé des eaux » du Nil (nous citons la traduction de « La Bible Osty » ; Exode Chap. 2, 1-14) :
« Naissance et jeunesse de Moïse
« 2
« Un homme de la maison de Lévi s’en alla prendre une fille de Lévi. 2 La femme conçut et enfanta un fils. Voyant qu’il était beau, elle le cacha pendant trois mois. 3 Comme elle ne pouvait plus le tenir caché, elle prit pour lui une corbeille en papyrus, qu’elle enduisit de bitume et de poix, y mit l’enfant et la déposa dans les joncs, sur la rive du Nil. 4 La sœur de l’[enfant] se tint à quelque distance pour savoir ce qui lui adviendrait. 5 La fille de Pharaon descendit au Nil pour se baigner, tandis que ses suivantes marchaient le long du Nil. Elle vit la corbeille au milieu des joncs et envoya sa servante pour la prendre. 6 Elle ouvrit et elle le vit, lui, l’enfant ; c’était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut compassion et dit : « C’est quelque enfant des Hébreux. » 7 La sœur de l’[enfant] dit à la fille de Pharaon : « Veux-tu que j’aille t’appeler parmi les femmes des Hébreux une nourrice qui t’allaitera l’enfant ? » – 8 « Va », lui dit la fille de Pharaon, et la jeune fille s’en fut appeler la mère de l’enfant. 9 La fille de Pharaon lui dit : « Emmène cet enfant et allaite-le ; et moi je te donnerai ton salaire. » La femme prit l’enfant et l’allaita. 10 Quand l’enfant eut grandi, elle l’amena à la fille de Pharaon. Il devint pour elle un fils et elle l’appela du nom de Moïse ; « car, dit-elle, je l’ai tiré des eaux ».
« Moïse tue un Égyptien et s’enfuit en Madiân
« 11 Or, en ces jours-là, Moïse, qui avait grandi, se rendit chez ses frères et vit leurs corvées. Il vit un Égyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères. 12 S’étant tourné de tous côtés et voyant qu’il n’y avait personne, il frappa l’Égyptien et l’enfouit dans le sable. 13 Il sortit le lendemain, et voici que deux Hébreux se querellaient. Il dit à celui qui avait tort : « Pourquoi frappes-tu ton prochain ? » 14 Celui-ci dit : « Qui t’a établi chef et juge sur nous ? Penses-tu me tuer comme tu as tué l’Égyptien ? » Moïse prit peur et se dit : « À coup sûr, la chose est connue ! » […] »
(In : La Bible. Traduction française sur les textes originaux par Émile Osty avec la collaboration de Joseph Trinquet. Introductions et notes d’Émile Osty et de Joseph Trinquet. Paris : Seuil, 1973. 2620 p. P. 146 col. 2 ; p. 147 col. 1-2.)
Ci après, la teneur des notes de bas de pages [situées p. 146 (col. 1 et 2) ; p. 147 (col. 1)] correspondant au texte biblique cité :
« 2
« La majeure partie de ce chapitre est formée par les documents élohiste (v 1-15a ; ou, selon d’autres, v 110) et yahviste (v 15b-23a ; ou, selon d’autres, v ll-23a), auxquels s’ajoute un fragment du document sacerdotal (v 23b-25).
« 1-10 Récit bien connu sur « Moïse sauvé des eaux », souvent rapproché des légendes antiques relatant enfances et destinées des fondateurs d’empire ou de religion (Sargon, Cyrus, Persée, Romulus et Rémus) ; tout en possédant son originalité propre, c’est avec la légende de Sargon, roi d’Akkad (3e millénaire av. J.-C.). qu’il offre le plus de ressemblances.
« 1 « prendre » en mariage. – Lit : « la fille de Lévi », c’est-à-dire une femme de la descendance de Lévi. Mais voir la généalogie de 6,20, et la note. – Récit tout centré sur Moïse : on n’apprendra qu’incidemment au v 4 qu’il a une sœur bien plus âgée que lui ; ce serait Miryam, sœur d’Aaron, 15,20 ; Nomb 12,1 ; 26,59. – Au ch 6,18.20, le document sacerdotal nomme les parents de Moïse, et le frère de celui-ci, Aaron (cf 3,14), de trois ans son aîné (7,7).
« 2 « il était beau (lit : bon) » : comparer avec Ac 7,20, et He 11,23. – Elle le cacha pour le soustraire aux mesures édictées en 1,16.22.
« 3 « corbeille » : traduction (d’après vulg fiscella) d’un terme hébreu tébah, « caisse », qu’on ne rencontre qu’ici et en Gn 6,14 s, où il désigne la construction flottante édifiée par Noé : cette dernière est traditionnellement appelée (d’après vulg arca) l’Arche de Noé. Un autre terme hébreu est usité pour « l’arche » d’alliance, voir 25,10, et la note. – Le papyrus est employé même pour la construction de barques légères (cf Is 18,2). – « la rive », lit : « la lèvre ».
« 5 « ses suivantes », lit : « ses jeunes filles ». – « le long », lit : « la main », « le côté ».
« 7 « femmes des Hébreux », lit : « Hébreues », cf, 15 ; « une nourrice » (cf Gn 24,59 ; 35,8), lit : « une qui allaite ».
« 8 « la jeune fille » : le terme hébreu ('almâh) désigne une jeune fille nubile, une adolescente (Gn 24,43). Elle a donc au moins douze à quinze ans de plus que Moïse.
« 9 « allaite-le », lit : « allaite-le pour moi ».
« 10 « eut grandi » : à l’âge du sevrage, environ trois ans cf Gn 21,8. – Moïse est adopté par la fille de Pharaon qui se charge de l’éduquer. D’après la tradition juive « il fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens » (Ac 7,2122). – Le nom de Moïse (en hébreu môchèh, que l’étymologie populaire rapproche ici du verbe hébreu mâchâh, « tirer ») est probablement d’origine égyptienne et signifie « garçon, fils » (comme’dans Thut-mosis, Ramsès, « fils de Thot », « fils de Ra », divinités égyptiennes).
« 11 « en ces jours-là » : ceux de l’oppression des Hébreux par Pharaon (1,8-14). Moïse est devenu un homme. – La vue des « corvées » (cf 1,11) est cause de chagrin et de sympathie douloureuse. – « un Égyptien », peut-être un des « chefs de travaux » (1,11). – « un de ses frères » : Moïse connaît ses origines et ne les a pas reniées. – Pour ces versets 11-16, voir la présentation des faits en Ac 7,23-29.35 ; He 11,24-26.
« 12 « de tous côtés », lit : « de-ci de-là ».
« 13 « le lendemain », lit : « le second jour ». – « se querellaient » : ce verbe en hébreu suggère aussi l’échange de coups, cf 21,22 ; Lev 24,10 ; 2 Sam 14,6 ; Deut 25,11. – « à celui qui avait tort », lit : « au méchant », au coupable ; voir 9,27 ; 23,7, note.
« 14 L’Hébreu n’a vu dans le geste de Moïse que celui d’un meurtrier, et non celui d’un futur libérateur du peuple. […] »
(In : La Bible. Traduction française sur les textes originaux par Émile Osty avec la collaboration de Joseph Trinquet. Introductions et notes d’Émile Osty et de Joseph Trinquet. Paris : Seuil, 1973. 2620 p. Notes au bas des pages 146 [col. 1 et 2] et 147 [col. 1]).
« 1.6 • Trois millénaires durant
« Le régime profitait en fait essentiellement au clergé, qui en Égypte, trois millénaires durant (jusqu’à la conquête romaine), économiquement au moins, bénéficiant d’immunités accumulées au cours des âges, fut un « état dans l’état », les rois 217 ayant concédé aux dieux, à leurs temples donc, au clergé, aux clergés, en définitive, des possessions immenses 218, et au roi lui-même ; et indirectement à ceux qui dépendaient de lui : son entourage, son administration. Le roi était théoriquement propriétaire de l’Égypte entière, sol, animaux, êtres humains, et se réservait certains monopoles comme l’extraction des métaux, des pierres précieuses, l’exploitation des carrières nécessaires aux constructions des bâtiments, à la statuaire, le butin des razzias de son armée, le bénéfice des guerres étrangères.
« Le pays était éminemment centralisé, et l’ancienne aristocratie, privée de pouvoir effectif surtout dès le Nouvel Empire, puis les classes moyennes, quand timidement elles apparurent enfin, fournirent en fonctionnaires (scribes), une administration omniprésente, dont chaque secteur, la justice et ses tribunaux n’en constituant pas le moindre, était soumis à l’autorité d’un ministre. Au sommet de la structure gouvernementale se trouvait donc le roi entouré de ses conseillers, de ses ministres. La Basse Égypte et la Haute Égypte étaient chacune placée sous l’autorité d’un vizir dépendant directement du roi. Des gouverneurs étaient chargés de l’administration des nomes, aidés en cela par un corps de fonctionnaires ; c’était au niveau des nomes que se rendait la justice, réglée par la coutume et la jurisprudence ; de l’administration des nomes relevait aussi la surveillance des grands travaux de différentes natures entrepris par la monarchie, la levée des troupes, et le prélèvement des impôts. Ce dernier office permit l’immense fortune des rois du Nouvel Empire, leurs grands travaux, l’édification de temples gigantesques et nombreux, les guerres, l’entretien d’une administration colossale, à l’époque du moins, et l’entretien du harem du souverain, le train de vie pharaonique de la cour. »
Notes, de bas de pages, n° 217 et 218. P. 133 [A4] ; p. 200-201 [A5] — il s'agit des notes de bas de pages correspondant au texte cité ci-dessus —, qui permettront d’apprécier plus finement encore les éléments à prendre en considération :
Note n° 217 :
« 217 Le pharaon est un roi-prêtre, fils d’Amon, il règne siégeant sur le trône d’Horus des Vivants ; il préside aux cérémonies les plus essentielles du culte (par exemple celles appelant la crue du Nil) ; et le clergé n’officie, en quelque sorte, que par sa délégation.
« Il se trouva que l’un de ces pharaons, dotés de pouvoirs immenses et sans guère d’entrave, entreprit de prendre en main totalement la destinée religieuse, et non seulement religieuse mais artistique aussi, de l’Égypte. Il érigea un nouveau culte dont il fit assumer la charge, par la création de nouveaux impôts, par la taxation des autres cultes. Amenophis IV fut ce pharaon hérétique.
« Ce nouveau culte fut celui d’Aton. Aton était le disque solaire, conçu par Amenophis IV comme le symbole ou la manifestation visible d’un dieu suprême, ou unique sûrement selon de très nombreux auteurs. Le culte d’Aton débuta probablement sous l’apparence d’une simple hétérodoxie, avant d’être ressenti comme une hérésie sans doute, avant d’acquérir tous les caractères d’une réforme religieuse fondamentale, d’un hénothéisme, d’une nouvelle religion hégémonique indubitablement, ou exclusive voire. Amenophis IV (nom évoquant Amon, et signifiant « Satisfaction d’Amon »), qui choisit de se nommer Akhenaton (nom faisant référence à Aton, et signifiant « Serviteur d’Aton », « Serviteur du disque solaire » (les anglo-saxons transcrivent généralement ce nom sous la forme : Ikhnaton), est considéré par de nombreux auteurs, souvent ceux-là mêmes évoqués ci-dessus, comme le fondateur du monothéisme (cf. FREUD, Sigmund. Moise et le monothéisme. Paris : Gallimard, 1980.(Idées nrf). 183 p.). Akhenaton fit construire une nouvelle capitale : Akhetaton (« Horizon du disque ») et prit l’initiative de provoquer la naissance d’une nouvelle esthétique, d’un art nouveau à la fois naturaliste et presque caricatural.
« Une dizaine d’années après le début de son règne, Akhenaton créa un « traumatisme profond. Des milliers de textes et d’images d’Amon furent martelées dans tout le pays et pour ses successeurs, Akhenaton devint un souverain maudit : celui dont le cartouche est ignoré sur les listes royales des Ramsès ! » (In TRAUNECKER, Claude. Akhenaton théologien et économiste. Religions & histoire, novembre-décembre 2009, n° 29. P. 43).
Note n° 218 :
« 218 Par exemple, vers le milieu du XIIe siècle av.n.è. (à l’époque de Ramsès III, vers la fin de la XXe dynastie), le dieu Rê d’Héliopolis jouissait du service de 13 000 hommes, de l’exploitation de domaines de 45 000 ha, possédait 45 000 bestiaux, le dieu Amon, quant à lui, de 80 000 hommes, 240 000 ha, 420 000 bestiaux. »
L ’Homme Moïse et la religion monothéiste, l’ouvrage de Sigmund Freud, comporte trois essais.
Les deux premiers de ces essais nous intéressent ici au premier chef : ils s’appuient sur des considérations linguistiques et historiques, archéologiques, et nous invitent à nous interroger en particulier sur l’identité de Moïse, et sur son unicité ; un seul homme nommé Moïse (Mosche en langue hébraïque) exista-t-il, ou bien en exista-t-il deux, un premier qui conduisit le peuple « hébreu » hors d’Égypte, un second qui vit sa carrière s’interrompre avant la conquête de Canaan, « la Terre promise » ?
Ces deux premiers essais nous invitent à nous interroger également, notamment, sur l’origine de la tribu des Lévites.
Selon les hypothèses développées, l’origine du nom même de Moïse apparaît ainsi être d’origine égyptienne, et Moïse se révèle-t-il être en fait très probablement, voire indubitablement, un Égyptien des plus cultivés et d’un rang social relativement élevé, ayant donc connaissance de la tentative amarnienne de réformer la vie politique et religieuse de l’Égypte, ayant lui-même des ambitions politiques et religieuses ; la tribu des Lévites aurait été composée, à l’origine, de la suite de Moïse, de ses gens, de son personnel, des Égyptiens qu’il aurait pu entraîner dans son aventure.
La glorification du « héros » Moïse dans le mythe se trouve exposé dans le texte biblique au chapitre 2 du livre de l’Exode (comme cela se trouve rappelé plus haut).
Toutefois il convient, nous semble-t-il, de remarquer (chapitre 2 du livre de l’Exode, versets 11 à 14) le fait que Moïse, se rêvant en nouvel Akhenaton, se rêvant maître d’un peuple qu’il se choisit, maître des corps et des esprits, ne paraît pas avoir en cela suscité chez ses nouveaux compatriotes un accueil très favorable, ni laissé dans les mémoires (le témoignage des rédacteurs du texte biblique en fait foi) une adhésion, un enthousiasme très spontané ; ce qui pourrait nous porter à considérer les hypothèses de S. Freud concernant la fin de l’homme Moïse, comme recevables…
P. 202-204 [A4] :
« 3.9 • Sargon l’Ancien, sauvé des eaux, élu d’Ishtar ; le divin, et sacrilège, Naram-Sin, pilleur et destructeur de l’E-kur
« Sargon, le roi puissant, le roi d’Akkad, je suis.
« Ma mère était grande-prêtresse ; quant à mon père jamais je ne le connus. Le frère de mon père vivait dans le pays des monts. Ma ville est Azupiranu, qui se trouve sur la rive de l’Euphrate. Elle me conçut, la grande prêtresse, ma mère, dans le secret, et secrètement me donna le jour. Elle me déposa dans une corbeille d’osier, dont elle assura le colmatage par du bitume, et me livra aux flots du fleuve, auxquels je ne pouvais me soustraire. Et le fleuve me porta ; vers Aqqi, le puiseur d’eau, il me conduisit. Aqqi le puiseur d’eau, qui abaissa son baquet, et qui, le relevant, me porta vers l’en haut. Aqqi le puiseur d’eau, m’adopta et m’éleva comme son fils. Aqqi le puiseur d’eau, me forma à sa fonction de jardinier. Alors que je n’étais qu’un jardinier, Ištar, pourtant, se prit pour moi d’une affection qui ne cessa de croître. Et alors, ainsi, pendant quarante ans je régnai en tant que roi ; et le peuple des têtes-noires je régissais et gouvernais.
« Avec des pics de cuivre, je vous le dis, je dus tailler ma route par les plus difficiles montagnes. Je vous le dis, je dus gravir les hautes montagnes, je vous le dis, traverser les monts à leurs pieds ; et les contrées marines, je vous le dis, par trois fois je cinglais vers elles et les visitais. Dilmun, je vous le dis, me fut soumise (…). La Grande Muraille des Cieux et de la Terre, je vous le dis, je la gravis. Ses nombreuses et lourdes pierres, je vous le dis, je les déposai.
« Un roi qui après moi viendra, peu importe qui il sera, qu’il exerce donc la royauté pour (…) années ! Qu’il gouverne le peuple des têtes-noires ! Qu’il taille sa route par les plus difficiles montagnes avec des pics de cuivre ! Qu’il gravisse les montagnes les plus hautes ! Qu’il traverse les monts à leurs pieds ! Qu’il cingle vers les contrées marines et les visite, par trois fois ! Qu’il soumette Dilmun ! Qu’il gravisse la Grande Muraille des Cieux et de la Terre ! Qu’il en dépose les nombreuses et lourdes pierres ! […] ». 335.
« Les commencements de la carrière de Sargon ne nous sont connus que par des textes, à connotations légendaires, qui semblent ne s’être développés qu’après son règne 336. « Bien sûr un individu extraordinaire peut occuper le trône sans être fils de roi et, dans ce cas, ses qualités, notamment militaires, ainsi que le choix divin d’autant plus invoqué que la légitimité dynastique fait défaut, jouent un rôle particulièrement important. » 337. Selon le peu que nous pouvons ainsi connaître de ses origines, Sargon aurait été un enfant abandonné, recueilli par un humble travailleur, et serait devenu jardinier avant de parvenir à la fonction d’échanson du souverain de Kiš ; qu’il aurait ensuite servi dans une fonction militaire ou il se serait illustré, avant de prendre le pouvoir, puis de conquérir, comme nous l’avons évoqué plus haut, exploit alors inédit, la Mésopotamie entière, l’Elam, et les contrées entre Euphrate et Méditerranée. Sargon l’Ancien usurpa donc le trône de Kiš et en bon propagandiste se forgea une histoire avantageuse, où la divinité se montre pour lui propice, où, non content de se voir de la sorte déjà distinguée, sa personnalité singulière et remarquable lui permet de se saisir avec bonheur de toutes les opportunités que lui offrit le destin ; son histoire « C’est l’histoire populaire des fondateurs de religion ou d’empire : l’histoire de Moise confié aux eaux et recueilli par la fille de Pharaon, l’histoire de Cyrus et de Romulus exposés et nourris par un berger jusqu’à l’adolescence. » 338. »
Note 335 (p. 202 [A4]) :
« 335 GOODNICK WESTENHOLZ, Joan. Legends of the Kings of Akkade. Winona Lake : Eisenbrauns, 1997. 410 p. P. 38-45 (s’y trouvent une translittération du texte antique, une traduction de ce texte antique en langue anglaise et des notes). La traduction-adaptation (de l’anglais vers le français) que nous donnons ici est de notre fait ; nous y faisons figurer par « (…) » les passages perdus, altérés, ou à la signification trop incertaine du texte antique, et par « […] » les passages que nous omettons sciemment.
« N.B.1 : le texte que nous citons ici, emprunté à l’ouvrage de Joan Goodnick Westenholz, est originellement un texte rédigé en vieux-babylonien, et porté sur des tablettes de la collection de Kuyunjik (tell sur le site de l’ancienne Ninive qui fut capitale de l’Assyrie) et qui furent peut-être découvertes dans la librairie du palais de Sennachérib (au sud du tell) ou dans le palais d’Aššurbanipal… Pour plus de précision : cf. GOODNICK WESTENHOLZ, Joan. Legends of the Kings of Akkade. Winona Lake : Eisenbrauns, 1997. 410 p. P. 37 (§ intitulé Circumstances of Discovery).
« N.B.2 : Dilmun correspond peut-être à l’île actuelle de Bahreïn.
Note 336 (p. 203 [A4]) :
« 336 « On n’oubliera pas que les recherches dans ces contrées sont conduites dans des contextes politiques rarement propices à un travail serein. Malgré ces difficultés, la Mésopotamie demeure la région où l’on peut aborder les dossiers qui sont au cœur de la question de la naissance de l’État, de la fin du VIIe à la fin du IIIe millénaire. Pendant ces quatre mille ans, on est passé, dans ce pays, d’un tissu léger de communautés villageoises à un État au sens moderne du terme.
« La chronologie absolue du début de cette période ne peut être établie que par des méthodes archéologiques alors qu’à partir de la date de l’invention de l’écriture, au tournant du IVe et du IIIe millénaire, on dispose de textes. Mais les dates fournies par ces derniers ne remontent pas, pour les plus solides, au-delà du milieu du IIe millénaire. Le débat actuel porte sur le règne du roi Hammurabi de Babylone, qu’un consensus plaçait, jusqu’à ces dernières années, entre 1792 et 1750 avant J.-C. Des travaux récents 3 proposent – et la discussion ne semble pas terminée – une chronologie plus courte selon laquelle il aurait régné un siècle plus tard, de 1696 à 1654. Tous les calculs portant sur une époque antérieure dépendent de ce choix. Si l’on remonte à la troisième dynastie d’Ur (fin du IIIe millénaire), la chronologie devient flottante. Au-delà, les difficultés croissent. Pour l’époque d’Akkad (XXIVe – XXIIe siècle), on connaît la succession des souverains, mais très mal la durée de leur règne. Les dates de Sargon d’Akkad sont donc controversées. Ce prince assure son autorité vers 2340 avant J.-C. selon les uns, un peu plus tard selon les autres. Antérieurement, la chronologie de l’époque sumérienne archaïque (de 2900 à 2300 av. J.C.) est appuyée sur deux sources différentes : les inscriptions royales, qui documentent bien l’histoire de la dynastie de Lagash (entre 2550 et 2350) et la Liste Royale Sumérienne, élaborée au début du IIe millénaire, qui énumère des rois « d’avant le Déluge » et les dynasties d’après le Déluge. À la suite de cet événement, « la royauté descendit à nouveau du ciel, la royauté fut à Kish ». Mais les compilateurs de ce document ont sans doute présenté comme successives des dynasties contemporaines et rivales. À l’intérieur de ce cadre, quelques faits « historiques » peuvent être retracés. La plus ancienne inscription royale, « Mebaragesi, roi de Kish », n’est qu’une simple marque de propriété incisée sur un fragment de vase d’albâtre. On connaît les noms des quatre premiers « rois » d’Uruk, mais ces « événements » ne constituent pas un tissu historique continu 4. » In : HUOT, Jean-Louis, Vers l’apparition de l’État en Mésopotamie. Bilan des recherches récentes. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2005/5, p.953-973 ; le texte cité se trouve aux p. 954, 955 : nous reproduisons ci-dessous les notes (n° 3, p. 954 et 955 ; n°4, p. 955) de bas de pages relatives à ce texte :
« « 3 – HERMANN GASCHE et alii, Dating the fall of Babylon. A reappraisal of second millennium chronology, Gand-Chicago, University of Ghent/Oriental Institute of the University of Chicago, 1998. Voir les commentaires de DOMINIQUE CHARPIN, « La politique hydraulique des rois paléo-babyloniens », Annales HSS, 57-3, 2002, pp. 545-559, ici p. 545 et n. 2, à compléter par HERMANN GASCHE, « La fin de la première dynastie de Babylone : une chute difficile », Akkadica, 124, 2003, pp. 205-220. »
« « 4 – Voir JEAN-LOUIS HUOT, Les Sumériens : entre le Tigre et l’Euphrate, Paris, Éditions Errance, 1989, pp. 229-242 ; ID. (dir.), « Sumer », in J. BRIEND et M. QUESNEL (éd.), Supplément au « Dictionnaire de la Bible », t. XIII, fasc. 72-73, Paris, Letouzey & Ané Éditeurs, 1999-2002, col. 77-359 [Sumer]. »
Note 337 (p. 203 [A4]) :
« 337 GRANDPIERRE, Véronique. Histoire de la Mésopotamie. Paris : Gallimard, 2010. 541 p. (Folio histoire). P. 128. »
Note 338 (p. 204 [A4]) :
« 338 MASPÉRO, Gaston. Histoire ancienne des peuples de l'Orient. Paris : Librairie Hachette et Cie., 1912. 912 p. P. 190.
« 612 TITE LIVE. Histoire romaine de Tite Live. Traduction nouvelle par MM. A. A. J. Liez, N. A. Dubois, V. Verger. Paris : C. L. F. Panckoucke, 1830. Tome premier. XIV p. et 401 p. (Bibliothèque Latine-française – Collection des classiques latins avec traduction en regard). P. 9, 11.
« N.B.1 : la page 10 est consacrée au texte latin ; l'orthographe est celle du temps de la traduction.
« N.B.2 : les récits mythologiques et légendaires relatifs à la fondation de Rome et concernant Romulus et Remus tout particulièrement, suivent un schéma très comparable à celui nous contant la naissance (et les péripéties qui la suivirent) de Sargon l'Ancien dont nous avons pu prendre connaissance plus haut.
« Tite-Live (Titus Livius) naquit aux environs de l'an 60 av.n.è. Son décès eut lieu en 17 de notre ère. Historien, il se consacra entièrement, dès 27 av.n.è., à la rédaction d'une histoire de Rome, qu'il laissa inachevée (les événements dépeints ne dépassent pas la date de la mort de Drusus Nero Claudius, frère de Tibère et père de Germanicus, en 9 av.n.è.). Une large partie de l’œuvre de Tite-Live ne nous est pas connue : sur 142 livres rédigés, 35 seulement nous sont parvenus. »
Relativement au même thème, encore, celui des anciennes légendes contant les destinées remarquables, extraordinaires, de certains personnages historiques, citons cette fois-ci un texte évoquant un autre personnage n’ayant pas été mentionné plus haut, Scyld, le fils de Scef, fondateur de l’une des dynasties danoises, et auquel aucun des auteurs mentionnés plus haut ne fait référence… :
« Eh quoi ! nous avons entendu parler de la valeur des rois qui gouvernèrent jadis les Danois des Lances et de l’héroïsme dont firent preuve ces princes ! Souvent Scyld, fils de Scef, remporta la victoire sur des foules d’ennemis et de nombreuses tribus. Lui qui avait été jadis recueilli dans le dénûment, il devint un redoutable seigneur ; ses malheurs furent réparés, car il grandit, sa renommée s’étendit dans le monde et un jour vint où tous ses voisins lui furent soumis et lui envoyèrent le tribut par-dessus les mers. Oui, c’était un excellent roi ! — Il eut un enfant que Dieu envoya pour être la consolation de ses sujets, car le Seigneur avait été témoin des maux que leur avaient causés pendant bien longtemps leurs ennemis. C’est pourquoi Dieu leur donna de la gloire en ce monde. Beowulf fut célèbre ; le nom du descendant de Scyld retentit au loin dans le Scedeland. (C’est ainsi qu’il sied à un jeune guerrier de se montrer prodigue de bienfaits et de trésors envers les amis de son père afin que, dans sa vieillesse, il trouve aussi des compagnons volontaires qui puissent le servir en cas de guerre : ainsi sa renommée grandira dans chaque tribu par des actions d’éclat).
« Quand le moment fatal fut venu Scyld partit, sous la garde de Dieu, pour le long voyage. Ses chers compagnons le portèrent à la mer, ainsi qu’il l’avait ordonné pendant qu’il régnait ; — son temps de puissance avait été long. Dans le port se trouvait une barque bien équipée, — la barque du roi. Ils y placèrent, près du mât, leur souverain. La barque était remplie d’objets précieux et de trésors venant de lointains pays. Jamais, à ma connaissance esquif ne reçut une plus belle parure d’armes et d’habits de guerre : cette masse de trésors devait partir avec lui sur les flots. Ils ne furent pas moins prodigues de dons envers lui que ne l’avaient été ceux qui l’avaient livré seul, après sa naissance, au caprice des vagues. — Ils firent flotter une bannière d’or au-dessus de sa tête, puis l’abandonnèrent à la mer. L’esprit tout rempli de tristesse ils n’auraient pu dire en vérité qui recevait la charge du navire. […] »
• N.B. 1 — C’est nous qui mettons en gras certains passages du texte cité.
• N.B. 2 — Il convient de remarquer que la traduction du texte en vieil-anglais (old-english) du Beowulf par Hubert Pierquin, [in : PIERQUIN, Hubert.Le Poème anglo-saxon de Beowulf — I - Introduction — Les Saxons en Angleterre — II - Le Poème de Beowulf - Texte et traduction – Notes - Index - Bibliographie rythmique - Grammaire – Lexique. Paris : Alphonse Picard & Fils, éditeurs. 1912] se montre, relativement au thème qui nous intéresse ici, plus équivoque, ambiguë, évasive, que la traduction de L. Botkine et de nombreuses autres traductions anglaises (new-english), françaises (par exemple celles d’André Crépin, de Daniel Renaud ou Jean Queval) ; le texte vieil-anglais correspondant au premier passage que nous mettons en gras dans la citation de la traduction de L. Botkine figurant ci-avant, H. Pierquin le traduit ainsi : « […] ainsi le comte les terrifiait-il, quand ils l'avaient, une première fois, rejeté. » ; quant au second passage mis en gras, voici la traduction correspondante de H. Pierquin : « Ils le chargèrent de présents, avec le même bon vouloir que d'autres avaient mis à l’envoyer, jadis, à l'aventure, dans la misère, et à l'abandonner, seul, sur les vagues. ».
Quant à la traduction du Beowulf par le très sérieux mais peu lyrique André Crépin, voici quelle est sa traduction des passages considérés ; le premier : « […] il fit trembler le noble guerrier après s’être jadis trouvé fort démuni. » ; le second : « Non, ils ne lui prodiguèrent pas moins d’offrandes, richesses de tout un peuple, que ne le firent ceux qui au début de sa vie le lancèrent solitaire sur les vagues encore enfant. » (In : CRÉPIN, André. BEOWULF – Édition diplomatique et texte critique, traduction française, commentaires et vocabulaire. Göppingen : Kümmerle Verlag, 1991. 2 volumes, 1051 p. — vol. 1 : 498 p. ; vol. 2 : de la p. 499 à la p. 1051. Premier passage : p. 602 ; second passage : p. 604).
• N.B. 3 — Le personnage éponyme de l’épopée anglo-saxonne n’est pas le roi danois Beowulf mentionné dans l’extrait cité plus haut, mais un Goth (un Suédois), héros, apparaissant un plus tard au cours du récit et qui connaîtra un grand et tragique destin, venu prêter son secours au roi des Danois, Hrothgar.
Ci-après vous trouverez une brève présentation de l’ouvrage de Sigmund Freud relevée sur le site « persee.fr »: Löwy Michael. Freud (Sigmund) L’Homme Moïse et la Religion monothéiste, trois essais. (In : Archives de sciences sociales des religions, n°62/2, 1986. pp. 273-274 ; https://www.persee.fr/doc/… ; fichier pdf généré le 14/03/2022) :
« FREUD Sigmund
« L’Homme Moïse et la Religion monothéiste, trois essais. Paris Gallimard 1986, 256 p.
« Cette nouvelle traduction par (Cornélius Heim) rend à nouveau disponible une des œuvres les plus surprenantes du fondateur de la psychanalyse terminée peu avant sa mort (1939). Dans sa préface (par ailleurs très admirative) Marie Moscovici en parle comme un texte insensé et un livre « à vrai dire assez fou ».
« La thèse centrale de l’ouvrage est suffisamment connue : Moïse n’était pas juif mais égyptien. Partisan du culte monothéiste du dieu Aton (établi de façon éphémère sous le règne du pharaon Akhenaton) il a transmis cette nouvelle foi aux Juifs et les guidés dans leur exode. Malgré l’assassinat de Moïse par les Juifs (hypothèse qu’il reprend à l’historien Sellin), la nouvelle religion survivra, fusionnée avec le culte du dieu Yahvé pratiqué par certaines tribus du Sinaï.
« Dans Totem et Tabou (1912) Freud avait déjà analysé les religions par rapport au meurtre du père dans la horde primitive. Examinant la tradition judéo-chrétienne dans cette optique il avance maintenant l’hypothèse suivante : le repentir suscité par le meurtre de Moïse donna son impulsion au désir d’un Messie qui devait revenir et apporter à son peuple la délivrance. Le Christ est devenu ce Moïse ressuscité, son substitut et son successeur.
« L’argument historique est discutable et repose comme le reconnaît honnêtement Freud sur des bases fragiles. On est néanmoins étonné de la créativité d’un esprit universel qui brasse l’herméneutique, l’histoire des religions, l’anthropologie, l’histoire sociale et la psychologie collective. Le premier titre que Freud a voulu donner à son essai était « L’Homme Moïse, un roman historique » : il s’agit en effet d’un texte où l’imagination a une place essentielle. Il n’en reste pas moins une des tentatives les plus originales et les plus passionnantes de retrouver les sources inconscientes des grandes religions monothéistes.
« Un aspect moins connu du livre est la façon inhabituelle dont Freud interprète la résurgence de l’anti-sémitisme dans l’Europe des années 30. Loin de l’expliquer par la tradition chrétienne (« l’enseignement du mépris »), il le perçoit comme la réaction de certains peuples devenus tardivement chrétiens, restés sous une mince teinture chrétienne « épris d’un polythéisme barbare ». Ils n’ont pas surmonté leur aversion contre la religion nouvelle et par conséquent « leur anti-sémitisme est au fond de l’anti-christianisme » (p. 185)…
« Michael Löwy. »
En quoi donc le texte de Freud peut-il paraître révéler un caractère « insensé » ou « assez fou », en quoi le texte de Freud n’en reste-t-il « pas moins une des tentatives les plus originales et les plus passionnantes de retrouver les sources inconscientes des grandes religions monothéistes » ?
Si le règne d’Amenhotep IV (ou, selon une terminaison hellénisante, Amenophis IV), qui prendra le nom d’Akhenaton, n’était pas connu, et que ce pharaon hérétique ayant initié la réforme amarnienne, une réforme religieuse majeure (culte d’Aton), ayant ordonné la construction d’une nouvelle capitale, ayant provoqué un renouveau des plus remarquables sur le plan artistique, n’apparaissait pas dans les listes dynastiques égyptiennes, alors, de telles appréciations de la part de certains commentateurs de l’ouvrage de Sigmund Freud auraient-ils pu se montrer recevables…
Les commentaires cités plus haut concernant l’ouvrage, procèdent, à notre sens, de certains partis-pris.
Les commentateurs, s’exprimant ici, ou uniquement évoqués, sont à n’en point douter, en considération de leurs appartenances à certains milieux, tributaires, par leurs formations, voire par atavismes éducatifs, didactiques, victimes d’une certaine sidération devant les textes bibliques (et plus particulièrement l’Ancien Testament ou même la Torah seulement, une part de celui-ci [i. e. le Pentateuque, ses cinq premiers livres : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome]), comme d’autres le sont devant les mythes compilés par les Bollandistes ou leurs adeptes, ces commentateurs sont, à n’en point douter, victimes d’une certaine subjugation, qui les condamnent à abdiquer plus ou moins une démarche raisonnante à l’égard des thèmes abordés ; alors, ils ne se montrent plus capables de simplement raisonner, mais de résonner seulement.
Quant à nous, qui ne sommes point universitaire, point historien de renom, point avide de découvrir un nouveau concept, nous estimons, et depuis longtemps déjà, avant même d’avoir lu l’ouvrage de Sigmund Freud, que la loi mosaïque procède de la réforme amarnienne, en est une résurgence. Nous estimons, comme nombre de personne s’étant un tant soit peu intéressées au sujet, qu’il est non seulement possible, mais probable, voire indubitable, que la réforme amarnienne se trouve à l’origine de la religion mosaïque.
Une telle hypothèse ne nous semble pas relever d’une folle imagination, mais, sans avoir une âme policière pourtant, ni une mentalité de juge d’instruction, relever de la simple logique. Et quand bien même serions-nous affligé d’un esprit religieux et monothéiste, et inféodé à la lettre du texte biblique, serions-nous tenté de considérer que la divine Providence aurait bien pu, sinon susciter l’initiative réformatrice d’Akhenaton, du moins l’utiliser, en tirer parti…
Que Sigmund Freud, dans la présentation de ses arguments dont l’originalité ne se révèle pas aussi flagrante que d’aucuns le prétendent (cf., relativement à l’appartenance de Moïse au monde égyptien, les théories de J. H. Breasted, et, en particulier en ce qui concerne la mort de Moïse, les hypothèses d’Ernst Sellin ; les travaux de ces deux historiens se trouvent évoqués par Freud lui-même), prenne de grandes précautions afin de ménager sa communauté ne nous paraît nullement en soi répréhensible ou infâme ; ainsi, pouvait-il raisonnablement penser ne pas s’aliéner les siens, contrairement à Spinoza, par exemple, ou penser ne pas s’aliéner nombre d’autres personnes.
N. D. É. :
• Akhenaton (ou : Akhnaton, Ikhnaton…), et son épouse Néfertiti (ou : Nofretete…) : XIVe siècle av.n.è. ;
• « amarnien », « amarnienne » : du toponyme « Tell el-Amarna », site où se trouvent les ruines de la capitale (Akhetaton) bâtie sur l’ordre d’Akhenaton-Amenhotep IV, et où fut découvert le célèbre buste de la reine Néfertiti ;
• Moïse : circa 1100 av.n.è. ;
• l’école « bollandiste » (du nom du Jésuite Jean Bolland [XVIIe siècle] ; les Jésuites relèvent d’un ordre religieux catholique [la Compagnie de Jésus ; en latin : Societas Jesu] ; le catholicisme est une obédience chrétienne) : entreprit de compiler les vies écrites des Saints chrétiens et reconnus en tant que tels par l'Église catholique.
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